Sommaire
- 1 Introduction
- 2 Cadre juridique applicable aux contenus générés par IA
- 3 Attribution et titularité des droits d’auteur
- 4 Risques juridiques liés à l’utilisation d’un chatbot
- 5 Stratégies pour sécuriser l’exploitation des contenus IA
- 6 Perspectives internationales et évolutions législatives
- 7 Conclusion
- 8 FAQ
Introduction
Les avancées récentes en intelligence artificielle générative, incarnées par des outils comme ChatGPT, Bard ou encore Claude, ont profondément transformé la manière dont nous concevons et produisons des contenus. Du texte à l’image, en passant par la vidéo ou l’audio, les créations assistées par IA sont désormais omniprésentes dans les stratégies de communication, de marketing et de production. Cependant, derrière cette révolution technologique se cache une question juridique majeure : à qui appartiennent réellement ces contenus ? Le droit d’auteur, pensé pour des créations humaines, se trouve confronté à un nouveau paradigme. Comprendre les règles en vigueur, les risques et les solutions à mettre en place est aujourd’hui un enjeu stratégique pour les entreprises, créateurs et institutions qui souhaitent conjuguer innovation et conformité légale.
Cadre juridique applicable aux contenus générés par IA
Seule la création humaine est protégée
En droit français, l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle précise que seul l’auteur, entendu comme une personne physique, peut revendiquer la protection d’une œuvre de l’esprit. Cette exigence d’empreinte de la personnalité exclut d’emblée les productions générées exclusivement par un algorithme. Une image, un texte ou une composition musicale produits sans intervention humaine significative ne remplissent pas le critère d’originalité requis. La jurisprudence et les positions doctrinales confirment cette interprétation, alignée sur la directive européenne 2001/29/CE et les lignes directrices de l’OMPI. L’IA, simple outil, ne peut se voir attribuer la qualité d’auteur.
Obligation de transparence et évolution législative
Si le droit actuel ne reconnaît pas d’autonomie créative à l’IA, les textes évoluent pour encadrer son utilisation. La directive (UE) 2019/790 introduit déjà un régime d’exceptions pour la fouille de textes et de données, tout en prévoyant des garde-fous pour les œuvres protégées.
Le futur AI Act, en cours de finalisation, imposera aux fournisseurs d’IA de documenter et publier un résumé des données protégées utilisées lors de l’entraînement de leurs modèles. Cette obligation vise à renforcer la traçabilité et à limiter le risque de réutilisation illicite de contenus préexistants, offrant ainsi aux titulaires de droits un levier de contrôle inédit.
Attribution et titularité des droits d’auteur
Utilisateur ou programmeur : qui est l’auteur ?
La détermination de l’auteur dans un contexte d’IA conversationnelle repose sur la nature et l’étendue de l’intervention humaine. Si l’utilisateur élabore des instructions précises, affine les résultats et intègre des choix créatifs substantiels, il pourra prétendre à la titularité des droits sur la partie originale de l’œuvre. À l’inverse, le programmeur de l’IA conserve uniquement les droits sur le logiciel, l’architecture et le code, non sur les outputs spécifiques. Cette distinction, consacrée par la doctrine et les clauses contractuelles, est essentielle pour éviter les confusions sur la propriété intellectuelle des contenus générés.
Le rôle déterminant des conditions générales d’utilisation
Les conditions générales d’utilisation (CGU) des plateformes d’IA sont déterminantes dans la répartition des droits. Celles d’OpenAI, par exemple, stipulent que l’utilisateur détient les droits sur les résultats, sous réserve du respect des lois applicables, notamment en matière de droits d’auteur. Cependant, ces clauses ne sauraient exonérer l’utilisateur de sa responsabilité en cas de violation de droits tiers. Une vigilance particulière s’impose donc lors de l’exploitation commerciale, afin de s’assurer que le contenu généré ne reproduit pas, même partiellement, une œuvre protégée.
Risques juridiques liés à l’utilisation d’un chatbot
Risques de contrefaçon directe ou indirecte
L’utilisation d’un chatbot n’exonère pas de la responsabilité en cas de contrefaçon. Un contenu généré peut, volontairement ou non, reproduire tout ou partie d’une œuvre protégée existante. La reproduction d’un texte littéraire, d’un passage musical ou d’un visuel protégé, même modifiée, peut constituer une atteinte aux droits. Ce risque est accentué par la capacité des IA à mémoriser et restituer des fragments appris lors de l’entraînement. Les entreprises doivent donc mettre en place des procédures de vérification systématique avant toute diffusion publique.
