Action en contrefaçon

Comment protéger ses obtentions végétales à l’étranger ?

 

Les obtentions végétales offrent de nombreux avantages aux obtenteurs et notamment un retour sur investissements afin de couvrir les frais de recherches. En effet, de longues années de travail sont généralement nécessaires pour mettre au point de nouvelles variétés végétales (entre 10 et 15 ans pour un grand nombre d’espèces végétales).

 

De nombreux obtenteurs souhaitent aussi s’exporter à l’international mais protéger ses obtentions végétales à l’étranger s’avère souvent complexe.

 

Les législations européennes mais aussi internationales sont harmonisées en raison de l’application de la Convention UPOV (Union internationale pour la protection des obtentions végétales) qui compte 76 membres.
En vertu de cette Convention, le droit de l’obtenteur est accordé lorsque la variété remplit plusieurs conditions : la nouveauté, la distinctivité, l’homogénéité et la stabilité. Enfin, la variété devra être désignée par une dénomination appropriée.

 

 

 

 

La protection dans l’Union européenne :

Le dépôt de la demande :

Il existe depuis 1995 un titre communautaire unitaire : le certificat d’obtention végétale communautaire. Ce titre produit les mêmes effets qu’un titre national dans chaque Etat membre.
Cependant, il est important de savoir que ce titre n’est pas cumulable avec les titres nationaux. Avant d’effectuer une demande, l’obtenteur devra donc faire un choix pour protéger sa nouvelle variété.

La demande de protection devra être déposée auprès de l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV). L’obtenteur français peut déposer sa demande directement devant l’OCVV mais aussi auprès de l’INOV (Instance Nationale des Obtentions Végétales) qui transmettra la demande à l’OCVV.

De plus, il existe certaines exigences relatives au contenu de la demande. Il faudra par exemple faire figurer :
• Les noms de l’obtenteur et du mandataire de la procédure s’il y en a un,
• Les informations concernant le taxon botanique (groupe d’organismes),
• La désignation provisoire donnée à la variété,
• Les informations relatives à la commercialisation antérieure de la variété,
• Les informations sur les demandes antérieures concernant la variété,
• Les délais relatifs à la priorité,
• La preuve du paiement.
Il convient également de remplir un questionnaire technique et un formulaire de désignation d’un représentant procédural (si le demandeur n’est pas ressortissant de l’Union européenne).

Le critère de nouveauté :
Afin de remplir le critère de nouveauté, les variétés ne devront pas avoir été commercialisées depuis plus d’un an au sein de l’Union européenne et depuis plus de 4 à 6 ans (selon la variété) en dehors de l’Union européenne. Au-de

là de cette période (nommée « délai de grâce »), la variété ne sera plus considérée comme nouvelle.

La protection lors du Brexit :
Le titulaire français d’un titre d’obtention végétale communautaire ne cessera pas d’être protégé au Royaume- Uni en raison du Brexit. En effet, le Royaume Uni a annoncé la création automatique de titres d’obtention végétale britanniques qui seront équivalents pour tous les titres communautaires enregistrés avant la date du Brexit.

Etendue de la protection :
L’étendue de la protection de l’Union européenne est similaire à celle conférée par de la législation française. Ainsi seront soumis à l’autorisation du titulaire : la production et la reproduction, le conditionnement en vue de la multiplication, l’offre à la vente, la vente ou autre commercialisation, l’exportation à partir de l’Union européenne, l’importation au sein de l’Union européenne et le stockage à l’une des fins susmentionnées.
La protection est applicable également aux produits de la récolte obtenus sans le consentement de l’obtenteur à moins que ce dernier n’ait eu une possibilité raisonnable d’exercer son droit et enfin, elle s’applique aussi aux variétés essentiellement dérivées.

Protection pendant la période provisoire :
Durant la période provisoire (période comprise entre le dépôt de la demande et l’octroi du droit) l’obtenteur pourra faire valoir ses droits exclusifs contre tous les actes qui auraient nécessité son autorisation après l’octroi du droit.
Cependant, l’obtenteur ne pourra obtenir qu’une « rémunération équitable ».

Prévention de la contrefaçon :

Enfin, à propos de la surveillance douanière aux fins de se prémunir contre la contrefaçon, les titres d’obtentions végétales sont inclus dans les droits de propriété intellectuelle soumis au Règlement européen 608/2013 du 12 juin 2013 concernant le contrôle, par les autorités douanières, du respect des droits de propriété intellectuelle.

 

La protection internationale :

Au niveau international, la législation est largement unifiée par la Convention de l’UPOV.
Cependant, la Convention offre la possibilité aux législateurs nationaux de tenir compte des circonstances nationales. L’obtenteur devra donc s’informer au préalable des spécificités nationales éventuelles afin d’assurer la protection de ses titres dans les meilleures conditions.
Attention, certains pays ne sont pas membres de l’UPOV !

Le dépôt de la demande :
Lors du dépôt de la demande, deux possibilités s’offrent à l’obtenteur :
• Le dépôt de sa demande dans chacun des offices nationaux ;
• Le dépôt de sa demande à l’aide du système multilatéral de dépôt prioritaire UPOV PRISMA. Cet outil en ligne permet de déposer, par l’intermédiaire d’un système unique, toutes ses demandes auprès des services de protection des obtentions végétales participants. Il faut cependant être vigilent car certains pays ne font pas partie de ce système UPOV PRISMA comme la Corée du Sud, le Japon ou encore la Chine (uniquement pour les laitues).
L’obtenteur devra également prendre en compte les délais de la procédure d’examen qui sont en moyenne d’une durée de 1 à 2 ans. Mais ces délais peuvent s’avérer beaucoup plus longs dans certains pays (parfois plus de 5 ans pour le Japon ou encore la Russie pour certains arbres fruitiers).

La protection pendant la durée provisoire :
Pendant cette période provisoire, l’obtenteur sera également protégé, comme pour le titre communautaire, contre les actes nécessitant son autorisation et aura le droit de réclamer une rémunération équitable.

 

Le critère de la nouveauté :
Dans la Convention UPOV, le délai de grâce concernant le critère de la nouveauté, comme pour les titres communautaires, sera d’un an au sein du pays dans lequel la protection est demandée, et de 4 à 6 ans à l’extérieur de ce pays. Attention tout de même à vérifier le délai de grâce prévu dans chacun des pays visés.

