Saisie et retenue douanière : entre prévention et réaction

DREYFUS | Saisie et retenue douanièreEn 2022, les saisies douanières de contrefaçons ont connu une augmentation significative. Alors que les douanes françaises avaient intercepté 5.6 millions d’articles de contrefaçon en 2020, les saisies d’articles ont été de 11 millions en 2022. Le 23 février 2023, le ministère des Comptes publics déclarait : « La contrefaçon n’épargne plus aucun secteur de l’économie »

Les saisies douanières sont une mesure cruciale pour protéger les titres de propriété industrielle contre les contrefaçons. Les produits contrefaits peuvent nuire à l’image de marque et à la réputation des propriétaires de ces titres, en plus de causer des pertes financières importantes. Les douanes jouent donc un rôle crucial en empêchant l’importation de marchandises contrefaites sur leur territoire.

 

La procédure de retenue douanière 

 

Une procédure aux consécrations plurielles

En matière de retenue douanière, la France est un pays pionnier puisqu’il a été le premier Etat-membre de l’Union, à considérer les marchandises contrefaisantes importées comme des marchandises illicites. Cette procédure particulière a donc été consacrée en droit français par la loi Longuet. Les dispositions du droit européen s’appliquent aussi, conformément au Règlement du 12 juin 2013. Toutefois, existent des exclusions du champ d’application de la retenue concernant les marchandises sans caractère commercial contenues dans les bagages personnels des voyageurs, résultant du commerce parallèle, et celles mises en libre pratique dans le cadre du régime de la destination particulière.

C’est une procédure nécessaire afin de renforcer la protection de son / ses droit(s) de propriété intellectuelle en donnant la faculté aux agents des douanes de bloquer, pour une durée limitée, les marchandises suspectées d’y porter atteinte. Pendant cette retenue, le titulaire des droits pourra demander la destruction des marchandises contrefaisantes si certaines conditions sont réunies, voire même engager une action en justice. 

 

Le conditionnement au dépôt d’une demande d’intervention

Il s’agit d’une procédure strictement règlementée et structurée. Elle débute par le dépôt par le titulaire de droit (ou les bénéficiaires de licence sous certaines conditions) d’une demande d’intervention douanière en France ou dans l’Union européenne auprès du service douanier compétent. Celle-ci permet d’engager la surveillance du marché et l’alerte du demandeur en cas de captation de contrefaçon. C’est une démarche préventive et gratuite (depuis l’arrêté du 29 juillet 2022) qui peut être effectuée même si le demandeur n’a pas connaissance d’actes de contrefaçon de son/ses droit(s). La demande d’intervention douanière a une durée limitée d’un an renouvelable sur simple demande écrite et doit renseigner sur les marchandises authentiques et les contrefaçons courantes, sur l’identification des droits et de leur titulaire. 

D’un côté, la demande d’intervention nationale permet aux autorités douanières de retenir des marchandises qui ont déjà franchi les frontières françaises, dédouanées sur l’ensemble du territoire français. La demande d’intervention européenne quant à elle permet aux autorités douanières de retenir des marchandises de statut tiers en douane avant qu’elles ne soient introduites sur le territoire de l’Union européenne. 

L’efficacité de la demande de retenue découle de son dépôt auprès des services douaniers compétents. Ceci permet d’adapter la protection des droits à chaque vecteur d’introduction de contrefaçons : cellules de ciblage dans les ports et aéroports pour contrôler le fret commercial, brigades pour effectuer des contrôles de personnes et de moyens de transport sur routes, services spécialisés pour les contrôles postaux et pour le fret express ou encore Cyberdouane, un service chargé de traquer les fraudes sur Internet. 

 

La procédure de saisie douanière

 

Appréciation de la similarité entre authenticité et contrefaçon présumée

Les agents douaniers ne font pas d’expertise mais c’est à eux d’identifier les produits qui semblent contrefaisants. Le demandeur reçoit subséquemment une notification par le service de douane ayant procédé à la retenue. Cette notification s’accompagne de photos et des quantités retenues afin de permettre la confirmation ou non de la présomption de contrefaçon et décider des poursuites.  Si cet ensemble concorde, ils procèdent alors à une saisie douanière.

 

Une procédure soumise à des délais circonscrits

La procédure de saisie douanière permet de retenir les marchandises suspectées de contrefaçon pour une durée maximale de 10 jours (3 jours pour les denrées périssables) prorogeable de 10 jours sur requête motivée, conformément à l’article 3 du Règlement (CEE) du 3 juin 1971. Ce délai permet de demander une inspection des marchandises.

 

La procédure extra-judiciaire de destruction simplifiée

Le délai imparti permet aussi de demander une procédure de destruction simplifiée sous la responsabilité du demandeur. Le cas échéant, il faut remplir 3 conditions. Dans un premier temps, le demandeur doit confirmer par écrit qu’il consent à la destruction des marchandises sous sa responsabilité. Dans un second temps, il doit pouvoir assurer du caractère contrefaisant des marchandises en joignant une expertise détaillée. Finalement, le présumé contrefacteur (aussi dit « détenteur » des marchandises contrefaisantes) doit confirmer par écrit aux services douaniers dans un délai de 10 jours ouvrables à partir de la notification de la retenue, pour s’exprimer concernant la destruction des marchandises. S’il ne se manifeste pas, il est réputé avoir consenti à cette destruction S’il s’y oppose, le titulaire en est informé et a de nouveau 10 jours ouvrables pour agir en justice ou faire diligenter des mesures probatoires à cette même fin.  

