Dreyfus

L’apport de la loi du 29 octobre 2007 pour le calcul des dommages-intérêts en matière de contrefaçon

Le droit français de la responsabilité a comme assise depuis 1804 le principe de réparation intégrale du préjudice. Tout le préjudice et rien que le préjudice. Jusqu’à la loi du 29 octobre 2007, le droit de la propriété intellectuelle ne faisait guère exception à ce principe. Appliqué à la contrefaçon, le montant des dommages-intérêts se trouvait ainsi limité et difficilement calculable, puisque l’estimation du gain manqué et de la perte de chance est complexe en la matière.

Les juridictions françaises étaient connues pour ne pas être généreuses dans la réparation des préjudices liés à la contrefaçon. L’intérêt pour les titulaires de marques des tribunaux hexagonaux était donc limité. Par ailleurs, une telle logique avantageait les contrefacteurs. En effet, les montants des réparations apparaissaient dérisoires par rapport aux bénéfices tirés de l’écoulement de la contrefaçon.

A ce titre, la loi du 29 octobre 2007 a introduit un dispositif novateur en droit français. Que ce soit par les articles L.331-1-3 en matière de droit d’auteur et L.716-14 du Code la propriété intellectuelle en matière de marques, les dommages-intérêts peuvent se chiffrer à hauteur des « bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits ». A côté de cette nouveauté, se maintiennent les anciens modes de calcul avec leur caractérisation hasardeuse : atteinte à la renommée d’une marque, préjudice moral, manque à gagner etc.

Preuve que les juges n’ont pas tardé à appliquer ce nouveau mécanisme, un arrêt du TGI de Paris du 3 septembre 2009 a condamné solidairement les pères du site radioblogclub.fr à payer plus d’un million d’euros à la Société civile des Producteurs de Phonogrammes (SCPP). En clair, les bénéfices réalisés par le contrefacteur radioblogclub.fr constituent le montant des dommages-intérêts. Une telle décision n’aurait à l’évidence pas été possible avec le précédent dispositif légal.

En passant de la caractérisation du préjudice à celle du bénéfice du contrefacteur, le droit français tend vers un modèle américain faisant la part belle aux dommages-intérêts punitifs. En effet, il devient indéniable qu’avec un tel dispositif le principe de réparation intégrale du préjudice perd en pertinence. Il s’agit, toutes proportions gardées, d’une tendance appréciable qui confortera les titulaires de marques dans leurs décisions stratégiques.

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Le double proxy, arme ultime du cybersquatteur !

Dans la série des adages qui fonctionnent sur l’Internet se trouve : le temps c’est de l’argent. Cela, les cybersquatteurs le savent plus que quiconque, surtout lorsqu’une procédure UDRP risque d’être déclenchée à leur encontre à propos d’un de leurs noms de domaine.

Généralement les proxys, ou services d’anonymisation des données whois, font la sourde oreille lorsqu’ils reçoivent des notifications de demande de levée d’anonymat. Tout au plus, peuvent-ils s’engager à transmettre l’information au véritable réservataire. Lorsque le service d’anonymat reçoit la notification de commencement d’une procédure UDRP, il procède à une levée d’anonymat et dévoile ainsi l’identité du réservataire.

Or, il n’est pas rare que derrière le premier service d’anonymat s’en cache un autre. Sur le modèle des poupées russes, les cybersquatteurs ont appris à bien utiliser les facilités que leur offraient les proxys pour retarder l’échéance et accroître leur monétisation. Qui dit double proxy dit également amendements aux plaintes UDRP et coûts supplémentaires pour les titulaires ; et cela potentiellement à n’en plus finir.

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Le whois anonyme, une insulte aux règles de l’ICANN

La fiabilité du registre whois est au cœur des préoccupations de l’ICANN. Depuis 2002, l’ICANN n’a cessé d’émettre des mesures et des recommandations aux unités d’enregistrement accréditées. Parmi celles-ci se trouve la Whois Data Reminder Policy (WDRP), adoptée en 2002, et qui a donné lieu à de nombreux rapports sur l’exactitude des whois. La WDRP fait peser sur les unités d’enregistrement une obligation de vérifier annuellement leurs informations sur les réservataires. Faute de quoi, elles s’exposent à des sanctions. Ainsi, les unités d’enregistrement doivent envoyer un e-mail aux réservataires tous les ans leur demandant de mettre à jour leurs coordonnées. Y est notamment rappelé que la fourniture de renseignements personnels inexacts est cause d’annulation du contrat passé avec le réservataire.

