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Famille de marques et procédure en référé : de l’opportunisme au piège ?

Famille de marques et procédure en référé : de l’opportunisme au piège ? Attention, ne vous y méprenez pas, la famille de marques peut certes être utilement invoquée pour échapper à la déchéance d’une marque, mais elle peut aussi jouer en votre défaveur. C’est en partie l’enseignement tiré d’un arrêt rendu le 17 décembre 2021 par la Cour d’appel de Paris (Cour d’appel de Paris, Pôle 5, ch. 2, n° RG 20/17286), jugeant une ordonnance de référé en appel.
Ce même arrêt a également été l’occasion de clarifier un point de droit, pourtant crucial et non isolé : la qualité du licencié à agir en contrefaçon dans l’hypothèse d’une saisine du juge des référés.

 

Faits et procédure. – La première requérante, personne physique prénommée Soraya, est titulaire d’une marque verbale de l’Union européenne SORAYA pour couvrir son activité de création et de distribution de maillots de bain et vêtements de plage. Elle est également titulaire de marques françaises et de l’Union européenne semi-figuratives composées de l’appellation SORAYA.

 

Ces marques sont exploitées par l’intermédiaire d’une société, seconde requérante, dont la titulaire des marques est elle-même la gérante et l’unique associée. La procédure en référé est introduite au nom tant de la société exploitante que de la titulaire de marque. Un contrat de concession exclusive de marque a été préalablement conclu entre la titulaire des marques et la société.

Ayant pris connaissance de l’existence d’une société dénommée Soraya Beachwear Ltd., située en Suisse, la société licenciée a saisi le juge des référés aux fins d’obtenir des mesures d’interdiction provisoire à son encontre. Cette dernière exploite en effet un site internet de vente en ligne de maillots de bain et vêtements de plage <sorayabeachwear.com> ainsi qu’un compte Instagram relatif à ce site. La fondatrice de la société attaquée se prénomme également Soraya et a choisi d’user de son prénom pour identifier ses collections.

Le juge des référés ayant conclu au rejet des demandes des requérantes, celles-ci interjettent appel de l’ordonnance de référé.
Recevabilité du licencié à agir en référé aux côtés du titulaire. – Un des apports de cet arrêt est l’interprétation opérée par la Cour d’appel de Paris des articles L. 716-4-2 du Code de la propriété intellectuelle et 25 4° du règlement UE 2017/1001, relatifs à la qualité d’agir d’un licencié.

En application du droit français, il est en effet prévu des cas dans lesquels un licencié peut engager une « action civile en contrefaçon », notamment avec le consentement du titulaire, ou encore en tant que bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation dès lors que le titulaire n’en a pas pris l’initiative dans un délai raisonnable après mise en demeure.
En tout état de cause, tant au regard du Code de la propriété intellectuelle que du règlement européen susvisé, il est prévu qu’un licencié soit recevable à intervenir dans l’instance en contrefaçon engagée par le titulaire.

Il ne fait aucun doute en l’espèce sur le fait que la société exploitante doit être considérée comme bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation sur la marque verbale de l’Union européenne invoquée, dès lors qu’elle se prévaut de la licence exclusive de marque, versée au débat, lui conférant qualité de licenciée.

Il n’est cependant vraisemblablement pas question d’intervention de la société dans l’instance, mais plutôt d’une action intentée conjointement avec la titulaire de marque. Or, la confusion semble entretenue entre, d’une part, l’introduction d’une action conjointe, pour laquelle est requis le consentement du titulaire dans le cas où le licencié engage l’action et d’autre part l’intervention à l’instance engagée par une autre partie. En effet, il est expressément mentionné que la société « a agi en référé conjointement » avec la titulaire de marque devant le Président du tribunal judiciaire. En introduisant cette action, le licencié tend à obtenir « la réparation du préjudice qui lui est propre », ce que prévoient les règles de droit relatives à l’intervention du licencié.

