Principales considérations pour les exploitations viticoles et les entreprises du secteur en France

L’étiquetage du vin ne se limite pas à indiquer le cépage, la région ou le millésime : il constitue un véritable support de communication et de différenciation. Qu’il s’agisse de l’habillage d’une bouteille (forme, design graphique), de la police d’écriture ou du logo, chaque élément contribue à l’identité d’une marque. En France, deux grands domaines juridiques s’appliquent à la protection de cet univers visuel : le droit d’auteur (pour les créations artistiques) et le droit des marques (pour les signes distinctifs).

Cet article aborde les principes clés du droit d’auteur et du droit des marques applicables au packaging et à l’étiquetage du vin en France, tout en soulignant les liens avec les règles spécifiques du secteur vitivinicole (protection des appellations d’origine, mentions obligatoires, etc.) et en proposant des conseils pratiques pour sécuriser durablement vos créations.

L’importance de l’habillage et de l’étiquetage dans l’industrie viticole

Différenciation de marque et perception sur le marché

  • Identité visuelle : Sur un linéaire de cavistes ou dans un supermarché, la première chose que voit le consommateur est l’étiquette. Un design soigné, des couleurs singulières ou un logo impactant peuvent attirer l’attention et encourager l’achat.
  • Histoire et terroir : De nombreux domaines utilisent l’étiquette pour raconter l’histoire du vignoble, du terroir ou de la famille propriétaire. Illustrations, photos du château, symboles héraldiques… ces éléments participent à la mise en scène de l’univers du vin.

Statistique utile : Selon certaines études relayées par le Comité National des Interprofessions des Vins (CNIV), plus de 60 % des décisions d’achat en rayon se font en fonction de l’aspect visuel de la bouteille et de l’étiquette.

Rencontre entre art et commerce

Le design d’une étiquette de vin dépasse la simple fonction d’information. Il s’agit souvent d’une véritable création graphique, objet d’inspiration artistique, tout en étant un support marketing pour mettre en avant la qualité et la personnalité du produit. Cette double dimension—artistique et commerciale—explique qu’en France, on retrouve à la fois des enjeux de droit d’auteur (pour protéger l’œuvre) et de droit des marques (pour sécuriser l’identité commerciale).

La protection par le droit d’auteur pour les étiquettes et packagings

Ce que couvre le droit d’auteur

En France, le Code de la propriété intellectuelle protège les « œuvres de l’esprit » dès lors qu’elles sont originales et mises en forme. Pour une étiquette de vin, peuvent être protégés :

  • Illustrations, dessins, motifs : Toute création originale est éligible à la protection.
  • Photographies : Si l’étiquette comporte une photo spécifique (château, vignoble), cette image est protégée dès sa fixation.
  • Typographies ou mises en page originales : Certains agencements de texte peuvent revêtir une originalité protégeable.

La protection naît automatiquement dès la création de l’œuvre, sans formalité obligatoire. Toutefois, il est fortement recommandé de sécuriser la preuve de l’antériorité (enveloppe Soleau auprès de l’INPI, dépôt auprès d’une société d’auteurs, huissier, etc.) pour faciliter d’éventuelles actions en justice.

Avantages de la protection et bonnes pratiques

  • Dissuasion des contrefacteurs : Prouver la titularité du droit d’auteur et l’originalité d’une création peut renforcer la crédibilité face à d’éventuelles copies.
  • Base légale d’action : En cas de copie partielle ou intégrale, le titulaire du droit d’auteur peut demander des dommages-intérêts et, le cas échéant, faire saisir ou détruire les produits contrefaisants.
  • Utilisation de mentions légales : L’insertion d’une mention « © » suivie de l’année et du nom du titulaire, bien que non obligatoire, peut jouer un rôle dissuasif.

Conseil pratique : Lors de la conception d’une nouvelle gamme (édition limitée, cuvée spéciale), pensez à constituer un dossier qui regroupe tous les éléments de création (croquis, fichiers numériques, contrats avec le graphiste) pour prouver clairement l’originalité de votre œuvre.

Limites de la protection par le droit d’auteur

  • Éléments fonctionnels : Les mentions obligatoires (taux d’alcool, volume, mentions légales) imposées par la réglementation vitivinicole ne sont pas protégeables, car elles relèvent d’exigences factuelles.
  • Expressions génériques ou descriptives : « Vin de France », « Côtes du Rhône », « Bordeaux » ne sont pas protégeables en tant que création.
  • Caractère original : Seules les formes ou idées véritablement nouvelles et créatives peuvent donner lieu à la protection.

