Sommaire
- 1 Introduction
- 2 L’importance stratégique d’un libellé de marque précis et complet
- 3 Les pièges fréquents dans la rédaction d’un libellé de marque
- 4 Les bonnes pratiques pour rédiger un libellé de marque efficace
- 5 Conclusion : un libellé bien rédigé, un atout durable pour la marque
- 6 FAQ – La rédaction d’un libellé de marque
Introduction
Le libellé définit le périmètre des produits et services couverts par la marque, autrement dit, les frontières exactes de son monopole d’exploitation. Trop souvent perçue comme une simple formalité administrative, cette étape est en réalité un exercice de précision juridique et stratégique, dont dépend directement la solidité de la protection conférée par le titre.
Une formulation imprécise, trop large ou trop restreinte peut entraîner de lourdes conséquences : refus de l’office, vulnérabilité à une action en déchéance, ou impossibilité d’agir efficacement contre un contrefacteur.
Cet article propose d’examiner, à la lumière de notre expérience en droit des marques, pourquoi et comment un libellé bien rédigé constitue le socle d’une stratégie de marque réussie, en identifiant les erreurs à éviter, les bonnes pratiques à adopter et les avantages durables d’une approche juridique rigoureuse.
L’importance stratégique d’un libellé de marque précis et complet
Définir le périmètre exact de la protection
Lorsqu’une marque est déposée, le libellé de produits et services définit avec une précision juridique la portée de la protection. Cette liste détermine les droits conférés au titulaire : l’exclusivité d’usage du signe ne s’applique que pour les produits et services mentionnés.
Ainsi, un libellé mal rédigé peut réduire la valeur juridique de la marque, voire compromettre son efficacité en cas de contrefaçon. Par exemple, une marque enregistrée pour des « vêtements » (classe 25) ne couvre pas automatiquement des « chaussures de protection » (classe 9) ni des « uniformes médicaux » (classe 10). Cette nuance, souvent ignorée par les déposants non accompagnés, peut coûter cher lors d’un contentieux.
Anticiper l’évolution de l’activité et du marché
Un libellé doit non seulement refléter l’activité actuelle de l’entreprise, mais aussi anticiper ses développements futurs. L’inclusion raisonnée de catégories connexes, sans tomber dans la surprotection, permet d’éviter de nouveaux dépôts onéreux.
À titre d’exemple, une société de cosmétiques qui envisage à terme de proposer des compléments alimentaires peut utilement inclure la classe 5 (« produits diététiques à usage médical ») dès l’origine, afin d’éviter un nouveau dépôt ultérieur.
Les pièges fréquents dans la rédaction d’un libellé de marque
Le risque d’un libellé trop large : l’accusation de mauvaise foi
Une pratique consistant à déposer une marque pour des classes sans rapport réel avec l’activité de l’entreprise peut conduire à une invalidation partielle ou totale. Les offices de propriété intellectuelle (INPI, EUIPO, UKIPO) examinent désormais attentivement la proportionnalité entre le périmètre de protection et l’activité économique déclarée.
L’ajout arbitraire de classes sans projet réel peut être considéré comme un dépôt de mauvaise foi, un risque accru notamment par l’arrêt Sky v. SkyKick du 29 janvier 2020 (CJUE, C-371/18) où la CJUE a rappelé que l’intention d’usage devait être sérieuse et justifiée.
Pour en savoir plus concernant sur la portée de la décision Sky v. SkyKick, nous vous invitons à consulter notre article précédemment publié sur le sujet.
Le danger d’un libellé trop restreint : perte de protection
À l’inverse, une description trop précise limite la portée de la marque. Par exemple, si le libellé de marque ne couvre que les « chaussures de sport », le titulaire pourra difficilement agir contre un concurrent qui commercialise des « chaussures de ville ».
Une formulation équilibrée, telle que « chaussures, notamment chaussures de sport », permet de protéger à la fois la catégorie générale et ses sous-ensembles.
Le risque du libellé mal compris ou inadapté à la pratique des offices
Certains déposants, par méconnaissance ou par excès de zèle, ajoutent dans leurs libellés des produits et services qui ne correspondent pas à leur réelle activité, tel est le cas des « services de publicité » ou des mentions relatives au processus internes de vente.
