Sommaire
- 1 Introduction
- 2 Comprendre les principales formes d’atteinte aux marques via les noms de domaine
- 3 Réagir efficacement face à une usurpation ou un usage abusif d’un nom de domaine
- 4 Mettre en place une surveillance proactive pour protéger durablement ses actifs
- 5 Conclusion : Une stratégie de marque efficace passe par une gouvernance proactive des noms de domaine
- 6 FAQ
Introduction
Les noms de domaine sont devenus bien plus que de simples adresses Internet : ils constituent des vecteurs essentiels de visibilité, d’image et de confiance pour les entreprises. En parallèle, cette importance stratégique a fait des noms de domaine une cible privilégiée pour les contrefacteurs, escrocs et usurpateurs de tous horizons.
Les atteintes aux marques par l’intermédiaire des noms de domaine, qu’il s’agisse de cybersquatting, de phishing, ou encore d’arnaques commerciales sophistiquées, prolifèrent à mesure que la technologie rend leur mise en œuvre plus simple, rapide et difficile à retracer. Ces pratiques menacent la valeur des portefeuilles de marques, la sécurité des consommateurs, ainsi que la réputation des entreprises.
Dans ce contexte, il est indispensable de bien comprendre les différentes formes d’abus, les moyens juridiques à disposition pour les combattre, et l’intérêt d’une stratégie de surveillance active des noms de domaine.
Comprendre les principales formes d’atteinte aux marques via les noms de domaine
1.1. Le cybersquatting : détourner une marque à des fins spéculatives
Le cybersquatting consiste à enregistrer un nom de domaine correspondant à une marque, avec l’intention de le revendre au titulaire légitime ou de profiter de sa notoriété. Cette pratique s’est industrialisée depuis la mise en ligne des bases de données publiques comme celles de l’EUIPO ou de l’USPTO, permettant à certains acteurs d’automatiser des enregistrements ciblés immédiatement après publication d’une nouvelle marque.
1.2. Le typosquatting : l’erreur de frappe comme outil de fraude
Le typosquatting repose sur des variantes orthographiques ou des erreurs de frappe intentionnelles, exploitant les fautes de l’internaute pour le rediriger vers un site frauduleux ou une page de publicité. Cette technique est particulièrement utilisée pour capter du trafic à des fins commerciales ou pour héberger des malwares.
Par exemple, un internaute qui tape « microsfot.com » au lieu de « microsoft.com » peut être redirigé vers un site contenant un virus ou une fausse mise à jour à télécharger.
1.3. Le phishing et spear phishing : usurpation d’identité numérique
Le phishing consiste à imiter un site officiel dans le but de soutirer des données personnelles ou bancaires. Le nom de domaine utilisé reproduit en général la marque ou une variante crédible. Cette pratique est souvent accompagnée d’emails frauduleux qui renvoient vers le faux site.
Le spear phishing, plus ciblé, vise des collaborateurs internes ou des partenaires commerciaux dans un objectif de fraude (ex. : demande de virement frauduleuse).
Par exemple, l’enregistrement d’un domaine frauduleux reprenant le nom d’une banque qui héberge un site cloné demandant à l’utilisateur de “mettre à jour” ses coordonnées bancaires.
1.4. Arnaques à l’emploi, à la commande ou fausses boutiques : des montages complexes
De nombreux montages frauduleux s’appuient désormais sur des noms de domaine pour donner une apparence de légitimité à de faux sites d’e-commerce, de fausses plateformes de recrutement ou de faux services client. Le nom de domaine devient un outil de tromperie central.
- Sites de vente contrefaisants ou fake shops : imitation poussée d’un site officiel pour vendre des produits contrefaits ou obtenir des données bancaires.
- Usurpation d’identité et escroqueries à la commande : des noms de domaine proches de centrales d’achat servent à soutirer de l’argent ou détourner des marchandises.
