Introduction

Dans un monde agricole soumis à des mutations profondes, la création de nouvelles variétés végétales constitue un levier stratégique en matière de souveraineté alimentaire, d’innovation agronomique et de durabilité environnementale. Ces variétés, fruits d’un travail scientifique complexe et long, nécessitent une protection juridique adaptée pour sécuriser les investissements des obtenteurs et garantir la traçabilité des semences utilisées sur les marchés. Le certificat d’obtention végétale (COV) constitue à ce titre un droit exclusif comparable au brevet, mais spécifiquement conçu pour les innovations végétales. Il est encadré par un corpus normatif harmonisé à l’échelle nationale, européenne et internationale : en France, par le Code de la propriété intellectuelle ; au sein de l’Union européenne, par le règlement (CE) n° 2100/94 ; et à l’international, par la Convention de l’UPOV.

Les critères pour obtenir un certificat d’obtention végétale (COV)

1.1 Évaluer une variété végétale : les quatre critères techniques de référence

Pour obtenir un certificat d’obtention végétale, une variété doit répondre à quatre critères fondamentaux : nouveauté, distinction, homogénéité et stabilité.

  • Nouveauté : La variété ne doit pas avoir été mise en marché ou cédée à des tiers avant un délai déterminé. En France et dans l’Union européenne, ce délai est d’un an, et peut atteindre quatre ans pour les pays tiers, voire six ans pour certaines espèces pérennes, telles que les arbres et la vigne.
  • Distinction : La variété doit être distincte de toute autre variété déjà connue au moment de la demande. Cette distinction repose sur un ou plusieurs critères significatifs comme les caractéristiques morphologiques, phénologiques ou de performance.
  • Homogénéité : La variété doit être uniforme dans ses caractéristiques essentielles. Cela signifie que ses propriétés doivent être suffisamment stables et reproduites de manière constante d’une génération à l’autre.
  • Stabilité : La variété doit être stable, c’est-à-dire que ses caractéristiques doivent rester constantes lors de plusieurs cycles de reproduction.

Tous ces critères sont validés par des essais DHS visant Distinction, Homogénéité et Stabilité, effectués par des organismes agréés comme le GEVES en France.

1.2 Une dénomination variétale conforme

La variété déposée doit porter une dénomination qui respecte les standards imposés par l’UPOV. Cette dénomination doit être unique, neutre et ne pas induire en erreur sur l’origine, la nature ou la qualité de la variété. Par exemple, elle ne doit pas contenir de termes laudatifs, de marques commerciales ou d’indications géographiques non justifiées. L’INOV en France ou le CPVO au niveau européen peuvent refuser une dénomination non conforme et exiger une nouvelle proposition de la part du déposant.

1.3 Les exceptions et exclusions

Certaines variétés sont exclues de la protection. Par exemple, les variétés d’origine paysanne ou celles qui ont déjà été commercialisées avant le dépôt ne sont pas éligibles. De même, les variétés sans traçabilité génétique et celles issues de savoirs traditionnels ne peuvent pas être protégées. En outre, les variétés dont les caractères sont déjà connus ou celles qui ne respectent pas les critères techniques sont également exclues de la procédure.

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La procédure de dépôt et coût d’un certificat d’obtention végétale

2.1 Le Choix Stratégique du Mode de Protection : INOV, CPVO, ou UPOV

Le choix du système de protection dépend de la stratégie commerciale du déposant. Il peut opter pour une protection nationale via INOV en France, qui est idéale pour des projets locaux, ou pour une protection communautaire via le CPVO, valable dans tous les États membres de l’UE. En revanche, un système international via UPOV permet de protéger la variété dans plusieurs pays signataires, ce qui est adapté aux entreprises visant une expansion mondiale.

2.2 Les étapes du dépôt et examens techniques

Le dépôt commence par la soumission d’un dossier complet incluant la description détaillée de la variété, sa dénomination, sa généalogie et des échantillons biologiques. Ensuite, des essais DHS sont réalisés pour évaluer la distinction, l’homogénéité et la stabilité de la variété. Si les critères sont satisfaits, la demande est publiée et un délai d’opposition est fixé. Une fois ce délai écoulé, si aucune opposition n’a été soulevée, le certificat est délivré et publié au Bulletin officiel.

2.3 Les frais, délais et durée de protection

Les frais de dépôt d’un COV varient généralement entre 3 000 et 6 000 euros, en fonction des espèces et des tests nécessaires. La durée de la protection est généralement de 25 ans, et peut être étendue à 30 ans pour certaines espèces pérennes, comme la vigne, les arbres fruitiers et la pomme de terre. Le traitement d’une demande peut prendre entre un et quatre ans, selon la culture et la procédure choisie.

La valorisation commerciale d’une obtention végétale

3.1 Les modalités d’exploitation exclusive et de licences de semences

Le certificat d’obtention végétale confère au titulaire un droit exclusif d’exploitation de la variété. Le titulaire peut choisir de produire et de commercialiser directement les semences ou bien de concéder des licences à des tiers. Ces licences peuvent être exclusives ou non exclusives, et comporter des conditions contractuelles concernant la durée, le territoire et les volumes de production.

