Introduction

La très attendue nouvelle phase du programme des noms de domaine de premier niveau génériques (gTLD) de l’ICANN approche enfin. Prévue pour avril 2026, cette phase de dépôt de candidatures redéfinira la manière dont les titulaires de marques, communautés et acteurs de l’innovation interagissent avec le système des noms de domaine (DNS).

Cette nouvelle phase fait suite à la première ouverture majeure de 2012, qui avait permis l’introduction de plus de 1 200 nouvelles extensions de premier niveau (.app, .shop, .paris, .集团, etc.). Depuis, l’écosystème numérique a profondément évolué, sous l’effet de transformations technologiques, linguistiques et réglementaires.

La communauté de l’ICANN, à travers le groupe de travail GNSO Subsequent Procedures, a redéfini le cadre politique afin de favoriser une plus grande diversité, inclusion et concurrence au sein du DNS. L’objectif de cette nouvelle phase est de bâtir un Internet plus accessible et multilingue, en encourageant la participation des régions sous-représentées et de nouveaux secteurs économiques.

Pour les titulaires de marques, cette évolution n’est pas un simple événement technique : c’est un tournant stratégique.

Le calendrier 2026 : étapes clés et mise en œuvre

L’ICANN a confirmé une fenêtre de dépôt de candidatures d’environ 12 à 15 semaines, débutant en avril 2026, avec plusieurs programmes préparatoires déjà engagés :

Ces étapes s’inscrivent dans une approche progressive, couvrant la mise en œuvre des politiques, la conception du programme, le développement de l’infrastructure et son opérationnalisation, les quatre piliers étant identifiés dans le rapport officiel de l’ICANN.

calendrier prepa icann

Les enseignements de l’ICANN 84 à Dublin

La réunion ICANN 84, qui s’est tenue à Dublin, a constitué un moment décisif de concertation.
Plusieurs sessions ont été consacrées à la préparation des gouvernements, à l’implication des titulaires de marques ainsi qu’au niveau de préparation de l’écosystème technique.

L’implication du Comité consultatif gouvernemental de l’ICANN (GAC)

Le GAC a rappelé son rôle d’organe consultatif clé, notamment à travers le mécanisme d’avertissements précoces (Early Warnings), permettant aux États de signaler des chaînes de caractères ou des candidats susceptibles de soulever des préoccupations d’intérêt public.
Un nouveau programme intitulé « GAC Readiness Pathway » a été lancé, comprenant des webinaires, modules d’e-learning et initiatives de sensibilisation auprès des gouvernements nationaux, prévu pour la fin 2025.

Les États ont également soulevé des préoccupations récurrentes concernant les extensions géographiques (geoTLDs), les variantes IDN, et l’accès équitable aux programmes d’aide, des sujets qui façonneront le cadre politique de 2026.

Les registres géographiques et de marques

Le Groupe GeoTLD a mis en avant l’importance d’une implication réelle des communautés locales et de l’obtention de lettres de non-objection gouvernementales, insistant sur la transparence dans la gouvernance des TLD liés à des territoires ou collectivités.

Parallèlement, le Trademark Registry Group (BRG) a discuté des stratégies relatives aux .marques, en soulignant la nécessité d’une préparation dès le deuxième trimestre 2026, du choix des prestataires, de la conformité contractuelle, et de la planification post-délégation. Pour les entreprises, cela implique une coordination étroite entre les stratégies de noms de domaine, de marketing, de cybersécurité et juridiques avant l’ouverture des candidatures.

Les principaux défis pour les candidats

  1. Implication gouvernementale et avertissements précoces (Early Warnings)

Les candidats doivent anticiper une surveillance et vigilance accrue des gouvernements dès les premières étapes du processus. Ces Early Warnings peuvent avoir un impact significatif sur l’évaluation des dossiers, voire entraîner des objections.

Recommandation : surveiller les chaînes déposées, maintenir un dialogue actif avec les autorités concernées et intégrer les considérations de politique publique dans votre stratégie de candidature.

