Comment la juridiction unifiée du brevet risque de favoriser les patent trolls

Symbole copyrightEncore à l’état de projet, la juridiction unifiée du brevet doit à terme être exclusivement compétente en matière de brevet européen et de brevet européen unitaire. Sur le principe, un accord a été trouvé entre tous les Etats membres de l’Union européenne à l’exception de l’Espagne et de la Pologne, mais la cohérence du projet reste à améliorer. Pour cela, les états planchent sur ce projet déjà plébiscité depuis plus de 40 ans. Ils en sont à l’heure actuelle à leur 15ème amendement.

 

Cet amendement est justement au cœur du débat puisqu’il favoriserait les patent trolls, ces sociétés dont la principale ou unique activité est d’attaquer en justice d’autres sociétés, enfreignant ou non leurs brevets, dans le but d’obtenir un dédommagement important. Ainsi en 2006, la société RIM, fabriquant des téléphones Blackberry, a versé 612,5 millions de dollars à la société NTP afin de stopper un contentieux engagé devant les tribunaux américains.

 

Deux articles de la version actuelle de l’accord instituant la juridiction unifiée du brevet sont problématiques à cet égard.

 

D’abord, l’article 42 donne à la juridiction un pouvoir d’appréciation particulièrement important sur le degré de violation du brevet, que le titulaire doit prouver pour obtenir des mesures conservatoires. Ainsi les différentes divisions de la juridiction pourraient appliquer ces critères avec plus ou moins de laxisme. Il deviendrait donc aisé pour tous les titulaires de brevet, y compris les patent trolls, d’obtenir de telles mesures conservatoires, même lorsqu’elles ne se justifient pas objectivement.

 

Ensuite, l’article 33 instaure un mécanisme de séparation des actions. Ainsi, si les procès pour violation de brevet sont intentés devant des divisions « locales » de la juridiction, les demandes reconventionnelles en nullité du brevet peuvent, à la discrétion de la juridiction, être traitées par la division locale ou renvoyées à la division centrale de la juridiction. Dans ce dernier cas, les actions deviennent indépendantes et le juge local n’aura pas à surseoir à statuer. Il sera donc possible d’obtenir des condamnations en contrefaçon de brevets invalidés !

 

Les géants de l’innovation tels que Google, Yahoo ou encore Apple appellent à un changement radical de l’accord, qui « permette de se concentrer sur l’innovation plutôt que les litiges ».

 

Il sera intéressant de voir si la prochaine révision de l’accord inclura des mesures pour lutter contre les patent trolls, d’autant que les institutions européennes n’avaient jamais envisagé un système qui encourage les procédures abusives en matière de brevet.