Dans un arrêt du 21 mai 2025 (T‑1032/23), le tribunal de l’UE a confirmé la déchéance partielle de marque Airbnb pour les services de publicité au motif que le libellé ne vise pas la promotion des offres du titulaire de la marque mais un service de publicité destiné à des tiers. Ainsi, il n’est pas nécessaire de revendiquer des « services de publicité » si la société se limite à promouvoir ses propres produits : seuls les prestataires offrant effectivement des services publicitaires à des tiers doivent inclure ce type d’activité dans leur libellé.
Les erreurs de forme : ponctuation, vocabulaire, exclusions
Les règles de ponctuation jouent un rôle juridique essentiel. Une virgule sépare des éléments d’une même catégorie, tandis qu’un point-virgule distingue des groupes distincts. Une erreur peut ainsi restreindre la portée du libellé.
De même, l’usage inapproprié de parenthèses limite la protection au contenu qu’elles renferment : la mention « chaussures (notamment de sport) » sera interprétée comme couvrant exclusivement les chaussures de sport.
Enfin, certains termes génériques comme « machines » ou « services de vente » sont jugés trop imprécis par l’INPI et l’EUIPO. Ils doivent être précisés, par exemple : « machines-outils » ou « services de vente au détail de vêtements ».
Les bonnes pratiques pour rédiger un libellé de marque efficace
S’appuyer sur la Classification de Nice sans la copier
La Classification de Nice, mise à jour chaque année, constitue le socle de référence pour déterminer et classer les produits et services. Toutefois, il ne faut pas se limiter à la reprise littérale de ses intitulés qui peut être insuffisant : il faut adapter la formulation à l’activité réelle et à la stratégie de marque.
Une personnalisation renforce la cohérence du dépôt et facilite la défense de la marque en cas de contentieux.
Privilégier la clarté et la précision terminologique
Les offices et les tribunaux privilégient les libellés rédigés dans un langage simple, clair et précis. L’usage de termes ambigus comme « notamment » ou « y compris » doit être manié avec précaution : selon le contexte, ces expressions peuvent élargir ou restreindre la portée du libellé.
Une rédaction rigoureuse permet également d’éviter les litiges de déchéance pour non-usage : si certains produits listés ne sont jamais exploités, la marque peut être partiellement annulée après cinq ans d’inexploitation selon l’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle.
Adapter la rédaction à la stratégie internationale
Chaque pays applique des règles d’interprétation spécifiques. Ainsi, les États-Unis exigent une intention d’usage démontrable pour chaque produit ou service, tandis que la Chine applique une lecture très littérale du libellé.
Pour en savoir plus concernant la protection d’une marque aux Etats-Unis, nous vous invitons à consulter notre page dédiée.
Une marque déposée à l’échelle mondiale doit donc être harmonisée, tout en respectant les particularismes locaux. Le recours à un cabinet spécialisé en propriété intellectuelle permet d’éviter des traductions hasardeuses ou des interprétations divergentes.
Conclusion : un libellé bien rédigé, un atout durable pour la marque
Bien rédiger le libellé d’une marque, c’est construire la fondation juridique de son identité commerciale. Cette étape stratégique conditionne non seulement l’étendue de la protection, mais aussi la pérennité et la valeur de la marque.
En s’appuyant sur une rédaction précise, cohérente et évolutive, l’entreprise protège ses actifs tout en prévenant les contentieux futurs.
Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne ses clients dans la gestion de dossiers de propriété intellectuelle complexes, en proposant des conseils personnalisés et un soutien opérationnel complet pour la protection intégrale de la propriété intellectuelle.
Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus
FAQ – La rédaction d’un libellé de marque
1. Peut-on modifier le libellé après le dépôt de sa marque ?
Non. Une fois la demande déposée, il n’est plus possible d’élargir la protection, uniquement de la restreindre (en effectuant un retrait partiel de sa marque). D’où l’importance d’une rédaction initiale rigoureuse.
2. Que se passe-t-il si la marque n’est pas exploitée pour tous les produits et services listés dans le libellé ?
Après cinq ans sans usage réel, la marque peut être déchue partiellement ou totalement pour les produits et services concernés.
3. Pourquoi faut-il éviter les termes trop larges dans le libellé ?
Un libellé trop général peut être contesté pour mauvaise foi ou faire l’objet d’une objection de l’office. Il augmente également le risque de conflits avec des droits antérieurs.
4. Peut-on utiliser les intitulés de la Classification de Nice ?
Oui, mais en les adaptant à l’activité réelle et en précisant les produits et services pertinents.
5. Comment adapter un libellé pour une stratégie internationale ?
Il faut harmoniser les termes selon les exigences de chaque juridiction et veiller à une cohérence globale du portefeuille de marques.

