France : L’obligation des prestataires de transférer les noms de domaine enregistrés pour le compte de leurs clients

 

Noms de domaineLa société Tea Adoro, titulaire de quatre marques Tea Adoro, exerce une activité d’exploitation de salon de thé, comptoir de thé et épicerie fine. Désireuse de développer son activité, elle charge une agence de la conception de sites Internet et de l’enregistrement de noms de domaine en son nom. Or, dans la base Whois, le prestataire apparaît comme titulaire des noms de domaine objets du litige. En outre, privée des codes confidentiels permettant l’accès à de nombreux réseaux sociaux, la société Tea Adoro se voit dépourvue de contrôle des pages Internet en question.

Une telle situation n’est pas anodine ! Les sociétés peuvent ainsi se retrouver sous la dépendance technique et financière de leurs prestataires, titulaires des noms de domaine, portes d’accès à la cybercriminalité et au chantage commercial.

Dès lors, la société Tea Adoro a assigné l’agence chargée de la conception des sites en référé devant le Tribunal de grande instance de Paris pour que les noms de domaine lui soient transférés et les codes d’accès communiqués afin qu’elle puisse avoir la maîtrise effective des noms de domaine en cause.

Le Président du Tribunal de grande instance de Paris, par ordonnance de référé du 16 mars 2015[1], a ordonné au prestataire de procéder au transfert des noms de domaines enregistrés pour le compte de la société Tea Adoro.

Après avoir rappelé sa compétence, le président du Tribunal de grande instance de Paris a jugé que les preuves versées étaient insuffisantes pour conclure à une atteinte aux droits des marques. En revanche, les factures et les échanges d’e-mails permettent d’établir que les enregistrements de noms de domaine ont été faits par le prestataire pour le compte de la société Tea Adoro. Estimant que la société Tea Adoro se trouve dans l’impossibilité d’exploiter les marques et notamment de poursuivre l’activité commerciale relative à la vente en ligne des produits sous ces marques, le juge des référés en conclut que « cette situation constitue un trouble manifestement illicite ». Il a donc ordonné le transfert des noms de domaine ainsi que la communication des codes d’accès aux réseaux sociaux.

Il est intéressant de rapprocher cette affaire d’un arrêt du 9 juin 2009[2] dans lequel la Cour de cassation avait jugé que le transfert d’un nom de domaine ne pouvait être obtenu en référé en vertu de l’article 809 du Code de procédure civile qui prévoit que le président du tribunal a pouvoir pour prendre des mesures conservatoires ou de remises en état pour prévenir un trouble imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. En effet, selon cet arrêt, le transfert d’un nom de domaine ne constitue « ni une mesure conservatoire, ni une mesure de remise en état ». Si le transfert d’un nom de domaine ne peut être obtenu en référé en vertu de l’article 809 du Code de procédure civil, cette décision rendue par le Tribunal de grande instance de Paris vient préciser que l’obtention du transfert d’un nom de domaine par une procédure judiciaire rapide demeure néanmoins possible par le biais du référé spécial prévu à l’article L.716-6 du Code de la propriété intellectuelle en matière de contrefaçon de marque. Cette solution bienvenue ne devrait que satisfaire les titulaires de marque.

[1] TGI Paris, 16 mars 2015, Tea Adoro et Mme R. / Millenium Brands Distribution c.v. et Millenium Sales & Marketing Ltd

[2] Cass. Com., 9 juin 2009, n°08-12.904