Mais l’un des points culminants de la décision est que le fait que le contrat de licence n’ait pas été inscrit, condition de son opposabilité aux tiers, il est statué que cette absence de publicité du contrat n’entrave pas la qualité de licencié acquise en vertu d’un contrat valablement conclu.

La décision d’appel a par conséquent déclaré recevables les requérantes en leur action et a infirmé, à cet effet, l’ordonnance de référé sur ce chef.

Il est à noter en revanche, qu’en présence d’un licencié simple (qui jouit d’une licence non exclusive), la solution n’a pas été la même. En effet, aux termes d’une décision antérieure (TGI Paris, ord. réf., 21 juill. 2011, n° 11/55158, Sté Lyl c/ Michel Attali), le juge des référés déclarait irrecevable à agir le licencié simple : « seule une personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir le juge des référés conformément aux dispositions de l’article L. 716-6 (…) ce qui n’est pas le cas du licencié non exclusif qui n’est recevable qu’à intervenir dans une instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre, par application de l’article L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle ».

Outre la vérification de la qualité à agir, le juge des référés, dès lors qu’il n’est pas confronté à une nullité manifeste du titre invoqué, se borne à apprécier l’existence ou l’imminence d’une atteinte aux droits des requérants.

Défaut d’usage de la marque invoquée. – Le mode opératoire incombant au juge des référés avait été précisé par une décision du 28 juin 2011 (TGI Paris, ord. réf., 28 juin 2011) : « Le juge des référés doit donc statuer sur les contestations qui sont élevées devant lui pour s’opposer aux mesures demandées et ces contestations peuvent porter sur la validité du titre lui-même ; il lui appartient alors d’apprécier le caractère sérieux ou non de la contestation et d’évaluer la proportion qui existe entre la contestation émise par les défendeurs à l’atteinte imminente alléguée par les demandeurs et de prendre, au vu des risques encourus de part et d’autre, la décision ou non d’interdire la commercialisation des produits, d’en ordonner le retrait et d’allouer une provision ».

Dans le cas d’espèce, les atteintes aux droits des requérantes pouvaient, en apparence, paraître caractérisées eu égard à l’utilisation de l’appellation identique SORAYA pour couvrir des produits et services strictement identiques, à savoir des maillots de bain et vêtements de plage, ainsi que les services commerciaux y afférents.

Les requérantes, pour faire valoir l’atteinte à leurs droits, se fondaient sur une seule de leurs marques, à savoir une marque verbale de l’Union européenne composée exclusivement du prénom SORAYA. Néanmoins, dans le cadre de l’instance, pour prétendre au succès de leurs prétentions, les requérantes devaient être en mesure de démontrer un usage sérieux de la marque invoquée.

Pour rappel, une marque fait l’objet d’un usage sérieux par référence à une période de 5 ans au cours de laquelle elle doit être utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’origine des produits et services pour lesquels elle est dûment enregistrée (Règlement (UE) 2017/1001 du 14-6-2017 art. 58, 1-a).

Les requérantes, en communiquant les preuves visant à démontrer l’usage sérieux de la marque, semblaient se prévaloir d’une certaine renommée, ce qu’elles n’arguaient pas explicitement. Elles témoignaient en revanche d’un simple « usage notoire » de la marque, induit en partie par leur partenariat de longue date avec l’élection Miss France. Mais l’argument qui ne va pas jouer en leur faveur est celui selon lequel « l’exploitation des marques dérivées qui ont fait l’objet de dépôts ultérieurs n’ont en rien diminué l’usage de la marque historique SORAYA ». En outre, afin de justifier l’usage sérieux de la marque les requérantes ont communiqué des pièces qui ont une date certaine mais pour des signes complexes SORAYA et non de la marque verbale SORAYA. Par ailleurs, parmi la pléthore de pièces fournies au soutien d’un usage sérieux de la marque, plusieurs preuves n’avaient pas de date certaine, ce ne permet pas de déterminer si la marque a bien été exploitée pendant la période de référence de cinq ans pour laquelle l’usage sérieux doit être prouvée. Cette période n’a cependant pas été communiquée par les conclusions d’appel de la partie adverse. Par conséquent, les juges du fond se sont référés à cet égard à la période précisée dans les dernières écritures adressées au juge des référés.

