Sommaire
- 1 Introduction
- 2 La titularité des droits de propriété intellectuelle en cas de cessation d’activité
- 3 Le rôle du mandataire judiciaire dans la gestion des droits
- 4
- 5 La contestation des cessions réalisées pendant la procédure collective
- 6 Les droits des créanciers sur les actifs de propriété intellectuelle
- 7 La continuité d’exploitation des droits de propriété intellectuelle pendant la procédure
- 8 Conclusion
- 9 FAQ
Introduction
Lorsqu’une entreprise met fin à son activité, la question du sort de ses droits de propriété intellectuelle devient un enjeu central. Brevets, marques, logiciels, droits d’auteur ou noms de domaine ne s’éteignent pas avec la personne morale qui les détient : ces actifs immatériels conservent une valeur patrimoniale propre. Ils peuvent être transmis dans le cadre d’une cession volontaire, cédés judiciairement en procédure collective, ou encore revenir à leurs auteurs lorsque la loi le permet.
La gestion de ces droits soulève des problématiques juridiques, économiques et opérationnelles majeures. En cas de procédure collective, l’intervention d’un mandataire ou d’un liquidateur judiciaire complexifie encore les opérations de transfert, d’évaluation ou d’exploitation. À cela s’ajoutent les contraintes liées aux contrats en cours (licences, accords d’exploitation, partenariats technologiques) et aux garanties prises par les créanciers sur ces actifs.
Mal anticipée, cette situation peut entraîner des pertes de valeur importantes : droits abandonnés, titres non renouvelés, actifs mal désignés, ou encore litiges postérieurs à la cession. Il est donc essentiel de maîtriser le régime juridique applicable pour sécuriser, valoriser et, le cas échéant, contester les opérations portant sur les actifs immatériels d’une entreprise en difficulté.
La titularité des droits de propriété intellectuelle en cas de cessation d’activité
1.1 La qualification des droits de propriété intellectuelle comme actifs cessibles
Les droits de propriété intellectuelle sont juridiquement qualifiés de biens meubles incorporels. À ce titre, ils figurent parmi les actifs cessibles de l’entreprise. Qu’ils soient inscrits à l’actif du bilan ou non, ils peuvent être transmis à un tiers, exploités sous licence, apportés en société ou donnés en nantissement. Cette qualification leur confère une valeur patrimoniale autonome qui peut être valorisée à des fins comptables, fiscales ou stratégiques. Dans le cadre d’un projet de reprise ou d’une restructuration, ces droits peuvent constituer des éléments déterminants pour maintenir la compétitivité ou garantir la continuité d’exploitation de l’activité.
1.2 Les modalités de transfert ou d’abandon
Avant toute procédure collective, l’entreprise peut organiser la cession de ses droits par acte sous seing privé ou authentique, à condition que cette cession soit enregistrée (INPI, EUIPO, OEB). Cette formalité d’inscription conditionne l’opposabilité aux tiers et doit être effectuée dans les plus brefs délais. En cours de liquidation, seule l’autorité du liquidateur, sous contrôle du juge-commissaire, permet de céder les droits de propriété intellectuelle. En cas d’inaction ou de défaut de paiement des taxes officielles, les droits peuvent être abandonnés par le non renouvellement et la déchéance ou revenir aux auteurs dans certaines conditions.
Le rôle du mandataire judiciaire dans la gestion des droits
2.1 En redressement : poursuite ou résiliation des contrats
Dans un contexte de redressement judiciaire, le mandataire judiciaire peut choisir de maintenir ou de résilier les contrats liés aux droits de propriété intellectuelle, notamment les licences ou accords de distribution. Cette décision se fonde sur l’intérêt de la procédure, il s’agit de préserver la valeur économique des actifs, d’éviter l’aggravation du passif et de permettre une reprise de l’activité dans de bonnes conditions. En pratique, les contrats qui génèrent une exploitation active sont généralement maintenus, tandis que les engagements non rentables peuvent être résiliés judiciairement.
2.2 En liquidation : identification, valorisation, cession
Lorsqu’une liquidation est prononcée, le liquidateur doit inventorier l’ensemble des actifs immatériels, les valoriser, puis organiser leur cession. L’objectif est double, désintéresser les créanciers et éviter une perte sèche de valeur. Cette opération peut être réalisée de manière isolée par la cession d’un brevet ou d’un nom de domaine ou via une cession globale du fonds. La réussite de cette cession repose sur une désignation claire des titres, une évaluation économique réaliste et leur opposabilité juridique, grâce à l’inscription régulière aux registres officiels.
La contestation des cessions réalisées pendant la procédure collective
3.1 Les cas de nullité ou d’opposabilité insuffisante
Une cession de droit de propriété intellectuelle non inscrite aux registres est inopposable aux tiers. Cette omission peut être lourdement sanctionnée si un litige survient entre l’acquéreur et un tiers prétendant. Par ailleurs, un acte imprécis peut être contesté pour défaut de consentement éclairé ou d’objet déterminé. La jurisprudence considère que la cession doit porter sur des droits précisément identifiés pour être valable.