Les règles de l’ICANN sont donc pensées pour fonctionner sur une fusée à trois étages pour les extensions génériques : ICANN, unité d’enregistrement et réservataire. Dès lors que se passe-t-il lorsqu’un proxy ou service d’anonymat vient substituer son nom à celui du réservataire dans la base whois ? Pour l’ICANN cela est indifférent : le contact figurant dans la base whois est le titulaire du nom de domaine. Le lien pouvant exister entre le réservataire et le service d’anonymat n’est pas à prendre en ligne de compte ; seul compte le nom apparaissant dans la fiche whois.

Dès lors l’existence de proxys pose un double problème. D’une part, rien ne garantit au réservataire, si ce n’est son engagement avec le proxy, qu’il demeure effectivement titulaire du nom. D’autre part, nombre de services d’anonymat refusant d’être contactés sont clairement en tort. En effet, tant que leur nom apparaît dans le registre, ils sont tenus pour titulaires du nom. Par conséquent un tel agissement  va clairement à l’encontre des règles posées par l’ICANN.

Le but du whois est certes d’assurer une traçabilité des noms de domaine, mais surtout de pouvoir contacter directement les titulaires. Parmi ces services d’enregistrement indélicats, l’on retrouve privacyprotect.org qui formule explicitement sur son site qu’il ne réceptionne pas les courriers postaux. D’autres services font apparaître sur les fiches whois des injonctions de ne pas les contacter. Cela est en tout point contraire aux règles de l’ICANN et contribue à parasiter l’architecture tripartite du web. Si le souci de protection existe bel et bien, son expression actuelle met très clairement en péril la traçabilité du registre whois.

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Les déboires du .cm : de l’ouverture manquée au typosquatting annoncé

Initialement l’ouverture au grand public du premier niveau de l’extension nationale camerounaise, le .cm, devait avoir lieu le 1er août 2009. Auparavant les titulaires de marques avaient eu moyen de réserver prioritairement leurs noms durant la période sunrise d’1 mois. La période landrush qui s’en était suivie devait permettre de dissuader les spéculateurs. Ces deux périodes étaient d’autant plus cruciales que le .cm sera une extension nationale sans restriction.

Pour des raisons diverses, cette ouverture au public a été constamment retardée par l’office camerounais d’enregistrement. Le site register.cm, tenu par Netcom qui gère l’extension, se montre avare d’explications. Pour l’heure un système de mise aux enchères des noms est en place. De quoi attiser les velléités spéculatrices et  « cybersquattrices ».

Car il ne faut pas s’y tromper, le .cm va faire l’objet de nombreux cas de typosquatting d’un nouveau genre. En raison de sa similarité avec le .com, dont il ne se différencie que par la suppression du o, il risque de poser d’épineux problèmes aux titulaires de noms en .com. Mieux valait être réveillé durant la courte période sunrise. Egalement des risques de confusion avec des noms en .cn sont à prévoir pour les possesseurs de claviers QWERTY. En effet le M se situe immédiatement à droite de la lettre N sur ce clavier. On aurait donc des noms chinois typosquattés sur l’extension camerounaise. Les restrictions d’accès aux ccTLD se faisant de plus en plus rares, voila qui va donner de belles couleurs transnationales à ces futurs cas de typosquatting.

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Les leçons de l’arrêt Sunshine en matière de transferts de noms de domaine

L’arrêt Sunshine de la Cour d’appel de Paris du 16 janvier 2008 avait été très remarqué dans la mesure où il s’agissait de la première décision de justice faisant application du décret du 6 février 2007. L’ordonnance de référé du TGI de Paris du 13 juillet 2007 s’était alors vue infirmée. Pour les juges d’appel, le défendeur ne justifiait d’aucun droit ou intérêt légitime à enregistrer le nom sunshine.fr. Par conséquent le transfert du nom à la société requérante Sunshine, titulaire de la marque française du même nom, avait été ordonné.

Or dans un arrêt de cassation du 9 juin 2009, la Cour de cassation a posé que le transfert d’un nom de domaine ne constitue « ni une mesure conservatoire, ni une mesure de remise en état ». Par conséquent un juge des référés n’a plus le pouvoir en vertu de l’article 809 du Code de procédure civile d’ordonner le transfert d’un nom de domaine. Il demeure néanmoins le référé spécial de l’article L.716-6 du Code de la propriété intellectuelle en matière de contrefaçon de marque. Cependant il semblerait que l’arrêt emporte une impossibilité générale pour un juge des référés de prononcer un transfert de nom de domaine, tant au regard du droit commun que du droit spécial.

