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Conflit de juridiction : site internet italien et tribunaux français

 

hammer-719066_960_720Le caractère transnational des noms de domaine pose la question de la détermination du tribunal territorialement compétent pour connaitre des atteintes causées par l’enregistrement ou l’usage de ces signes.

Appréciation de la destination d’un site : utilisation de la technique du faisceau d’indices

En vertu de la théorie de la focalisation, le juge français est compétent dès lors que le site en question est destiné au public de France et non pas simplement accessible depuis la France (Com. 11 janvier 2005). Cette solution avait été réaffirmée à plusieurs reprises (Com. 29 mars 2011 ; Com. 3 mai 2012). La technique prend en compte divers indices, tels que l’extension du nom de domaine, la langue utilisée sur le site ou encore les destinations de livraison. Toutefois, ces critères pris séparément ne sont pas pertinents.

Cette technique du faisceau d’indices a notamment été utilisée par la Cour de justice de l’Union Européenne, à l’occasion d’un arrêt en date du 12 juillet 2011, qui procéda à une appréciation au cas par cas de divers indices judicieux pour conclure à la destination d’un site web.

Jurisprudence divergente en matière de ccTLDs étrangers

Néanmoins, la difficulté se pose en présence de ccTLDs étrangers, c’est-à-dire d’extensions nationales (<.ch> pour la Chine, <.de> pour l’Allemagne, etc.). La preuve de la cible est alors plus complexe, il est nécessaire d’apporter des éléments prouvant le ciblage du public français. Par un jugement du 14 janvier 2016, le TGI de Paris a considéré qu’un site internet italien proposant une traduction en français de son contenu, ainsi que les coordonnées de l’un de ses distributeurs basé en France vise un public français, avec lequel il présente un lien significatif et suffisant. Le tribunal s’est fondé sur l’article 5-3 du règlement communautaire n° 4/2001 qui prévoit qu’« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre : […] 3) En matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».  Le TGI de Paris est donc en l’espèce compétent pour connaître des demandes relatives à l’utilisation d’une marque d’une société française sur un site en .it.

A contrario, la Cour d’Appel de Nancy, le 13 décembre 2010 avait refusé de reconnaitre la compétence des juridictions françaises lors d’un litige survenu sur le site <carbone.nl> aux motifs qu’il n’était pas en français et ne proposait pas de vente en France.

Il convient donc de rester prudent et de considérer tous les indices possibles pour identifier au mieux la destination d’un site internet, et donc la ou les juridictions compétentes en cas de litige.

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Contrefaçon : pas de confusion entre les marques LinkedIn et Colink’in

 

linkedin-911794_960_720Par un arrêt du 5 février 2016, la Cour d’appel de Paris a jugé que la marque Colink’In ne contrefaisait pas la marque LinkedIn. La Cour a condamné les sociétés LinkedIn France et LinkedIn Ireland à verser 15 000 € à la société Colink’In au titre des frais engagés pour sa défense. LinkedIn alléguait une contrefaçon par imitation des marques verbales et complexes communautaires LinkedIn du fait du dépôt, de l’enregistrement et de l’usage de la marque CoLink’In, ainsi que de la dénomination sociale, du nom commercial et de l’enseigne éponyme.

Appréciation de la contrefaçon en fonction des ressemblances d’ensemble

La Chambre commerciale de la Cour de cassation, par un arrêt du 25 mars 2014, avait déjà eu l’occasion de rappeler le principe selon lequel la contrefaçon s’apprécie par rapport aux ressemblances d’ensemble. La Cour de Cassation avait précisé le critère d’appréciation de la contrefaçon de marque qui doit tenir compte du risque de confusion dans l’esprit du consommateur. Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait rappelé le principe d’appréciation globale du risque de confusion et en avait précisé les contours : en matière de propriété intellectuelle, la contrefaçon s’apprécie par rapport aux ressemblances d’ensemble et non aux différences de détails (Cass. Com., 4 janv. 1982, Ann. propr. ind., p.244).

