Dreyfus

Questions préjudicielles sur la responsabilité des FAI

Dans le procès fleuve qui oppose depuis déjà 6 ans la Société Belge des Auteurs, Compositeurs et Editeurs (Sabam), au fournisseur d’accès à Internet Scarlet (à l’époque Tiscali), la cour d’appel de Bruxelles a décidé de botter en touche en posant, le 28 janvier 2010, deux questions préjudicielles à la CJCE relatives à la responsabilité des fournisseurs d’accès internet (FAI) quant au partage de fichiers en P2P.

Les faits remontent à 2004 quand la Sabam avait initié une action judiciaire contre le fournisseur d’accès internet Tiscali (nouvellement Scarlet) lui reprochant de ne rien faire pour empêcher le téléchargement, par ses utilisateurs, de fichiers musicaux par le biais de logiciels P2P.

En première instance en 2007, Scarlet avait été condamnée à rendre impossible, par le biais de mesures techniques qu’il devait mettre au point, le téléchargement illégal via son réseau sous peine d’astreintes par jour d’infraction.

Scarlet retourna, en octobre 2008, devant le tribunal qui devait ordonner la liquidation de l’astreinte en arguant de l’impossibilité manifeste de mettre au point des mesures techniques efficaces et du coût prohibitif de la mise en place de telles mesures. Le tribunal, compte tenu des efforts de Scarlet, suspendit l’astreinte qui courait jusqu’en novembre 2008 mais confirma le jugement en lui réintimant l’ordre de bloquer les téléchargements illégaux.

La Cour d’appel de Bruxelles durant les mois de novembre et décembre 2009 devait répondre à la question de savoir dans quelle mesure les fournisseurs d’accès internet devaient supporter la charge opérationnelle et financière de la lutte contre le piratage.

Devant la complexité de la question posée et des enjeux en cause, la Cour a décidé de poser deux questions à la CJCE avant de statuer. Ces deux questions sont en substance :

–         Les FAI peuvent ils être contraints à prendre des mesures techniques préventives dans le but d’empêcher le téléchargement illégal ?

–         Si oui, dans quelle mesure les charges techniques et financières leur incombent?

Ces questions préjudicielles sont posées dans un contexte ambigu de recherche d’équilibre entre d’une part les droits des détenteurs de propriété intellectuelle et, d’autre part, les droits des FAI et les droits et libertés fondamentaux en matière de respect de la vie privée des internautes.

A l’heure où l’accès à l’Internet tend à être reconnu en tant que droit fondamental au même titre que l’accès à l’eau potable, la mise en place de mesures de filtrage soulève également le problème d’une forme de censure en résultant, susceptible de bloquer des contenus légaux et donc de porter atteinte à ce droit fondamental.

Même si il s’agit en l’espèce d’un cas purement national, il ne fait nul doute que les répercussions de la décision que rendra la CJCE se feront sentir au moins au niveau européen, si ce n’est au niveau mondial.

Cette décision sera donc attendue tant par les acteurs du secteur qu’au niveau politique, à l’horizon 2011 voire 2012.

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1519 noms de domaine transférés au Groupe « InterContinental Hotels »

Dans une décision D2009-1661  du Centre d’Arbitrage et de Médiation  de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, l’Expert a ordonné le transfert de 1519 noms de domaine au profit du Groupe « InterContinental Hotels ».

Le litige opposait une personne physique allemande, titulaire de plus de 70 000 noms de domaine et les sociétés « Six continents » et « Intercontinental Hotels », toutes deux filiales du groupe ‘InterContinental Hotels ».

En l’espèce, les Plaignantes estimaient que 1542 noms de domaine violaient leurs droits de marque respectifs.

Sur les 1542 noms de domaine faisant l’objet de la plainte, seuls les noms ne contenant pas les marques du Requérant n’ont pas été transférés.

Cette décision illustre parfaitement l’avantage d’une procédure extrajudiciaire de règlement des litiges selon les principes UDRP dans la mesure où la plainte peut concerner un très grand nombre de noms de domaine, comme c’est le cas en l’espèce et assurer le transfert effectif des noms de domaine.

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L’affaire Tiscali : le statut d’éditeur reconnu

La première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt récent du 14 janvier 2010 , s’est prononcée, une fois de plus, sur le statut d’hébergeur et sur le régime de responsabilité qui lui est applicable.

Le litige opposait le fournisseur d’accès à Internet Tiscali  (aujourd’hui devenu Télécom média) aux Editions Dargaud Lombard et Lucky Comics, chacune titulaire de droits d’auteur sur des bandes dessinées.