Le droit des marques appliqué à l’étiquetage et au branding

Éléments distinctifs susceptibles d’être protégés

Le droit des marques, géré en France par l’INPI (Institut national de la propriété industrielle) pour les marques nationales, protège les signes permettant de distinguer les produits ou services d’une entreprise. Pour l’univers vinicole, cela englobe :

  • Le nom de la marque ou du domaine : Exemple : « Château Montfleuri ».
  • Logos, sigles, emblèmes : Tout signe figuratif reconnaissable.
  • Slogans : S’ils présentent un caractère distinctif (ex. « La pureté du terroir »).
  • Habillage ou forme de la bouteille (trade dress) : À condition qu’ils soient originaux et non purement fonctionnels.

Rôle de l’INPI et extension internationale

La marque déposée et enregistrée auprès de l’INPI offre une protection sur tout le territoire français. Cependant, le vin français s’exporte fréquemment, et une protection plus large peut être envisagée :

  • Marque de l’UE (EUIPO) : Couverture dans les 27 États membres de l’Union européenne.
  • Système de Madrid (OMPI) : Permet une extension à différents pays (États-Unis, Chine, Japon, etc.) via un guichet unique.

Le principal avantage du dépôt de marque est l’obtention d’un droit exclusif : aucun tiers ne peut utiliser un signe identique ou similaire pour des produits identiques ou similaires, s’il existe un risque de confusion.

Agrément réglementaire vs. enregistrement en marque

Il est essentiel de distinguer :

  • L’agrément ou homologation du nom du vin (ou la validation des mentions sur l’étiquette) par les instances viticoles ou par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) pour la mise en marché en France.
  • L’enregistrement en marque auprès de l’INPI, qui vise à protéger le signe sur le plan juridique.

Le fait qu’un nom ait été validé comme conforme aux règles d’étiquetage (mentions légales, appellations, etc.) ne signifie pas qu’il soit automatiquement disponible ou protégeable en tant que marque. Les conflits peuvent survenir a posteriori si une autre personne détient une marque antérieure similaire.

Exemple : Un domaine choisit « Clos de la Colline » comme dénomination pour sa cuvée et obtient l’autorisation d’étiquetage. Mais si un concurrent a déjà déposé « Domaine La Colline » comme marque, le risque de confusion est grand, et des litiges peuvent s’ensuivre.

Recoupements et conflits potentiels

Droit d’auteur vs. droit des marques

  • Droit d’auteur : Protège l’aspect « créatif » et original de l’étiquette (illustrations, visuels).
  • Droit des marques : Protège le signe distinctif, c’est-à-dire le nom, le logo, et tout élément perçu comme identifiant commercial.
    Ces deux protections peuvent coexister. Par exemple, une étiquette richement décorée peut être protégée par le droit d’auteur sur l’illustration et par le droit des marques sur le logo et le nom.

Mentions géographiques et appellations

En France, l’usage d’une appellation d’origine protégée (AOP) ou d’une indication géographique protégée (IGP) obéit à des règles strictes. Les organismes de défense et de gestion (ex. CIVC pour Champagne, BIVB pour Bourgogne, etc.) surveillent l’utilisation de ces noms.

  • Appellation vs. marque : Il est interdit de déposer à titre de marque un nom qui imite ou évoque une AOP si le vin ne provient pas de cette région ou ne respecte pas le cahier des charges.
  • Refus pour déceptivité : L’INPI peut rejeter une demande de marque qui induirait le consommateur en erreur (ex. évoquer un terroir précis sans en respecter les conditions).

Écueils fréquents

  1. Marques trop descriptives : « Rosé Méditerranée » ou « Blanc de Provence » risquent de se voir refuser l’enregistrement comme marque si elles décrivent simplement le type de vin et la région.
  2. Coexistence problématique : Deux domaines voisins utilisant le même nom ou presque identique pour des produits similaires.
  3. Absence de veille : Lorsqu’on ne surveille pas la publication des nouvelles marques (BOPI), on peut laisser un concurrent enregistrer un signe trop proche et perdre la possibilité de s’y opposer à temps.

Études de cas, statistiques et exemple fictif

Étude de cas : Un conflit autour d’un design d’étiquette

Un domaine du Bordelais crée une étiquette très artistique, représentant un paysage nocturne avec un vignoble en clair-obscur. Le graphiste conservait les droits d’auteur, tandis que le domaine souhaitait modifier certaines nuances pour une édition spéciale.