Concernant plus particulièrement les diverses marques dérivées de la marque invoquée, lesquelles sont majoritairement des marques semi-figuratives, les juges du fond vont les considérer comme une famille de marques.

Cette qualification de famille de marques doit être retenue, selon une jurisprudence constante, dès lors que des marques, communément détenues par un seul et même titulaire, reprennent un même élément distinctif. Cette notion, dont les contours sont encore insuffisamment appréhendés, devrait permettre, à un titulaire et exploitant de marques, de se soustraire de la sanction de la déchéance pour défaut d’exploitation d’une marque enregistrée ou non.

Le caractère opportun de cette notion a pu s’observer notamment au regard d’une décision rendue par le Tribunal de l’Union européenne (TUE) par rapport à plusieurs marques, comportant communément l’élément « Mc »/ « Mac » et détenues par la société de droit américain McDonald’s. En 2016, cette dernière avait alors obtenu gain de cause en faisant valoir les 12 marques suivantes de l’Union européenne : McDONALD’S, McFISH, McTOAST, McMUFFIN, McRIB, McFLURRY, McNUGGETS, McCHICKEN, EGG McMUFFIN, McFEAST, BIG MAC, PITAMAC. La qualification de « famille de marques » avait ainsi pu être retenue pour annuler une marque « MacCoffe ».

Néanmoins, ce qui mérite d’être retenu au terme de l’arrêt SORAYA est que les juges du fond vont considérer que l’usage d’une famille de marques ne peut être invoqué utilement « dès lors que le but est d’établir l’utilisation d’un nombre suffisant de marques d’une même « famille » ».  En ce sens, l’usage d’une marque ne saurait être invoqué afin de justifier l’usage d’une autre marque. Autrement dit, le fait que les requérantes aient exploité les marques semi-figuratives de manière indépendante, et qui se différencient par ailleurs de la marque verbale de l’Union européenne, ne permet pas à ces dernières d’arguer de la notion de l’usage d’une famille de marques.

 

Considérations pratiques tirées de la décision :

– Est recevable à agir en référé, le licencié exclusif, conjointement avec le titulaire de la marque, pour la poursuite de faits supposés de contrefaçon ;

– A qualité à agir le licencié quand bien même le contrat en vertu duquel il tire ses droits n’a pas fait l’objet de formalités de publicité ;

– L’appréciation de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne s’opère au regard d’une période de référence de 5 ans, laquelle est par principe précisée par la partie qui se prévaut du défaut d’un tel usage, tant dans les écritures adressées au juge des référés qu’à la Cour d’appel ;

– L’exploitation d’un nombre considérable de marques dérivées de la marque invoquée, constituant vraisemblablement une série/famille de marques, ne permet pas nécessairement de retenir la démonstration d’un usage considérable faisant échec à l’usage légitime de marques similaires.

 

 

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Veille : Procédure UDRP : intérêt légitime au défendeur

L’usage de la marque en lien avec les services qu’elle vise permet de reconnaitre un intérêt légitime au défendeur dans le cadre de la procédure UDRP.

En vertu du paragraphe 4 (a) (ii) de la politique de règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (« UDRP »), il faut réunir trois éléments cumulatifs pour que le requérant emporte l’affaire. La deuxième exigence du requérant est d’établir une preuve prima facie que le défendeur n’a pas de droits ou d’intérêts légitimes sur les noms de domaine contestés. A défaut, il arrive que l’Expert chargé de la résolution d’un litige rejette la plainte lorsque l’exigence n’est pas établie sans avoir à démontrer la troisième. Cette exception est rappelée par l’affaire de réservation de noms de domaine litigieux <cloud-mojo.com>, <cloudmojo.tech>, <cloudmojotech.com> et <cloudmojotech.website> (OMPI, n° D2021-3197). À travers cette décision, l’Expert souligne que l’intérêt légitime du défendeur est avéré dans la mesure ou l’entreprise du défendeur reflète sa dénomination sociale dans un nom de domaine, d’autant que l’exploitation de la marque déposée est en rapport avec les services pour lesquels elle est enregistrée.

