Action en contrefaçon

Pour lutter contre le cybersquatting, la procédure UDRP a d’abord été mise en place il y a plus de 10 ans. C’est une procédure

@ pour symboliser l'internet

Entre les années 1954 et 1989, le journal Le Figaro a publié un magazine sous la marque « Jours de France » enregistrée le 16 juin 1988. En 2011, Le Figaro a relancé la publication de ce magazine sous forme numérique sous le nom de domaine <joursdefrance.lefigaro.fr> et n’a relancé sa publication papier que le 7 août 2013.

Après réception d’une lettre de mise en demeure de la société Entreprendre, titulaire de la marque française « Jour de France » enregistrée le 25 février 2003, Le Figaro a assigné en justice cette société pour contrefaçon de marque. La société Entreprendre a alors invoqué la déchéance des droits de Le Figaro sur sa marque « Jours de France » pour non-utilisation conformément à l’article L714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, alinéa premier,  selon lequel : « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».

La question était alors de savoir si l’usage d’une marque sur Internet était constitutif d’un usage réel et sérieux au sens de l’article L714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle. Dans une décision en date du 20 novembre 2015[1], la Cour d’Appel de Paris a infirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris prononçant la déchéance des droits de la Société du Figaro sur sa marque « Jours de France »[2].

Selon la Cour d’Appel de Paris, les documents établis par AT Internet, et démontrant que le nombre de visiteurs uniques (en moyenne de l’ordre de 1700 par mois, hors périodes de pointe) n’est pas significativement inférieur au nombre de visiteurs, permettent de prouver la publication du magazine sur Internet et conséquemment l’usage réel et sérieux de la marque « Jours de France », indépendamment de l’usage quantitatif de cette dernière.

En effet, la Cour d’Appel, en concordance avec les jurisprudences communautaires Ansul[3] et La Mer Technology[4], considère premièrement que l’usage quantitatif n’est pas un critère d’appréciation déterminant et que, secondement, la diffusion d’un magazine sur Internet est de nature à assurer un rayonnement suffisant du produit auprès du public.

La Cour d’Appel précise également dans son arrêt que la publication papier du magazine durant la période en cause, même faible, permettait de corroborer l’usage réel et sérieux de la marque « Jours de France ».

[1] Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 2, 20 novembre 2015, RG No. 15/00522

[2] Tribunal de Grande Instance de Paris, 3ème Chambre, 4ème Section, 18 décembre 2014, RG No. 14/00649

[3] Cour de Justice de l’Union Européenne, Ansul BV contre Ajax Brandbeveiliging BV, 11 mars 2003, C-40/01

[4] Cour de Justice de l’Union Européenne, La Mer Technology Inc. contre Laboratoires Goemar SA, 27 janvier 2004, C-259/02

Read More

Procédure de liquidation judiciaire : un contrat de licence peut être transféré sans l’accord du concédant

 

s-business-dreyfus-7Le Groupement d’Intérêt Economique Prop (le GIE), et la société Groupe Paredes, titulaires de plusieurs marques, ont accordé à la société Raynaud, également membre du GIE, le droit d’utilisation de leurs marques.

Suite à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Raynaud, un jugement en date du 28 juin 2013[1] a arrêté le plan de liquidation ordonnant le transfert de tous les contrats commerciaux et de leurs accessoires conclus entre la société Raynaud et les titulaires des marques concernées au profit de la société Orapi, à laquelle s’est ultérieurement substituée la société Raynaud hygiene.

Par suite d’un arrêt de la Cour d’Appel du 24 octobre 2013[2] infirmant le transfert des contrats commerciaux et de leurs accessoires, le GIE et la société Groupe Paredes ont agi en action en contrefaçon contre les sociétés Orapi et Raynaud hygiene en invoquant notamment l’article L713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle selon lequel : « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ; b) La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée ».

La question était alors de savoir si le transfert des contrats commerciaux et leurs accessoires, ainsi que l’utilisation par les sociétés Orapi et Raynaud hygiene des marques concernées entre le 28 juin 2013 et le 24 octobre 2013, était constitutif ou non de contrefaçon au sens de l’article L713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle.

Dans une décision en date du 15 septembre 2015, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation[3] confirme l’arrêt de la Cour d’Appel en ce qu’il rejetait la qualification de contrefaçon.

Selon la Cour de Cassation, le jugement ayant arrêté le plan de cession était exécutoire de plein droit et devait prendre effet à compter de son prononcé. La Cour précise que, parce que les sociétés Orapi et Raynaud hygiene avaient bénéficié du transfert de tous les contrats commerciaux et de leurs accessoires, elles bénéficiaient également de l’adhésion au GIE. Ainsi, les actes résultant du transfert en question ne pouvaient être qualifiés d’actes de contrefaçon.