Les sociétés éditrices reprochaient à Tiscali des actes de contrefaçon. En janvier 2002, les bandes dessinées sur lesquelles elles détenaient des droits,  étaient en effet intégralement reproduites sans leur autorisation sous forme numérique sur la page chez.com gérée par Tiscali.

En l’espèce, Tiscali soutenait être un hébergeur au sens de la Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN) et ainsi ne pas être tenu responsable pénalement et civilement du fait du contenu de ses services dans la mesure où il a agit promptement pour empêcher l’accès à ce contenu.

Cependant, la Cour de cassation adopte un raisonnement identique à celui de la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 7 juin 2006  en reconnaissant Tiscali comme un éditeur et non comme un hébergeur.

En effet, dans la mesure où les services fournis par le fournisseur d’accès à Internet Tiscali excèdent les simples fonctions techniques de stockage et que celui-ci exploite commercialement son site en proposant aux annonceurs de mettre en place des espaces publicitaires payants directement sur les pages personnelles, celui-ci doit être regardé comme un éditeur.

Par conséquent, la Cour de cassation estime que Tiscali ne peut bénéficier de l’immunité pénale et civile prévue par la LCEN pour les hébergeurs. Le fournisseur doit donc assumer la responsabilité des contenus qui ont été mis à la disposition du public et se trouve ainsi condamné pour contrefaçon au sens de l’article L122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle.

La Cour de cassation utilise ainsi le critère économique de l’exploitation commerciale pour retenir la qualification d’éditeur. Cette décision opère un revirement avec la jurisprudence jusque là constante qui considérait que le critère économique n’était pas pertinent et que la commercialisation d’espaces publicitaires ne permettait pas de retenir la qualification d’éditeur dès lors que rien dans le texte de la LCEN n’interdit à un hébergeur de tirer profit de son propre site .

Toutefois, le Tribunal de grande instance de Paris dans un jugement en date du 28 mars 2008  avait déjà refusé la qualité d’hébergeur au motif que la société SEDO se chargeait d’insérer des liens publicitaires et qu’en conséquence elle exerçait une activité commerciale.

L’arrêt Tiscali a donc ouvert le débat sur la pertinence  du critère économique pour l’exclusion du bénéfice de l’exonération de la responsabilité des hébergeurs tel que prévu par la LCEN.

1. Cass. 1ère Civ. 14 janvier 2010 S. A. Dargaud Lombard et société Lucky Comics c/ S. A. Tiscali Media
2. CA Paris, 4e ch. Section A, 7 juin 2006 Tiscali Media / Dargaud Lombard, Lucky Comics
3. Paris 15 avril 2008 Omar et Fred et autres c. Dailymotion
4. TGI Paris 28 mars 2008 Bayard Presse c. SEDO

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Lorsque les registres encouragent le cybersquatting !

Les registres, organismes en charge de la gestion d’une extension, se trouvent dans une situation ambigüe quant à l’enregistrement de noms de domaine. En effet, la réputation et la visibilité d’une extension sur l’internet sont directement liées au nombre de noms de domaine enregistrés dans ladite extension. Le modèle économique de ces registres est également très dépendant du volume de noms de domaine enregistrés, le registre percevant une taxe sur chaque enregistrement ou renouvellement de nom de domaine, lui permettant de couvrir ses dépenses de fonctionnement et ses investissements. En bref, plus le nombre de noms de domaine enregistré est élevé, plus le registre est riche.

Ces contraintes économiques auxquelles s’ajoutent le lobbying et la pression du marché pour une plus grande libéralisation du marché des noms de domaine ont conduit de nombreux registres nationaux à assouplir progressivement leurs règles d’enregistrement pour finalement n’aboutir à aucun contrôle lors de l’enregistrement de noms de domaine.

S’ajoute à cela la possibilité d’enregistrer des noms de domaine comportant des caractères accentués ou des caractères non latins dans certains pays, ce qui accroît encore l’espace de nommage.

Les derniers développements en date dans ce domaine nous ont fait connaitre l’introduction des noms de domaine à 1 et 2 caractères en Allemagne (octobre 2009) puis des caractères IDN dans l’extension .eu. Un peu plus tôt en 2008 avaient été lancées deux nouvelles extensions, le .me pour le Monténégro (extension pays), puis le .tel, extension générique ayant pour vocation de devenir un annuaire universel sur l’Internet.

Face à tous ces développements, les titulaires de droits se trouvent souvent démunis. Si des périodes d’enregistrement prioritaire sont prévues par les registres, elles sont souvent contournées par les cybersquatteurs et de plus les mécanismes de protection ne fonctionnent plus dès lors que la période de sunrise est terminée. Les intérêts des titulaires de droits entrent alors en conflit direct avec ceux des registres et des autres acteurs économiques liés à la commercialisation des noms de domaine.