 

Pour en savoir plus, vous pouvez lire notre commentaire de cette décision dans le numéro de mai de la revue Propriété Industrielle de LexisNexis.

 

Référence :

OMPI, Centre d’arbitrage et de médiation, affaire n° D2021-3197, 3 janvier 2022, Easy Online Solutions, Ltd. d/b/a MojoHost v. Ahmed Parvez Banatwala, Cloudmojo Tech LLP, and Ahmed Parvez Banatwala, Construma Consultancy Pvt. Ltd.

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Womens IP World Podcast

Nous sommes heureux de vous présenter le Podcast  » Women’s IP World Podcast  » dans lequel Nathalie Dreyfus, fondatrice du cabinet Dreyfus & associés est l’invitée de Michele Katz, la fondatrice et CEO de Advitam IP, LLC.

« Gender washing & Greenwashing: Mother Nature, emblem of the instrumentalisation of societal and environmental struggles by tomorrow’s enterpreneurship?»

Si vous souhaitez en savoir plus sur les sujets de l’entreprenariat dans la propriété intellectuelle et découvrir une vision riche et expérimentée en la matière, vous pouvez également lire l’article que Nathalie Dreyfus a écrit pour « Women’s IP World Annual ».

 

 

 

 

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Dessins et modèles internationaux : la Chine adhère à l’Arrangement de la Haye et rejoint l’OMPI

Tournant majeur pour l’écosystème mondial de la propriété intellectuelle : la Chine a adhéré, le 5 février 2022, au système de la Haye relatif à l’enregistrement international des dessins et modèles industriels. Une adhésion qui entrera en vigueur le 5 mai 2022. Après le Belarus et la Jamaïque, c’est désormais à la deuxième puissance économique mondiale d’intégrer cette Union visant à faciliter les dépôts de dessins et modèles à l’international.

 

 

L’adhésion à un système facilitant l’accès à la protection des dessins et modèles

 

Le système de la Haye a été mis en place pour faciliter la protection des dessins et modèles industriels à l’international, via un système de dépôt simplifié auprès d’un organisme unique : l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Actuellement, 76 parties contractantes sont membres du système réunissant 93 pays, dont la France, l’Union européenne, les Etats-Unis, mais également de nombreux pays d’Afrique, d’Asie ou encore d’Europe de l’Est. Face à l’importance de l’apparence d’un produit, de nombreux pays ont ratifié l’Arrangement de la Haye dans les dernières années. La Chine devient la 77ème partie contractante à l’Arrangement.
Le dépôt de dessins et modèles auprès de l’OMPI permet une protection de ces derniers dans les pays choisis – sous couvert qu’ils aient effectivement adhéré au système de la Haye – en acquittant une taxe pour chaque pays demandé. Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’une protection internationale, puisque chaque titre ne reste valable que sur le territoire concerné. De même, tous les actes relatifs à la protection du dessin ou modèle (inscription, renouvellement) se font dans une procédure unique.