Données d’entraînement et œuvres préexistantes
Les modèles d’IA sont alimentés par des ensembles massifs de données, incluant parfois des œuvres protégées collectées sans autorisation explicite. Cette pratique soulève des enjeux juridiques majeurs, notamment en matière de reproduction et de communication au public. L’affaire opposant le New York Times à OpenAI et Microsoft illustre parfaitement cette problématique : le journal accuse les IA d’avoir utilisé ses contenus rédactionnels sans licence pour entraîner leurs modèles. De telles actions pourraient se multiplier à mesure que les titulaires de droits prennent conscience de l’usage de leurs œuvres.
Stratégies pour sécuriser l’exploitation des contenus IA
Intervention humaine créative et documentée
Pour bénéficier de la protection par le droit d’auteur, l’utilisateur doit démontrer une véritable contribution créative. Cette exigence implique :
- Conserver les prompts et instructions ayant servi à générer le contenu, afin de retracer le processus créatif.
- Documenter les choix artistiques et éditoriaux (sélection, modifications, ajouts) apportés au résultat généré par l’IA.
- Archiver les différentes étapes de production pour établir une preuve chronologique du travail réalisé.
- Mettre en évidence la valeur ajoutée humaine par rapport à la simple production automatisée de l’IA.
- Renforcer la crédibilité et la valeur juridique de l’œuvre grâce à un dossier complet pouvant être présenté en cas de litige.
Clauses contractuelles et audit de conformité
Les contrats conclus avec des prestataires ou partenaires devraient intégrer des clauses précises encadrant l’usage de l’IA. Il est recommandé de prévoir des garanties de non-violation de droits tiers, des obligations de transparence sur l’origine des contenus et une répartition claire des responsabilités. Un audit régulier, notamment via des outils de détection de similarités, permet de sécuriser la diffusion et d’éviter les contentieux coûteux. Cette démarche est particulièrement pertinente pour les entreprises opérant dans des secteurs à forte intensité créative.
Perspectives internationales et évolutions législatives
Approches divergentes entre juridictions
En France et dans l’Union européenne, l’exigence d’originalité humaine reste incontournable. Aux États-Unis, l’US Copyright Office refuse l’enregistrement des œuvres générées sans contribution humaine significative. En revanche, certains pays comme le Royaume-Uni ou l’Inde explorent des régimes hybrides où le programmeur pourrait être reconnu comme auteur. Ces divergences compliquent la gestion internationale des droits, obligeant les entreprises à adapter leur stratégie selon les juridictions ciblées.
Réformes à venir et impact sur les utilisateurs
Le futur AI Act européen marquera un tournant en imposant une obligation de transparence sur les données d’entraînement et en encadrant les usages des IA à haut risque. Parallèlement, l’OMPI mène des consultations pour proposer un cadre international harmonisé, susceptible d’inclure de nouvelles formes de protection adaptées à l’IA. Ces réformes, bien qu’adoptées mais non encore pleinement applicables, pourraient profondément modifier la manière dont les contenus générés par IA sont exploités et protégés, incitant les acteurs à anticiper dès aujourd’hui leurs obligations futures.
Conclusion
La protection des contenus générés par IA reste conditionnée à l’intervention créative substantielle d’un humain. Les entreprises et créateurs doivent intégrer cette exigence dans leurs processus, en combinant documentation, vérification et contractualisation. L’enjeu n’est pas seulement juridique : il touche à la valorisation économique des œuvres et à la maîtrise des risques.
Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle
Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus
FAQ
1. Un contenu généré par ChatGPT est-il automatiquement protégé par le droit d’auteur ?
Non, seule une création comportant une contribution humaine originale peut bénéficier de cette protection.
2. Qui détient les droits : l’utilisateur ou le concepteur de l’IA ?
Généralement l’utilisateur, sauf stipulation contraire dans les CGU ou accord contractuel.
3. Quels sont les principaux risques de contrefaçon liés aux chatbots ?
Reproduction non autorisée d’œuvres protégées ou utilisation de données d’entraînement couvertes par des droits.
4. Les règles sont-elles identiques entre l’Europe et les États-Unis ?
Non, les deux exigent une intervention humaine, mais avec des critères et pratiques différents.
5. Quelles clauses inclure dans un contrat pour encadrer l’usage de l’IA ?
Clauses sur la titularité des droits, les garanties de non-contrefaçon, la transparence et les responsabilités.