France : les nouveautés du

dreyfus-ipwebDepuis le mardi 2 décembre 2014, la nouvelle extension de nom de domaine <.paris> est accessible à tous. Le <.paris> constitue ainsi la première extension en France spécialement dédiée à une ville.

Alors qu’il est devenu difficile de se démarquer sur internet avec un nom de domaine désormais classique en <.fr> ou <.com>, le <.paris> constitue une nouvelle opportunité à ne pas manquer pour les entreprises et blogueurs souhaitant se différencier.

Le choix de la nouvelle extension <.paris> permet notamment d’associer au nom de domaine l’image de la ville de Paris, symbole de qualité, d’élégance et d’innovation dans le monde entier.

Ces nombreux avantages ne sont pas passés inaperçus puisque déjà fin 2014, plus de 2 000 entreprises avaient fait l’acquisition d’un nom de domaine en <.paris>, notamment dans les secteurs du luxe, de la gastronomie et de l’innovation. Ces chiffres ont rapidement augmenté et aujourd’hui, selon des statistiques du mois de mai 2015, il existerait plus de 18 000 noms de domaine en <.paris>.

I. Les particularités du .paris en termes d’enregistrement

La particularité de l’enregistrement en <.paris> tient à la condition d’appartenance à la Communauté de Paris. En effet, il est prévu à l’article 2.1.1. de la politique d’enregistrement en<.paris> que pour enregistrer et renouveler un nom de domaine en <.paris>, il faut que le demandeur soit en mesure de prouver qu’il réside dans la région parisienne, ou qu’il y exerce des activités professionnelles, personnelles, commerciales ou culturelles ou encore justifier de tout autre lien d’attachement direct ou indirect avec la région parisienne.

Cette condition n’est pas appréciée à la légère puisqu’il est indiqué à l’article 9 de cette politique d’enregistrement que « l’opérateur de registre est en droit de rejeter, révoquer ou supprimer à tout moment toute demande de nom de domaine, ou tout enregistrement qui en découle, s’il s’avère que le demandeur n’a pas satisfait à tout ou partie des conditions d’éligibilité ».

Il est intéressant de relever sur ce point que cette condition est propre à la nouvelle extension <.paris>. En effet, et à titre d’exemple, le <.london> ou encore le <.tokyo> sont attribués sans aucune restriction en termes d’appartenance à la région.

II. L’état du contentieux du .paris

Le <.paris> étant encore très récent, il existe peu de décisions extrajudiciaires et aucune décision judiciaire à son sujet. Pour autant, cela ne signifie pas que le contentieux est inexistant. Plusieurs affaires portent notamment sur l’enregistrement de noms de domaine en .paris, tels que les noms de domaine <match.paris>, <briochedoree.paris>, <laposte.paris> ou encore <eleven.paris>.

C’est ainsi que Danone a eu l’occasion de faire suspendre le nom de domaine <groupedanone.paris> le 5 juin 2015 dans le cadre d’une procédure URS auprès du National Arbitration Forum (No 1618861). Dans cette affaire, le fait que le nom de domaine reprenne intégralement le nom de la société et la marque Danone, et l’associe à la ville de Paris où se trouvait précisément la société, a permis de prouver la connaissance par le réservataire de l’identité de la société et a fortiori sa mauvaise foi.

Dans une autre affaire menée devant le Centre de Médiation et d’Arbitrage de l’OMPI cette fois, la société du Figaro a obtenu le transfert des noms de domaine <le-figaro.paris> et <lefigaro.paris> (D2015-0094). Le réservataire avait tenté de démontrer que le terme Figaro était un mot commun, utilisé notamment pour désigner un personnage d’opéra. Mais associé à la ville de Paris qui est la ville où la société du Figaro a son siège social, il était clair que le réservataire avait enregistré et utilisé ce nom de domaine de mauvaise foi. Cette association à la ville de Paris a donc a été l’un des arguments permettant de démontrer l’identité du nom de domaine avec la marque et a fortiori le risque de confusion.

C’est le même argument tenant au siège social du titulaire de la marque qui a été énoncé dans la procédure URS du 31 mars 2015 (FA1503001608773) au sujet de <lasamaritaine.paris>.

Ainsi l’extension en <.paris> peut permettre, en matière de contentieux, de constituer un argument supplémentaire de la mauvaise foi du réservataire du nom de domaine lorsque le titulaire de droits dont la marque a été reprise est établi à Paris.

