Vers une bibliothèque numérique monopolistique : Google Books

Nul besoin de présenter Google tant il est devenu indispensable au bon fonctionnement de l’Internet. La simple évocation de la toile sans son moteur de recherche attitré suffit à terroriser. A l’inverse, son omniprésence dans tous les secteurs technologiques et multimédia agace. L’ultime développement défrayant la chronique concerne son offre de bibliothèque numérique, lancée en 2004.

Les questions soulevées par cette entreprise titanesque sont nombreuses et inégalement pertinentes. Il n’est pas une activité dans laquelle Google s’est immiscé qui ne se soit pas transformé en succès populaire et en saga juridique. A coup sûr, cela se renouvellera pour sa bibliothèque. Ce succès prévisible génère et fonde une partie des craintes. Cela fait bien longtemps que Google n’est plus le simple moteur de recherche fonctionnant sur l’algorithme PageRank. A présent Google résume l’Internet et cela au risque de remettre constamment en cause sa neutralité de principe.

Que ce soit pour les images, la presse, la vidéo ou encore les blogs, tout concourt chez Google à devenir incontournable. Cette extension à tout va d’un secteur à un autre s’est construite sur les revenus générés par les très discrets liens commerciaux AdWords. Ainsi, le but de Google est d’occuper le plus grand espace possible sur la toile. Aujourd’hui cette politique expansionniste passe par la bibliothèque numérique.

En assurant une partie des coûts liés à la numérisation, Google s’est assuré d’emblée du ralliement d’un grand nombre de bibliothèques mondiales. Les bibliothèques américaines ont été les premières à plonger. La Bibliothèque municipale de Lyon a également souscrit au projet. Même la BNF, opposante historique au projet, devrait finir par céder et cela malgré la résistance acharnée de son ancien président Jean-Noël Jeanneney.

Force est de constater que sur l’Internet les alternatives sont rapidement vaines : le modèle est celui du monopole et de la suprématie d’un seul standard. Le projet concurrent de Google Books, Europeana, ne compte qu’un 1% des fonds européens numérisés. Surtout il s’agit davantage d’un projet de coordination des différents participants. A ce titre, Gallica, la remarquable bibliothèque en ligne de la BNF en est le principal contributeur. Face aux plus de 10 millions de livres numérisés par Google, la concurrence ne vaut pas lourd.

La suprématie de Google sera d’autant plus forte que sa bibliothèque est intégrée à tous les outils multimédia déjà proposés. Pour l’heure, le maintien des offres concurrentes et l’obstination des bibliothèques ne servent qu’à baliser le terrain en vue des négociations futures. De là à ce que Google absorbe littéralement tout l’Internet, il n’y a qu’un pas. Amazon, Gallica et Abebooks n’ont qu’à bien se tenir.