 

 

Les conséquences d’une telle adhésion

 

Désormais, tous les créateurs chinois pourront profiter du système international des dessins et modèles. Plus rapide et moins onéreux, il limite les formalités en prévoyant un seul dépôt pouvant couvrir jusqu’à 100 dessins ou modèles. Les créateurs étrangers pourront quant à eux accéder plus aisément au marché chinois, le plus important en matière de demandes de dessins et modèles. En 2020, l’Office chinois de la propriété intellectuelle a en effet reçu des demandes contenant quelques 770 362 dessins et modèles, soit environ 55% du total mondial des demandes. A titre de comparaison, l’Office européen des marques, l’EUIPO affiche « seulement » 113 196 dessins et modèles déposés.
Attention toutefois, le seul dépôt d’un dessin ou modèle auprès de l’OMPI ne garantit pas sa protection dans tous les pays demandés. C’est l’OMPI qui le notifie à tous les offices des Etats désignés pour un examen propre à chaque législation. Il convient dès lors d’être particulièrement attentif aux conditions de protection. Par exemple en France : la nouveauté, le caractère propre et la visibilité du dessin ou modèle !
La législation française en matière de protection des dessins et modèles prévoit un délai de grâce de 12 mois après la première divulgation du dessin et modèle, pour déposer une demande de protection. La Chine, à l’inverse, impose la nécessité d’une nouveauté absolue. Il sera donc nécessaire d’être attentif aux conditions de protection spécifiques à certains pays pour optimiser la protection d’un dessin ou modèle à l’international.

 

Cette adhésion de la Chine à l’Arrangement de la Haye constitue donc une réelle avancée dans l’homogénéisation des dépôts de dessins et modèles. La Chine devient ainsi la 77ème partie contractante de l’Arrangement de la Haye et laisse espérer une adhésion prochaine d’autres Etats à l’innovation forte.

 

 

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Trademark Modernization Act

Drapeau USTrademark Modernization Act: des nouvelles procédures efficaces et rapides contre les marques américaines non-utilisées.

Aux États-Unis, le système des marques est fondé sur l’usage. Cela signifie que les titulaires de marques sont censés utiliser leurs marques pour les produits et services qu’ils commercialisent aux États-Unis.

Contrairement au système de marques de l’UE, cette exigence d’utilisation s’applique aussi bien avant qu’après l’enregistrement des marques américaines. Le système américain exige que les marques soient utilisées avant leur dépôt effectif. En ce qui concerne les enregistrements de marques étrangères, l’intention d’utiliser la marque aux États-Unis est requise.

Ce système prévoit deux procédures traditionnelles d’annulation des marques non utilisées : la procédure d’annulation fondée sur l’« abandon » et la procédure d’annulation fondée sur le « non-usage ». Bien que la première procédure exige le défaut d’usage et l’absence d’intention de la réutiliser, la seconde exige une non-utilisation affirmée dans les 5 ans suivant son enregistrement.

 

Ces deux procédures d’annulation s’appliquent encore aujourd’hui.

Cependant, le problème est qu’elles sont très coûteuses, chronophages et pas toujours efficaces. En plus, pour faire échec à cette procédure, il suffit que le titulaire démontre son intention de commencer ou de reprendre l’exploitation de sa marque.

Néanmoins, ce système a changé avec le ‘Trademark Modernization Act’.

 

Le Trademark Modernization Act est entré en vigueur le 18 décembre 2020. Cette loi n’est pas sans impact pour les titulaires de marques américaines et pour les futurs déposants. Elle concerne les marques protégées aux États-Unis que ce soit par le biais d’un dépôt national ou par un dépôt international désignant les États-Unis.

Cette nouvelle loi ajoute deux nouvelles procédures qui s’appliquent aux marques américaines non utilisées.

 

Procédure de radiation

La première nouvelle procédure est la « ex parte expungement petition” ou la procédure de radiation.

Quoi ?

Il s’agit d’une nouvelle procédure qui vise à annuler les marques déposées aux États-Unis pour défaut d’usage. Il s’agit des marques nationales et internationales (désignant les États-Unis) qui n’ont jamais été exploitées aux États-Unis dans le commerce et/ou en relation avec les produits et/ou services après leur enregistrement.

L’action peut être engagée par tout tiers – contrairement aux procédures d’annulation traditionnelles – et n’exige pas de preuve de défaut d’intention de reprendre l’usage de la marque.

Quand ?

Jusqu’au 27 décembre 2023, les demandeurs peuvent initier la procédure à l’encontre de toutes les marques américaines ayant plus de trois ans.

