Introduction

L’essor rapide de l’intelligence artificielle (IA) a profondément transformé divers secteurs, notamment les industries créatives. Aujourd’hui, les systèmes d’IA sont capables de produire des œuvres d’art, de la musique, de la littérature et bien plus encore, soulevant une question fondamentale : l’intelligence artificielle peut-elle détenir des droits d’auteur ? Cette problématique touche au cœur du droit de la propriété intellectuelle et remet en question les notions traditionnelles d’auteur et de propriété des œuvres.

Comprendre le droit d’auteur

Définition et objectif

Le droit d’auteur est conçu pour protéger les droits des créateurs sur leurs œuvres originales, qu’il s’agisse de littérature, d’art, de musique ou d’autres formes d’expression créative. Il confère aux auteurs des droits exclusifs sur la reproduction, la distribution et la présentation de leurs créations, favorisant ainsi l’innovation et le développement culturel.

Critères de protection par le droit d’auteur

Pour qu’une œuvre bénéficie de la protection du droit d’auteur, elle doit remplir certains critères :

  • Originalité : L’œuvre doit être créée de manière indépendante et présenter un minimum de créativité.
  • Fixation : L’œuvre doit être fixée sur un support tangible permettant sa perception sur une durée non éphémère.

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Le rôle de l’auteur humain

Créativité et originalité humaines

Traditionnellement, le droit d’auteur repose sur la créativité humaine. La notion d’auteur est intimement liée à l’intellect et à la personnalité humaine, l’œuvre reflétant l’expression unique de son créateur.

Précédents juridiques soulignant la nécessité d’un auteur humain

Plusieurs systèmes juridiques insistent sur l’importance de l’intervention humaine dans la création d’une œuvre. En France, par exemple, le Code de la propriété intellectuelle stipule que seules les personnes physiques peuvent être reconnues comme auteurs, excluant ainsi les entités non humaines de la titularité des droits d’auteur.

Les œuvres générées par l’IA : une perspective juridique

Le processus de création par une IA

Les systèmes d’intelligence artificielle, notamment ceux utilisant des algorithmes d’apprentissage automatique, génèrent du contenu en analysant de vastes ensembles de données et en identifiant des schémas. Bien que le résultat puisse ressembler à des œuvres créées par des humains, il est produit par des processus computationnels sans intervention de la créativité humaine.

Études de cas et décisions judiciaires

Le statut juridique des œuvres générées par l’IA a fait l’objet de décisions judiciaires :

  • États-Unis : L’U.S. Copyright Office a systématiquement refusé d’accorder la protection du droit d’auteur aux œuvres qui ne présentent pas d’intervention humaine. Dans une affaire marquante, l’Office a rejeté l’enregistrement d’une œuvre créée par une IA, insistant sur le fait que le droit d’auteur protège « les fruits du travail intellectuel » fondés sur la créativité humaine.
  • Chine : À l’inverse, le Beijing Internet Court, dans une décision du 27 novembre 2023, a reconnu le droit d’auteur sur une image générée par une IA. Le tribunal a attribué la paternité de l’œuvre à la personne qui a fourni les instructions à l’IA, estimant que le choix et l’organisation des consignes constituaient une contribution intellectuelle suffisante pour justifier une protection par le droit d’auteur.

Approches internationales sur l’IA et le droit d’auteur

Aux États-Unis, l’Office du Copyright adopte une position stricte en exigeant une intervention humaine comme condition préalable à la protection du droit d’auteur. Son Compendium précise explicitement que les œuvres produites par une machine ou un processus mécanique sans intervention créative humaine ne sont pas éligibles à l’enregistrement.

L’Union européenne n’a pas encore établi une position unifiée sur les œuvres générées par l’IA. Toutefois, l’accent reste mis sur la créativité humaine, et les directives actuelles impliquent que le contenu généré par IA sans intervention humaine ne peut pas bénéficier de la protection du droit d’auteur. Cette approche a récemment été confirmée par le tribunal municipal de Prague, qui a jugé, le 11 octobre 2023, qu’une image créée à l’aide de l’outil d’IA DALL-E ne pouvait être protégée par le droit d’auteur en République tchèque. Le tribunal a estimé que, faute d’intervention créative humaine, le contenu généré par intelligence artificielle ne remplissait pas les critères nécessaires pour bénéficier de cette protection. Cette décision illustre la tendance européenne à considérer la paternité humaine comme un élément central du droit d’auteur.