Le droit des procédures collectives peut donc, dans certaines circonstances, limiter les droits du titulaire de marques sur le choix de son licencié. En effet, en arrêtant le plan de liquidation judiciaire, le Tribunal peut ordonner le transfert d’un contrat de licence sans l’accord du concédant.

Cependant, et même si dans ce cas spécifique le concédant ne peut choisir son nouveau licencié, il aura toujours la possibilité de lui opposer les clauses contractuelles contenues dans les contrats transférés. Une attention toute particulière doit donc être portée à la rédaction de telles clauses.

[1] Tribunal de Commerce de Lisieux, 28 juin 2013, No. 13/2722

[2] Cour d’Appel de Caen, Chambre civile et commerciale, 24 octobre 2013, No. 13/02304

[3] Cour de Cassation, Chambre commerciale, 15 septembre 2015, No. 14-20531

Read More

Etats-Unis: Assigner en justice sur le fondement du Lanham Act nécessite que la marque soit utilisée sur le territoire américain.

Selon une décision rendue le 6 février 2015 par la District Court de Virginie dans une affaire opposant Bayer et Belmora, le titulaire d’une marque non-enregistrée ne peut pas intenter une action sur le fondement du Lanham Act à moins qu’il ne prouve son utilisation sur le territoire américain.

Cette décision a renversé le premier jugement rendu par la TTAB (Trademark Trial and Appeal Board) en 2009 dans l’affaire Bayer Consumer Care AG v. Belmora LLC (110 USPQ2d 1623), où le tribunal avait prononcé la nullité de la marque de Belmora.

Dans cette affaire, Bayer avait commercialisé un produit analgésique sur le territoire mexicain sous la marque enregistrée FLANAX. Cependant, Bayer n’avait jamais offert sur le marché ou vendu un quelconque produit sous la marque FLANAX aux Etats-Unis, ni enregistré cette marque sur le territoire américain.
En parallèle, Belmora avait commencé à vendre en 2004 une tablette analgésique aux Etats-Unis sous la marque FLANAX, enregistrée depuis 2005 sur ce même territoire.

hh

 

 

 

 

Bayer a donc intenté une action en contrefaçon contre Belmora auprès du TTAB sur le fondement de la Section 14(3) du Lanham Act, interdisant l’utilisation d’une marque de manière à « porter confusion quant à l’origine des biens ou services désignés par la marque ou en connexion avec celle-ci ».

Bayer avait fondé sa demande sur la Section 14(3) du Lanham Act, mais également sur la Section 43(a) qui autorise le titulaire d’une marque à se pourvoir au civil pour contrefaçon d’une marque non-enregistrée (S. 43(a)(1)(A)), et pour publicité mensongère (S.43(a)(1)(B)).

Le TTAB soutenait que Bayer avait un intérêt légitime à protéger sa marque mexicaine, et qu’il avait démontré que Belmora utilisait de manière abusive la marque FLANAX dans l’unique but de profiter de la réputation et de la notoriété de la marque de son concurrent.

Belmora a alors interjeté appel et l’affaire a été portée devant la District Court de Virginie, qui a soulevé trois raisons principales pour lesquelles Bayer ne pouvait valablement invoquer la protection conférée par le Lanham Act.

Tout d’abord, et selon la Section 43(a)(1)(A) du Lanham Act, autrement dit la contrefaçon d’une marque non-enregistrée, la Cour a jugé que Bayer n’avait pas d’intérêt à agir répondant aux exigences de la « zone d’intérêts » établie par le Congrès. La Cour a précisé que la marque devait être utilisée sur le marché américain afin que son titulaire puisse prétendre avoir un intérêt à agir en contrefaçon.

Par ailleurs, Bayer n’a pas rapporté la preuve d’un préjudice économique sur ses ventes ou d’une atteinte à sa réputation résultant de l’utilisation de sa marque FLANAX par Belmora. Notamment, la Cour souleva que Bayer n’avait réussi à démontrer qu’un préjudice équivalant à une « simple confusion », qui « ne constitue pas en elle-même une atteinte à la réputation ».
La Cour conclut que le demandeur, sans base pour invoquer la Section 14(3) du Lanham Act, ne pouvait pas par la même occasion invoquer la Section 43(a)(1)(B) du même Acte (publicité mensongère).

Enfin, la Cour confirma le rejet par le TTAB de la demande de Bayer sur le fondement de l’article 6 bis de la Convention de Paris qui organise la protection des marques notoires.
En effet, la Cour a rappelé que cette Convention n’était pas d’application directe, et que les Sections 44(b) et (h) du Lanham Act ne permettaient pas d’invoquer l’article 6 bis de la Convention comme fondement d’une action en contrefaçon.

Cette affaire nous rappelle que la protection d’une marque non-enregistrée aux Etats-Unis selon le Lanham Act n’est reconnue que sous certaines conditions strictement limitées, et fait visiblement obstacle à toute action en contrefaçon sur le fondement de l’article 6 bis de la Convention de Paris.

Read More