Mais ce n’est toutefois pas toujours le cas et les experts ne sont pas encore parvenus à un consensus sur la question de savoir s’il faut tenir compte des nouvelles extensions lors de l’examen comparé d’un nom de domaine et d’une marque au cours d’une procédure UDRP.

Lors de la création de la procédure UDRP, en 1999, les extensions disponibles étaient extrêmement limitées et se réduisaient aux gTLDs originelles (5) et aux ccTLDs (Country Code Top Level Domain) (247) qui correspondent aux extensions géographiques des pays. Les experts ont donc très rapidement établi un principe selon lequel l’extension ne doit pas être prise en considération lors de l’évaluation de l’identité ou des similitudes entre le nom de domaine litigieux et la marque revendiquée.

Avec l’arrivée des nouvelles extensions ce principe a été remis en question. Dans la première procédure UDRP faisant suite à l’introduction des nouvelles extensions, les experts devaient déterminer si le nom de domaine <canyon.bike> était identique ou similaire par rapport à la marque Canyon, enregistrée pour des vélos (D2014-0206). A cette occasion, les experts ont précisé que, dans le contexte des nouveaux gTLDs, il faudrait déterminer s’il est approprié de prendre en considération l’extension d’un nom de domaine dans l’appréciation de l’identité ou de la similarité de ce nom avec la marque. Cependant, dans cette affaire, les experts ont préféré considérer qu’il n’était pas nécessaire de répondre à cette question dans la mesure où le nom de domaine reprenait intégralement la marque Canyon de sorte que l’identité était démontrée.

Par la suite, dans le litige D2014-0369 concernant les noms de domaine <statoil.holdings> et <statoil.venture>, les experts ont examiné les deux hypothèses à savoir la comparaison des signes sans tenir compte des extensions et la comparaison avec les extensions. Mais les experts ne se sont pas prononcés pour autant sur la question de savoir s’il était pertinent d’en tenir compte puisque dans les deux hypothèses, les signes étaient similaires de sorte que la condition du paragraphe 4(a)(i) des principes UDRP était remplie.

Dans l’affaire D2014-0269 rendue au sujet du nom de domaine <zionsbank.holdings> les experts se sont longuement interrogés sur l’intérêt de prendre en compte l’extension. Mais en l’occurrence, ils ont considéré que le terme « holdings » à la fin du nom de domaine litigieux ne permettait pas de prouver le caractère identique ou similaire du nom de domaine par rapport à la marque Zions Bank. Néanmoins, ils ont précisé que selon les cas, l’examen de l’extension pouvait avoir un impact sur l’analyse de la condition du paragraphe 4(a)(i).

Plusieurs procédures URS propres aux nouvelles extensions ont révélé la volonté des experts de prendre en considération la nouvelle extension dans l’examen du risque de confusion entre le nom de domaine litigieux et la marque.

Notamment dans l’affaire Christian Dior Couture v/ Aris koulaidis (FA140201546033) du 1er avril 2014 portant sur l’enregistrement du nom de domaine <dior.clothing>. Dans cette affaire les experts ont notamment pris en considération le fait que le nom de domaine litigieux soit enregistré dans un gTLD faisant explicitement référence au domaine d’activité du requérant.

De la même manière dans l’affaire Paris Saint-Germain Football SASO v/ Alexandr Serenko et al. du 11 juin 2014 (FA1406001563159) où il était question de l’enregistrement du nom de domaine <parissaint-germain.club>, les experts ont considéré que le gTLD <.club> augmentait le risque de confusion dans la mesure où le requérant représente un club de football.

Finalement et pour conclure il est impossible à l’heure actuelle d’affirmer que les nouvelles extensions doivent être prises en considération lors de l’examen du caractère identique ou similaire d’un nom de domaine vis-à-vis d’une marque lors d’une procédure UDRP ou URS. En effet, les experts semblent réticents à affirmer un tel principe et ont jusqu’à présent, notamment au niveau des procédures UDRP, nuancé la prise en considération de ces extensions. Ceci n’est guère surprenant dans la mesure où les nouvelles extensions, accessibles à tous depuis 2012, représentent une évolution considérable par rapport aux gTLDs classiques autour desquels la jurisprudence s’est construite. Une évolution est donc attendue à ce sujet.