En Chine, comme mentionné précédemment, certaines décisions judiciaires montrent une ouverture à la protection des œuvres générées par l’IA, mais sous réserve d’une implication humaine dans le processus de création.

Enjeux et considérations

Définir l’auteur d’une création produite par une IA

L’émergence de contenus générés par l’IA remet en question la définition traditionnelle de l’auteur. Il demeure complexe de déterminer qui détient les droits sur ces œuvres : le concepteur de l’IA, l’utilisateur qui fournit les instructions, ou l’IA elle-même ?

Implications pour le droit de la propriété intellectuelle

Les cadres juridiques actuels pourraient nécessiter des adaptations pour répondre aux défis posés par l’IA. Cela pourrait impliquer une réévaluation des concepts d’originalité, de créativité et de paternité afin que le droit d’auteur continue d’encourager l’innovation tout en protégeant les droits des créateurs humains.

Conclusion

Bien que l’intelligence artificielle ait accompli des avancées considérables dans les domaines créatifs, elle ne peut, en l’état actuel du droit, détenir de droits d’auteur. Le droit d’auteur est fondamentalement conçu pour protéger la créativité humaine, et l’IA, dépourvue de conscience et d’intention, ne remplit pas les critères requis pour être considérée comme un auteur.

À mesure que la technologie évolue, les systèmes juridiques devront sans doute repenser et redéfinir les notions d’auteur et de création pour relever les défis posés par les œuvres générées par l’IA.

Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle

Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus

FAQ

1. Est-ce que l’IA a des droits d’auteur ?

Non, l’intelligence artificielle (IA) ne peut pas bénéficier de droits d’auteur. En droit français et européen, ainsi que dans la plupart des juridictions internationales comme aux Etats-Unis, la protection par le droit d’auteur est réservée aux œuvres créées par une personne physique. L’originalité, critère essentiel du droit d’auteur, suppose une empreinte intellectuelle humaine, ce qui exclut les créations générées de manière autonome par une IA. Toutefois, l’utilisateur ou le développeur d’une IA peut, sous certaines conditions, revendiquer des droits sur les œuvres produites si son intervention est déterminante dans le processus créatif.

2. Pourquoi l’IA menace le droit d’auteur ?

L’intelligence artificielle pose plusieurs défis juridiques et économiques au droit d’auteur. Tout d’abord, les algorithmes d’IA s’entraînent sur d’immenses bases de données contenant des œuvres protégées sans toujours obtenir l’autorisation des ayants droit. Cette utilisation soulève des questions de contrefaçon et de respect des licences. Ensuite, la facilité avec laquelle une IA peut générer des contenus (textes, images, musiques) brouille la distinction entre création humaine et machine, rendant plus complexe la reconnaissance et la protection des œuvres originales. Enfin, la prolifération de contenus générés par IA peut affecter la valeur économique des œuvres protégées en inondant le marché de productions sans auteur clairement identifié.

3. Est-ce que les images générées par IA sont libres de droit ?

Non, les images générées par IA ne sont pas systématiquement libres de droits. En l’absence de contribution humaine significative, ces images ne peuvent pas être protégées par le droit d’auteur selon la législation en vigueur. Cependant, elles peuvent être soumises à des restrictions contractuelles imposées par la plateforme ayant généré l’image. Par ailleurs, si une IA s’inspire d’œuvres existantes protégées pour produire une image, il existe un risque de violation des droits d’auteur. Il est donc essentiel de vérifier les conditions d’utilisation des images générées par IA et d’éviter toute exploitation commerciale sans s’assurer de leur statut juridique.

4. Quel est le lien entre le droit et l’intelligence artificielle ?

L’intelligence artificielle modifie profondément le cadre du droit d’auteur et plus largement de la propriété intellectuelle. Elle remet en question les principes fondamentaux de création et d’originalité, tout en soulevant des enjeux liés à la protection des œuvres utilisées pour entraîner les modèles d’IA. Les législateurs, notamment en Europe avec l’AI Act, cherchent à encadrer ces évolutions afin de garantir un équilibre entre innovation technologique et protection des droits des créateurs. En parallèle, de nouvelles pratiques émergent, comme l’attribution de droits à l’humain impliqué dans le processus créatif ou le développement de licences spécifiques pour les contenus générés par IA.