Réagir efficacement face à une usurpation ou un usage abusif d’un nom de domaine
2.1. Recourir aux procédures extrajudiciaires spécialisées
Certaines procédures administratives permettent d’obtenir la suppression ou le transfert d’un nom de domaine sans passer par les juridictions. Elles sont particulièrement utiles lorsque l’atteinte est manifeste et que le titulaire du domaine est difficile à localiser ou agit depuis l’étranger.
- UDRP (Uniform Domain-Name Dispute-Resolution Policy)
Gérée notamment par le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI, cette procédure internationale s’applique à la plupart des extensions génériques (.com, .net, .org, etc.). Elle permet le transfert ou la suppression d’un nom de domaine lorsque trois conditions sont réunies :
- Le nom de domaine est identique ou similaire à une marque antérieure ;
- Le titulaire n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine ;
- Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
- Syreli (AFNIC)
Cette procédure s’applique aux noms de domaine en .fr et est administrée par l’AFNIC. Elle présente l’avantage d’être entièrement dématérialisée, plus rapide qu’un procès classique, et permet une décision dans un délai de deux mois.
- URS (Uniform Rapid Suspension System)
Alternative simplifiée à l’UDRP, elle vise les cas manifestes de cybersquatting. Elle est particulièrement adaptée pour suspendre un nom de domaine rapidement, sans en obtenir le transfert, lorsque l’atteinte est flagrante et documentée.
- La mise en demeure : un levier à ne pas négliger
L’envoi d’une lettre de mise en demeure permet de formaliser une demande de retrait ou de transfert, en démontrant l’antériorité des droits et le caractère abusif de l’usage. Cette démarche est souvent combinée à des notifications techniques (auprès des bureaux d’enregistrement, hébergeurs ou plateformes). Dans les cas simples, elle suffit à obtenir une résolution amiable rapide, notamment lorsque le titulaire n’est pas un professionnel aguerri.
2.2. Actions judiciaires : pour les atteintes graves ou non résolues
Lorsqu’une procédure extrajudiciaire échoue ou n’est pas adaptée à la situation, il est possible d’intenter une action en justice.
- Identification du titulaire : article L.34-1 du Code des postes et des communications électroniques
Cette disposition permet, par voie de référé, d’obtenir des informations auprès du bureau d’enregistrement ou de l’hébergeur, en levant le voile sur l’identité d’un titulaire de nom de domaine ou d’un administrateur de site.
- Action en contrefaçon ou concurrence déloyale
Si l’usage du nom de domaine porte atteinte à une marque enregistrée, l’action en contrefaçon est recevable. Si la marque n’est pas déposée, il est encore possible d’agir sur le fondement de la concurrence déloyale ou du parasitisme, en démontrant une appropriation abusive de la réputation d’autrui.
2.3. Mobiliser les bons intermédiaires
Dans l’écosystème technique des noms de domaine, les tiers impliqués jouent un rôle central pour faire cesser les atteintes.
- Le registrar (bureau d’enregistrement)
Il gère la réservation du nom de domaine. Lorsqu’il est saisi d’une décision UDRP ou d’une injonction judiciaire, il peut procéder au blocage, à la suspension ou au transfert du domaine.
- L’hébergeur
Il héberge le contenu visible sous le nom de domaine. En cas de diffusion de contenu illicite, il peut être mis en demeure de retirer les contenus concernés sous peine de voir sa responsabilité engagée.
2.4. Collecter les preuves : préalable indispensable à toute action
Une réaction efficace ne peut se faire sans une documentation rigoureuse des faits. Il convient de réunir et conserver les éléments suivants dès la détection de l’atteinte :
- Données Whois : elles permettent d’identifier le titulaire ou les coordonnées techniques du nom de domaine.
- Captures d’écran du site litigieux, en incluant l’URL complète, l’heure, la date et les éléments visuels ou textuels fautifs.