L’activité des registres sur les extensions pays va à nouveau donner des soucis aux titulaires de droits :

–          Le Luxembourg s’apprête à introduire les caractères IDN dans l’extension .lu (lancement le 1er avril avec période prioritaire pour les détenteurs de noms de domaine en .lu du 1er février au 30 mars)

–          Le Monténégro s’apprête à relâcher une liste de noms de domaine emblématiques à partir du 1er février

Dans ce dernier cas, le registre avait retenu un certain nombre de noms de domaine dits à « haute valeur ajoutée » au moment de la création de la zone,  dans l’optique de les vendre aux enchères. Certains de ces noms n’ont pas trouvé preneur et vont être remis à disposition pour un enregistrement « standard » sur la base du premier arrivé / premier servi. On y trouve parmi d’autres les noms suivants :

<britneyspears.me> et <parishilton.me> (marques communautaires)

<torture.me>, <violate.me>

<penisenlargement.me>, <phuck.me> et <phuk.me>

Ces opérations purement mercantiles ne vont certainement pas contribuer à donner une bonne image des régulateurs de l’Internet ni réconcilier les titulaires de droits avec les registres.

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Les premiers ccTLDs IDN arrivent !

Suite à l’ouverture de la racine de l’Internet aux extensions dans des caractères non latins, 6 pays représentant 3 langues différentes avaient fait acte de candidature dès le premier jour auprès de l’Icann. Depuis, 13 nouveaux pays représentant un total de 8 langues différentes ont également fait acte de candidature auprès de l’Icann.

Le 21 janvier 2010, l’Icann a annoncé la validation de quatre extensions, trois en caractères arabes et une en caractères cyrilliques :

Arabie Saoudite : السعودية (AlSaudia)

Egypte : مصر (Egypt)

Emirats Arabes Unis : امارات (Emarat)

Fédération de Russie : рф (rf)

Ces quatre pays sont maintenant au stade de la délégation, ce qui signifie qu’une fois les tests techniques passés, ces extensions seront ouvertes au public.

La révolution linguistique de l’Internet a débuté. Gageons que de nombreux autres pays s’engageront dans cette voie.

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EBay : le statut de mandataire écarté

Un jugement du TGI de Strasbourg en date du 15 décembre 2009  a reconnu implicitement la qualité d’hébergeur à eBay.  Le Tribunal était saisi d’un litige relatif à la vente d’un robot-cuiseur sur eBay payé mais jamais livré.

Dans de telles circonstances, la juridiction estime que le site « eBay » constitue une plate-forme virtuelle dont le rôle se limite, d’une part, à la vérification des coordonnées de ses utilisateurs et d’autre part, à leur mise en contact aux fins de provoquer la rencontre de l’offre et de la demande pour différents produits ou services. Ainsi, la société eBay est considérée comme un tiers au contrat de vente formé entre les internautes.

Le TGI de Strasbourg est parti du postulat que la société eBay est un hébergeur et a seulement vérifié si les conditions prévues par la loi du 21 juin 2004 dite « loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique » (LCEN) étaient remplies pour permettre ainsi à eBay de bénéficier du régime aménagé et dérogatoire de la responsabilité des hébergeurs.

Pour bénéficier de cette immunité civile et pénale garantie par les articles 6-1.2 et 6-1.7 de la LCEN, le Tribunal estime que les hébergeurs sont soumis à deux conditions cumulatives : que ceux-ci n’aient pas eu connaissance de contenus illicites et qu’ils aient agi promptement dès l’instant où ils en ont été informés.

Le Tribunal précise que la société eBay n’a à aucun moment hébergé des informations ou des activités illicites, notamment pas en ce qui concerne les caractéristiques de l’objet du litige et a procédé, dès qu’elle a eu connaissance des faits litigieux, à la suspension provisoire puis à la radiation définitive du compte du vendeur. Par conséquent, la responsabilité de la plate-forme ne peut être engagée dès lors qu’elle a réagit rapidement face au comportement du vendeur et que les conditions de mise en jeu de la responsabilité de l’hébergeur ne sont pas réunies.

Par ailleurs, le Tribunal refuse de reconnaître la qualité de mandataire ou d’intermédiaire à la vente à eBay.

