Depuis le 1er mai 2025, le droit des dessins et modèles de l’Union européenne a connu une réforme majeure. Cette nouvelle réforme, introduite par le Règlement (UE) 2024/2822 et la Directive (UE) 2024/2823, modernise en profondeur le cadre juridique applicable, afin de mieux protéger les créations industrielles à l’ère du numérique. Nous analysons dans cet article les implications concrètes pour les entreprises, les créateurs, les professionnels du droit et les consommateurs.

Redéfinition des concepts clés

1 : Extension de la notion de « dessin ou modèle »

Le terme « dessin ou modèle » recouvre désormais les éléments dynamiques, notamment les mouvements, animations, transitions et autres effets visuels. Cette avancée permet de protéger juridiquement des interfaces graphiques et des contenus numériques animés.

2 : Élargissement de la définition de « produit »

Un produit n’est plus nécessairement tangible. Sont désormais admissibles à la protection les interfaces logicielles, objets virtuels, environnements numériques et éléments d’identification visuelle. Cela ouvre la voie à la reconnaissance des designs dans les environnements numériques immersifs.

3 : Harmonisation terminologique à l’échelle de l’Union

Les dessins ou modèles communautaires enregistrés (DMC) sont désormais appelés dessins ou modèles enregistrés de l’Union européenne (DMEU). Le règlement sur les dessins ou modèles communautaires (RDC) devient le règlement sur les dessins ou modèles de l’Union européenne (RDUE). Cette uniformisation renforce la lisibilité du droit applicable et l’ancrage européen de la protection.

Évolutions procédurales du dépôt de modèle

  • Centralisation du dépôt auprès de l’EUIPO : Le dépôt d’un dessin ou modèle de l’Union Européenne ne peut plus passer par les offices nationaux. Seul l’EUIPO est compétent, ce qui simplifie les démarches pour les déposants.

 

  • Dépôt multiple et classes Locarno : La réforme autorise jusqu’à 50 dessins ou modèles par demande, y compris s’ils relèvent de classes Locarno distinctes. Cette mesure vise à réduire les coûts et à alléger la charge administrative pour les entreprises à forte production créative.
  • Représentations dynamiques : Si les représentations dynamiques (vidéos, modèles 3D, simulations) ne sont pas encore activées, leur intégration future est prévue par la réforme. Les entreprises sont invitées à anticiper l’adaptation de leurs supports visuels.

Révision des barèmes de taxes

Frais de dépôt et de publication

Un barème de frais simplifié a été mis en place. En effet, un seul paiement couvre à la fois l’enregistrement et la publication du modèle. En cas de dépôt multiple, chaque dessin ou modèle additionnel dans la même demande entraîne un supplément de 125 €.

Renouvellements plus coûteux

Les frais de renouvellement ont été revus à la hausse, avec une progression selon l’ancienneté du titre :

  • 1er renouvellement : 150 €
  • 2e : 250 €
  • 3e : 400 €
  • 4e : 700 €

Il est recommandé d’anticiper les renouvellements avant la prochaine hausse et de gérer les portefeuilles de manière stratégique.

Nouveaux droits et limitations

  • Lutte contre l’impression 3D illicite : Les titulaires peuvent désormais agir contre la reproduction illicite de leurs modèles par impression 3D. La réforme répond ainsi aux nouvelles formes de contrefaçon technologique, en assurant la protection de l’apparence physique d’un produit, même lorsqu’il est généré par des moyens numériques.

 

  • Introduction d’une clause de réparation permanente : Une clause de réparation permanente est instaurée, permettant à un tiers d’utiliser des composants protégés par un modèle dans le seul but de réparer l’apparence extérieure d’un produit complexe (comme une voiture).
    L’objectif est de trouver un équilibre entre la liberté de réparation et les droits exclusifs du titulaire, afin d’éviter des monopoles techniques abusifs.

 

  • Liberté d’expression et usages permis : Le texte introduit des limites fondées sur la liberté d’expression, telles que la parodie, le commentaire, la critique ou la satire. Cette mise à jour favorise la proportionnalité des protections intellectuelles.

Enjeux stratégiques pour les parties prenantes

  • Pour les entreprises et designers : Il est essentiel de réaliser un audit stratégique des portefeuilles de modèles existants. De nouvelles opportunités de dépôts apparaissent, notamment pour les interfaces digitales, objets virtuels et éléments animés.
    Par ailleurs, la centralisation du dépôt à l’EUIPO constitue un gain d’efficacité notable dans les démarches de protection à l’échelle européenne.

 

  • Pour les juristes et conseils : Les professionnels doivent se former aux nouveaux textes afin d’ajuster leurs pratiques de conseil, d’accompagnement au dépôt, et de gestion des litiges.

 

  • Pour les consommateurs : L’intégration de la clause de réparation et des limites à l’exercice des droits exclusifs améliore l’accès aux pièces détachées, renforce la lutte contre l’obsolescence programmée et réaffirme une approche équilibrée du droit des modèles.

Conclusion

La réforme du droit des dessins et modèles entrée en vigueur le 1er mai 2025 marque une modernisation profonde du système européen. Elle introduit une protection élargie, davantage de flexibilité, et un alignement avec les réalités numériques. Les acteurs économiques et juridiques sont appelés à intégrer dès à présent ces évolutions pour sécuriser leurs droits et anticiper les pratiques à venir.

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