Publicité comparative de produits alimentaires : attention à ce qu’elle ne soit pas trompeuse !

« En anglais on dit hard discount, en français on dit Leclerc ».

Tel était le slogan qui accompagnait la publicité diffusée par Vierzon distribution, qui vend des produits de Leclerc. La publicité comparait les prix de produits alimentaires issus de Leclerc et de Lidl. Elle présentait 2 tickets de caisse de 34 produits des concurrents. On pouvait noter une différence de prix d’environ 11% en faveur de Leclerc.

Lidl saisit le tribunal de commerce de Bourges. Lidl estimait que la publicité en cause était illicite. Elle faisait valoir qu’elle était trompeuse. Selon elle, les produits n’étaient pas identiques. Ils ne seraient donc pas comparables à cause de leurs différences qualitatives et quantitatives.

Vierzon distribution arguait qu’il est possible de comparer des biens qui ne sont pas strictement identiques, s’ils répondent aux mêmes besoins ou ont le même objectif. Il convient qu’ils présentent un degré d’interchangeabilité suffisant. Selon Vierzon distribution, la publicité comparative était licite.

L’article 3 bis §1 de la directive du Parlement européen et du conseil 97/55/CE modifiant la directive 84/450/CEE sur la publicité  trompeuse afin d’y inclure la publicité comparative en date du 6 octobre 1997 pose 3 conditions pour que la publicité comparative soit licite :

–          Elle ne doit pas être trompeuse

–          Elle doit comparer des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif.

–          Elle doit comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des ces biens et services, dont le prix peut faire partie.

Cette disposition a été transposée en droit français à l’article L121-8 du code de la consommation.

Le tribunal de commerce de Bourges a décidé de surseoir à statuer et a saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après CJUE).

La question préjudicielle posée à la CJUE était la suivante :

«L’article 3 bis de la directive [84/450] doit-il être interprété en ce sens qu’il ne serait pas licite de procéder à une publicité comparative par les prix de produits répondant au même besoin ou ayant un même objectif, c’est-à-dire présentant entre eux un degré d’interchangeabilité suffisant, au seul motif que, s’agissant de produits alimentaires, la comestibilité de chacun de ces produits, en tout cas le plaisir qu’on a à les consommer, varie du tout au tout selon les conditions et les lieux de leur fabrication, selon les ingrédients mis en œuvre, selon l’expérience du fabricant?»

La CJUE rappelle que les conditions doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à la publicité comparative. Le législateur et le juge communautaire veulent stimuler la concurrence entre les fournisseurs de biens et de services. Ils souhaitent que la publicité comparative se développe au sein de la communauté.

La CJUE répond, dans un arrêt du 18 novembre 2010 (affaire C-159/09), qu’il est licite de comparer, sous le seul angle du prix, des produits alimentaires. Cependant, la publicité ne doit pas être trompeuse. Etait-il nécessaire de le préciser ?

D’abord, elle déclare que les produits présentent un degré d’interchangeabilité suffisant. Elle affirme, au point 39, que « la seule circonstance que les produits alimentaires diffèrent quant à leur comestibilité et quant au plaisir qu’ils procurent au consommateur, en fonction des conditions et du lieu de fabrication, de leurs ingrédients et de l’identité de leur fabricant, n’est pas de nature à exclure que la comparaison de tels produits puisse satisfaire à l’exigence édictée par ladite disposition et voulant que ceux-ci répondent aux mêmes besoins ou ayant le même objectif, c’est-à-dire qu’ils présentent entre eux un degré d’interchangeabilité suffisant ».

 

L’appréciation de l’interchangeabilité relève de la juridiction de renvoi.

Ensuite, la Cour précise que la publicité comparative sous l’angle du seul prix est possible si elle respecte certaines conditions énumérées dans la directive 97/55/CE. La publicité ne doit notamment pas être trompeuse.

On peut estimer que cette précision était inutile puisque toute publicité comparative est illicite si elle est trompeuse.

Selon l’article 2 point 2 de la directive 97/55/CE, la publicité comparative est trompeuse lorsqu’elle induit en erreur ou est susceptible d’induire en erreur son destinataire, ou lorsqu’en raison de son caractère trompeur elle est susceptible d’affecter son comportement, ou enfin lorsqu’elle porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent.

La CJUE laisse le soin au tribunal de commerce de Bourges de juger si la publicité en cause est trompeuse. Mais elle donne des pistes. Elle précise que certaines caractéristiques indiquent qu’une publicité est trompeuse.

Au point 56, elle déclare que la publicité comparative revêt un caractère trompeur lorsque « la décision d’achat d’un nombre significatif de consommateur auquel elle s’adresse est susceptible d’être prise dans la croyance erronée que la sélection de produits opérée par l’annonceur est représentative du niveau général des prix de ce dernier par rapport à celui pratiqué par son concurrent » ou « que tous les produits de l’annonceur sont moins chers que ceux de son concurrent » ou encore si les produits sélectionnés « présentent pourtant des différences de nature à conditionner de manière sensible le choix du consommateur moyen » et que ces différences ne ressortent pas de la publicité comparative.

Enfin, la CJUE se penche sur l’exigence de vérifiabilité des prix. Au point 60, elle déclare que les biens dont les prix sont comparés doivent être « individuellement et concrètement identifiés sur la base des informations contenues dans le message publicitaire ». Elle ajoute que « toute vérifiabilité des prix des biens est en effet nécessairement subordonnée à la possibilité d’identifier lesdits biens »

Le recours à la publicité comparative a été frileux dans ses débuts, Leclerc étant en 2006 le premier à se lancer en France dans une campagne nationale. Mais la publicité comparative est de plus en plus utilisée par les sociétés de grande distribution. Les enseignes concernées devront être attentives à ces critères d’appréciation du caractère trompeur de la publicité comparative. Notamment Carrefour, qui a lancé il y a un mois sa campagne de publicité comparative de 25 « produits du quotidien ».