Quant à la position de la Cour de Justice des Communautés Européennes, qui, par trois arrêts fondamentaux, a fixé sa jurisprudence, la contrefaçon s’apprécie au regard de l’impression d’ensemble donnée par un signe (CJCE, 11 Nov. 1997, aff. C-251/95, Sabel ; 29 Sept. 1998, aff. Canon ; 22 June 1999, aff. C-342/97, Lloyd). Il ne suffit donc pas aux juges du fond de relever des différences, encore leur faut-il rechercher si les ressemblances existantes ne créent pas un risque de confusion.

En l’espèce, la Cour d’appel de Paris a jugé que le consommateur ne pouvait se méprendre sur l’origine des produits et services de chacune des deux parties, après avoir analysé la construction, la prononciation et la perception des signes opposés. La prononciation du terme Linkedin n’a pas permis d’établir de risque de confusion entre les deux signes et les facteurs de phonétiques se révèlent bien faibles. En effet, en France « rien ne permet d’affirmer que le public pertinent prononcera la marque revendiquée Lin[k]din plutôt que Link[eu]din ou Link[é]din ».

Enfin, bien que la cour reconnaisse à LinkedIn son statut de marque renommée, elle ne retient pas en revanche « que le signe litigieux a eu pour effet de provoquer une dispersion de l’identité de la marque en en réduisant la valeur économique, ni d’être à l’origine d’un ternissement, en en donnant une image négative ». Elle rejette donc la demande indemnitaire formée par Linkedin sur ces fondements à l’encontre de la société intimée.

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Voir aussi notre article : Le principe d’une appréciation in abstracto du risque de confusion entre deux marques réaffirmé ?

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Pour lutter contre le cybersquatting, la procédure UDRP a d’abord été mise en place il y a plus de 10 ans. C’est une procédure

@ pour symboliser l'internet

Entre les années 1954 et 1989, le journal Le Figaro a publié un magazine sous la marque « Jours de France » enregistrée le 16 juin 1988. En 2011, Le Figaro a relancé la publication de ce magazine sous forme numérique sous le nom de domaine <joursdefrance.lefigaro.fr> et n’a relancé sa publication papier que le 7 août 2013.

Après réception d’une lettre de mise en demeure de la société Entreprendre, titulaire de la marque française « Jour de France » enregistrée le 25 février 2003, Le Figaro a assigné en justice cette société pour contrefaçon de marque. La société Entreprendre a alors invoqué la déchéance des droits de Le Figaro sur sa marque « Jours de France » pour non-utilisation conformément à l’article L714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, alinéa premier,  selon lequel : « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».

La question était alors de savoir si l’usage d’une marque sur Internet était constitutif d’un usage réel et sérieux au sens de l’article L714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle. Dans une décision en date du 20 novembre 2015[1], la Cour d’Appel de Paris a infirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris prononçant la déchéance des droits de la Société du Figaro sur sa marque « Jours de France »[2].

Selon la Cour d’Appel de Paris, les documents établis par AT Internet, et démontrant que le nombre de visiteurs uniques (en moyenne de l’ordre de 1700 par mois, hors périodes de pointe) n’est pas significativement inférieur au nombre de visiteurs, permettent de prouver la publication du magazine sur Internet et conséquemment l’usage réel et sérieux de la marque « Jours de France », indépendamment de l’usage quantitatif de cette dernière.

En effet, la Cour d’Appel, en concordance avec les jurisprudences communautaires Ansul[3] et La Mer Technology[4], considère premièrement que l’usage quantitatif n’est pas un critère d’appréciation déterminant et que, secondement, la diffusion d’un magazine sur Internet est de nature à assurer un rayonnement suffisant du produit auprès du public.

La Cour d’Appel précise également dans son arrêt que la publication papier du magazine durant la période en cause, même faible, permettait de corroborer l’usage réel et sérieux de la marque « Jours de France ».

