Sommaire
- 1 Introduction
- 2 Définition et portée des NGT
- 3 Le cadre juridique actuel : COV et brevets
- 4 L’impact du projet de Règlement européen sur les NGT
- 5 Les préoccupations concernant la brevetabilité des traits issus des NGT
- 6 Les implications économiques pour le marché des semences
- 7 L’importance de la réactivité administrative dans la gestion des droits de NGT et de COV
- 8 Conclusion
- 9 FAQ
Introduction
Les nouvelles techniques génomiques (NGT) offrent des possibilités révolutionnaires pour la modification des plantes, permettant des modifications génétiques précises, rapides et plus ciblées que les techniques de sélection conventionnelle. Ces innovations apportent des solutions pour une agriculture plus résiliente et durable, face aux défis environnementaux mondiaux, comme la résistance aux maladies ou l’adaptation au changement climatique. Toutefois, leur essor soulève d’importantes interrogations juridiques, éthiques et économiques.
Le projet de Règlement européen relatif aux NGT, proposé par la Commission européenne en juillet 2023, représente un tournant décisif dans la régulation des biotechnologies végétales en Europe. Toutefois, un désaccord majeur entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil européen complique l’adoption de ce règlement, le rendant incertain.
Définition et portée des NGT
Les nouvelles techniques génomiques (NGT) désignent des méthodes permettant de modifier précisément le génome des plantes, c’est-à-dire leur organisme génétique. Contrairement aux techniques traditionnelles de sélection, les NGT permettent d’opérer des modifications ciblées sur des gènes spécifiques. Parmi elles, CRISPR-Cas9 est la plus connue, permettant de couper et modifier des segments d’ADN avec une grande exactitude. Cette technologie ouvre la voie à des traits d’intérêt tels que la résistance aux maladies ou la tolérance à des conditions climatiques extrêmes. Cela représente une avancée majeure pour l’agriculture et pourrait transformer la production végétale, tout en offrant des solutions plus durables face aux défis environnementaux.
Le cadre juridique actuel : COV et brevets
Le système du certificat d’obtention végétale (COV)
En Europe, les semenciers bénéficient de protections juridiques sous forme de certificat d’obtention végétale (COV). Ce système permet aux obtenteurs de nouvelles variétés de protéger leurs inventions, garantissant ainsi leur rémunération et encourageant l’innovation. Toutefois, une exception importante existe : l’exception de sélection, qui permet de créer de nouvelles variétés en utilisant des plantes protégées par un COV. Cela permet aux semenciers d’avoir une certaine liberté dans leur travail d’innovation, sans risquer de violer les droits des obtenteurs précédents.
La coexistence avec les brevets
Alors que dans d’autres régions du monde, comme aux États-Unis, des variétés complètes peuvent être brevetées, l’Europe reste plus stricte. En vertu de l’article L611-10 du Code de la Propriété Intellectuelle, un brevet peut être accordé pour une invention qui répond aux trois conditions suivantes : la nouveauté, l’activité inventive et l’application industrielle. Ainsi, en France et en Europe, les brevets ne s’appliquent qu’à des traits spécifiques ou à des méthodes techniques d’amélioration, et non aux variétés complètes. Par exemple, un semencier peut avoir un COV pour une variété particulière de tomate, mais un brevet pourrait être déposé pour un gène spécifique qui améliore la résistance de cette variété à une maladie.
L’impact du projet de Règlement européen sur les NGT
Position du Parlement européen et du Conseil
Le projet de règlement européen sur les NGT, proposé par la Commission européenne, se trouve dans une situation de tension politique. Le Parlement européen exprime des préoccupations majeures, notamment sur la brevetabilité des plantes issues des NGT. Il craint que la multiplication des brevets sur des éléments du vivant puisse freiner l’innovation et accroître les coûts pour les agriculteurs. De son côté, la Commission européenne et le Conseil européen soutiennent que certaines innovations génétiques issues des NGT doivent pouvoir être protégées par des brevets en plus des COV. Cela permettrait de garantir un retour sur investissement pour les semenciers, tout en assurant que les recherches génétiques puissent être rentabilisées.
Conséquences pour les semenciers et les agriculteurs
Si la position du Parlement est adoptée, la brevetabilité des traits génétiques issus des NGT serait exclue, ce qui limiterait la capacité des semenciers à tirer un revenu des innovations apportées par ces techniques. Cela pourrait réduire l’incitation à investir dans la recherche génétique, avec des conséquences directes sur le coût des semences pour les agriculteurs. En revanche, un système hybride (qui intégrerait les brevets sur certains traits) complexifierait le marché et pourrait entraîner une augmentation des coûts des semences, que les agriculteurs seraient alors amenés à supporter.
