Sommaire
- 1 Introduction
- 2 Qui est l’auteur et propriétaire initial d’une œuvre ?
- 3 Œuvres créées par un salarié, un prestataire ou un chercheur : qui détient les droits ?
- 4 Œuvres à plusieurs auteurs : collaboration, co-propriété et œuvres collectives
- 5 Cession et licence : comment transférer ou exploiter les droits d’auteur ?
- 6 Durée de protection et sécurisation contractuelle
- 7 Conclusion
- 8 FAQ
Introduction
Dans un écosystème où les créations circulent plus vite que jamais, l’identification du propriétaire d’une œuvre protégée par le droit d’auteur demeure un enjeu juridique clé pour les entreprises, les créateurs et tous les acteurs de l’innovation. Le droit français applique un régime particulièrement protecteur, fondé sur la primauté de l’auteur, l’exigence d’une cession rigoureuse et l’encadrement strict des exceptions, notamment concernant les salariés, les prestataires externes, les œuvres collaboratives ou encore les logiciels.
Nous allons exposer les règles essentielles relatives à la titularité et à la transmission des droits d’auteur, ainsi que les bonnes pratiques contractuelles permettant de sécuriser l’exploitation d’une œuvre.
Qui est l’auteur et propriétaire initial d’une œuvre ?
Principe fondamental : l’auteur est toujours la personne physique créatrice
Le Code de la propriété intellectuelle (CPI) est catégorique : l’auteur est le créateur de l’œuvre, sans distinction de sa qualité. L’auteur bénéficie :
- De droits moraux, perpétuels, inaliénables et imprescriptibles (art. L121-1 CPI) ;
- De droits patrimoniaux, cessibles et exploitables dans un cadre contractuel (art. L122-1 et suivants CPI).
Présomption d’auteur : la personne dont le nom est indiqué
En pratique, lorsque l’œuvre est divulguée sous un nom, celui-ci est réputé être celui de l’auteur, sauf preuve contraire. Cette règle demeure centrale en cas de contentieux sur l’origine d’une création.
Œuvres orphelines : un cadre spécifique
Lorsqu’aucun auteur ne peut être identifié, l’œuvre appelée « œuvre orpheline » demeure protégée. Toutefois, son utilisation est encadrée : uniquement à des fins culturelles, éducatives ou de recherche, sans exploitation commerciale.
Œuvres créées par un salarié, un prestataire ou un chercheur : qui détient les droits ?
Le salarié : absence de “work for hire” en droit français
Contrairement au système anglo-saxon, le droit français n’applique aucune cession automatique des droits au profit de l’employeur.
Ainsi, même dans le cadre de ses fonctions, le salarié demeure l’auteur et titulaire initial des droits.
Pour exploiter l’œuvre, l’entreprise doit donc obtenir une cession écrite, précise et conforme aux exigences des articles L131-1 et suivants du CPI.
L’exception logicielle
Les logiciels constituent une exception majeure encadrée à l’article L113-9 CPI : l’employeur détient automatiquement les droits patrimoniaux lorsque le logiciel a été créé :
- Dans l’exercice des fonctions du salarié,
- Ou suivant ses instructions.
Cette règle protège fortement les entreprises technologiques.
Les agents publics : un régime encadré par le Code de la propriété intellectuelle
Les agents publics bénéficient d’un régime spécifique en matière de droit d’auteur, défini par les articles L131-3-1 et L111-1 du Code de la propriété intellectuelle. En principe, l’agent demeure auteur et titulaire initial de ses droits, mais l’administration peut exploiter les œuvres créées dans l’exercice des fonctions ou d’après les instructions reçues, dans la limite nécessaire à la mission de service public. Toute exploitation excédant cette finalité requiert une autorisation expresse assortie d’une rémunération.
Les enseignants-chercheurs constituent toutefois une exception notable : en raison de leur liberté académique, ils conservent l’entière maîtrise de l’exploitation de leurs œuvres, même lorsqu’elles sont réalisées dans le cadre de leurs fonctions. Ce cadre vise à concilier la protection due à l’auteur et les exigences du service public.
Les prestataires indépendants : cession obligatoire
Le principe est limpide : un prestataire reste auteur et propriétaire de son œuvre, sauf cession écrite au profit du commanditaire.
L’absence de cession empêche légalement l’exploitation de l’œuvre, même si elle a été intégralement payée.
Œuvres à plusieurs auteurs : collaboration, co-propriété et œuvres collectives
L’œuvre de collaboration : une propriété conjointe
Une œuvre créée à plusieurs mains est une œuvre de collaboration (ex : co-design graphique) régie par les articles L113-2 alinéa 1er CPI et L113-3 CPI : les coauteurs exercent leurs droits ensemble, et toute exploitation nécessite leur accord commun.
Œuvre composite : nécessité d’une autorisation
Lorsqu’une œuvre dérive d’une œuvre préexistante (adaptation, transformation, remix d’une œuvre protégée), l’auteur de l’œuvre seconde doit obtenir l’autorisation du titulaire des droits sur l’œuvre initiale, conformément à l’article L113-4 du Code de la propriété intellectuelle, qui encadre les œuvres composites.