[1] Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 2, 20 novembre 2015, RG No. 15/00522

[2] Tribunal de Grande Instance de Paris, 3ème Chambre, 4ème Section, 18 décembre 2014, RG No. 14/00649

[3] Cour de Justice de l’Union Européenne, Ansul BV contre Ajax Brandbeveiliging BV, 11 mars 2003, C-40/01

[4] Cour de Justice de l’Union Européenne, La Mer Technology Inc. contre Laboratoires Goemar SA, 27 janvier 2004, C-259/02

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Lutte contre le cybersquatting : comparaison UDRP et URS

 

AnticiperPour lutter contre le cybersquatting, la procédure UDRP a d’abord été mise en place il y a plus de 10 ans. C’est une procédure efficace. Elle a permis de traiter plus de 31 000 contentieux depuis sa création fin 1999. Par la suite, et dans le cadre du lancement des nouvelles extensions de nom de domaine (new gTLDs), l’ICANN a créé la procédure URS venant compléter la procédure UDRP. Cette nouvelle procédure, simplifiée, offre des coûts réduits et apporte aux titulaires de marques une solution plus rapide. Simplement, quels éléments différencient la procédure UDRP de la procédure URS ?

 

UDRP

 

URS

Noms de domaine concernés gTLD, new gTLDs et certains ccTLD (variables en fonction des centres habilités New gTLDs et certains ccTLD
Communication Electronique Electronique
Centres habilités à recevoir les plaintes 1) L’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI)

 

2) Le National Arbitration Forum (NAF)

 

3) L’Asian Domain Name Dispute Resolution Centre (ADNDRC)

 

4) Le Centre arabe pour le règlement des litiges relatifs aux noms de domaine (ACDR)

 

5) La Cour Arbitrale Tchèque (CAC)

1) Centre MFSD

 

2) Le National Arbitration Forum (NAF)

 

3) L’Asian Domain Name Dispute Resolution Centre (ADNDRC).

Nombre limite de mots Plainte : 5000 mots maximum

Réponse : 5000 mots maximum

Plainte : 500 mots maximum

Réponse : 2500 mots maximum

Langue Langue du contrat d’enregistrement  (sauf accord ou circonstances) Plainte : Anglais

Réponse : Anglais, sauf notification contraire

Eléments de la plainte 1) Nom de domaine identique ou similaire au point de prêter à confusion avec la marque

2) Pas de droits ou d’intérêt légitime sur le nom de domaine

3) Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi

1) Nom de domaine identique ou similaire au point de prêter à confusion avec une marque pour laquelle le demandeur possède un enregistrement national ou régional valide et en cours d’utilisation ; ou qui a été validé à travers une procédure judiciaire ; ou qui a été spécifiquement protégé par une loi ou un traité en vigueur au moment où la plainte URS est formée

2) Pas d’intérêt légitime ou de droit sur le nom de domaine

3) Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi

Délai réponse 20 jours civils 14 jours civils
Extension du temps de réponse A la demande du défendeur ou suite à un accord des parties

Pas de limitation expresse de durée

A la demande du défendeur

7 jours civils maximum

Standard de la preuve Prépondérance de la preuve Preuve claire et convaincante

Aucune véritable question de fait ne doit être posée

Correction des irrégularités Contrôle par le centre d’arbitrage dans un délai de 5 jours à compter du dépôt de la plainte

5 jours civils pour corriger l’irrégularité, sinon rejet de la plainte

Contrôle par le centre d’arbitrage dans  un délai de 2 jours à compter du dépôt de la plainte

Pas de possibilité de corriger une irrégularité du fait de la rapidité de la procédure

Délai décision Dans les 14 jours suivant la notification du panel Dans les 5 jours ouvrables à compter du dépôt de la plainte
Sanction Transfert ou annulation du nom de domaine Suspension pendant la durée d’enregistrement du nom de domaine

Possibilité de prolonger la suspension pour 1 an supplémentaire

Appel Non Oui
Panel 1 ou 3 panelistes 1 paneliste en examen et 1 ou 3 en appel

Alors que la procédure URS présente l’avantage de la rapidité et de la simplicité, la procédure UDRP vise elle la totale suppression du trouble. Le choix entre ces deux procédures devra alors relever de la mise en place d’une stratégie forte et efficace, en accord avec la valeur réelle du nom de domaine pour le titulaire de la marque et l’objectif à atteindre.

Dreyfus & associés se propose de vous assister dans toute procédure URS ou UDRP et dans le monde entier en considérant la meilleure stratégie de valorisation et de protection de vos droits.