Les préoccupations concernant la brevetabilité des traits issus des NGT
Débats sur la brevetabilité des traits et des variétés
Le système hybride proposé pourrait conduire à une situation complexe où chaque trait génétique issu des NGT serait protégé par un brevet distinct. Cela augmenterait les coûts administratifs pour les semenciers et compliquerait le paysage juridique, avec des licences spécifiques à négocier pour chaque trait utilisé. Cela pourrait freiner l’innovation, car un semencier pourrait se retrouver à devoir négocier des licences pour des traits génétiques largement utilisés.
Les implications économiques pour le marché des semences
Risques d’augmentation des coûts pour les semenciers et les agriculteurs
Si la brevetabilité des traits issus des NGT est autorisée, les semenciers devront négocier des licences pour utiliser ces traits, ce qui entraînera des coûts supplémentaires pour les agriculteurs. Ces coûts seront répercutés sur le prix des semences, rendant l’innovation génétique plus coûteuse et limitant l’accès à de nouvelles technologies.
Répercussions sur l’innovation et la concurrence
L’introduction de brevets sur des traits génétiques pourrait avoir des conséquences négatives en créant un marché où l’accès aux innovations est restreint par des licences exclusives. Cela pourrait réduire la concurrence dans l’industrie des semences et limiter l’accès des agriculteurs à des semences innovantes, avec des effets néfastes sur l’efficacité et la durabilité de l’agriculture.
L’importance de la réactivité administrative dans la gestion des droits de NGT et de COV
Une affaire récente concernant l’annulation du droit communautaire de la variété végétale pour la variété de pomme de terre « Melrose » en raison du non-paiement des frais annuels illustre les enjeux de la gestion des droits de propriété intellectuelle dans le secteur des semences. En effet, dans l’affaire Romagnoli Fratelli SpA c. Office communautaire des variétés végétales (CPVO), arrêt du Tribunal de l’Union européenne (C-426/24 P), le Tribunal a confirmé que l’Office communautaire des variétés végétales (CPVO) avait agi correctement en annulant le droit en question, après plusieurs rappels électroniques via la plateforme MyPVR à l’intention du titulaire, qui n’a pas réagi dans les délais.
Cette situation met en évidence l’importance pour les semenciers et les obtenteurs de variétés végétales de respecter rigoureusement les procédures administratives et de surveiller de près les communications électroniques relatives à leurs droits de propriété intellectuelle.
Dans le cadre des NGT, qui apportent des changements rapides et complexes dans la génétique des plantes, une vigilance accrue est nécessaire pour éviter que des droits précieux ne soient annulés pour des raisons administratives, comme le non-paiement de frais ou la négligence dans la gestion des informations.
Dans ce contexte, tout comme pour les droits sur les variétés végétales, il devient essentiel pour les détenteurs de droits de veiller à ce que leurs informations de contact et leurs paramètres de communication soient à jour, et de s’assurer qu’ils répondent promptement aux notifications officielles envoyées par voie électronique. Cela est particulièrement pertinent dans le cadre du projet de règlement européen sur les NGT, où des processus administratifs complexes sont susceptibles d’entrer en jeu, et où les semenciers pourraient se retrouver dans une situation similaire si leurs droits sont mal gérés ou négligés.
Conclusion
Le cadre juridique des NGT est en pleine évolution, et les débats autour du projet de règlement européen laissent présager de grands changements pour l’industrie des semences. Le compromis entre les brevets et les COV sera crucial pour l’avenir de l’innovation dans ce domaine, ainsi que pour les coûts et la concurrence sur le marché des semences. Si le système proposé par la Commission et le Conseil européen est adopté, il pourrait transformer radicalement le secteur, avec des conséquences significatives pour les semenciers, les agriculteurs et la durabilité de l’agriculture européenne.
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FAQ
1. Comment le COV protège-t-il les variétés végétales ?
Le COV protège les variétés végétales en assurant à leur créateur des droits exclusifs sur leur production et commercialisation. Il permet aux semenciers de percevoir des redevances sur les ventes de semences.
2. Quels sont les enjeux de la brevetabilité des NGT ?
La brevetabilité des NGT permettrait de protéger des traits génétiques spécifiques, mais pourrait aussi entraîner une complexification du marché des semences avec des coûts accrus pour les semenciers et les agriculteurs.
3. Les NGT peuvent-elles être brevetées en Europe ?
Actuellement, seules des méthodes techniques ou des traits génétiques spécifiques issus des NGT peuvent être protégés par brevet, et non la variété entière.
4. Comment les semenciers négocient-ils les licences pour les traits génétiques ?
Les semenciers négocient des licences pour utiliser des traits protégés par brevet, ce qui peut entraîner des coûts supplémentaires et une gestion complexe des droits de propriété intellectuelle.
5. Quelle est l’implication de l’affaire de l’annulation d’un droit de variété ?
L’affaire souligne l’importance de maintenir la conformité avec les règles de propriété des semences, notamment en ce qui concerne le paiement des frais de protection.