L’étendue de la protection :
Enfin, l’étendue de la protection des titres d’obtention végétale est la même que celle pour le titre communautaire dans les pays membres de l’UPOV en raison de l’application de la Convention ; sous réserve de certaines particularités nationales.

 

Si la Convention de l’UPOV a permis depuis 1961 d’harmoniser et d’instaurer une législation protectrice des obtentions végétales dans de nombreux pays, l’obtenteur, désireux de se développer à l’international, devra rester attentif aux législations nationales et à leurs spécificités.

 

Pour en savoir plus sur le conflit entre les marques et les variétés végétales.

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Remise en cause de la marque figurative à « 3 bandes » d’Adidas pour défaut de preuve de la distinctivité.

Dans l’arrêt « Adidas AG / EUIPO », T-307/17, en date du 19 juin 2019, la 9ème chambre du Tribunal de l’Union européenne (TUE) rejette l’action en appel formée par Adidas et remet ainsi en cause la distinctivité de sa marque figurative « à 3 bandes ». Le Tribunal rappelle l’importance de la preuve de la distinctivité.

 

A l’origine de cette décision, Adidas s’est opposé à l’enregistrement d’une marque à 2 bandes appartenant à la société Shoe Branding. Le TUE s’est penché sur les « 3 bandes » d’Adidas suite à une action en nullité intentée par Shoe Branding. Le 30 juin 2016, la division d’annulation de l’EUIPO a fait droit à la demande en nullité. Puis, le 7 mars 2017, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours formé par Adidas.

Adidas demande ainsi au Tribunal de l’Union européenne de reconnaître l’acquisition du caractère distinctif de sa marque par l’usage. A travers son arrêt d’espèce, le Tribunal relève une absence de distinctivité intrinsèque, mais également refuse de reconnaitre l’acquisition du caractère distinctif par l’usage. En effet, il est reproché à Adidas de ne pas avoir rapporté la preuve de cette distinctivité. Selon le Tribunal, l’acquisition du caractère distinctif par l’usage n’est prouvée que dans 5 des Etats membres.

 

Il convient de rappeler que la distinctivité d’une marque s’établit non seulement par rapport aux produits et services concernés, mais également par rapport à la perception du public pertinent. Si le TUE a considéré qu’il s’agissait ici de l’ensemble des consommateurs potentiels de ces produits, sur le territoire de l’UE, il a jugé que leur perception ne permettait pas d’associer ces « 3 bandes » à la société titulaire. Pourtant, ces « 3 bandes » sont associées à la société Adidas depuis de nombreuses années déjà. En outre, il n’existe pas de lien évident entre le signe et les produits qu’il désigne. La marque figurative que sont les « 3 bandes » ne désignent pas directement les produits visés, mais présente un caractère arbitraire. Ainsi, sa distinctivité et donc sa validité ne sauraient être remises en cause.

 

Cette jurisprudence contredit une décision dans laquelle le Tribunal a reconnu que la répétition de plusieurs éléments dans une marque figurative pouvait être admise (TUE, 9 novembre 2016, Birkenstock Sales/EUIPO, T-579-14). Toutefois dans l’arrêt d’espèce, le Tribunal qualifie la marque comme étant composée d’éléments d’une « extrême simplicité », ne suffisant pas à caractériser la distinctivité.

 

D’autre part, la distinctivité peut être acquise par l’usage (Com. 6 déc. 2016, n°15-19048). Concernant le défaut d’acquisition par l’usage, prévue par la Directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, il y a lieu de rappeler que ce caractère doit être démontré indépendamment pour chaque Etat de l’Union (CJUE, 3ème chambre, 25 juillet 2018, Nestlé SA c/ Mondelez UK Holdings & Services Ltd). En l’espèce, il est reproché à Adidas de ne pas avoir rapporté suffisamment de preuves à ce titre. Pourtant, et de manière constante, la jurisprudence européenne démontre que cette exigence peut paraître excessive, et qu’il convient donc d’apprécier ce critère de manière plus globale. Ainsi, si la distinctivité est démontrée, ne serait-ce que sur une partie substantielle du territoire de l’Union, elle peut être élargie par les juges sur l’ensemble du territoire, au regard de l’importance géographique des états dans lesquels elle a été démontrée. (CJUE, 24 mai 2012, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG c/ OHMI, C-98/11 P). Cette jurisprudence pourrait tout à fait s’appliquer à Adidas.

 

Ainsi, et sur la base du Règlement n°207/2009, le Tribunal de l’Union Européenne semble aller à l’encontre de ses précédents arrêts, en considérant que la marque figurative dont il est question n’est pas distinctive. Cependant, il ne faut pas y voir une invalidité absolue de la marque figurative, mais plutôt un rappel de l’exigence de preuve de la distinctivité par l’usage, dans chacun des Etats dans laquelle la protection est envisagée.

 

Pour conclure, un recours devant la Cour de justice est à prévoir car cette décision aurait un impact considérable pour Adidas qui possède plusieurs marques figuratives représentant des motifs répétitifs de ce type. Cependant, cet arrêt ne peut être qu’isolé, et ne saurait remettre en cause les autres marques d’Adidas, ni d’autres marques figuratives dont seraient titulaires d’autres sociétés.

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Décret relatif à la protection des affaires : le placement sous séquestre « provisoire » des documents saisis durant une saisie contrefaçon

Le décret n°2018-1126 du 11 décembre 2018 relatif à la protection du secret des affaires pour l’application de la loi n°2018-670 du 30 juillet 2018, publié au journal officiel le 13 décembre 2018, établit de nouvelles mesures pour préserver le secret des affaires.

Ce décret modifie notamment les règles pour protéger la confidentialité des documents saisis durant une saisie-contrefaçon. Désormais, un mécanisme de mise sous séquestre provisoire permet de protéger les documents saisis qui sont susceptibles de contenir des informations relevant du secret des affaires.