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Procédure de liquidation judiciaire : un contrat de licence peut être transféré sans l’accord du concédant

 

s-business-dreyfus-7Le Groupement d’Intérêt Economique Prop (le GIE), et la société Groupe Paredes, titulaires de plusieurs marques, ont accordé à la société Raynaud, également membre du GIE, le droit d’utilisation de leurs marques.

Suite à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Raynaud, un jugement en date du 28 juin 2013[1] a arrêté le plan de liquidation ordonnant le transfert de tous les contrats commerciaux et de leurs accessoires conclus entre la société Raynaud et les titulaires des marques concernées au profit de la société Orapi, à laquelle s’est ultérieurement substituée la société Raynaud hygiene.

Par suite d’un arrêt de la Cour d’Appel du 24 octobre 2013[2] infirmant le transfert des contrats commerciaux et de leurs accessoires, le GIE et la société Groupe Paredes ont agi en action en contrefaçon contre les sociétés Orapi et Raynaud hygiene en invoquant notamment l’article L713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle selon lequel : « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ; b) La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée ».

La question était alors de savoir si le transfert des contrats commerciaux et leurs accessoires, ainsi que l’utilisation par les sociétés Orapi et Raynaud hygiene des marques concernées entre le 28 juin 2013 et le 24 octobre 2013, était constitutif ou non de contrefaçon au sens de l’article L713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle.

Dans une décision en date du 15 septembre 2015, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation[3] confirme l’arrêt de la Cour d’Appel en ce qu’il rejetait la qualification de contrefaçon.

Selon la Cour de Cassation, le jugement ayant arrêté le plan de cession était exécutoire de plein droit et devait prendre effet à compter de son prononcé. La Cour précise que, parce que les sociétés Orapi et Raynaud hygiene avaient bénéficié du transfert de tous les contrats commerciaux et de leurs accessoires, elles bénéficiaient également de l’adhésion au GIE. Ainsi, les actes résultant du transfert en question ne pouvaient être qualifiés d’actes de contrefaçon.

Le droit des procédures collectives peut donc, dans certaines circonstances, limiter les droits du titulaire de marques sur le choix de son licencié. En effet, en arrêtant le plan de liquidation judiciaire, le Tribunal peut ordonner le transfert d’un contrat de licence sans l’accord du concédant.

Cependant, et même si dans ce cas spécifique le concédant ne peut choisir son nouveau licencié, il aura toujours la possibilité de lui opposer les clauses contractuelles contenues dans les contrats transférés. Une attention toute particulière doit donc être portée à la rédaction de telles clauses.

[1] Tribunal de Commerce de Lisieux, 28 juin 2013, No. 13/2722

[2] Cour d’Appel de Caen, Chambre civile et commerciale, 24 octobre 2013, No. 13/02304

[3] Cour de Cassation, Chambre commerciale, 15 septembre 2015, No. 14-20531

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L’ICANN nomme le Centre MFSD comme fournisseur de Système Uniforme de Suspension Rapide

 

consulting2-300x213Le 16 décembre 2015, l’ICANN annonce la signature d’un accord (Memorandum of Understanding) avec le Centre MFSD qui rejoint ainsi le Centre Asiatique de Règlement de Litiges relatifs à des Noms de Domaine (ADNDRC) et le Forum National d’Arbitrage (NAF) en tant que fournisseurs de système URS.

Les négociations entamées par l’OMPI afin de pouvoir administrer des procédures URS n’ayant pas abouti, la société MFSD srl basée en Italie se retrouve premier centre européen fournisseur de système uniforme de suspension rapide.

Pour rappel, et dans le cadre du lancement des nouvelles extensions de noms de domaine en 2013 (new gTLDs), l’ICANN avait créé la procédure URS venant compléter la procédure UDRP. Cette nouvelle procédure, simplifiée, offre des coûts réduits et apporte aux titulaires de marques une solution plus rapide.

Bien que la procédure URS présente l’avantage de la rapidité et de la simplicité, la procédure UDRP vise elle la totale suppression du trouble. Le choix entre ces deux procédures devra alors relever de la mise en place d’une stratégie forte et efficace, en accord avec la valeur réelle du nom de domaine pour le titulaire de la marque et l’objectif à atteindre (voir l’article « La procédure URS est-elle bénéfique pour les titulaires de marque ? Bilan après deux ans de mise en œuvre »).