Après cette date, le délai d’action se trouve réduit et ne concerne plus que les marques ayant été enregistrées depuis au moins trois ans mais pas depuis plus de dix ans.

Conséquence ?

Le titulaire de la marque dispose d’un délai de trois mois suivant l’action pour fournir la preuve d’usage. La charge de la preuve, étant soumise à une interprétation stricte, incombe donc entièrement au titulaire. En cas de preuve d’usage insuffisante, l’enregistrement de la marque sera partiellement/totalement annulé.

 

La procédure de réexamen

La deuxième nouvelle procédure est la « ex parte examination petition” ou la procédure de réexamen.

Quoi ?

Il s’agit d’une nouvelle procédure qui permet le réexamen des marques qui ont été enregistrées par un dépôt national (États-Unis) ou international (désignant les États-Unis) qui n’ont pas été utilisées dans le commerce/en relation avec des produits et services désignés à une date certaine.

Cette date dépendra du fondement de la demande de marque. Ainsi, si la demande de marque était fondée sur un usage plus ancien du signe dans le commerce, alors la date d’usage pour cette procédure serait la date de dépôt de la marque.

En revanche, si la demande de marque était fondée sur une intention d’usage, alors la date d’usage sera la plus tardive des dates suivantes : la date à laquelle un amendement pour alléguer l’usage a été déposé ou la date à laquelle le délai pour déposer une déclaration d’utilisation a expiré.

Quand ?

Il est possible d’engager cette procédure dans les cinq ans à compter de l’enregistrement de la marque.

Conséquences ?

Il incombe au titulaire de la marque de fournir la preuve d’usage de sa marque pour tous les produits et services couverts. Comme l’interprétation est stricte, le risque de réexamen d’enregistrement de la marque augmente en cas de preuve insuffisante, ce qui peut rendre la marque plus vulnérable.

 

(Dés)avantages?

D’abord, il s’agit de procédures plus faciles et moins coûteuses. Contrairement à la procédure traditionnelle d’annulation, l’élément d’abandon n’est pas exigé par ces procédures. A cet égard, le fait qu’un titulaire de marque ait l’intention de reprendre l’usage n’est pas donc pas pertinent.

Deuxièmement, ces nouvelles procédures permettent de se débarrasser plus facilement des marques non utilisées (‘deadwood’) et, par conséquent, d’enregistrer les marques (non utilisées) plus rapidement et à moindre coût. Avant l’entrée en vigueur du Trademark Modernization Act, il était généralement difficile de déposer une demande d’enregistrement lorsqu’une marque antérieure similaire ou identique non utilisée empêchait le dépôt. Dans ce contexte, les procédures d’annulation pouvaient prendre plusieurs années et entraîner des coûts importants. Grâce aux nouvelles procédures, il est devenu plus évident et moins fastidieux d’agir contre les marques non utilisées.

D’autre part, ces nouvelles procédures exigent que les titulaires de marques américains soient (plus) prudents et vigilants. Non seulement ils sont tenus d’utiliser leurs marques de façon véritable et de bonne foi, ils doivent également garder des preuves d’usage de leurs marques aux États-Unis, tant avant qu’après l’enregistrement de celles-ci. Sinon, le risque d’annulation augmente, ce qui facilite l’enregistrement de la marque par des concurrents. Moins les titulaires arrivent à démontrer l’usage de leurs marques, plus le risque de perte augmente et plus il est facile pour les concurrents d’enregistrer des marques similaires et même identiques.

 

Les nouvelles procédures permettent donc d’agir contre des marques américaines non-utilisées de manière plus rapide et plus étendue.

Nous vous recommandons donc de faire un audit de vos droits de marques sur le territoire américain, afin d’éviter le risque d’action en annulation ou en réexamen à l’encontre de vos marques.

En ce qui concerne vos dépôts de marques en cours d’examen, nous vous invitons à nous contacter afin que nous réfléchissions conjointement à la meilleure stratégie à adopter au vu de cette nouvelle réglementation.

