Paquet Marques – Changements apportés à l’action en nullité

Notre étude du projet de transposition de la Directive du 16 décembre 2015 (2015/2436 UE), nous amène aujourd’hui à examiner l’action en nullité. Le titulaire d’une marque antérieure agissant en nullité peut désormais s se voir opposer par le défendeur le non-usage de sa marque antérieure. En outre, l’action en nullité devient imprescriptible.

Le non-usage, moyen de défense invocable lors d’une action en nullité

En l’état actuel du droit, une marque ne peut être enregistrée en France si elle est constituée par :

  • Un signe qui n’est pas susceptible de d’être représenté graphiquement (Article L. 711-1) ;
  • Un signe dépourvu de caractère distinctif (Article L. 711-2) ;
  • un signe trompeur ou bien portant atteinte aux bonnes mœurs (Article L. 711-3)
  • ou bien encore un signe portant atteinte à un droit antérieur (Article L. 711-4).

Seule la nécessité d’une représentation graphique est supprimée par le projet d’ordonnances. Les conditions de validité restantes demeurent autant de fondements possibles pour une action en nullité. Le titulaire d’une marque antérieure peut demander la nullité d’une marque portant atteinte à ses droits, et le ministère public peut agir d’office en nullité sur la base des autres conditions de validité (Article L. 714-3). Le titulaire d’une marque notoire peut également agir en nullité, en vertu de l’article L. 714-4, contre une marque enregistrée postérieurement à la sienne.

Le projet de transposition de la directive « Paquet Marques » introduit la possibilité d’invoquer en défense dans les actions en nullité le non-usage de la marque antérieure. Autrement dit, le titulaire d’une marque attaquée en nullité pourra argumenter en défense que la marque antérieure n’a pas été sérieusement utilisée durant une période ininterrompue de cinq ans. La marque antérieure sera réputée enregistrée uniquement pour les produits et services ayant fait l’objet d’un usage sérieux, et le demandeur à l’action devra apporter la preuve de cet usage sérieux.Le nouvel article L. 716-2 prévoit deux cas de figure :

  • Si la marque antérieure a été enregistrée depuis plus de cinq ans à compter de la demande en nullité, mais depuis moins de cinq ans avant le dépôt de la marque postérieure : le titulaire devra apporter la preuve d’un usage sérieux durant les cinq ans précédant sa demande en nullité ou bien faire état de justes motifs à son non-usage ;
  • Si la marque antérieure a été enregistrée depuis plus de cinq ans lors du dépôt de la marque postérieure : le titulaire de la marque devra apporter la preuve d’un usage sérieux durant les cinq ans précédant le dépôt de la marque postérieure et durant les cinq ans précédant sa demande en nullité. Là encore, seuls de justes motifs pourront excuser l’absence d’usage sérieux.

L’action en nullité devient imprescriptible

En application de l’article 2224 du Code civil, l’action en nullité de marques est actuellement soumise à la prescription de droit commun, soit « cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. ». L’article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle précise en outre que l’action en nullité d’un titulaire de droits antérieurs n’est pas recevable si la marque contestée « a été déposée de bonne foi et s’il en a toléré l’usage pendant cinq ans. ».

Le projet d’ordonnances du Gouvernement rend l’action en nullité imprescriptible (article L. 716-2-6 nouveau). Seule la marque notoirement connue, au sens de l’article 6bis de la Convention de Paris, demeurera soumise à une prescription de cinq ans, et le point de départ de cette prescription demeurera fixé à la date d’enregistrement de la marque, à moins que le déposant n’ait été de mauvaise foi (Article L. 716-2-7 nouveau).

Ce nouveau régime de l’imprescriptibilité de l’action en nullité affaiblit ainsi les droits des titulaires de marques puisque ces droits peuvent être contestés à tout moment.

Ces nouvelles mesures mises en place par le projet de transposition de la direction « Paquet Marques » devraient encourager les titulaires de marques à vérifier diligemment la validité de leur signe avant son enregistrement en tant que marque.

A suivre…