3.2 La structuration des partenariats et mécanismes de royalties

La valorisation commerciale passe souvent par des partenariats avec des producteurs ou des industries agroalimentaires, permettant de mutualiser les investissements et d’accélérer la commercialisation. Les royalties sont souvent basées sur le volume de semences commercialisées et constituent un levier économique essentiel pour assurer la rentabilité des efforts de sélection.

3.3 La promotion scientifique de la variété à travers des projets de recherche et des marchés spécialisés

Les variétés protégées peuvent également être utilisées dans des programmes de recherche agronomique afin de développer des traits spécifiques tels que la résistance aux maladies ou l’adaptabilité au changement climatique. Cela permet non seulement de renforcer leur notoriété mais aussi de promouvoir leur adoption dans des marchés spécialisés et à l’exportation.

Maintenir la compétitivité des variétés protégées

4.1 Une adaptation progressive aux changements climatiques et aux nouvelles attentes agricoles

Les variétés doivent désormais répondre à des critères de résilience face aux changements climatiques, tout en respectant les impératifs d’une agriculture durable. La protection juridique doit être accompagnée d’une évaluation agronomique continue pour garantir la compétitivité des variétés face à l’évolution des besoins agricoles.

4.2 Une innovation génétique grâce aux outils numériques et aux règles de sélection encadrée

Les avancées en génétique et l’utilisation d’outils numériques permettent d’accélérer le processus de sélection des variétés. L’exemption de sélection prévue par l’UPOV permet également l’utilisation des variétés protégées pour créer de nouvelles variétés innovantes.

4.3 Le développement d’une souveraineté semencière au service d’une agriculture responsable

Le COV joue également un rôle dans le cadre d’une politique de souveraineté semencière, en permettant aux États de réduire leur dépendance vis-à-vis des semences étrangères et en favorisant des productions locales adaptées aux besoins agricoles spécifiques et aux enjeux environnementaux.

Actions et recours en cas d’atteinte à une obtention végétale protégée

5.1 Typologie des atteintes

L’exploitation non autorisée d’une variété protégée constitue une contrefaçon. Cela inclut la reproduction illicite des semences, la commercialisation sans licence, ainsi que l’utilisation frauduleuse dans un programme de sélection.

5.2 Sanctions civiles, pénales et douanières

L’article L623-25 et suivants du Le Code de la propriété intellectuelle prévoit des sanctions civiles, telles que la réparation du préjudice, la confiscation des lots litigieux, et l’interdiction d’exploitation. En cas de contrefaçon, le titulaire peut également obtenir une sanction pénale avec des peines allant jusqu’à trois ans de prison et une amende de 300 000 euros, pouvant être doublée en cas de récidive. En matière douanière, des mesures peuvent être prises pour retenir les semences illégales importées.

Une décision récente illustre ces sanctions : dans une affaire italienne, R.G.Dib. 1220/2024 le Tribunale ordinario di Nocera Inferiore a condamné le défendeur à six mois de prison et à une amende de 1 000 euros pour la contrefaçon d’une obtention végétale protégée, mettant ainsi en lumière les sanctions sévères contre les atteintes aux droits de propriété intellectuelle liés aux obtentions végétales.

5.3 Moyens d’action du titulaire

Pour lutter contre la contrefaçon, le titulaire dispose de plusieurs moyens d’action, tels que l’action en contrefaçon devant le tribunal compétent, la saisie-contrefaçon sur autorisation judiciaire, ou encore la notification aux services douaniers pour activer des mesures de surveillance aux frontières.

Conclusion

Le certificat d’obtention végétale est un outil essentiel pour la protection des innovations dans le secteur végétal, assurant une sécurité juridique et favorisant la compétitivité des acteurs du marché. Pour qu’il soit pleinement efficace, il est crucial de comprendre le cadre juridique applicable et de mettre en œuvre des stratégies adaptées de valorisation et de défense contre la contrefaçon.

Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne les acteurs du végétal dans la protection, la valorisation et la défense de leurs obtentions végétales, en France, en Europe et à l’international. Notre expertise couvre l’ensemble du cycle de vie du certificat d’obtention végétale, de la stratégie de dépôt à l’action en contrefaçon.

Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus.

FAQ

1. Durée d’un certificat d’obtention végétale
Le certificat est valide pendant 25 ans, ou 30 ans pour certaines espèces (vigne, arbres fruitiers, pomme de terre), avec des annuités à payer pour maintenir la protection.

2. Cumul brevet et certificat d’obtention végétale
Non, une même variété ne peut être protégée par un brevet et un COV, mais un procédé pour obtenir une variété peut être breveté indépendamment du COV.

3. Critères techniques pour obtenir un COV
La variété doit être nouvelle, distincte, homogène et stable, évaluée par des essais DHS réalisés par des organismes agréés comme le GEVES.

4. Revente de semences issues d’une variété protégée
La revente est strictement encadrée. Seuls les titulaires de licence ou certains agriculteurs peuvent utiliser les semences de ferme, sinon c’est une contrefaçon.

5. Que faire en cas de contrefaçon ?
Le titulaire peut engager une action en contrefaçon, demander une saisie-contrefaçon, une interdiction en référé ou activer une retenue douanière. Des sanctions civiles, pénales et douanières peuvent s’appliquer.