Avant l’entrée en vigueur de la loi relative à la protection des affaires, les juges avaient de plus en plus recours à la mise sous séquestre pour protéger la confidentialité des documents saisis lors d’une saisie-contrefaçon. Ce décret vient donc consacrer cette pratique jurisprudentielle avec le nouvel article R 153-1 du code de commerce  qui prévoit désormais la faculté pour le juge, autorisant des mesures d’instructions sur la base de l’article 145 du Code de procédure civile,  d’ordonner office le placement sous séquestre provisoire des pièces susceptibles de contenir des informations relevant du secret des affaires.

Le décret modifie dans la même logique les articles R. 521-2, R. 615-2, R. 623-51, R. 716-2 et R. 722-2 du Code de la propriété intellectuelle afin de donner les mêmes pouvoirs au juge autorisant une saisie-contrefaçon.

Cependant, cette mise sous séquestre n’est que provisoire. Pendant un délai d’un mois, le juge peut être saisi par la partie ou le tiers invoquant le secret des affaires, d’une demande de modification ou de retrait de son ordonnance.

Selon l’article R. 153-3 du Code de commerce, il appartient à la partie ou le tiers invoquant le secret des affaires, de faire parvenir au juge, dans le délai fixé par celui-ci :

  • La version confidentielle intégrale de cette pièce
  • Une version non confidentielle ou un résumé
  • Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires

Le juge peut également entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce.

A défaut d’avoir été saisi dans un délai d’un mois, le juge peut statuer sur la levée totale ou partielle et les pièces pourront ainsi être transmises au requérant.

En conclusion, il ressort de ces nouveaux articles que la partie qui voit ses documents saisis, peut grâce à ce mécanisme protéger la confidentialité de ses documents, du moins à titre provisoire. Dans le même temps, cela permet au requérant d’avoir accès aux documents saisis si aucune demande de rétractation de l’ordonnance n’est formulée dans un délai d’un mois.

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États-Unis : Un enregistrement auprès du Copyright Office nécessaire avant une action en contrefaçon

Dans un arrêt « Fourth Estate Public Benefit Corp. v. Wall-Street.com , LLC » du 4 mars 2019, la Cour suprême des États-Unis a tranché une question débattue depuis longtemps. Elle a décidé qu’afin de pouvoir intenter une action en contrefaçon, le titulaire d’un copyright sur une œuvre créée aux États-Unis doit préalablement l’avoir enregistré celui-ci auprès du Copyright Office, le bureau d’enregistrement de droits d’auteur américain.

En l’espèce, Fourth Estate Public Benefit Corporation, un producteur de nouvelles en ligne, avait accordé des licences de copyright sur certains de ses articles à Wall-Street.com, un site web de nouvelles. Le contrat de licence exigeait que le licencié supprime tout article produit par Fourth Estate une fois la licence expirée, ce que Wall-Street.com avait refusé de faire. Fourth Estate avait alors intenté une action en violation de son copyright contre Wall-Street.com. Ce dernier avait requis le rejet de cette action au motif que Fourth Estate ne pouvait intenter une action en contrefaçon avant que le Copyright Office n’ait donné suite à sa demande d’enregistrement. Le juge de première instance avait accueilli cette requête, et la Cour d’appel fédérale pour le 11ème Circuit avait confirmé cette décision. Fourth Estate avait alors demandé à la Cour suprême des États-Unis de revoir cette affaire, et celle-ci avait accepté sa requête.

Le débat portait sur l’interprétation de l’article 411 (a) du Copyright Act, la loi sur le droit d’auteur américain. Cet article prévoit qu’ « aucune action civile pour violation du droit d’auteur sur une œuvre des États-Unis ne peut être intentée avant que la demande de pré-enregistrement ou d’enregistrement du droit d’auteur ait été faite conformément au présent titre ».

La question était de savoir si, pour intenter une action en contrefaçon, il suffisait d’avoir déposé une demande d’enregistrement, accompagnée du paiement de la taxe et du dépôt des copies de l’œuvre requises, ou bien s’il fallait que le Copyright Office ait donné suite à cette demande. La Cour suprême a décidé que l’enregistrement du copyright « est effectué » lorsque le Copyright Office a procédé à l’enregistrement du copyright, ou bien s’il a définitivement refusé de procéder à ce dernier, après avoir examiné la demande dûment déposée. Cet arrêt souligne donc l’importance de la procédure d’enregistrement devant le Copyright Office.

 A cet égard, il est conseillé de procéder à une demande d’enregistrement de copyright le plus tôt possible. En effet, un enregistrement en amont présente d’importants avantages pour les titulaires de droits. Ainsi, si l’enregistrement est fait dans les cinq ans suivant la publication de l’œuvre, il a valeur probatoire. Si l’enregistrement est effectué dans les trois mois suivant la publication de l’œuvre, en cas d’action en contrefaçon, le titulaire des droits peut obtenir des dommages et intérêts forfaitaires ainsi que le paiement des honoraires de son avocat et non pas seulement une indemnisation du dommage réellement subi. De plus, une fois l’enregistrement effectué, le titulaire d’un copyright peut s’opposer à l’importation aux États-Unis d’œuvres contrefaites.

La possibilité pour un titulaire de copyright d’intenter une action en contrefaçon pour protéger ses droits n’est donc qu’un des avantages accordés au titulaire du copyright par la loi fédérale. Suite à cet arrêt de la Cour Suprême, les titulaires de copyright doivent désormais prêter la plus grande attention aux délais d’examen du Copyright Office. Celui-ci met approximativement sept mois pour examiner une demande d’enregistrement. Exceptionnellement, une procédure accélérée, appelée « special handling », conduit l’Office à statuer en cinq jours ouvrés. Il faut néanmoins s’acquitter de de taxes plus élevées que pour la procédure normale. Par conséquent, le déposant a intérêt à anticiper la défense de ses droits. Plus la demande d’enregistrement est déposée tôt, plus le déposant sera assuré de pouvoir défendre ses droits par en intentant une action en contrefaçon.

Selon l’article 411 du Copyright Act, en cas de refus d’enregistrement, le demandeur peut néanmoins intenter une action en contrefaçon si un avis à cet effet et une copie de la plainte sont transmis au Copyright Office. Ce dernier peut également intenter une action en contrefaçon dans les soixante jours suivants la signification en ce qui concerne son refus d’enregistrement. Un titulaire de droits exclusifs sur une œuvre a donc toujours la possibilité d’exercer une action en justice même si l’absence d’enregistrement rend sa situation plus précaire.