  1. Programme de soutien aux candidats (Applicant Support Program (ASP))

L’ASP vise à réduire les frais de candidature à hauteur de 75–85 % pour les candidats issus de régions sous-représentées. Toutefois, les gouvernements et organisations de la société civile soulignent que les actions de sensibilisation demeurent insuffisantes.

Les candidats doivent évaluer leur éligibilité, les avantages potentiels, ainsi que les compromis stratégiques entre participation à l’ASP et une candidature classique.

  1. Conflits de candidature et enchères

Lorsque plusieurs candidats sollicitent la même chaîne de caractères, la résolution de conflit devient un enjeu central. L’ICANN n’a pas encore confirmé si les enchères, controversées en 2012, resteront la méthode par défaut.

Les titulaires de marques doivent anticiper ces risques et envisager des alliances ou dépôts préventifs pour limiter les litiges.

  1. Préparation technique et opérationnelle

Le RSP Evaluation Program externalise une partie de l’évaluation technique avant la phase de dépôt. Cela simplifie la procédure, mais suppose une collaboration anticipée avec un prestataire technique agréé (RSP).

Le choix d’un RSP compétent devient une condition préalable essentielle au succès d’une candidature.

  1. Frais et gestion budgétaire

Les frais d’évaluation des candidatures s’élèveront à environ 227 000 USD par TLD, hors coûts juridiques et techniques.

Les candidats doivent établir des budgets complets, anticiper les mécanismes de recouvrement et aligner leur gouvernance interne sur les obligations du registre.

  1. IDN, variantes et opportunités multilingues

Cette nouvelle phase prendra en charge 26 systèmes d’écriture selon les «  Root Zone Label Generation Rules (RZ-LGR). ».

Il s’agit d’une opportunité majeure pour les marques internationales cherchant à localiser leur présence numérique. Toutefois, les candidats doivent anticiper les risques de similarité des chaînes, les enjeux de traduction et les spécificités réglementaires locales.

  1. Engagements d’intérêt public (Public Interest Commitments ou PICs) et engagements volontaires (Registry Voluntary Commitments ou RVCs)

Tous les nouveaux registres doivent accepter les PICs et RVCs, qui définissent des engagements en matière de protection du consommateur, de transparence et de bonne exploitation du registre. Ces engagements sont juridiquement opposables dans le cadre de leur contrat de registre (Registry Agreement). Les titulaires de marques doivent mettre en place des cadres de gouvernance et de conformité adaptés pour répondre à ces obligations.

Implications stratégiques pour les titulaires de marques

Les extensions .marque: un levier stratégique majeur

L’adoption d’une extension .marque représente l’une des évolutions les plus marquantes de l’identité numérique des entreprises depuis 2012. Une .marque permet à une société d’exploiter son propre espace de nommage sécurisé et exclusif, totalement sous son contrôle.

Ce modèle dépasse le cadre des simples enregistrements défensifs : il offre une autonomie accrue, renforce la confiance des consommateurs et soutient la transformation digitale des organisations.

  1. Contrôle et confiance

Posséder une .marque permet de créer un écosystème numérique de confiance, où chaque domaine se terminant par l’extension de l’entreprise est authentifié et géré par elle.
Cela élimine les risques de phishing, contrefaçon et typosquatting, tout en assurant la fiabilité des sites tels que magasin.marque ou carrière.marque.

D’un point de vue réputationnel, le domaine .marque renforce l’intégrité de la marque et la confiance de ses clients, en particulier dans les secteurs réglementés tels que la finance et la santé.

  1. Potentiel marketing et innovation

Une .marque offre de nouvelles possibilités pour des campagnes personnalisées (été.marque) ou la segmentation des offres (pro.marque, luxe.marque). Elle renforce la cohérence de la stratégie omnicanale et améliore la visibilité SEO en centralisant le trafic sous un espace unique et maîtrisé.

  1. Autonomie opérationnelle et efficience à long terme

Gérer son propre TLD assure une indépendance technique vis-à-vis des registrars tiers.
Bien que les coûts initiaux soient plus élevés, la gestion à long terme d’une .marque devient plus économique pour les entreprises disposant d’un large portefeuille de domaines.