  • Conflit : Le graphiste a estimé que la modification portait atteinte à l’intégrité de l’œuvre et n’avait pas donné son accord pour une version altérée.
  • Règlement : Après négociation, le domaine a acquis les droits d’exploitation additionnels. Cette situation souligne l’importance de clarifier, via un contrat, la titularité et l’étendue des droits sur l’œuvre créée.

Statistiques INPI

Selon un rapport de l’INPI publié en 2025, les dépôts de marque dans la classe 33 (boissons alcoolisées, sauf bières) ont augmenté de 10 % en trois ans. Dans le même temps, le nombre de litiges liés à l’étiquetage et à la dénomination de vins a progressé, témoignant d’une concurrence renforcée dans le secteur vitivinicole.

Exemple fictif : Domaine des Arômes

Le « Domaine des Arômes » lance une nouvelle cuvée baptisée « Harmonie Florale », avec un visuel représentant un bouquet de fleurs dessiné à la main.

  1. Dépôt de marque : Le domaine dépose « Harmonie Florale » et un logo stylisé auprès de l’INPI.
  2. Droit d’auteur : Le domaine s’assure d’être cessionnaire des droits sur l’illustration, réalisée par un illustrateur professionnel.
  3. Validation AOP : Le vin revendique une AOP existante. La mention est autorisée, car la cuvée remplit le cahier des charges.
  • Résultat : Le domaine évite tout risque de contestation et protège à la fois son identité visuelle (droit d’auteur) et sa marque (dépôt INPI).

Conseils pratiques pour protéger le packaging et l’étiquetage

Négocier des contrats clairs avec les créatifs

Lorsqu’un graphiste ou une agence travaille à la conception de votre étiquette :

  • Contrat écrit : Définir précisément qui détient les droits d’exploitation et d’adaptation de l’œuvre.
  • Portée et durée : Préciser si l’image peut être utilisée sur d’autres supports (site web, PLV, affiches, etc.), et si des modifications futures sont envisageables.
  • Cession vs. licence : En fonction de votre stratégie, vous pouvez acheter la totalité des droits ou souscrire à une licence d’utilisation.

Vérifier la disponibilité avant le lancement

  • Bases INPI : Vérifier si le nom ou le logo envisagé n’est pas déjà protégé.
  • Maillage régional : Consulter les registres de marques au niveau de l’UE (EUIPO) si vous prévoyez de vendre au-delà de la France.
  • Appellations et mentions légales : Vérifier la compatibilité avec la réglementation viticole (cahier des charges AOP, mentions obligatoires).

Déposer, surveiller et faire respecter

  • Dépôt anticipé : Ne tardez pas à déposer la marque auprès de l’INPI pour éviter qu’un tiers ne prenne les devants.
  • Veille : Surveillez régulièrement le Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle (BOPI) pour détecter d’éventuelles marques similaires.
  • Réaction rapide : En cas de contrefaçon ou d’usurpation, envisagez l’opposition (phase administrative) ou une action judiciaire si nécessaire.

Envisager une protection internationale

Les vins français s’exportent dans le monde entier. Un dépôt en France ne suffit pas toujours.

  • Marque de l’UE : Couverture uniforme dans 27 pays via l’EUIPO.
  • Protocole de Madrid (OMPI) : Dépôt centralisé pour désigner plusieurs pays (États-Unis, Chine, Japon, etc.).
  • Règles locales : Dans certains pays, l’usage de termes évoquant l’origine ou le style de vin peut être strictement réglementé (ex. usage du terme “Champagne” à l’étranger).

Conclusion et appel à l’action

Dans un secteur aussi concurrentiel que le vin, l’habillage et l’étiquetage sont des leviers essentiels pour capter l’attention, transmettre un message de marque et valoriser un terroir. Le droit d’auteur offre une protection sur l’aspect créatif (illustrations, visuels, photographie), tandis que le droit des marques sécurise les signes distinctifs (nom, logo, slogan).

Pour tirer le meilleur parti de ces protections, il est recommandé d’anticiper en amont toutes les démarches (contrats avec les créatifs, recherches d’antériorité, dépôts), de surveiller la concurrence et de faire valoir ses droits en cas d’atteinte. Une approche méthodique et une vision stratégique permettent de protéger à la fois la valeur artistique et la notoriété commerciale de votre vin.

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Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

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