Résumé : Le 7 février 2025, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision notable N° RG 22/09210 dans l’affaire opposant les sociétés Hermès International et Hermès Sellier à la société Blao&Co. Cette affaire soulève des questions essentielles concernant la protection des œuvres de design sous le droit d’auteur français et la contrefaçon de marques. Cet article examine en détail les aspects juridiques de cette décision, en mettant en lumière les implications pour les créateurs et les entreprises de mode.
Sommaire
Contexte de l’affaire
Les sociétés Hermès International et Hermès Sellier, renommées pour leurs sacs iconiques Kelly et Birkin, ont constaté que la société Blao&Co commercialisait des sacs à main sous la marque « NDG » depuis 2021. Ces produits, notamment le modèle « Paisley Jane », étaient proposés sur le site internet de Blao&Co, sur les réseaux sociaux et sur la plateforme NFT OpenSea. Estimant que ces sacs reproduisaient les caractéristiques distinctives de leurs modèles protégés, Hermès a adressé plusieurs mises en demeure à Blao&Co en mars et avril 2022, demandant la cessation de la commercialisation des sacs incriminés et des NFT associés. Face à l’absence de réponse satisfaisante, Hermès a engagé une action en justice en juillet 2022 pour contrefaçon de droits d’auteur et de marques.
Les arguments des parties
Position des sociétés Hermès
Hermès a soutenu que les sacs « Paisley Jane » de Blao&Co constituaient une reproduction non autorisée de leurs modèles Kelly et Birkin, protégés par le droit d’auteur en raison de leur originalité. De plus, Hermès a affirmé que Blao&Co utilisait sans autorisation leur marque tridimensionnelle enregistrée, notamment le fermoir caractéristique des sacs Hermès.
Défense de Blao&Co
Blao&Co a contesté l’originalité des sacs Kelly et Birkin, arguant que leurs caractéristiques étaient communes à de nombreux sacs à main ou dictées par des contraintes techniques. La société a également nié toute contrefaçon de marque, affirmant que les éléments utilisés étaient génériques et ne portaient pas atteinte aux droits d’Hermès.
Analyse juridique du tribunal
Originalité des sacs Kelly et Birkin
Le tribunal a d’abord examiné l’originalité des sacs Kelly et Birkin, condition essentielle pour la protection par le droit d’auteur. Il a été établi que le sac Kelly présente une forme trapézoïdale avec des soufflets latéraux, un rabat découpé, un système de fermeture spécifique, une poignée particulière, quatre clous de base et une bandoulière amovible. Le sac Birkin, quant à lui, possède une forme légèrement rectangulaire, un rabat avec une découpe à trois encoches, un système de fermeture spécifique, deux poignées particulières, des soufflets spécifiques et quatre clous de base. Le tribunal a conclu que ces caractéristiques résultaient de choix libres et créatifs, conférant aux sacs une physionomie propre et reconnaissable, satisfaisant ainsi au critère d’originalité requis pour la protection par le droit d’auteur.
Contrefaçon de marque
Concernant la contrefaçon de marque, le tribunal a noté qu’Hermès est titulaire d’une marque tridimensionnelle enregistrée depuis 2003, couvrant notamment le fermoir caractéristique de ses sacs. Il a été constaté que les sacs « Paisley Jane » de Blao&Co reproduisaient ce fermoir de manière identique ou similaire, créant un risque de confusion dans l’esprit du public. Le tribunal a donc conclu à la contrefaçon de marque par Blao&Co.
Implications de la décision
Pour les créateurs de mode
Cette décision réaffirme l’importance de l’originalité dans la protection des œuvres de design sous le droit d’auteur. Les créateurs de mode sont encouragés à développer des designs distinctifs et innovants pour bénéficier d’une protection juridique efficace contre les copies non autorisées.
Pour les entreprises
Les entreprises doivent être vigilantes quant à la conformité de leurs produits aux droits de propriété intellectuelle existants. Cette affaire souligne la nécessité de procéder à des vérifications approfondies avant la commercialisation de nouveaux produits, afin d’éviter des litiges coûteux et préjudiciables à leur réputation.
Conclusion
La décision du Tribunal judiciaire de Paris du 7 février 2025 constitue une jurisprudence importante en matière de protection des œuvres de design et de marques dans l’industrie de la mode. Elle souligne la reconnaissance de l’originalité des créations de mode en tant qu’œuvres protégées par le droit d’auteur et réaffirme la protection accordée aux marques tridimensionnelles contre les actes de contrefaçon.
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FAQ
1. Qu'est-ce que l'originalité en droit d'auteur ?
L'originalité est une condition essentielle pour qu'une œuvre soit protégée par le droit d'auteur. Elle implique que l'œuvre reflète des choix libres et créatifs de son auteur, lui conférant une physionomie propre et reconnaissable.
2. Les sacs à main peuvent-ils être protégés par le droit d’auteur ?
Oui, à condition qu'ils présentent un caractère original. Le Tribunal judiciaire de Paris a reconnu que les sacs Kelly et Birkin d’Hermès répondaient à ce critère en raison de leurs caractéristiques distinctives et de leur conception résultant de choix créatifs.
3. Quelle est la différence entre une marque tridimensionnelle et un dessin ou modèle ?
Une marque tridimensionnelle protège la forme distinctive d’un produit en tant qu’indicateur d’origine commerciale. Un dessin ou modèle, en revanche, protège uniquement l’apparence esthétique du produit pour une durée limitée.
4. Comment éviter une accusation de contrefaçon dans le domaine de la mode ?
Les entreprises doivent effectuer des recherches approfondies sur les droits de propriété intellectuelle existants avant de commercialiser un produit. Il est recommandé de consulter un avocat spécialisé en propriété intellectuelle pour évaluer les risques de litige.
5. Quelles sanctions sont encourues en cas de contrefaçon de marque ou de droit d’auteur ?
Les sanctions peuvent inclure l’interdiction de commercialisation des produits litigieux, la destruction des stocks, le paiement de dommages et intérêts ainsi que des amendes. En cas de contrefaçon en bande organisée, des peines de prison peuvent également être prononcées.