Nous pouvons également vous accompagner dans l’analyse de vos marques afin d’identifier les produits et/ou services qui seraient susceptibles de fragiliser vos marques.

 

Pour aller plus loin…

 

Keeping your registration alive

Expungement or reexamination forms

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Comment Louis Vuitton, marque de forte notoriété, n’a-t-elle pas pu empêcher un enregistrement d’une marque concurrente ?

Le 2 novembre 2020, Louis Vuitton Malletier a formé une opposition contre la demande d’enregistrement de la marque figurative « LOVES VITTORIO » désignant les mêmes produits en classes 25 et 26, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, point b du règlement sur les marques de l’Union européenne (RMUE). L’Office rejette cette opposition en raison d’une faible similitude entre le signe antérieur et le signe contesté, ne suffisant pas ainsi à engendrer un risque de confusion chez le consommateur d’attention moyenne. Si l’opposant invoque l’article 8, paragraphe 5, du RMUE relatif à la renommée de la marque, les juges rejettent ce grief sans examen au fond dû à un défaut de preuves.

 

1. L’appréciation du risque de confusion au regard de l’impression d’ensemble donnée par les signes

 

Depuis l’arrêt « SABEL BV contre Puma AG » rendu le 11 novembre 1997 par la Cour de Justice des Communautés Européennes, une nouvelle approche de l’appréciation de la similitude entre deux signes a été avancée. Cette dernière se veut être plus globale, notamment par l’étude de trois critères qui sont l’aspect visuel, le plan auditif et conceptuel. Ainsi, l’Office analyse étape par étape ces critères entre la marque antérieure et la demande d’enregistrement de la marque litigieuse.

Tout d’abord sur l’aspect visuel, l’Office retient une similitude à très faible degré dans la mesure où les deux signes « n’ont en commun que la lettre L » et « coïncident partiellement dans la stylisation des deux lettres ». En outre, malgré l’identité de stylisation et des couleurs utilisées dans les deux signes, les consommateurs percevront ces éléments comme étant simplement décoratifs. Les juges retiennent surtout une différence entre les deux signes par l’ajout des mots « LOVES » et « VITTORIO » et de la lettre « N » dans le signe contesté.

De même sur le plan auditif, les juges ne retiennent qu’un faible degré de similitude dans la prononciation de la lettre « L ».
Enfin, l’Office affirme que les deux signes sont conceptuellement différents.

Ainsi, l’Office conclut que les quelques similitudes entre les deux signes ne suffisent pas à entraîner un risque de confusion chez le consommateur disposant d’un degré d’attention moyenne et que celui-ci distinguera l’origine ainsi que la provenance de chaque signe. En outre, le public pertinent percevra le signe dans son ensemble, notamment par l’ajout des termes « LOVES » et « VITTORIO » ainsi que les lettres « L » et « N » et ne se limitera pas à la même stylisation.

Cependant, force est de constater qu’il existe malgré tout une similitude visuelle pouvant amener le public pertinent à ne pas percevoir de manière nette et précise la différence entre les lettres « LV » et « LN », d’autant plus que le terme ajouté est « VITTORIO ».

Par ailleurs, au regard des produits identiques visés par les deux signes, il apparait tout de même un peu surprenant que les juges n’en tiennent pas compte dans la mesure où selon l’arrêt « Canon Kabushiki Kaisha et Metro-Goldwyn-Mayer Inc » rendu le 29 septembre 1998 par la Cour de Justice des Communautés Européennes un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré élevé de similitudes entre les produits ou services désignés.

 

2. La regrettable exclusion de la renommée de la marque antérieure

 

Cette décision peut paraître à première vue étonnante dans le sens où la marque antérieure « LV » est une marque jouissant supposément d’une forte notoriété.