Les fournisseurs de système URS doivent nécessairement remplir un certain nombre de conditions, et notamment faire preuve d’une parfaite compréhension, au niveau mondial, des enjeux liés aux droits de propriété intellectuelle et à l’Internet.

Le Centre MFSD a, en ce qui le concerne, une expérience et des qualifications approfondies dans la résolution extra-judiciaire des litiges liés à la propriété intellectuelle.

Fondé en 2000, ce centre a été accrédité en 2001 par le bureau d’enregistrement .it (Registry .it) comme fournisseur de système de résolution des litiges liés aux noms de domaine en .it. Il a également été habilité par le Ministère Italien de la Justice, en 2012, Centre de Médiation en Propriété Intellectuelle.

Le 28 janvier 2016, Nathalie Dreyfus a été nommée Examinateur dans le Centre MFSD. Elle est la première examinatrice de ce Centre ayant pour langue maternelle le français.

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Collectivités territoriales et EPCI : profitez des procédures d’alerte et d’opposition

AnticiperPris en application de certaines dispositions de la loi Hamon[i] venant accroitre les possibilités offertes aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour protéger leurs droits, le décret n° 2015-671 du 15 juin 2015 vient fixer les modalités de la demande d’alerte en cas de dépôt d’une marque contenant leur nom.

En effet certaines collectivités territoriales avaient pu être l’objet d’appropriations par des tiers de leur dénomination. Or, elles ne pouvaient s’y opposer que pour les produits et services en rapport avec les missions de service public confiées pour le compte des administrés[ii].

A titre d’exemple, la commune de Laguiole a tenté de faire interdire l’utilisation par un tiers de son nom à titre de marque. Ce tiers commercialisait des produits qui n’étaient pas fabriqués dans la commune. La Cour d’appel de Paris, confirmant un jugement en première instance, a débouté la commune de ses demandes en nullité de marque et pratiques commerciales trompeuses. Selon la Cour, « la réputation du terme « laguiole » tient aux produits précis que sont le couteau et le fromage qui tirent leur nom de celui de la commune et qu’il n’est pas démontré qu’à la lecture de ce catalogue le consommateur ait été trompé sur l’origine géographique de la multitude de produits de toutes natures revêtus des marques comprenant le terme « Laguiole » en pensant qu’ils proviennent tous d’une petite commune rurale de quelques 1.300 âmes ».[iii] La Cour d’appel retient donc non seulement que le risque de confusion entre l’origine des produits et la commune n’était pas établi mais également et surtout que la commune ne faisait pas la démonstration d’une atteinte à ses droits antérieurs.

Pour faire face à ces difficultés, la loi Hamon a tout d’abord introduit la possibilité pour les acteurs économiques des secteurs artisanal et industriel et les collectivités territoriales de demander la protection de leurs produits industriels et artisanaux au titre des indications géographiques. La procédure complexe nécessite notamment l’envoi d’un dossier d’homologation.

Cette loi a également introduit la possibilité pour les collectivités territoriales de formuler des observations ou de former opposition à l’enregistrement d’une marque qui porterait atteinte à une indication géographique ou au nom, à l’image ou à la renommée de la collectivité ou de l’établissement au sens de l’article L711-4 h) du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI).

Sans surveillance, cette opportunité risquait de rester lettre morte. C’est chose faite puisque l’article L712-2-1 du CPI introduit par la loi Hamon dispose : « toute collectivité territoriale ou tout établissement public de coopération intercommunale peut demander à l’institut national de la propriété industrielle d’être alerté en cas de dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque contenant sa dénomination dans des conditions fixées par décret ». Plus d’un an aura été nécessaire pour que ce décret d’application en fixe enfin les modalités.

Cette procédure d’alerte permet de pouvoir réagir rapidement face à une atteinte et de pouvoir bénéficier de la procédure d’opposition devant l’INPI.