En conclusion, les titulaires de droits d’auteur aux États-Unis ont tout intérêt à enregistrer leur copyright. Par ailleurs, rappelons que malgré l’adhésion des États-Unis en 1989 à la Convention de Berne (1886), celle-ci n’est pas directement applicable en droit interne en vertu du Berne Convention Implementation Act de 1988. C’est pourquoi les titulaires de droits dans un pays parti à la convention de Berne, comme la France, ont intérêt à enregistrer leurs droits auprès du Copyright Office afin de pouvoir prétendre à tous les droits conférés par la loi américaine en matière de copyright. Cet enregistrement est particulièrement recommandé si le titulaire souhaite exploiter son œuvre par des contrats de licence (ex : software), ou si l’œuvre est destinée à être mise en ligne (ex : musique).

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Comment protéger au mieux un dessin et modèle ? Précisions suite à la décision « Trunki »

 

47« Trunki » contre « Kiddee case »

Dans une décision du 9 mars 2016, la Cour Suprême britannique s’est prononcée sur la prétendue contrefaçon d’un dessin et modèle communautaire de la valise « Trunki ». Cette décision était très attendue, elle donne de nombreuses indications sur les critères pris en compte par les juges dans l’appréciation de la contrefaçon des dessins et modèles communautaires réalisés à partir d’un ordinateur. Cette décision va avoir pour conséquence d’influencer les conseils à donner aux designers qui enregistreront leurs dessins et modèles dans le futur.

Le litige concerne deux sociétés anglaises fabriquant des valises pour enfants. Ces bagages se distinguent de bagages classiques et présentent une certaine originalité puisqu’ils ont l’allure d’animaux, permettent aux enfants de s’y asseoir à califourchon et d’avancer comme s’il s’agissait d’un trotteur. La société Magmatic qui fabrique les valises « Trunki », et a été concurrencée par PMS International, qui propose des modèles de valises similaires mais à prix discount, les « Kiddee case ».

En première instance, le juge avait estimé que le DMC de la valise « Kiddee Case » était une contrefaçon de la valise « Trunki ». La Cour d’appel a infirmé cette décision aux motifs que le juge n’avait pas interprété de la bonne façon l’impression d’ensemble du DMC. Il n’a par ailleurs pas pris en compte le manque d’ornementation sur la surface du DMC ainsi que les différences de couleurs entre le corps de la valise et les roues.

La position de la Cour d’Appel a été soutenue par la Cour Suprême qui a considéré que la valise « Kiddee Case » n’était pas une contrefaçon du DMC de Magmatic. A première vue, cette solution peut paraitre étonnante mais la Cour a n’a pas manqué de rappeler que le jugement n’avait pas pour but de protéger les idées mais de déterminer l’étendue de la protection d’un DMC. Le juge a admis qu’il était clair que la valise « Kiddee Case » a été conçue en s’inspirant du modèle de la valise « Trunki ». PMS International avait clairement énoncé qu’il souhaitait créer un modèle alternatif mais à prix discount, puisque cela n’existait pas actuellement sur le marché.

Evidemment mécontent de la décision de la Cour Suprême, le fondateur de Trunki a lancé une campagne #ProtectYourDesign sur Twitter, certes pour protester contre la décision mais également dans le but de militer pour une meilleure protection des designers.

Cette décision donne d’importantes indications sur les notions clés servant à l’appréciation de la contrefaçon d’un dessin ou modèle communautaire. Par le biais d’un obiter dictum, la Cour Suprême britannique a permis de clarifier la situation des dessins ou modèles générés par ordinateur, qui, on le sait désormais, bénéficient d’un champ de protection moins étendu que les DMC représentés par des dessins au trait.

Magmatic est titulaire d’un DMC constitué de six dessins. Ces derniers ont été réalisés à partir d’ordinateurs, on parle de DAO – Dessins Assistés par Ordinateur.

Impression visuelle d’ensemble, manque d’ornementation sur la surface et contrastes de couleurs

Pour déterminer si un dessin ou modèle en contrefait un autre, les juges se basent sur l’impression visuelle d’ensemble.  Dans l’affaire « Trunki » contre « Kiddee case », l’impression visuelle globale donnée par la valise « Trunki » est celle d’un animal à cornes tandis que la valise « Kiddee » renvoie plutôt à un animal à antennes ou ayant des oreilles. Il a été considéré que les cornes constituent un élément significatif du DMC étant donné qu’elles modifient l’impression visuelle d’ensemble de l’animal.

Les juges ont également estimé que le manque d’ornementation sur la surface renforce l’impression qu’il s’agit d’un animal à cornes donnée par le DMC de Magmatic. La simplicité ou le minimalisme peut explicitement constituer une caractéristique d’un dessin ou modèle.

C’est ce qui avait été décidé dans une des nombreuses décisions opposant Samsung à Apple à propos du design de leurs smartphones et tablettes.

 La décision Samsung Electronics Ltd v Apple Inc de 2013 concernait l’enregistrement d’un dessin et modèle d’iPad, reconnu pour son design minimaliste et pour lequel par conséquent le manque d’ornementation constitue un élément important du dessin et modèle. Lorsqu’un DMC crée par DAO ne présente pas d’ornementation, ce manque doit être interprété comme étant un caractère du modèle. En effet, ce type de technologie permet de créer facilement des détails tels que le décor de la surface d’un objet. Ainsi, son absence doit être interprétée comme étant délibérée.

Cela veut également signifier qu’il devient plus aisé pour les contrefacteurs de copier des dessins et modèles en toute impunité. Il suffirait d’utiliser des dessins ou modèles au design relativement épuré et d’y ajouter quelques ornementations pour enregistrer un dessin ou modèle similaire sans qu’il ne constitue une copie.

Concernant les couleurs, le DMC en question était représenté par des nuances de gris. Les roues, la sangle et le joint en caoutchouc central apparaissaient dans une autre nuance de gris que celle du reste de la valise. En première instance, le juge avait estimé que le DMC ne concernait que la forme et qu’ainsi, un contraste de gris n’était pas pris en compte. Le DMC ne prétendait pas à la protection d’une forme spécifique mais d’un objet présentant différentes couleurs.

