La revente de jeux vidéo numériques pose des problèmes juridiques importants, principalement liés aux contrats de licence et aux droits d’auteur. Contrairement aux jeux physiques, ils sont soumis à des règles strictes qui interdisent leur revente, une pratique que les consommateurs pourraient naturellement espérer étant donné la nature dématérialisée de ces produits. Cet article analyse les raisons juridiques expliquant cette interdiction et les conséquences pour les consommateurs et les acteurs du marché.

Les enjeux juridiques autour de la revente des jeux vidéo dématérialisés

La nature des jeux vidéo dématérialisés

Les jeux vidéo numériques sont achetés et téléchargés par le biais de plateformes en ligne. L’une des principales distinctions par rapport aux jeux physiques est que les consommateurs n’achètent pas réellement le jeu, mais obtiennent une licence d’utilisation qui leur en donne le droit d’usage pour une durée déterminée, sans devenir propriétaires du jeu, ni de son contenu.

Ces licences revêtent un caractère personnel, non transférable. Les conditions étant notamment spécifiées expressément dans les contrats que les utilisateurs acceptent lors de leur achat. C’est en raison de cette absence de propriété qu’il est juridiquement impossible de revendre un jeu vidéo en ligne.

Les contrats de licence et la protection des droits d’auteur

Les jeux vidéo sont protégés par le droit d’auteur, qui confère à l’éditeur les droits exclusifs de distribution et d’utilisation selon le Code de la propriété intellectuelle, ce qui explique les restrictions strictes qui leurs sont attachées.

Les contrats de licence ont notamment pour but de protéger ces droits et de restreindre l’utilisation des jeux dans le cadre défini par leur éditeur. Il s’agit pour ce dernier, d’un moyen efficace de contrôle de la diffusion de leurs œuvres et de préservation de leur modèle économique.

L’absence de marché de l’occasion pour les jeux vidéo en ligne : une conséquence des droits d’auteur

L’épuisement des droits et ses limites dans le domaine des jeux vidéo numériques

Le principe d’épuisement du droit de distribution permet à un bien matériel d’être revendu librement après sa première vente, sous réserve que cette vente ait eu lieu dans l’Union européenne. Cependant, ce principe ne s’applique pas aux biens immatériels, comme les jeux vidéo numériques.

En effet, selon l’article 4 de la directive 2001/29/CE sur le droit d’auteur, l’épuisement des droits ne concerne que les objets tangibles, et non les services ou produits dématérialisés, comme les jeux vidéo. Cette règle vise à protéger les intérêts des éditeurs et à éviter la circulation non contrôlée des produits numériques.

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La jurisprudence et l’absence de droit à la revente

La Cour de cassation a récemment clarifié cette question de l’épuisement du droit de distribution d’un jeu vidéo fourni en ligne dans son arrêt du 23 octobre 2024 (n° 23-13.738), rejetant le pourvoi de l’association UFC-Que Choisir contre la société Valve Corporation concernant la revente de jeux vidéo numériques sur la plateforme Steam, dont les conditions générales interdisaient la revente et le transfert des comptes ou des souscriptions acquises sur la plateforme.

Cette dernière a confirmé que les jeux vidéo sont des œuvres complexes comprenant des éléments graphiques, sonores et narratifs, protégés par la directive 2001/29/CE sur le droit d’auteur, et non par la directive 2009/24/CE relative aux programmes d’ordinateur. Cette distinction est conforme aux décisions antérieures de la CJUE, qui ont, elles aussi, précisé que le droit d’épuisement ne s’applique qu’aux objets tangibles et non aux produits numériques.

Plusieurs décisions confirment cette tendance, dont notamment :

  • L’arrêt « Nintendo» (23 janvier 2014) : dans cette affaire, la société Nintendo a poursuivi PC Box, une plateforme qui vendait des jeux vidéo sous forme de téléchargement en ligne. Nintendo contestait la revente de copies de ses jeux vidéo numériques sans son autorisation, après que les consommateurs aient téléchargé les jeux via un code de téléchargement.
  • L’arrêt « Tom Kabinet» (19 décembre 2019) : dans cette affaire, Tom Kabinet, un site néerlandais, avait mis en place un marché permettant la revente de copies numériques de livres électroniques, la légalité de ce marché était contesté.

L’avenir de la revente des jeux vidéo en ligne

Les évolutions possibles de la législation

Dans l’optique de réformer la législation européenne, certains préconisent un assouplissement des règles concernant la revente des jeux vidéo numériques. En 2021, la Commission européenne a lancé une consultation publique pour examiner les options de réformes législatives sur le marché numérique. Toutefois, le modèle économique des éditeurs et la protection des droits d’auteur restent des enjeux clés qui retardent une réforme en profondeur.

Certaines initiatives en faveur des consommateurs, comme la création de licences plus flexibles, voire transférables, pourraient permettre de réconcilier les intérêts des éditeurs et des utilisateurs, instaurant un système de revente contrôlée sur des plateformes agréées.

Le rôle des plateformes de distribution

Les plateformes de distribution de jeux vidéo en ligne, telles que Steam ou PlayStation Store, jouent un rôle fondamental dans la régulation du marché des jeux vidéo numériques. Si ces plateformes offrent parfois des systèmes de partage ou d’échange, elles limitent néanmoins la revente libre des jeux. Leurs politiques sont dictées par les contrats de licence, qui sont négociés avec les éditeurs et les studios de développement.

Conclusion

La question de la revente des jeux vidéo en ligne soulève des enjeux juridiques importants qui sont principalement liés aux contrats de licence et aux droits d’auteur. Si certaines évolutions législatives pourraient permettre d’assouplir ces restrictions, la situation actuelle reste complexe, et les éditeurs de jeux vidéo continuent de contrôler strictement la distribution de leurs produits. Le marché secondaire des jeux vidéo numériques reste pour l’heure inexistant, du moins dans le cadre des pratiques légales.

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Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus.

FAQ

  1. Pourquoi les jeux vidéo en ligne ne peuvent-ils pas être revendus ?
    Les jeux vidéo numériques sont régis par des contrats de licence qui interdisent leur revente, du fait de leur protection par le droit d’auteur.
  2. Qu’est-ce qu’une licence de jeu vidéo ?
    Une licence de jeu vidéo est un contrat entre le consommateur et l’éditeur du jeu, qui lui permet de jouer au jeu sous certaines conditions, sans en devenir propriétaire.
  3. Existe-t-il des exceptions à l’interdiction de revente des jeux vidéo numériques ?
    Dans certains cas, une licence perpétuelle peut permettre le transfert de droits d’utilisation, mais ces situations restent exceptionnelles et les autorisations doivent être expressément stipulées.
  4. Quels sont les risques juridiques de la revente de jeux vidéo en ligne ?
    La revente non autorisée peut entraîner des poursuites judiciaires pour violation des droits d’auteur et des contrats de licence.