En effet il est aujourd’hui très important pour les collectivités territoriales et les EPCI de défendre leurs droits face à des appropriations de leur nom. Ainsi l’opposition permet d’empêcher l’enregistrement d’une marque avant même qu’elle ne soit exploitée si cette marque porte atteinte au nom, à l’image, à la renommée de la collectivité territoriale ou de l’EPCI.

Malgré tout, il conviendra d’analyser l’opportunité de faire opposition à une marque et les chances de succès d’une telle procédure. Il appartiendra également aux collectivités territoriales et aux EPCI de démontrer, lors d’une opposition à enregistrement d’une marque, l’atteinte portée à leurs droits antérieurs (comme par exemple la renommée ou l’image d’une collectivité) ou à leurs indications géographiques.

Dreyfus & associés se propose de vous assister pour toute demande de protection de produits industriels et artisanaux au titre des indications géographiques, de mise en place d’une alerte ou d’opposition à enregistrement d’une marque en considérant la meilleure stratégie de valorisation et de protection de vos droits au regard de ces possibilités.

[i] Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014

[ii] TGI Paris, 3eme chambre, 3eme section, 14 mars 2007, Cnosf, Ville de Paris / Gilbert L.

[iii] CA Paris, 4 avril 2014, n° 12/20559

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Exception au droit des marques en France : la référence nécessaire est adaptée dans certaines circonstances pour communiquer sur les qualités d’un produit

Symbole copyrightA l’occasion d’un litige concernant l’usage de marque d’un tiers pour faire la promotion commerciale de son propre produit, la Cour de cassation, par un arrêt du 10 février 2015[1], est venue illustrer la portée de l’exception de référence nécessaire.

Si le titulaire d’une marque peut empêcher aux tiers et notamment à ses concurrents d’utiliser sa marque sans son consentement, il existe toutefois une exception à ce monopole pour les fabricants d’accessoires. En effet, aux termes de l’article L.713-6 b) du code de la propriété intellectuelle français, l’enregistrement d’une marque « ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, à condition qu’il n’y ait pas de confusion dans leur origine ».

Dans cette affaire, une société commercialisant des attaches dégradables pour la viticulture avait, à l’occasion d’une démonstration dans un salon professionnel, utilisé un lieur électrique vendu sous une autre marque pour démontrer la compatibilité de son produit avec ce genre d’outil très utilisé dans le milieu. La société titulaire de la marque avait alors agit en contrefaçon.

Or tandis que la jurisprudence abonde sur les accessoires à proprement parler, pour lesquels la référence à la marque d’un tiers est une nécessité, elle est moins fréquente en ce qui concerne l’utilisation du produit d’un tiers pour vanter les qualités de son produit. En effet, les attaches ne constituent pas à proprement parler un accessoire du lieur électrique de cette marque en particulier. L’idée de la société était seulement de démontrer la compatibilité de ses produits avec ce genre d’outil.

La cour de cassation va finalement rejeter la demande tendant à condamner la société après avoir examiné, d’une part la nécessité d’utiliser le produit d’un tiers dans la démonstration au public et d’autre part l’absence de risque de confusion quant à l’origine des produits.

L’arrêt relève tout d’abord que le seul but de la démonstration était de convaincre les professionnels de la viticulture que les attaches pouvaient être coupées par un lieur électrique. Or ne fabriquant pas un tel outil, la société avait dû utiliser le lieur électrique d’un concurrent. Le choix de ce concurrent en particulier n’était pas critiquable dans la mesure où il s’agissait du leader mondial dans son domaine. La cour en déduit que « l’information compréhensible et complète, sur la compatibilité entre les attaches et l’utilisation de lieurs électriques, ne pouvait être communiquée au public sans faire usage de la marque d’un tiers ». Finalement c’est le fait que la société n’ait eu d’autre choix qui permet de justifier cette utilisation.

Mais encore faut-il, selon les conditions prévues par l’article L713-6 b), que l’usage du signe ne soit pas de nature à créer un risque de confusion sur l’origine des produits. Or la marque du tiers n’était reproduite « ni sur les produits, ni sur leurs emballages ni même dans la documentation commerciale » mais au contraire c’était bien la marque de la société commercialisant les attaches qui était visible de sorte qu’aucun risque de confusion n’était constitué.