Ces précisions apportées par la décision de la Cour Suprême britannique sont l’occasion d’offrir quelques conseils pratiques permettant de bénéficier de la meilleure protection de vos dessins et modèles :

  • La décision Trunki indique clairement que réaliser des dessins au trait permet de bénéficier d’une meilleure protection que s’il s’agit de dessins ou modèles réalisés par ordinateur (DAO).
  • Procéder à plusieurs dépôts est également préférable puisque la protection sera plus étendue.
  • Lors de l’appréciation de la contrefaçon, la comparaison de deux dessins n’est pas effectuée lorsque l’objet est en cours d’utilisation. Ainsi, s’il s’agit d’un produit complexe, c’est-à-dire un produit composé de plusieurs parties permettant à l’objet d’être dés-assemblé et ré-assemblé :
  • Il faut faire apparaitre sur le dessins ou modèle les parties visibles lors de l’utilisation normale du produit par le consommateur
  • Mais, il ne pas faire apparaitre les pièces non-visibles/pièces de rechange.
  • De plus, attention à ne pas ruiner la nouveauté ! Si le créateur divulgue le dessin, il détruit la nouveauté et donc le caractère propre du dessin ou modèle. Cependant, il existe une période de grâce de 12 mois après la divulgation qui lui de déposer son dessin ou modèle.
  • Par ailleurs, pour éviter tout litige ultérieur, il convient de s’assurer que le déposant est bien le titulaire des droits d’auteur portant sur le dessin ou modèle.
  • Enfin, avant toute démarche, il est nécessaire de s’assurer que le dessin ou modèle n’a pas déjà été déposé par quelqu’un d’autre.

Dreyfus peut vous conseiller et vous accompagner dans la protection de vos dessins et modèles.

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Comment protéger les recettes de cuisine ? Droit d’auteur ou Savoir-faire ?

 

Si la protection d’une recette de cuisine est rarement reconnue, elle n’est toutefois pas impossible. Une recette est généralement composée d’une liste d’ingrédients, suivie d’instructions de préparation. Il peut néanmoins en résulter un plat original. Son auteur peut dès lors ressentir une frustration du fait de la reproduction de son œuvre, sur différents types de supports, sans son avis ni mention de son identité, cependant les recours et fondements juridiques restent limités.

En droit français, pour qu’une création culinaire puisse se voir protéger par le code de la Propriété Intellectuelle, il faudrait qu’elle soit en mesure de satisfaire aux trois critères découlant des dispositions relatives au droit d’auteur. Elle devrait ainsi être une « œuvre de l’esprit », être matérialisée et porter « l’empreinte de la personnalité de son auteur », selon la terminologie consacrée par la jurisprudence (critère de l’originalité).

La doctrine moderne ne reconnait pas de protection aux recettes de cuisine que ce soit au niveau du copyright anglo-saxon, ou au titre du droit d’auteur des pays civilistes. Toutefois, la jurisprudence n’a pas toujours été constante sur ce point.

Déjà à l’occasion d’un rendu par le TGI de Paris en 1974[1], il avait été précisé que « si les recettes de cuisine peuvent être protégées dans leur expression littéraire, elles ne constituent pas en elles-mêmes une œuvre de l’esprit ; elles s’analysent en effet en une succession d’instructions, une méthode ; il s’agit d’un savoir-faire, lequel n’est pas protégeable ». La jurisprudence ne rejette pas définitivement la protection d’une recette de cuisine par le droit d’auteur. En effet, elle considère qu’une recette procède en théorie d’un savoir-faire. Elle ne peut dès lors, au même titre qu’une idée ou un mode d’emploi, prétendre à une protection par le droit d’auteur puisque la condition de fixation sur un support matériel et la condition d’originalité font défaut. Cependant, reste offerte la possibilité de protéger une recette de cuisine qui se démarquerait des autres. Quelques procédés pourraient permettre à des recettes d’obtenir une protection légale : la présence d’illustrations originales, une narration créative, l’allusion à une musique spécifique, une suggestion de présentation du plat réalisé, la recommandation d’un vin pour l’accompagner, le récit de l’origine de la recette, ou encore l’évocation de souvenirs associés à celle-ci.

Tous ces éléments peuvent être protégés par le Copyright ou droit d’auteur, même si la recette en elle-même ne peut prétendre à une telle protection. Ainsi, chaque copie d’une recette améliorée de cette manière devra spécifier le copyright en affichant le signe ©, ainsi que les informations qui l’accompagnent ((date de publication) (nom de l’auteur)), bien que ces mentions ne soient pas une condition nécessaire à la protection par le copyright.

Cependant, le copyright n’interdira à personne la réalisation de la recette, ni la prise de photo des diverses étapes ou du plat final, ni même la description de la recette dans des termes et expressions différentes.

Par ailleurs, s’il est possible de donner un nom à la création culinaire et de la protéger par un dépôt de marque, cela ne permet pas de protéger la création culinaire ou la recette en elle-même.

Aujourd’hui, force est de constater que la protection de la création culinaire est très faible : aucun droit de propriété intellectuelle ne permet d’apporter une protection claire et équivoque à l’œuvre culinaire, sous quelque forme qu’elle se présente.

Or, si les droits de propriété intellectuelle sont inefficaces, existe-il d’autres moyens juridiques ? En considérant une recette comme un savoir-faire, elle pourrait être protégeable par le secret de fabrique : de grandes marques comme Coca-Cola ou Kinder ont recours à cette technique pour garder leur recette secrète. Une recette secrète sera protégée du vol et donc de la reproduction. Cela implique toutefois de limiter l’accès à la recette à certaines personnes qui seront tenues d’une obligation de confidentialité ou auront au préalable signé un accord de non-divulgation. Par ailleurs, il sera prudent de préciser sur chaque copie de la recette qu’il s’agit d’un « Secret de fabrication. Interdit à la publication. Tous droits réservés ». Cependant, la protection tiendrait à des accords de confidentialité dont l’efficacité ne tient qu’à la bonne-foi de l’autre partie.

