Validité des marques tridimensionnelles : Tic-Tac ne craque pas.

Marque tridimensionnelle Tic-tac Une marque tridimensionnelle présentant la forme ou l’emballage d’un produit est valable à condition que cette forme ne présente pas exclusivement un caractère technique ou pratique, à défaut de quoi cette forme serait nécessaire et donc non susceptible de protection. C’est ce principe qui ressort principalement d’un arrêt de la Cour d’Appel de Paris en date du 15 février 2022.

La Société FERRERO, fabricante et distributrice de la confiserie TIC-TAC depuis 1971, est titulaire d’une marque tridimensionnelle internationale désignant la France, et de deux marques tridimensionnelles françaises. La société a contesté la présence de la Société polonaise BMB au salon international de l’Agroalimentaire à Paris, et fait exécuter une saisie-contrefaçon sur une boite de confiserie similaire à la fameuse boite TIC-TAC. Par acte du 16 novembre 2016, les sociétés FERRERO ont assigné la société BMB devant le TGI de Paris en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale et parasitaire.

Le tribunal a accueilli ces demandes par un jugement du 7 juin 2019, et BMB a fait appel de la décision. La Cour réaffirme la validité de la marque tridimensionnelle, et en déduit que les produits de l’appelant étaient bien constitutifs d’actes de contrefaçon et de concurrence déloyale.

 

 

1. L’affirmation de la validité de la marque tridimensionnelle, pur objet esthétique

La cour s’est basée sur l’ancienne loi de 1964 sur les marques et sur l’article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle, en vertu desquels est considérée comme marque la forme caractéristique du produit ou de son conditionnement sous réserve que ce signe ne soit pas constitué exclusivement de la désignation nécessaire ou générique du produit ou du service.

Pour rappel, l’appelant utilisait la présence d’un couvercle pour démontrer que cette marque était composée exclusivement de la désignation nécessaire du produit. Elle affirmait que le système d’ouverture et de fermeture était visible sur le dépôt de marque et que les sociétés FERRERO avaient toujours présenté le signe comme comportant un couvercle à clapet et mis en avant l’existence de cet élément dans leur publicité. Pour soutenir ses propos, elle ajoutait que la marque ne faisait qu’incorporer la solution brevetée, et que les trois brevets FERRERO démontraient le caractère technique et fonctionnel de chacun des éléments du signe déposé. La société défenderesse rétorquait que la marque était un pur objet esthétique et de forme, et ne faisait pas en soi apparaître le moindre résultat technique et ne présentait aucune forme nécessairement imposée par la fonction ou la nature des produits désignés.

La cour donne raison au défendeur, affirmant que, bien que la boîte telle que déposée fasse apparaître une pièce encastrée dans sa partie supérieure, le système d’ouverture ou de fermeture de la boîte n’était pas apparent et cette pièce encastrée ne faisait apparaître aucun résultat technique ou fonctionnel, peu important que les sociétés FERRERO aient communiqué sur l’ouverture d’une boîte de bonbons dans leur publicité, la validité de la marque devant s’apprécier seulement à partir de la représentation déposée. Concernant les marques françaises dont la forme associe la boîte précitée aux petits bonbons ovales colorés qu’elle contient, celles-ci sont distinctives, notamment grâce à une étude dévoilant qu’un visuel montrant ces petites pastilles a été attribué à la marque TIC TAC de façon spontanée par 70 % des 1073 personnes interrogées.

 

2. Un rappel sur l’appréciation du risque de confusion

La Cour invoque l’Article L.713-3 b) du Code de la Propriété Intellectuelle dans son ancienne version. Elle rappelle que le risque de confusion doit s’apprécier par référence à l’enregistrement de la marque, et que seules doivent être prises en compte les conditions d’exploitation du signe litigieux et de commercialisation des produits argués de contrefaçon, à l’égard desquels la perception du public pertinent sera examinée par référence au signe et aux produits et services visés au dépôt.

Ce risque doit aussi être analysé globalement au regard de tous les facteurs pertinents, et notamment la notoriété de la marque. L’appréciation globale de la similitude de la marque et du signe litigieux doit d’autre part être fondée sur l’impression d’ensemble qu’ils produisent au regard de leurs éléments distinctifs et dominants.

La Cour affirme que la comparaison entre les marques tridimensionnelles de la société FERRERO et les boîtes présentées par la société BMB permet de retenir des similitudes significatives et que les différences visuelles n’altèrent pas l’impression visuelle dégagée par les signes en litige et n’apparaîtront pas immédiatement aux yeux du consommateur concerné. Ainsi, les produits litigieux apparaissent comme des imitations des marques FERRERO, qui génèrent un risque de confusion dans l’esprit du consommateur qui pourra confondre ou associer les signes, et considérer que les produits de la société BMB sont une déclinaison des boîtes de confiserie couvertes par les marques FERRERO.

 

3. Des précisions sur les  différences dans l’appréciation de la concurrence déloyale et du parasitisme

La cour rappelle que la concurrence déloyale et le parasitisme fondés sur l’article 1240 du code civil sont caractérisés par application de critères distincts. En effet, la concurrence déloyale l’est au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance qu’à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne copie une valeur économique d’autrui, fruit d’un travail intellectuel et d’investissements.

De ses énonciations, elle affirme que la société Ferrero, distributrice en France des produits TIC TAC, est fondée à soutenir que les faits de contrefaçon commis au préjudice de la société italienne Ferrero, titulaire des marques tridimensionnelles contrefaites, constituent à son égard des actes distincts de concurrence déloyale. Ils ont en effet entraîné un risque de confusion entre les produits présentés par la société et les produits TIC TAC. Des actes distincts de parasitisme résultent également du fait que la société BMB a indûment cherché à tirer profit de la forte reconnaissance des produits TIC TAC par le public français.

 

 

Cette étude des conditions strictes posées afin d’établir la validité d’une marque tridimensionnelle basée sur ses caractéristiques à la date de son dépôt, ainsi que les conséquences pratiques qu’une marque peut en tirer, tombe à point nommé, pour les entreprises souhaitant bénéficier des perspectives stratégiques offertes par le dépôt d’une telle marque.

 

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