Vers une protection accrue des auteurs et artistes interprètes : qu’apporte la directive 2019/790 dans l’harmonisation des chaînes de contrat ?

Directive « Droit d’auteur et droits voisins dans le marché unique numérique » n° 2019/790 : vers une protection accrue des auteurs et artistes-interprètes, notamment par une harmonisation du droit en matière de chaînes de contratsLa directive « Droit d’auteur » n° 2019/790  du 17 avril 2019 marque une étape importante dans le renforcement de la protection des auteurs et artistes interprètes. Les dispositions de la directive concernant les contrats en matière de propriété littéraire et artistique tendent globalement à rééquilibrer les rapports de droit entre contractants, en faveur des créateurs. Ce changement s’illustre tout particulièrement dans la régulation des chaînes de contrats.

 

A. Les qualifications européennes des chaînes de contrats en matière de propriété littéraire et artistique

Le législateur européen nomme expressément les chaînes de contrats qui font l’objet de cette nouvelle régulation.

 

1. Contrats premiers : Les licences et les transferts de droits

S’agissant des contrats premiers, l’article 18(1) de la directive oppose les licences aux transferts de droits.

Ces dispositions confirment donc implicitement le critère  tenant à l’existence ou non d’un transfert de propriété, qui distingue en droit français les cessions des licences, et l’appliquent aux contrats en matière de propriété littéraire et artistique, élément qui n’apparaissait jusqu’alors pas clairement dans le code de la propriété intellectuelle.

En d’autres termes, la cession est translative de propriété alors que la licence ne confère qu’un droit d’exploitation : la cession est donc toujours exclusive alors que la licence ne l’est pas nécessairement ; la cession comprend notamment, à ce titre, un transfert de la titularité de l’action en contrefaçon, ce qui n’est pas le cas de la licence, dans le cadre de laquelle le licencié ne peut agir en contrefaçon que sous certaines conditions (licence exclusive qui prévoit cette hypothèse, et le titulaire de la marque a été informé de l’atteinte et n’a pas agi).

 

2. Contrats seconds : les sous-licences, les licences et les sous-cessions

Lorsque le contrat premier est une licence, le contrat second est une sous-licence, telle qu’évoquée à l’article 19 de la directive.

Lorsque le premier contrat de la chaîne est translatif de propriété, le contrat second sera assimilé, au cas par cas, à un contrat de licence (si son objet relève de la simple exploitation du droit) ou à une nouvelle cession (si un nouveau transfert de propriété est effectué).

 

B. Une protection accrue des créateurs en matière contractuelle

 

Les nouvelles dispositions européennes dessinent un régime légal protecteur des créateurs dans ces chaînes de contrats, réformant ainsi en profondeur la jurisprudence qu’avait développée la Cour de cassation sur ces questions.

 

1. Avant la directive, une protection limitée des auteurs dans les chaînes de contrats

En droit français, de nombreuses dispositions spéciales en matière de propriété littéraire et artistique visaient déjà à protéger l’auteur dans ses rapports contractuels, et en particulier les règles régissant le formalisme des contrats d’auteur. Pourtant, la protection de l’auteur au-delà du contrat premier restait limitée.

En effet, le Code de la propriété intellectuelle ne régule pas spécifiquement les chaînes de contrats et la Cour de cassation a, dans un arrêt Perrier en date 13 octobre 1993, distingué le régime des contrats conclus avec les auteurs de celui des contrats conclus entre exploitants, considérant que ces derniers ne sont pas soumis aux dispositions du Code de la propriété intellectuelle. Ainsi, les obligations des sous-exploitants envers les auteurs étaient limitées.

A ce titre, s’il existait déjà une obligation de transparence vis-à-vis des auteurs, celle-ci était très circonscrite et ne concernait que les distributeurs d’œuvres cinématographiques de longue durée et d’œuvres audiovisuelles créées au bénéfice des aides du centre national du cinéma et de l’image animée (articles L213-28 et L251-5 du code du cinéma et de l’image animée).

De façon similaire, le principe d’une rémunération proportionnelle des auteurs par les sous-exploitants avait été admis de façon restreinte, pour les œuvres audiovisuelles uniquement, dans des arrêts de la Cour de cassation en date du 16 juillet 1998 et 29 mai 2013 .

 

2. Les apports de la directive « droit d’auteur » pour les auteurs et artistes-interprètes

La directive remet en cause ce régime et vient étendre la protection des créateurs en matière contractuelle.

L’article 19 du texte de l’Union européenne impose désormais une obligation de transparence des sous-exploitants envers les auteurs et artistes-interprètes, et institue le bénéfice d’une action directe en exécution de cette obligation par les auteurs ou artistes-interprètes à l’encontre des sous-exploitants.

Par ailleurs, l’article 18 généralise le principe d’une rémunération appropriée et proportionnelle par le sous-exploitant aux auteurs et artistes-interprètes à tous les domaines de la propriété intellectuelle.

Enfin, l’article 20(1) institue un mécanisme d’adaptation assorti d’une action directe des auteurs ou artistes-interprètes contre la partie avec laquelle ils ont conclu un contrat d’exploitation des droits ou contre ses ayants droits ; pour une rémunération supplémentaire lorsque la rémunération initialement convenue se révèle exagérément faible par rapport à l’ensemble des revenus ultérieurement tirés de l’exploitation des œuvres ou des interprétations ou exécutions.

La directive européenne étend donc la régulation des chaînes de contrat en matière de propriété littéraire et artistique, et renforce la protection octroyée aux créateurs.

 

 

L’article 34 de la loi n°2020-1508 du 3 décembre 2020 autorise le gouvernement français à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi visant à assurer la transposition des articles 17 à 23 de cette directive.