  1. Responsabilités et conformité

Une .marque implique le respect d’exigences strictes : désignation d’un prestataire RSP agréé, mise en place de procédures internes de conformité et coordination entre les équipes juridiques, informatiques et marketing.

Conclusion

La nouvelle phase du programme gTLD de l’ICANN représente à la fois une opportunité stratégique et un défi opérationnel. Le succès reposera sur une préparation en amont, une collaboration interdisciplinaire et une compréhension approfondie des aspects juridiques et techniques.

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FAQ

 

1. Qu’est-ce qu’un gTLD ?

Un gTLD (generic Top-Level Domain ou « domaine générique de premier niveau ») est une extension de nom de domaine apparaissant à la fin d’une adresse Internet, telle que .com, .org, .shop ou .paris.

Les gTLD ont pour fonction de structurer le système des noms de domaine (DNS) et d’offrir de nouvelles opportunités de communication, de visibilité et de positionnement numérique pour les entreprises, institutions et communautés.

2. Qu’est-ce que l’Applicant Guidebook (AGB) ?

L’Applicant Guidebook (AGB) est le document officiel de l’ICANN qui définit les règles, procédures et exigences applicables aux candidats souhaitant exploiter un nouveau gTLD.
Il précise les critères d’évaluation, les mécanismes d’objection et de règlement des litiges, ainsi que les obligations techniques, financières et contractuelles auxquelles doivent se conformer les futurs opérateurs de registre.

3. Que sont les Public Interest Commitments (PICs) ?

Les Public Interest Commitments (PICs) sont des obligations contractuelles visant à garantir que l’exploitation d’un registre serve l’intérêt public, protège les consommateurs et prévienne les abus.

4. Comment sont gérés les noms de domaine en écriture non latine ?

Les noms de domaine ne se limitent pas à l’alphabet latin. Lors de la prochaine phase d’enregistrement de noms de domaine, il sera possible d’enregistrer des noms de domaine dans 26 systèmes d’écriture différents, dont l’arabe, le chinois, le japonais, l’hindi et le cyrillique.

Afin de garantir le bon fonctionnement de ces noms de domaine à l’échelle mondiale, l’ICANN utilise un ensemble de règles techniques appelées « Root Zone Label Generation Rules» (RZ-LGR). En bref, ce système permet aux utilisateurs d’utiliser Internet dans leur propre langue et leur propre système d’écriture, tout en garantissant la sécurité, la clarté et la fonctionnalité universelle des noms de domaine.

5. Les titulaires de marques ont-ils besoin d’une autorisation pour déposer une candidature ?

Seules les extensions géographiques (geoTLDs), telles que .paris ou .london, nécessitent l’autorisation ou la non-objection formelle d’un gouvernement ou d’une autorité publique compétente.

6. Comment les titulaires de marques doivent-ils se préparer à la période de dépôt 2026 de l’ICANN ?

Pour tirer pleinement parti de cette prochaine phase, les titulaires de marques doivent se préparer dès maintenant, de manière structurée et stratégique. Cette préparation implique :

  • De réaliser une étude de faisabilité et de retour sur investissement (ROI) pour déterminer si l’adoption d’un TLD de type .marque est cohérente avec les objectifs numériques et marketing à long terme de l’entreprise.
  • De cartographier les cas d’usage potentiels et de définir des conventions de nommage garantissant une utilisation cohérente au sein des différentes entités.
  • De collaborer en amont avec des prestataires agréés (RSP) afin de s’assurer de leur préparation technique et de leur conformité réglementaire.
  • De préparer un budget intégrant les frais de candidature, de mise en place et d’exploitation annuelle du registre, en anticipant à la fois les coûts initiaux et récurrents.
  • De réviser les cadres internes de conformité pour les aligner sur les mises à jour de politiques ICANN prévues pour 2025 ainsi que sur les engagements d’intérêt public (PICs).