L’intelligence artificielle (IA) constitue une révolution industrielle et juridique. Utilisée comme moteur d’innovation dans les logiciels, elle soulève une interrogation centrale : peut-on protéger une IA en tant que logiciel au sens du droit positif ? Pour y répondre, il convient d’examiner les régimes applicables, notamment en droit d’auteur, droit des brevets, et les protections complémentaires, à la lumière de la législation actuelle, notamment le Règlement (UE) 2024/1689 sur l’intelligence artificielle, dit IA Act.
Sommaire
Protection par le droit d’auteur
Conditions d’éligibilité
En droit français, les logiciels sont protégés par le droit d’auteur en vertu de l’article L.112-2 13° du Code de la propriété intellectuelle (CPI). Cette protection s’applique aux programmes originaux, définis comme ceux qui portent « l’empreinte de la personnalité de leur auteur » (CJUE, C-5/08, Infopaq). La protection s’applique dès la création, sans dépôt, sous réserve de preuve.
Limites de la protection
Les algorithmes, méthodes de calcul et modèles mathématiques, en tant que tels, sont exclus du champ du droit d’auteur selon l’article L.611-10 CPI. En outre, une IA générant une œuvre sans intervention humaine ne peut, à ce jour, être considérée comme titulaire de droits, faute de personnalité juridique.
Protection par le droit des brevets
Critères de brevetabilité
En application de l’article L.611-10 CPI et de l’article 52 de la Convention sur le brevet européen (CBE), les logiciels « en tant que tels » ne sont pas brevetables. Toutefois, si le programme d’IA produit un effet technique supplémentaire, il peut faire l’objet d’un brevet d’invention, à condition de respecter les critères de nouveauté, d’activité inventive et d’applicabilité industrielle.
Spécificités des IA génératives
Les IA dites « génératives » (par ex. : générateurs d’images, de code ou de textes) posent des difficultés accrues. Elles peuvent être brevetées si elles résolvent un problème technique concret (décision G 1/19 de l’OEB). En revanche, les modèles abstraits ou purement algorithmiques sont exclus de la protection.
Autres formes de protection
Secret des affaires
La loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 sur la protection du secret des affaires, protège les informations confidentielles présentant une valeur économique. Cela inclut notamment les datasets d’entraînement, les paramètres de modèle, ou les architectures propriétaires, dès lors que des mesures raisonnables de protection sont mises en place (clause de confidentialité, restriction d’accès, etc.).
Protection des bases de données
Conformément à l’article L.341-1 CPI, une base de données est protégée par un droit sui generis si sa constitution représente un investissement substantiel. Cela peut inclure les bases d’entraînement de l’IA. Toutefois, les données individuelles non originales restent en dehors du champ de protection.
Risques juridiques liés à l’utilisation de l’IA
Le recours à une IA dans le développement logiciel peut générer des violations de licences open source, des reprises involontaires d’œuvres protégées, ou des atteintes aux droits moraux. Le code généré doit être vérifié pour s’assurer qu’il ne constitue pas une œuvre dérivée non autorisée. Le non-respect des obligations du fournisseur définies aux articles 16 à 29 de l’IA Act peut également engager sa responsabilité civile et administrative.
Conclusion
La protection juridique d’une intelligence artificielle comme logiciel repose sur plusieurs régimes : droit d’auteur (avec création humaine), brevets (pour l’innovation technique), secret des affaires et bases de données. Le règlement AI Act encadre l’usage des IA sans leur reconnaître de droits propres, imposant la responsabilité aux opérateurs humains. La protection dépend donc de la contribution humaine dans la création et l’exploitation.
FAQ
1. Les algorithmes d'IA sont-ils brevetables ?
Non pas en tant que tels. Oui s’ils produisent un effet technique.
2. Comment protéger les données d'entraînement d'une IA ?
Par le secret des affaires et éventuellement par le droit sui generis sur les bases de données.
3. Le code généré par une IA est-il protégé ?
Oui, si une intervention humaine originale est démontrée. Sinon, il n’est pas protégé.