Ainsi, pour Jérôme Banctel, chef consultant du Groupe Mama Shelter, le moyen aujourd’hui le plus simple de protéger sa création serait justement de la publier : « Si on a une superbe idée, on s’empresse de la diffuser pour ne pas se la faire copier. On l’immortalise en divulguant l’information au maximum[2] ».

La protection par le droit d’auteur ou le savoir-faire est allouée au cas par cas. N’oubliez pas qu’une pincée d’originalité vous aidera à l’obtenir plus facilement !

[1] TGI Paris, 10 juil. 1974

[2] http://www.slate.fr/story/64233/recette-cuisine-propriete-intellectuelle

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« La Fuette » contre la « Fusette » : preuve de l’usage d’une marque comportant un logo

 

Le Fournil est titulaire de droits sur la marque française semi-figurative « La Fuette », désignant du pain et des services de boulangerie, notamment du pain de qualité supérieure commercialisé dans les boulangeries sous le nom commercial et l’enseigne « La Fuette ». La société Coup de pâtes, quant à elle, commercialise du pain précuit surgelé sous la dénomination « Fusette ».

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Après avoir effectué une saisie-contrefaçon, Le Fournil a assigné la société litigieuse en contrefaçon de marque et concurrence déloyale. Coup de pâtes a demandé reconventionnellement la déchéance des droits de la société Le Fournil sur sa marque « La Fuette ».

La cour d’appel de Paris a prononcé la déchéance de la marque. Un pourvoi en cassation a alors été formé au motif que la cour d’appel n’aurait pas appliqué les règles relatives à la déchéance. Dans sa décision, la Haute juridiction censure les juges d’appel et rend une décision extrêmement détaillée et riche en enseignant sur la déchéance pour non-usage, selon les dispositions de l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle français. En effet, le titulaire d’une marque doit pouvoir justifier d’un usage sérieux de sa marque pour les produits et services pendant une période ininterrompue de 5 ans.

Pour commencer, cette affaire s’inscrit dans un contexte particulier. Désignant des produits et services de boulangerie, la marque ne pouvait pas être apposée sur les produits alimentaires.

La cour de cassation prend en compte la spécificité de la marque et censure la cour d’appel en précisant que cette dernière aurait dû rechercher si la production des supports commerciaux et publicitaires accompagnant la commercialisation des produits pouvait démontrer l’exploitation effective de la marque, étant donné que cette dernière ne peut pas être apposée sur les pains fabriqués en boulangerie.

A cet égard, la Haute juridiction rappelle que « l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci ».

La cour d’appel aurait dû faire preuve d’une plus grande souplesse et tenir compte des étiquettes et panonceaux et de toutes autres pièces fournies par la société Le Fournil pour avoir une appréciation éclairée de l’exploitation commerciale litigieuse.

Par ailleurs, La Fuette a fourni des preuves d’usage de la marque verbale « La Fuette », alors que l’enregistrement était celui d’une marque semi-figurative. La cour d’appel a estimé que l’usage de la marque devait se faire sans aucune modification. Cette solution est sévère.

Mais le signe « La Fuette » n’est-il pas l’élément dominant de la marque ?

Or, l’arrêt de principe de la Cour de justice de la communauté européenne « Sabel » du 11 novembre 1997 (CJCE, 11 nov. 1997, Sabel, affaire C-251/95) a permis d’expliquer la notion d’élément « dominant » de la marque. Cette jurisprudence explique qu’une appréciation globale doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci. La perception des marques qu’a le consommateur moyen joue ainsi un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails.

La Cour de cassation a sanctionné à juste titre la sévérité de la cour d’appel qui avait considéré que les documents justificatifs apportés étaient sans effet au seul motif qu’il ne comportait pas l’élément figuratif. Il convenait de rechercher si l’élément verbal « La Fuette » était l’élément distinctif dominant, de sorte que son exploitation, même sans l’élément figuratif, constituait un usage de la marque sous une forme modifiée n’altérant pas son caractère distinctif.

La marque a pour fonction première et essentielle d’indiquer au consommateur l’origine des produits et/ou des services qu’elle désigne. Elle permet de ce fait d’identifier les produits et services d’une entreprise de ceux de ses concurrents.

Contrairement à la position que pouvait avoir la cour d’appel, la Cour de cassation a décidé, mentionnant un rapport de contrôle effectué par la Direction nationale de la concurrence et de la consommation réalisé le 14 novembre 2008, que le terme « La Fuette » était utilisé pour désigner un pain particulier dont il garantissait l’origine. La marque litigieuse permet donc d’identifier de façon effective ses produits et services de ceux de ces concurrents.

L’article L. 714-5 du CPI précise en effet dans son alinéa 4 qu’un usage sérieux commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans ne fait pas obstacle à la déchéance s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande. Ainsi, la cour d’appel n’avait pas à écarter certains actes d’exploitation invoqués à titre d’usage sérieux de la marque pour la seule raison que ces éléments étaient postérieurs à la période de trois mois à compter de la demande de déchéance et sans constater que la société Le Fournil avait à cette date connaissance de l’éventualité de la demande de déchéance. Cette exigence demande une certaine rigueur dans les délais qui doit être mise en œuvre par la Cour de cassation.

Il convient donc d’être prudent quant à l’usage de la marque. Il est crucial d’user effectivement de la marque comme elle a été enregistrée. A défaut, il peut être opportun de déposer une nouvelle marque.

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Vive Marseille ! La marque « Le Petit Marseillais » n’est pas trompeuse et se défend très largement : Le « P’tit Zef » imite « Le Petit Marseillais »

 

La cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 12 avril 2016, a validé la marque « Le Petit Marseillais », visant les savons en classe 3 et a condamné pour contrefaçon le titulaire de la marque « Le P’tit Zef ».

La validité de la marque « Le Petit Marseillais »

La société titulaire de la marque « Le Petit Marseillais » a engagé une action en contrefaçon contre la société titulaire de la marque « Le P’tit Zef ». Cette dernière a décidé en réponse de soulever la nullité du signe qui lui était opposé en raison de son caractère trompeur.

