Faire renaître une marque ancienne peut s’avérer une stratégie marketing brillante… ou une erreur juridique coûteuse. Désignées sous le terme de « marques zombies », ces marques abandonnées mais encore familières évoluent dans une zone grise entre nostalgie commerciale et concurrence déloyale. Sont-elles un terrain libre pour les repreneurs ou doivent-elles être protégées par la bonne foi résiduelle de leur propriétaire initial ?

Examinons comment les systèmes juridiques internationaux traitent ces marques ressuscitées et quelles en sont les implications pour les titulaires de droits, les investisseurs et les praticiens de la propriété intellectuelle.

I – Qu’est-ce qu’une marque zombie ?

Une marque zombie est une marque juridiquement abandonnée — du fait de son expiration ou de son absence d’usage — mais qui conserve une notoriété résiduelle auprès du public. Elle est reprise par un tiers, sans lien avec le propriétaire initial, dans l’objectif d’exploiter la notoriété, la fidélité des consommateurs ou l’identité historique associées à la marque.

Pour être qualifiée de marque zombie :
• L’enregistrement initial a expiré ou a été annulé ;
• La marque n’est plus exploitée par son titulaire ;
• Le public continue d’associer le signe à son origine historique.

On pense ici à des marques automobiles emblématiques, des cosmétiques vintages ou des enseignes commerciales oubliées réactivées à travers des campagnes digitales ou physiques.

II – Approches juridiques de l’abandon et de la reprise

États-Unis (Lanham Act, §45)
Une marque est présumée abandonnée si elle n’est pas utilisée pendant trois années consécutives, sans intention de reprise. Toutefois, une activité commerciale minimale (par exemple, des ventes symboliques ou des licences) peut suffire à renverser cette présomption.

Union européenne (Règlement EUTMR, art. 58(1)(a) & 7(1)(g))
Une marque de l’UE est susceptible de déchéance après cinq ans d’inexploitation. En outre, la demande peut être refusée si elle est trompeuse ou si elle exploite de manière déloyale une renommée résiduelle susceptible d’induire le consommateur en erreur.

France (Code de la propriété intellectuelle, art. L.714-5 & L.711-3(c))
Une marque française est considérée comme abandonnée après cinq ans sans usage ni intention de reprise. Sa réactivation peut être refusée ou annulée si elle est de nature à induire en erreur ou à constituer un acte de concurrence déloyale (ex. : parasitisme au sens de l’article 1240 du Code civil).

III – Jurisprudences marquantes : de Macy’s à Nehera

Aux États-Unis, l’affaire Macy’s Inc. c. Strategic Marks LLC, n°3:2011cv06198 (2011-2016), a confirmé que même un usage limité (T-shirts comportant d’anciens logos) suffisait à maintenir les droits. De même, dans USFL c. Fox Sports, n°2:2022cv01350 (2022), le tribunal a reconnu la validité de licences ponctuelles pour empêcher l’appropriation de marques sportives historiques.

En Europe, l’affaire Nehera (T-250/21) a précisé que la simple connaissance historique d’une marque ne suffit pas. Le tribunal exige une reconnaissance contemporaine du consommateur pour établir la mauvaise foi. À l’inverse, dans Simca (T-327/12), Peugeot a réussi à faire annuler l’enregistrement en prouvant l’intention spéculative du déposant, sans intention réelle d’usage.

IV – La bonne foi résiduelle : un dilemme juridique

La bonne foi résiduelle désigne la perception persistante d’une marque dans l’esprit du public, malgré la cessation de son exploitation. La jurisprudence varie selon les juridictions :

  • Dans Ferrari c. Roberts (6th Cir. 1991), l’association persistante du public a justifié la protection juridique.
    • Dans Peter Luger c. Silver Star, n°97-273 (W.D. Pa., 1999), l’impact sur les ventes et la confusion ont prouvé l’existence d’une bonne foi active.

Mais en Europe, comme dans l’affaire Nehera, cette bonne foi n’est pas présumée. Le demandeur doit prouver une notoriété actuelle, et non une simple renommée historique.

Ce décalage révèle une tension : faut-il protéger la mémoire des consommateurs ou permettre à de nouveaux acteurs de revitaliser des marques dormantes ?

V – Enjeux stratégiques pour les professionnels de la PI

Pour les titulaires originels :
• Conserver ses droits par des usages symboliques, des licences ou une stratégie de rebranding ;
• Surveiller les dépôts pour détecter les tentatives de reprise ;
• Valoriser la bonne foi historique en le reliant à de nouveaux actifs de PI.

Pour les repreneurs de marques zombies :
Éviter toute tromperie : utiliser des avertissements ou des clauses de non-affiliation ;
• Recréer une bonne foi légitime via un usage transparent et cohérent en qualité ;
• Anticiper les litiges potentiels en matière de concurrence déloyale ou de publicité trompeuse.

Conclusion

Les marques zombies se situent au carrefour de l’opportunité économique et du flou juridique. Leur légitimité dépend du contexte de réactivation, de l’existence d’une bonne foi résiduelle et de la perception du public.

Pour les entreprises envisageant une stratégie de revival — ou la défense d’un portefeuille historique — l’accompagnement juridique est indispensable. Notre cabinet vous aide à naviguer entre risques et opportunités, tout en assurant la conformité avec les règles nationales et transfrontalières en matière de marques.

Zombie Trademarks

Le cabinet Dreyfus est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

Nathalie Dreyfus avec le soutien de toute l’équipe du cabinet Dreyfus

 

FAQ

Qu’est-ce qu’une marque zombie ?

Une marque abandonnée qui conserve une reconnaissance publique et est réactivée par un tiers.

Peut-on légalement reprendre une marque abandonnée ?

Oui, à condition que le titulaire initial n’ait plus de droits et qu’il n’y ait pas de tromperie pour le consommateur.

La bonne foi résiduelle protège-t-elle une marque ?

Aux États-Unis, parfois. En Europe, uniquement si cette notoriété est encore active dans l’esprit du public.