Les leçons à tirer de cet arrêt sont cruciales pour les titulaires de marques désireux de récupérer des noms de domaines. Etant donné que le juge de l’urgence n’est plus compétent pour ordonner le transfert d’un nom en.fr sur la base du référé de droit commun, l’attrait de la voie extrajudiciaire se trouve renforcé. Cette décision renforce donc l’avantage comparatif des procédures extrajudiciaires : coût, rapidité et rigueur. Toutefois cela ne supprime pas toute utilité à l’action judiciaire, dans la mesure où elle seule permet l’obtention de dommages-intérêts. Enfin le référé pourrait toujours se montrer efficace pour obtenir le gel de l’enregistrement d’un nom de domaine. Chaque cas est donc à étudier avec précision, mais il est indéniable que par cet arrêt la Cour de cassation a bien entendu fermer une porte jusque là ouverte.

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Les charognards du web

Le dicton voulant que le malheur des uns fasse le bonheur des autres trouve une incarnation totale et inégalée sur Internet. Jadis une catastrophe aussi grande soit elle avait des répercussions limitées et touchait des cercles de personnes identifiables. A ce titre, les cybersquatteurs ont révolutionné l’adage en étant à l’affût du moindre souffle leur permettant d’enregistrer un nom de domaine. En soi, il n’y a rien de neuf. L’on connaissait des hommes politiques imprudents livrant leurs slogans de campagne à la télévision en direct pour le plus grand plaisir des cybersquatteurs.

Dans un autre registre, la catastrophe aérienne du vol Air France 447 entre Rio et Paris le 1er juin 2009 a donné lieu à sa panoplie de réservations de noms de domaines. Que ce soit air-france-crash.com, airfrancecrash dans toutes ses extensions génériques, af447.com ou encore aifrancecrash.com en version typosquattée, tous ces noms ont fait l’objet de réservations dans les minutes suivant l’annonce du crash. Et encore cela ne représente certainement que la partie émergée de l’iceberg, tant il existe de variantes possibles sur une actualité aussi dramatique.

De tels actes sont moralement condamnables sur deux plans : d’une part un drame humain permet à n’importe quel individu d’enregistrer un nom et d’espérer ainsi en tirer une rémunération, d’autre part il s’agit dans bien des cas d’atteintes à une marque, en l’occurrence la compagnie aérienne Air France. Si des associations de victimes ou de proches pourraient avoir un intérêt légitime à enregistrer de tels noms, il n’en est pas de même pour des cybersquatteurs. Une telle attitude est également juridiquement condamnable et cela au titre de l’atteinte à une marque. Liberté d’expression et cybersquatting sont des concepts résolument antinomiques, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de drames humains.

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Le .tel, nouvel annuaire pour cybersquatteurs

Dans l’univers des extensions génériques, le .tel fait figure de cas particulier. Cette extension se présente comme un annuaire universel standardisé. Un nom en .tel pointe vers une page contenant un nom, des coordonnées et des informations de contact. On dénombre quelques 200 000 noms enregistrés sous cette extension.

Outre que le contenu des sites en .tel est préformaté, son accès était jusqu’au 3 février 2009 restreint. Le .tel se présentait alors comme un modèle d’extension fermée et dédiée à un but précis. La longue période de sunrise mise en place devait permettre d’éviter tout problème lié à des problématiques de marques et de cybersquatting. A l’heure où l’ICANN planche sur ses projets de nouvelles extensions génériques, l’évolution du .tel est pour le moins intéressante.

page dreyfus.tel

Cependant le 14 août 2009, Telnic qui gère l’extension a annoncé que des solutions permettant aux réservataires de monétiser leurs noms allaient être proposées bientôt. Il deviendrait donc possible d’afficher des liens commerciaux ou de parquer son .tel. Est-ce pour pallier à la faible utilité de cette extension ou créer un appel d’air en faveur des cybersquatteurs ? Les deux options sont plausibles étant donné que la monétisation est le fond de commerce du cybersquatting. En espérant que cette dissonance ne soit pas annonciatrice d’autres surprises pour les prochaines extensions génériques.

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