L’œuvre collective : un régime spécifique de titularité
L’article L113-2, alinéa 3 CPI définit l’œuvre collective comme une création élaborée à l’initiative d’une personne physique ou morale, qui en assure la conception, la publication et la divulgation sous son nom, et dans laquelle les contributions individuelles se fondent dans un ensemble indissociable.
Ce régime s’applique fréquemment :
- Aux publications de presse,
- Aux contenus produits par les agences créatives,
- Aux sites internet et plateformes numériques,
- Aux supports éditoriaux ou institutionnels.
Pour qu’une œuvre soit qualifiée de collective, trois critères doivent être réunis :
- Une impulsion et une maîtrise d’ensemble par le commanditaire, qui exerce un véritable contrôle éditorial.
- Une intégration des apports individuels dans une œuvre globale, sans possibilité d’isoler des droits propres pour chaque contributeur.
- Une divulgation sous le nom du commanditaire, qui apparaît comme le seul responsable du projet.
Lorsque ces conditions sont satisfaites, la personne morale est investie originairement des droits patrimoniaux, ce qui lui permet d’exploiter l’œuvre sans avoir à obtenir de cessions individuelles des contributeurs.
Cession et licence : comment transférer ou exploiter les droits d’auteur ?
La cession des droits patrimoniaux : un formalisme strict
Pour être valable, une cession doit :
- Etre écrite,
- Préciser chaque droit cédé (reproduction, représentation, adaptation, etc.),
- Détailler le territoire, la durée, les supports,
- Comporter une rémunération proportionnelle ou forfaitaire conforme au CPI.
Les formulations générales (“tous droits cédés”) sont invalides.
Les licences : une alternative souple
Une licence permet d’autoriser l’exploitation sans transférer la propriété. Elle doit être :
- Limitée dans le temps (les licences perpétuelles étant annulées par la jurisprudence),
- Claire et interprétée en faveur de l’auteur en cas d’ambiguïté.
Certaines licences sont légales (prêt en bibliothèque, copie privée, usages éducatifs), avec rémunération obligatoire.
Pas d’enregistrement obligatoire
En France, aucune formalité administrative n’est requise pour reconnaître une cession ou une licence.
Cependant, dans les pratiques professionnelles, il est souvent recommandé d’archiver les contrats, pour des raisons probatoires.
Durée de protection et sécurisation contractuelle
Durée classique : 70 ans post mortem
Par principe, les droits patrimoniaux s’éteignent 70 ans après le décès de l’auteur. Toutefois, pour les œuvres collectives, anonymes et pseudonymes, la durée du droit exclusif est de soixante-dix années à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle où l’œuvre a été publiée (L123-3 CPI).
Bonnes pratiques contractuelles
Nous recommandons systématiquement :
- Un contrat signé avant la livraison de l’œuvre,
- Une rédaction par droits distincts,
- L’identification précise de l’œuvre et de ses versions,
- La vérification de la chaîne des droits (salariés, prestataires, sous-traitants),
- Des clauses de garantie d’éviction et de non-contrefaçon.
Un exemple courant : une entreprise commandant un site web sans cession se retrouve légalement incapable d’en modifier le design ou d’en confier la maintenance à un tiers.
Conclusion
La détermination de la propriété d’une œuvre protégée par le droit d’auteur repose en France sur un équilibre subtil entre protection de l’auteur, exigences contractuelles et encadrement des exceptions. La sécurisation juridique dépend autant de la compréhension fine des mécanismes du CPI que de la mise en place de contrats adaptés, clairs et complets.
Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne ses clients dans la gestion de dossiers de propriété intellectuelle complexes, en proposant des conseils personnalisés et un soutien opérationnel complet pour la protection intégrale de la propriété intellectuelle.
Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus
FAQ
1. Un auteur peut-il céder ses droits d’auteur avant même d’avoir créé l’œuvre ?Oui, mais uniquement si la cession reste limitée : la jurisprudence interdit les cessions globales d’œuvres futures, sauf lorsque les caractéristiques de l’œuvre ou du domaine sont suffisamment déterminées. Les contrats de production (jeu vidéo, audiovisuel, commande artistique) utilisent fréquemment cette possibilité encadrée.
2. Comment prouver l’antériorité d’une œuvre en cas de litige ?
Plusieurs moyens probatoires existent : dépôt enveloppe Soleau (INPI), horodatage blockchain, constat d’huissier, archives numériques, fichiers projet horodatés, emails. Aucune formalité n’est obligatoire, mais un moyen de datation fiable est indispensable en contentieux.
3. Une entreprise peut-elle empêcher un salarié de réutiliser une œuvre qu’il a créée dans un contexte professionnel ?
Oui, si les droits patrimoniaux ont été cédés conformément au CPI. Sans cession, l’entreprise ne détient pas les droits d’exploitation et ne peut donc opposer aucune interdiction fondée sur le droit d’auteur.
4. Qui possède les droits sur une œuvre publiée sous un pseudonyme ?
La personne identifiée comme auteur par la divulgation bénéficie d’une présomption.
5. Une licence peut-elle être conclue sans limite de durée ?
Non, les licences perpétuelles sont nulles en droit français.
6. L’IA peut-elle être considérée comme auteur ?
Non, seul un humain peut être auteur au sens du CPI.
Cette publication est destinée à fournir des orientations générales au public et à mettre en lumière certaines problématiques. Elle n’a pas vocation à s’appliquer à des situations particulières ni à constituer un conseil juridique.