En effet, les acquéreurs de l’objet du litige ne démontrent pas l’existence d’un contrat de mandat exprès ou tacite entre le vendeur et la société eBay. Le simple prélèvement d’une rémunération par la société eBay est insuffisant à l’administration d’une telle preuve. Même à supposer l’existence d’un tel contrat, le Tribunal considère que la responsabilité de la société ne pourrait davantage être retenue du seul fait du non paiement par son mandant à défaut de prouver qu’elle aurait commis un dol ou une faute. Enfin, la responsabilité ne saurait pas non plus engagée du fait de l’échec d’une procédure d’indemnisation qu’elle propose à ses clients alors qu’aucune obligation de ce genre ne lui impute.

En conséquence, la société eBay n’a pas été tenue responsable de l’échec de la vente de l’objet du litige.

1. TGI Strasbourg, 1ère Ch. Civ., 15 décembre 2009, Jean L. c/ EBay France et autres, <legalis.net>

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La HADOPI installée

Le 8 janvier 2010, le ministre de la Culture et de la Communication a procédé officiellement à l’installation de la Haute Autorité  pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet dite «HADOPI » chargée de lutter contre le piratage sur le net.

Lors de sa première réunion, la HADOPI a élu son président Marie-Françoise Marais, conseiller à la 1ère chambre de la Cour de cassation, en charge des affaires de propriété littéraire et artistique.

La HADOPI est également composée d’un collège chargé des fonctions de veille, de prospective et de régulation ainsi que d’une commission de protection des droits chargée de mettre en œuvre la riposte graduée à travers l’envoi d’avertissements et la transmission des dossiers de récidive au juge judiciaire.

Le décret du 23 décembre 2009 portant nomination des membres du collège et de la commission de protection des droits de la HADOPI a été publié au Journal officiel du 26 décembre 2009. Ont été nommés neuf titulaires pour le collège, trois titulaires pour la commission. Elus pour six ans, ils ont été désignés par le président du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique, les ministres chargés des Communications électroniques, de la Consommation et de la Culture ou encore par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Le collège est composée de Jean Musitelli, conseiller d’Etat, Patrick Bouquet, conseiller-maître à la Cour des Comptes, Christine Maugüé, conseiller d’Etat, Jean Berbinau, ingénieur général des télécommunications, Chantal Jannet, présidente de l’Union féminine civique et sociale (UFCS), Jacques Toubon, ancien ministre et conseiller d’Etat honoraire, Franck Riester, député de Seine-et-Marne et Philippe Thiollière, sénateur de la Loire.
Sont nommés membres de la commission de protection des droits de la Hadopi Mireille Imbert-Quaretta, Jean-Yves Monfort, Jacques Bille.
L’efficacité de la HADOPI pourra être débattue cet été après l’envoi des premiers emails d’avertissement qui devraient être envoyés à la fin du printemps.

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Suite de l’ouverture du « .fr » aux particuliers : une ouverture prochaine aux français résidents à l’étranger

Le conseil d’administration de l’AFNIC a approuvé le 13 novembre dernier les modalités de l’ouverture du « .fr » aux français résidents à l’étranger.

La mise en œuvre de cette ouverture est programmée pour le premier semestre 2010. Le processus actuel d’enregistrement et de vérification des personnes physiques sera conservé.
Ainsi, aucun nouveau test technique n’est prévu au cours de la saisie tandis que la vérification d’éligibilité sera réalisée par l’AFNIC auprès des bureaux d’enregistrement en charge du nom de domaine. Toutefois, cette vérification d’éligibilité ne sera déclenchée que sur plaintes de tiers ou dans le cadre de vérifications aléatoires. Le contact administratif sera obligatoirement présent sur le territoire.

Même si tous les résidents étrangers ne devraient pas enregistrer leur nom de domaine, le potentiel de réservation est très élevé.

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L’internationalisation des noms de domaine se poursuit !

L’introduction des caractères chinois dans le gTLD « .org » est officiellement programmé pour le 23 janvier prochain.

Les réservations de noms de domaine en caractères chinois dans l’extension .org se feront selon la règle du « premier arrivé, premier servi ».

Toutefois, les noms enregistrés entre le 23 janvier 2010 et le 22 février 2010 seront gelés jusqu’au 25 mars 2010 afin de permettre aux titulaires de droits de propriété intellectuelle d’identifier d’éventuelles atteintes à leurs droits et d’engager des procédures extrajudiciaires auprès du Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI.

Pendant cette phase, les réservataires ne seront pas en mesure de mettre à jour, transférer ou radier les noms de domaine qu’ils viennent d’enregistrer.

Cette ouverture ne présente que peu d’intérêt pour les internautes chinois dont l’attention est plutôt portée sur le lancement par la Chine de son extension IDN : le « .中国 » qui ne devrait cependant pas arriver avant mars prochain.

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