En conclusion il est possible d’utiliser les produits d’un concurrent pour démontrer les qualités de son produit et ce, sans son consentement à condition que cet usage soit nécessaire et qu’il ne soit pas de nature à induire le public en erreur quant à l’origine des produits.

[1] Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 février 2015, 13-28.263, Publié au bulletin

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Union européenne : appréciation des preuves d’usage lors d’une action en déchéance de la marque

 

s-business-dreyfus-7Par un arrêt du 30 janvier 2015, le Tribunal de l’Union Européenne (affaire T-278/13) a rendu une décision intéressante sur l’appréciation de l’usage d’une marque dans le cadre d’une action en déchéance.

Dans cette affaire il était question de l’enregistrement, en 2004, de la marque « NOW + logo » désignant des services en classes 35, 41 et 42. La société Now Wireless Ltd, visiblement intéressée par cette marque correspondant en partie à sa dénomination sociale, avait présenté une demande en  déchéance de la marque, soutenant que cette dernière n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pendant une période ininterrompue de 5 ans.

Le droit communautaire prévoit en effet qu’encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui n’en a pas fait un usage sérieux pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de 5 ans.

Le droit de marque étant accordé afin de permettre aux entreprises d’identifier leurs produits et services par rapport à leurs concurrents et n’impliquant aucune créativité contrairement au droit d’auteur, la protection ne se justifie plus dans l’hypothèse où la marque n’est pas exploitée. Il est donc tout naturel d’offrir la possibilité à un tiers intéressé par ce signe d’obtenir la déchéance des droits de l’entreprise qui ne l’exploite pas mais qui le monopolise malgré tout.

Il convient alors pour le titulaire de la marque de démontrer que cette dernière a été exploitée en rapport avec les produits et services pour lesquels elle est enregistrée et ce, pendant la période pertinente.

En l’occurrence, la division d’annulation avait déclaré la déchéance de la marque contestée seulement en ce qui concernait les services relevant des classes 35 et 41 tandis que les droits de marque avaient été maintenus pour les services relevant de la classe 42.

La société requérante avait dès lors introduit un recours auprès de l’Office des marques communautaire (OHMI) contre cette décision pour autant qu’elle maintenait l’enregistrement de la marque en classe 42. L’OHMI ayant rejeté le recours, c’est donc le Tribunal de l’Union européenne qui a dû trancher cette affaire et apporter des précisions quant à l’appréciation de l’usage sérieux d’une marque pour les produits et services qu’elle désigne.

En l’espèce, le titulaire de la marque contestée avait démontré avoir apposé la marque sur des modems et des clés 3G et avait également fourni des services d’accès aux réseaux électroniques, des services de location d’équipement et de logiciels ainsi que des informations pour ses clients sous la marque contestée, pendant la période pertinente.

Or le problème était de savoir si ces services correspondaient à ceux désignés dans la demande d’enregistrement puisque seule la preuve de l’usage de la marque en relation avec les produits ou services pour lesquels elle est protégée, permet d’écarter la déchéance. La société requérante soutenait que ces services ne correspondaient qu’à une sous- catégorie de ceux visés par l’enregistrement et qu’il convenait donc de déclarer la déchéance concernant l’autre sous-catégorie de services de la classe 42.

En effet, tout dépend des produits et services visés dans l’acte d’enregistrement. Si les produits et services visés font partie d’une catégorie large, il est de jurisprudence constante qu’il faut distinguer, au sein de cette catégorie, des sous-catégories autonomes et rechercher un acte d’usage pour chacune de ces sous catégories. Mais il se peut aussi que les produits ne puissent être divisés en sous-catégories autrement que de manière arbitraire.

En l’espèce, le Tribunal a considéré qu’il n’y avait pas lieu de définir une sous-catégorie de services dans la mesure où tous « les services concernés répondaient au même besoin ». En l’occurrence, il a été souligné que « le destinataire de chacun des services concernés est le seul et même consommateur qui souhaite accéder aux réseaux électroniques et qui dépend de l’ensemble desdits services à ces fins ».