 

L’éventuelle suite judiciaire à la saisie douanière

Lorsque la contrefaçon est établie mais que la procédure de destruction simplifiée n’a pas été diligentée, le titulaire des droits pourra, au choix : 

– Saisir le tribunal territorialement compétent pour obtenir l’autorisation de mesures conservatoires, 

– Justifier du dépôt d’une plainte auprès du procureur de la République, 

– Se pourvoir en justice au pénal ou au civil.

Pour cela, le titulaire des droits peut demander la levée partielle du secret professionnel des douanes pour obtenir des informations supplémentaires (noms et adresses du destinataire, de l’expéditeur, du déclarant et du détenteur des marchandises, régime douanier, origine des marchandises et leur destination) à condition que ces informations soient utilisées aux fins prévues à l’article 21 du règlement du 12 juin 2013

 

Quid en cas de retenue injustifiée ? 

Le titulaire supporte la responsabilité d’une retenue injustifiée ou abusive : tous les frais afférents exposés non seulement par le propriétaire des marchandises mais également par les douanes peuvent être mis à sa charge. Par ailleurs, les douanes ne peuvent elles-mêmes ordonner au titulaire des droits une quelconque indemnisation du propriétaire des marchandises en cas de retenue injustifiée. En revanche, elles peuvent dans tous les cas demander que le titulaire supporte les frais d’entreposage que la retenue soit justifiée ou non. En général elles ne le font pas. Une telle indemnisation ne pourrait intervenir qu’à la demande du propriétaire des marchandises, sur demande reconventionnelle ou procédure judiciaire propre. Dans ce cadre, le propriétaire pourrait demander la réparation de son entier préjudice.

 

Le régime du transit

Ce régime est une mesure de l’Organisation Mondiale des Douanes qui permet le transit de marchandises à travers les frontières douanières sans être soumis à des droits de douane ou à d’autres taxes. Il convient de distinguer d’une part, le transit interne qui s’entend de la circulation de marchandises dans l’espace communautaire destinées à être commercialisées dans le pays de transit. Dès lors, les agents douaniers peuvent saisir les marchandises et les retenir pendant une période donnée en attendant l’avis du titulaire des droits. D’autre part, le transit externe s’entend de la circulation d’un point à un autre du territoire communautaire de marchandises en provenance et à destination de pays tiers à l’Union où elles seront commercialisées. Ce régime douanier instaure une fiction juridique selon laquelle les marchandises en cause ne sont pas présentes dans le territoire communautaire sur lequel elles transitent. Malgré cette « inexistence » sur le territoire communautaire, il apparaît nécessaire, comme dans le cas du transit communautaire, de permettre aux autorités douanières de recourir à cette mesure de retenue afin de s’assurer que les marchandises soupçonnées de porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle n’utilisent pas de manière frauduleuse les régimes douaniers considérés. Toutefois, la CJUE a fait application de la fiction du droit douanier. Cette décision est dévastatrice puisqu’en ressort le principe selon lequel une marchandise tierce en transit donc en provenance et à destination d’un Etat tiers, ne peut faire l’objet d’une retenue pour suspicion de contrefaçon qu’à condition d’être destinée à être commercialisée sur le marché de l’Union européenne. Les agents douaniers ne peuvent donc pratiquer la retenue de marchandises constituant à l’évidence une contrefaçon qu’à condition que le titulaire du droit rapporte la preuve d’indices concrets d’une future mise sur le marché de l’Union.

 

Le Cabinet Dreyfus & Associés : intermédiaire entre titulaires de droits et douanes

Avec le développement croissant du e-commerce et l’intensification des contrefaçons déguisées, les choses évoluent dans le paysage des droits de propriété industrielle notamment. Il devient nécessaire pour les titulaires de droits, de compléter la surveillance traditionnelle des marques par une surveillance douanière. En ce sens, la demande d’intervention douanière est une opération complexe qui fixe et conditionne l’efficacité de la mesure de saisie, qui en représente la suite logique et technique.

Le cabinet Dreyfus & Associés met son expertise au service de ses clients, leur proposant un accompagnement dans les échanges avec les services douaniers compétents. Nous disposons d’un réseau d’agents sur l’ensemble de l’espace communautaire pour procéder à la surveillance des mouvements de marchandises entrants ou sortants. Nous disposons aussi d’un département spécialisé placé au service de ses clients pour la surveillance des titres de propriété industrielle qui peut effectuer, au nom du titulaire des droits, la demande d’intervention auprès des douanes. 

Finalement, le cabinet Dreyfus & Associés permet à ses clients de participer à la formation des agents douaniers, afin de valoriser la reconnaissance de leurs articles authentiques et, par extension, des marchandises contrefaisantes. 

 

References 

  1. Bilan de la lutte contre des fraudes fiscale, douanière et sociale, 23 février 2023
  2. Loi n˚ 94-102 du 5 février 1994 relative à la répression de la contrefaçon
  3. Règlement (UE) n°608-2013 du 12 juin 2013
  4. Arrêté du 29 juillet 2022 portant abrogation de l’arrêté du 11 décembre 2018
  5. Règlement (CEE) no 1182/71 du Conseil du 3 juin 1971
  6. Règlement (UE) n°608/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 12 juin 2013
  7. CJUE, 1e décembre 2011, C495/09 (affaire Philips/Nokia)