3.2 La jurisprudence en matière de droits de propriété intellectuelle non listés
Plusieurs décisions ont invalidé des cessions de droits non expressément mentionnés dans les actes ou les ordonnances de cession. À titre d’exemple, des juges ont écarté de la cession un brevet ou un nom de domaine au motif qu’il n’avait pas été désigné individuellement, même si l’activité qu’il soutenait avait été transférée. Il est donc essentiel de vérifier que tous les droits à transmettre soient listés clairement, accompagnés de leurs numéros d’enregistrement et de leur statut juridique. À défaut, le repreneur s’expose à des contentieux postérieurs.
Les droits des créanciers sur les actifs de propriété intellectuelle
4.1 Le recours au nantissement et aux sûretés
Les droits de propriété intellectuelle peuvent faire l’objet de nantissements au profit des créanciers. Lorsqu’une telle sûreté est enregistrée avant l’ouverture de la procédure collective, le créancier bénéficie d’un droit de préférence sur le produit de la cession. Ces garanties doivent être publiées dans les formes légales, au registre national des brevets, marques ou dessins pour produire leur plein effet. En revanche, les créanciers chirographaires ne disposent d’aucune priorité spécifique et doivent se contenter d’une répartition selon le rang de leur déclaration de créance.
4.2 Le statut particulier des auteurs
Les auteurs disposent d’un droit de récupération automatique de leurs droits en cas de défaillance de leur cocontractant précise l’article L. 132-15 du Code de la propriété intellectuelle. Cette disposition protège leur droit moral et patrimonial, leur permettant d’exploiter à nouveau leur œuvre ou de conclure de nouveaux contrats. Dans certains secteurs culturels comme l’audiovisuel ou l’édition, des mécanismes de préemption ou de rachat prioritaire peuvent être activés par l’auteur, pour éviter que l’œuvre ne soit transférée à un tiers sans son accord.
La continuité d’exploitation des droits de propriété intellectuelle pendant la procédure
5.1 Le maintien des titres et paiements des redevances
Pour éviter la déchéance, les titres de propriété intellectuelle doivent être maintenus via le paiement des taxes, renouvellements, réponses aux offices. Le mandataire peut choisir de les conserver si leur valeur potentielle est avérée, notamment s’ils sont liés à une activité en cours, à un portefeuille client actif ou à un projet de reprise. Ce maintien suppose également d’assurer les relations avec les mandataires locaux dans les pays étrangers.
5.2 La conservation des outils techniques et valeur commerciale
La valeur des droits de propriété intellectuelle repose également sur leur exploitabilité. Sans code source, charte graphique, base de données ou savoir-faire attaché, un droit peut perdre toute valeur commerciale. Par exemple, un nom de domaine sans site internet actif ou sans fichier client peut perdre son attractivité. L’identification, la sécurisation et la préservation de ces éléments sont essentielles, notamment via un inventaire numérique et une externalisation temporaire de l’hébergement ou des serveurs.
Conclusion
La gestion des droits de propriété intellectuelle en situation de cessation d’activité exige une vigilance juridique et une stratégie rigoureuse. L’encadrement par le mandataire judiciaire, la sécurisation des actes de cession, et la collaboration avec les auteurs et les créanciers permettent de protéger au mieux ces actifs immatériels, qui peuvent représenter une véritable valeur de rebond.
Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne les entreprises dans la sécurisation et la valorisation de leurs droits de propriété intellectuelle, y compris dans les phases sensibles de restructuration ou de cessation d’activité. Grâce à une approche stratégique et préventive, nous aidons nos clients à anticiper les risques liés à leurs marques, brevets ou créations, et à préserver la continuité juridique et économique de leurs actifs immatériels, même en contexte de procédure collective.
Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus
FAQ
1. Que deviennent les droits de propriété intellectuelle en cas de cessation d’activité ?
Les brevets, marques, logiciels ou droits d’auteur ne disparaissent pas avec la fermeture d’une entreprise. Ils peuvent être cédés, transmis ou abandonnés selon le contexte juridique. En cas de cessation volontaire, l’entreprise peut organiser la transmission de ses actifs immatériels avant sa radiation. En procédure collective (redressement ou liquidation), ces droits deviennent des éléments du patrimoine soumis à l’intervention du mandataire ou du liquidateur. Leur bonne gestion permet d’en préserver la valeur économique et juridique.
2. Le mandataire judiciaire peut-il vendre une marque ou un brevet ?
Oui, dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire agit comme liquidateur et peut céder les droits de propriété intellectuelle de l’entreprise, notamment les marques, brevets ou logiciels. Cette cession est soumise au contrôle du juge-commissaire. Elle doit faire l’objet d’un acte précis et être inscrite aux registres compétents (INPI, EUIPO, OEB) pour être opposable aux tiers. Une cession mal formalisée ou non enregistrée peut être juridiquement inopérante.
3. Peut-on contester une cession de droits de propriété intellectuelle ?
Oui. Une cession d’actifs immatériels peut être remise en cause si elle présente un vice de forme, une absence d’inscription officielle ou une imprécision dans la désignation des titres. La jurisprudence rappelle que seuls les droits mentionnés explicitement et enregistrés peuvent être valablement transférés. À défaut, un tiers, notamment un ancien titulaire ou un créancier, peut engager une action en revendication ou en nullité.