Introduction

Le 21 mai 2025, le Tribunal de l’Union européenne (TUE) a confirmé la déchéance partielle de la marque de l’Union européenne Airbnb pour les services de « publicité » en classe 35.

Cette décision, met en lumière une distinction essentielle : la promotion de ses propres services ne constitue pas une activité publicitaire au sens du droit des marques.

L’affaire illustre l’importance d’un usage réel et distinctif des marques enregistrées et invite les titulaires de marques à ajuster leurs stratégies de dépôt en fonction de la réalité de leurs activités.

La demande en déchéance partielle de la marque Airbnb

Titulaire depuis 2013 d’une marque de l’Union européenne couvrant notamment les services de publicité en classe 35, la société Airbnb, Inc. a fait l’objet, en 2020, d’une demande en déchéance introduite par la société australienne Airtasker Pty Ltd, au motif d’un défaut d’usage sérieux dans l’Union européenne.

La division d’annulation de l’EUIPO a partiellement accueilli la demande en déchéance.

Saisie d’un recours formé par Airbnb, la chambre de recours de l’EUIPO a confirmé la déchéance pour la classe 35, estimant que les preuves d’usage fournies (supports promotionnels, campagnes marketing, extraits du site web) pour cette catégorie de services concernaient exclusivement l’activité interne de la société et non la prestation de services publicitaires à des tiers.

Face à cette décision, Airbnb a alors saisi le Tribunal de l’Union européenne, contestant l’interprétation selon laquelle la publicité ne puisse être entendue que comme un service fourni à des tiers.

L’analyse du Tribunal de l’Union européenne

Le Tribunal a rejeté le recours de la société Airbnb et confirmé la déchéance partielle de la marque pour les services de publicité.

S’appuyant sur la jurisprudence constante, le tribunal rappelle que les services de publicité ont pour finalité d’accompagner d’autres entreprises dans la promotion de leurs produits ou services, ou à renforcer leur position concurrentielle sur le marché par le biais de la communication commerciale.

Ainsi, une publicité réalisée seulement en interne, même de grande ampleur et largement visible, ne saurait être assimilée à une prestation publicitaire rendue à des tiers, qui est un service appartenant à la classe 35 selon la classification de Nice.

Les preuves d’usage produites par Airbnb démontraient uniquement la promotion de ses propres offres d’hébergement et de ses activités commerciales, sans établir de prestations publicitaires effectuées pour le compte d’autres entreprises ou particuliers.

Le Tribunal précise que la mise en avant des hébergements proposés par les hôtes sur la plateforme ne constitue pas une activité publicitaire indépendante.

Cette promotion vise avant tout à accroître la notoriété et la rentabilité de la plateforme elle-même, et non à fournir un service de publicité distinct.

L’usage de la marque Airbnb dans ce contexte ne saurait donc être qualifié d’usage sérieux pour des services de publicité.

publicite airbnb decision

Enseignements pour les titulaires de marques

Cette décision rappelle une règle fondamentale du droit des marques : pour qu’un usage soit qualifié de sérieux, il doit correspondre à la nature exacte des services désignés.

  • Ne pas surprotéger inutilement sa marque

Déposer sa marque dans des classes sans lien direct avec l’activité réelle comme en l’espèce, la classe 35 pour des services de publicité expose à des risques de déchéance à moyen terme.

  • Promouvoir ses propres produits n’est pas un service publicitaire

La communication interne d’une entreprise, même menée à grande échelle, ne suffit pas à démontrer un usage sérieux pour des services de publicité. Seuls les services rendus à autrui (par exemple : agences, consultants, plateformes offrant de la visibilité à des tiers) relèvent de cette catégorie.

  • Importance d’une stratégie de dépôt cohérente

Avant tout dépôt, il convient d’identifier avec précision les classes pertinentes au regard de l’activité économique réelle du titulaire. Pour les entreprises numériques notamment, la distinction entre activité principale et services accessoires est déterminante.

Conclusion

Par cet arrêt du 21 mai 2025 (affaire T-1032/23, Airbnb, Inc. / EUIPO), le Tribunal de l’Union européenne rappelle avec clarté que l’usage sérieux d’une marque suppose une exploitation conforme aux services pour lesquels elle a été enregistrée.

Les titulaires de marques doivent ainsi veiller à ce que leurs dépôts reflètent fidèlement la nature de leurs prestations, faute de quoi ils s’exposent à une déchéance partielle, voire totale, de leurs droits.

Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne ses clients dans la gestion de dossiers de propriété intellectuelle complexes, en proposant des conseils personnalisés et un soutien opérationnel complet pour la protection intégrale de la propriété intellectuelle.

Le Cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus 

FAQ

 

1. Quel type de services sont couverts par la classe 35 ?

La classe 35 de la classification de Nice désigne notamment les services de publicité, de gestion des affaires commerciales et de vente au détail.

2. Pourquoi est-il risqué d’enregistrer une marque dans des classes qui ne correspondent pas à son activité réelle ?

Un enregistrement trop large augmente le risque de déchéance : si le titulaire ne peut pas démontrer un usage sérieux dans une classe donnée, ses droits peuvent être partiellement ou totalement annulés. De plus, une stratégie de dépôt incohérente peut susciter des litiges inutiles et alourdir les coûts de gestion du portefeuille.

3. Un enregistrement de marque trop restrictif peut-il également poser problème ?

Oui. Un dépôt trop minimaliste peut empêcher une entreprise de se protéger efficacement lorsque son activité se développe. Une marque doit être protégée de manière proportionnée : trop large, elle risque la déchéance ; trop étroite, elle ne protège pas suffisamment contre les imitateurs.

4. Comment une entreprise peut-elle anticiper les risques de déchéance dans son portefeuille de marques ?

En instaurant une surveillance régulière de l’usage réel, en tenant à jour des preuves datées, en réalisant des audits internes tous les 2 à 3 ans, et en ajustant les dépôts lorsque l’activité évolue. Cette approche préventive permet d’éviter les contestations ultérieures.

5. Quels types de preuves permettent généralement de démontrer l’usage sérieux d’une marque dans l’Union européenne ?

Les preuves doivent montrer un usage réel, public, externe et commercial de la marque pour les produits ou services enregistrés. Il peut s’agir de factures, contrats, publicités destinées au public, preuves de ventes, supports marketing, données d’audience, ou encore collaborations commerciales. Les documents purement internes ne suffisent pas.