Finalement que peut-on conclure d’une telle décision en terme d’action en déchéance ? Tout d’abord il en ressort que l’intitulé des produits et services visé dans l’acte d’enregistrement est primordial et ne doit pas être choisi à la légère puisqu’il détermine l’obligation d’exploitation effective de la marque, mais ce premier constat est loin d’être nouveau. Il en ressort également que les produits et services d’une même classe doivent être classés selon leur finalité et leur destination auprès du consommateur. De ce fait, s’il apparaît que les produits ou services désignés s’adressent à un seul et même consommateur ils ne pourront être séparés objectivement et la preuve de l’usage de l’un d’eux suffira à emporter preuve de l’exploitation de l’ensemble.

Reste à savoir ce que le Tribunal entend exactement par « services répondant à un même besoin » et comment appliquer cette jurisprudence aux autres catégories de services et même aux produits.

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Le principe d’une appréciation in abstracto du risque de confusion entre deux marques réaffirmé

s-business-dreyfus-7L’appréciation du risque de confusion doit être réalisée en gardant à l’esprit la fonction essentielle de la marque qui est de garantir l’origine des produits et services et par conséquent en prenant les deux signes comparés tels que le public les perçoit. C’est ainsi que la  Cour de justice des communautés européennes définit le risque de confusion comme « le fait que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement » (CJCE, 22 juin 1999, aff. C-39/97, Canon : PIBD 1999, III, p. 28 ; Rec. CJCE 1999, I, p. 5507 ; RTDE 2000, p. 100, obs. G. Bonet).

La chambre commerciale de la Cour de cassation est venue récemment rappeler que « le risque de confusion doit s’apprécier globalement, par référence au contenu des enregistrements des marques, vis à vis du consommateur des produits tels que désignés par ces enregistrements et sans tenir compte des conditions d’exploitation des marques ou des conditions de commercialisation des produits. » (Cour de cassation, chambre commerciale, 23 juin 2015, pourvoi n°14-13011).

Dans cette affaire, une société commercialisant des produits vitaminés pour enfants sous la marque « Min’ours » avait attaqué en contrefaçon un concurrent pour la vente de produits similaires sous la marque « Kid’ours ».

La cour d’appel de Rennes avait retenu que la similitude structurelle des deux signes – composés tout deux d’un mot en trois lettres suivi du terme « ours » – était amoindrie par les différences dans les couleurs et la dactylographie mais surtout dans la présentation des marques sur les produits, c’est-dire le mode de conditionnement de ces derniers.

Cassant cet arrêt, la cour de cassation prône au contraire une comparaison in abstracto des signes lors de l’appréciation du risque de confusion.  Elle réaffirme dans le même temps sa jurisprudence traditionnelle en la matière  selon laquelle l’étendue de la protection accordée à la marque est cantonnée au contenu de l’acte d’enregistrement, indépendamment du mode d’exploitation ou de conditionnement des produits concernés (Cour de cassation, chambre commerciale, 29 novembre 2011 pourvoi N°10-31.061 et Cour de cassation chambre criminelle, 30 janvier 2013, pourvoi N°11-88569).

Par cette décision, la Haute Cour affirme son rôle de gardien du système des marques, gouverné par le principe selon lequel les droits exclusifs sont acquis par le biais de l’enregistrement de la marque, non de son usage.

La décision Specsaver rendue par la Cour de Justice des Communautés Européennes en 2013 avait ouvert une porte à la prise en compte de l’usage réel d’une marque lors de l’appréciation du risque de confusion. La Cour avait en effet jugé que «lorsqu’une marque communautaire n’est pas enregistrée en couleur, mais que le propriétaire la utilisé largement dans une couleur spécifique ou une combinaison de couleurs de sorte qu’elle est devenue associée avec cette couleur ou combinaison de couleurs dans l’esprit d’une portion significative du public concerné, la ou les couleurs qu’un tiers utilise pour la représentation d’un signe accusé de porter atteinte à ladite marque sont pertinentes dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion ou avantage injuste ».

Toutefois, les faits de l’espèce étaient différents. En outre, le conditionnement et l’usage réel des marques sont traditionnellement examinés par les juges dans le cadre de la concurrence déloyale ou du parasitisme.

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