Effectivement, « Le P’tit Zef » essayait de se protéger en arguant qu’une marque « Le Petit Marseillais » donnait l’impression qu’elle prétendait être du savon de Marseille sans en être véritablement. Or, l’article L. 711-3 du Code de propriété intellectuelle français rappelle que « ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe […] de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ».

La cour d’appel de Paris remarque que la marque « Le Petit Marseillais » évoque le savon de Marseille dans l’esprit des consommateurs. En outre, les produits et services de cette dernière désignent effectivement du savon de Marseille en Provence. Or, la société « Le P’tit Zef » a mis en avant dans cette affaire que ces produits ne n’étaient pas originaire de la Provence mais de Côte d’Or.

Il convient donc, pour la cour d’appel, de vérifier si la société titulaire de la marque du « Petit Marseillais » avaient commis une tromperie en enregistrant le signe tel quel.

Les juges ont considéré qu’il n’existait pas dans cette affaire un risque de confusion ou d’erreur dans l’esprit du public. Effectivement, l’arrêt note que « selon la page Internet de l’encyclopédie en ligne Wikipédia versée aux débats, le terme « savon de Marseille » n’est pas une appellation d’origine contrôlée mais correspond simplement à une méthode de fabrication approuvée depuis mars 2003 par la DGCCRF ». Ainsi, par exemple, des savons provenant d’un autre pays ont la possibilité de prétendre à la qualification de « savon de Marseille » à partir du moment où le procédé de fabrication intègre un système de saponification.

 La cour ajoute que « la dénomination « le petit marseillais » reprise par les trois marques en cause ne peut, aux yeux du grand public concerné, désigner la provenance géographique des produits visés par ces marques, compte tenu de la connaissance qu’a ce public de la nature de ces produits ».

Ainsi, après s’être appuyé sur une page Wikipédia pour argumenter sa décision, ce qui peut paraitre étonnant, la cour a considéré que la marque « Le Petit Marseillais » n’était pas déceptive. Il n’est toutefois pas certain que la majorité des consommateurs soient conscient de la provenance du terme « savon de Marseille ».

 « Le P’tit Zef » imite « Le Petit Marseillais »

La cour d’appel de Paris ayant considéré la marque « Le Petit Marseillais » valable, elle a dû se prononcer sur la question de l’imitation de ce signe par la marque « Le P’tit Zef ».

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Par un arrêt du 25 mars 2014, la chambre commerciale de la Cour de cassation vient rappeler le principe fondamental selon lequel la contrefaçon et le risque de confusion s’apprécient par rapport aux ressemblance d’ensemble.

En effet, la Juridiction Européenne a souligné à plusieurs reprises que le consommateur moyen perçoit une marque comme un tout et ne se livre pas à l’examen de ses différents détails.

Ainsi, les juges doivent fonder leurs décisions sur l’impression d’ensemble produite par ces marques au plan visuel, phonétique et intellectuel, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

Visuellement, on apprécie la forme générale d’une marque figurative aussi bien que la structure des mots. Phonétiquement, les marques peuvent également être confondues par un consommateur n’ayant pas simultanément les deux signes sous les yeux.

Il est indéniable qu’il existe des éléments communs entre les deux signes, que ce soit pour la partie figurative des marques ou pour la partie verbale. En effet, les deux termes d’attaque présentent une forte similarité. Les termes « Le Petit » et « Le P’tit » sont équivalents.

Cependant, une appréciation globale visuelle et phonétique des deux signes pouvait conduire à penser que « Marseille » et « Zef » étaient suffisamment différent pour écarter tout risque de confusion.

Finalement, la cour s’est attardée sur une analyse de l’aspect intellectuel de la perception des marques. En effet, les signes distinctifs peuvent être confondus intellectuellement, le consommateur ayant en tête la première marque, il va lui associer la seconde.

La cour d’appel a considéré la dénomination « p’tit zef » comme étant une déclinaison d’une expression bretonne signifiant le « vent de chez nous » et désignant plus particulièrement une personne originaire de la ville de Brest. Les signes en cause présentent alors, pour les juges, de « fortes similitudes conceptuelles en renvoyant chacune à l’image d’un enfant originaire d’une ville portuaire française importante : Marseille pour la marque antérieure et Brest pour les marques secondes ». Le public est donc possiblement conduit à penser que « Le P’tit Zef » est une déclinaison bretonne du « Petit Marseillais ».

La cour d’appel a ici décidé de ne pas mentionner la notoriété que l’on peut attribuer à la marque « Le Petit Marseillais » afin de caractériser le risque de confusion, ce qui peut paraitre surprenant.

En outre, l’analyse faite par les juges se rapproche de la validité d’une protection du genre de la marque, alors que c’est un élément indéniablement non protégeable. Pour ne pas se perdre sur ce terrain, elle considère le concept de déclinaison, au lieu de raisonner de façon plus approprié sur un cumul des points de ressemblances et de conclure par une appréciation globale.

Par ailleurs, le raisonnement de la cour peut étonner quant à son appréciation des connaissances du consommateur. Effectivement, d’un côté, elle considère que ces derniers sont en mesure de savoir que l’expression « savon de Marseille » ne signifie pas que les produits proviennent exclusivement de la ville de Marseille mais qu’il fait référence à un procédé de fabrication, tout en estimant d’un autre côté, que ces consommateurs ne sont pas apte à discerner la différence entre les deux signes.

Toutefois, les juges ont bien décidé de condamner la société titulaire de la marque « Le P’tit Zef » pour contrefaçon, du fait du risque de confusion entre les deux signes.

C’est une décision intéressante qui confère une étendue particulièrement large de défense du droit des marques.

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Progression de la part de contrefaçon dans le commerce mondial

 

D’après le rapport de l’OCDE et de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle sur l’impact du commerce mondial de produits contrefaisants et piratés (« Trade in Counterfeit and Pirated Goods: Mapping the Economic Impact ») publié le 18 avril 2016, les importations de produits contrefaisants s’élèvent à 461 milliards de dollars américains, soit environ 2,5% des importations mondiales. Au niveau européen, les contrefaçons représentent jusqu’à 5% des biens importés sur le territoire de l’Union Européenne, soit l’équivalent de 85 milliards d’euros.