- Courriels frauduleux ou logs techniques : en cas de phishing ou d’utilisation abusive de serveurs de messagerie configurés sur le domaine litigieux.
- Correspondances avec les prestataires techniques : elles peuvent démontrer l’inertie d’un hébergeur ou d’un registrar, utile en cas de procédure en responsabilité.
Mettre en place une surveillance proactive pour protéger durablement ses actifs
3.1. Une veille noms de domaine pour prévenir les atteintes
Anticiper avant que le dommage ne survienne
La surveillance systématique des noms de domaine repose sur des systèmes d’alerte analysant en temps réel les nouvelles créations dans les bases WHOIS, les bases d’enregistrement DNS ou les zones de root servers. Ces outils signalent l’enregistrement de noms proches d’une marque protégée :
- Ajout ou suppression d’un caractère
- Inversion de lettres ou homographes
- Enregistrement dans une extension inhabituelle (.shop, .buzz, .store, etc.)
Détecter un nom de domaine malveillant dès son enregistrement, avant qu’un site ne soit mis en ligne ou promu via les moteurs de recherche, permet une intervention préventive, souvent plus rapide et moins coûteuse.
3.2. Mettre en œuvre une stratégie défensive globale : surveiller, enregistrer, neutraliser
Enregistrer les noms stratégiques en amont
Une stratégie efficace combine surveillance et dépôts. Il ne s’agit pas d’enregistrer tous les noms de domaine possibles, mais de cibler les extensions et variantes les plus sensibles :
- Extensions génériques à fort trafic : .com, .net, .shop, .store, .vip
- Extensions locales des marchés clés : .fr, .de, .cn
- Extensions sujettes à détournement : .xyz, .top, .online, .buzz
Les dépôts défensifs permettent de sécuriser les noms critiques avant qu’un tiers ne les exploite à mauvais escient. Cette approche est particulièrement utile lors de lancements de produits, d’événements majeurs ou d’extensions de marque.
Documenter pour mieux agir
Une bonne stratégie de surveillance s’accompagne d’un dispositif de preuve : chaque alerte doit être documentée par une capture d’écran, un horodatage, une extraction du code source si nécessaire, afin de servir de fondement à une action en UDRP ou judiciaire.
Conclusion : Une stratégie de marque efficace passe par une gouvernance proactive des noms de domaine
Face à la montée en puissance des atteintes numériques, il devient indispensable d’intégrer les noms de domaine au cœur de votre stratégie de protection des marques. Identifier, réagir, anticiper : telles sont les trois étapes d’une défense efficace, fondée sur des outils juridiques adaptés, une coopération avec les bons interlocuteurs techniques, et une surveillance constante.
Le cabinet Dreyfus & Associés accompagne depuis plus de 20 ans des entreprises de toutes tailles dans la gestion stratégique, défensive et contentieuse de leurs portefeuilles de noms de domaine.
Le cabinet Dreyfus & Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.
Nathalie Dreyfus, avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus
FAQ
1. Qu’est-ce que le cybersquatting ?
C’est l’enregistrement abusif d’un nom de domaine identique ou proche d’une marque, dans le but de le revendre ou de tirer un avantage indu.
2. Quelles sont les procédures pour récupérer un nom de domaine ?
La procédure UDRP (internationale) ou Syreli (en .fr) permet d’obtenir le transfert ou la suppression du nom.
3. Comment savoir qui a enregistré un nom de domaine ?
En consultant le service Whois, bien que certaines données soient masquées. D’autres actions (judiciaires) peuvent être nécessaires.
4. Que faire si le registrar ou l’hébergeur refuse d’agir ?
Recourir à une procédure judiciaire ou administrative, selon les cas. L’article L.34-1 CPCE peut permettre d’obtenir des mesures d’instruction.
5. Comment détecter les noms de domaine frauduleux ?
Grâce à une veille automatisée, à des outils d’alerte sur l’enregistrement de noms similaires à vos marques.