Aucune catégorie de produits n’est épargnée par la contrefaçon

Le rapport souligne ensuite que la contrefaçon peut toucher tout produit protégé par un droit de propriété intellectuelle. Les produits de luxe tels que les montres, les parfums ou les articles en cuir sont touchés de plein fouet. Les produits inter-entreprises tels que les produits chimiques ou les pièces détachées sont également victimes de contrefaçon ainsi que les produits de consommation courante comme les jouets, les médicaments ou les cosmétiques. Enfin, plus étonnant encore, des saisies sur des produits contrefaisants comme des fraises, des bananes ou de la cannelle ont été effectuées.

Les pays de l’OCDE touchés en majorité

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Les pays les plus touchés par la contrefaçon sont les Etats-Unis (20% des biens contrefaisants), l’Italie (15%), la France (12%) et la Suisse (12%). Par conséquent, les marques françaises comptent parmi les plus affectées. La Douane précise que « la France est particulièrement exposée en raison de la notoriété de ses marques et de la créativité de ses entreprises dans les domaines artistiques ».

Les « économies de provenance »

Les « économies de provenance » correspondent aux pays producteurs et aux pays dotés de points de transit dans le commerce international. La majorité des produits contrefaisants proviennent de Chine, pays étant la plus grande économie productrice (plus de 60% des produits contrefaisants dans le monde), et plus de 20% proviennent d’Hong-Kong. La Chine devance de loin la Turquie (3,3%), Singapour (1,9%), la Thaïlande (1,6) et l’Inde (1,2%). Les pays à revenu moyen et les pays émergents sont les principaux acteurs sur les marchés internationaux.

L’impact négatif du boom de l’e-commerce

Les routes commerciales empruntées par les contrefacteurs évoluent très rapidement. Il existe différents points de transit intermédiaire. Certains, comme Hong-Kong ou Singapour représentent de grandes plateformes du commerce international. D’autres, comme la Syrie ou l’Afghanistan, à l’opposé, profitent du déficit de gouvernance ainsi que de la présence de réseaux criminels, voire de réseaux terroristes. Ces itinéraires très complexes évoluent très rapidement.

Traditionnellement, les moyens d’acheminement utilisés par les contrefacteurs sont l’avion, le bateau et le fret. En raison de l’importance grandissante du commerce en ligne, les envois postaux constituent aujourd’hui le principal mode d’expédition des produits contrefaits. La vente sur internet présente de nombreux avantages pour les contrefacteurs puisqu’elle leur permet d’écouler leur marchandise de façon démultipliée et à moindre coût. De plus, ce type d’envoi diminue considérablement le risque de se faire repérer ainsi que le risque de sanction.

Après de longues batailles judiciaires opposant eBay à de grands groupes, LVMH et L’Oréal ont décidé de coopérer avec la société de courtage en ligne afin de « protéger les droits de propriété intellectuelle et de combattre la vente de contrefaçons en ligne ». Aucun secteur n’étant épargné, la lutte contre la contrefaçon reste aujourd’hui une priorité pour un grand nombre d’acteurs économiques.

Dreyfus & associés se propose de vous assister dans le monde entier en considérant la meilleure stratégie de valorisation et de protection de vos droits.

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« Famille » de marques : conséquences de la décision Rintisch

 

brands-flood-1154416L’usage d’une marque dans le contexte d’une famille de marque ne saurait être invoqué pour justifier l’usage d’une autre marque appartenant à cette même famille.

La société Otech, titulaire des marques françaises « Micro Rain » et « Big Rain », ayant pris connaissance de l’utilisation des signes « Micro Rain » et « Big Rain », a mis en demeure les sociétés Ocmis et Irtec de cesser d’utiliser ces signes. Ces dernières ont alors assigné la société Otech en déchéance de ses droits sur ses deux marques françaises et pour l’ensemble des produits qu’elles désignent, conformément à l’article L714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle selon lequel « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».

La Cour d’Appel de Pau, dans un arrêt en date du 31 janvier 2014 (CA Pau, 31 janvier 2014, No. 14/439), a prononcé la déchéance des droits de la société Otech sur sa marque française « Micro Rain » pour tous les produits visés à son enregistrement.

La société Otech, considérant que l’usage sérieux et réel d’une marque sur le territoire national français peut être établi par l’usage de sa forme modifiée, elle-même enregistrée à titre de marque, dès lors que le caractère distinctif de la marque initiale est conservé, a formé un pourvoi en cassation. En effet, la société Otech considérait que l’exploitation de sa marque « Mini Rain », qui ne différait de la marque litigieuse « Micro Rain » que par des éléments n’en altérant pas le caractère distinctif, constituait la preuve de l’exploitation de ladite marque « Micro Rain ».

Confirmation de la décision d’appel prononçant la déchéance

La question pour la Cour de Cassation était alors de savoir si l’utilisation d’une marque, dans le contexte bien particulier d’une famille de marques, permettait de justifier l’exploitation d’une autre marque appartenant à cette même famille.

La Cour de Cassation, dans son arrêt en date du 19 janvier 2016, faisant application dans enseignements de l’arrêt Rintisch de la Cour de Justice de l’Union Européenne, a confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel de Pau en ce qu’il prononçait la déchéance des droits de la société Otech.

Application de la jurisprudence européenne Rintisch

En effet, la Cour de Justice de l’Union Européenne, interprétant l’article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 et rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, a pu préciser que dans le contexte spécifique d’une famille ou d’une série de marques, l’usage d’une marque ne saurait être invoqué afin de justifier de l’usage d’une autre marque (C-553/11, Rintisch, 25 octobre 2012, point 29). Notons que la solution n’a pas toujours été la même et que la jurisprudence a beaucoup fluctuée sur le sujet.

Dans l’arrêt en question, la société Otech s’était prévalue de l’appartenance de la marque « Micro Rain » à une famille de seize marques, toutes composées autour du terme « Rain » utilisé comme suffixe ou préfixe. Or, elle ne pouvait, pour échapper à la déchéance de ses droits sur la marque « Micro Rain », invoquer l’usage de la marque « Mini Rain », et ce quand bien même ces marques appartiendraient à la même famille ou série. Par ce motif de pur droit, le rejet du pourvoi se trouve légalement justifié.

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