En effet, cette renommée aurait probablement pu amener les juges à faire droit à la demande d’opposition de la demande d’enregistrement de la marque contestée, si cette dernière « « [tirait] indûment profit du caractère distinctif » ; « ou de la renommée de la marque antérieure » ; « ou leur [portait] préjudice ».

Toutefois, cette exclusion de la renommée de la marque se justifie pleinement dans la mesure où l’Office rend sa décision en se limitant aux preuves et arguments fournis par l’opposant. Or, ce dernier n’a pas apporté de preuves attestant de la renommée de la marque, conformément à l’article 7, paragraphe 2, point f) du règlement délégué sur les marques européennes.

 

 

Ainsi, il est essentiel avant toute opposition d’analyser la similitude entre les signes et les produits et services entre votre marque et la demande de marque litigieuse, et surtout de fournir toutes les preuves pertinentes démontrant l’usage intensif de la marque ou encore de sa renommée.
En effet, cette décision postule de l’importance des preuves fournies au cours d’une procédure relative aux motifs relatifs de refus d’enregistrement d’une demande de marque, preuves qui auraient sans doute pu permettre une tournure différente.

 

 

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Pourquoi la renommée actuelle de la marque ne suffit – elle plus à prouver l’enregistrement de mauvaise foi d’un nom ancien ?

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Veille : LA PROCEDURE UDRP

CYBERSQUATTINGLa procédure UDRP vise a connaitre des cas de cybersquatting abusif.

L’UDRP est une procédure administrative rationalisée et peu coûteuse qui ne s’applique qu’à des cas précis de cybersquatting abusif. Il arrive en effet que l’Expert chargé de la résolution d’un litige refuse une plainte au motif que les faits dépassent le cadre de la simple procédure UDRP. Ce fut notamment le cas dans une affaire relative au nom de domaine litigieux <royaldragonvodka.com> (OMPI, D2021-2871), impliquant des revendications concurrentes de droits sur plusieurs marques. Par cette décision, l’Expert rappelle que la procédure UDRP n’a pas vocation à s’inscrire dans la résolution de litiges plus larges que ceux liés uniquement aux noms de domaine.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire notre commentaire de cette décision dans le numéro de février de la revue Propriété Industrielle de LexisNexis.

 

 

Référence :

OMPI, Centre d’arbitrage et de médiation, Affaire n° D2021-2871, 24 novembre 2021, Capital Distribution Holding Inc. v. Hiro Bharwani, Horizons Group (London) Ltd

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Peut-on faire de la publicité auprès du public français pour vendre sur Internet des médicaments sans ordonnance ?

Stockage médicaments pour préparation de commande en ligne En France, la vente en ligne de médicaments sans ordonnance est strictement encadrée en raison de considérations liées à la santé publique. Sont ainsi prohibés certains actes de publicité et notamment le référencement payant sur Internet.

Dans un litige opposant une société hollandaise aux pharmaciens et e-pharmaciens français, la cour d’appel de Paris a jugé le 17 septembre 2021 que le vendeur établi aux Pays-Bas ayant réalisé de la publicité sur le territoire français et sur l’espace numérique n’avait pas commis d’acte de concurrence déloyale.

 

En 2015, shop-pharmacie.fr, site de vente en ligne de médicaments sans ordonnance médicale administré par une société hollandaise, lance une grande campagne publicitaire sur le territoire français. Des millions de prospectus ont ainsi été insérés dans colis postaux expédiés par des grands acteurs du e-commerce tels que Zalando et La Redoute. La société hollandaise avait aussi procédé à une stratégie de référencement payant sur Internet, à destination du public français.

Cette campagne, qu’une société française ne pourrait en tout état de cause pas mener, est apparue démesurée et même déloyale pour plusieurs associations représentatives de la profession. L’Union des groupements de pharmaciens et l’Association française des pharmaciens en ligne ont alors cherché à faire qualifier cette campagne d’acte de concurrence déloyale, en fondant leur demande sur des dispositions de notre code de la santé publique.

Le tribunal de commerce de Paris ayant accueilli cette demande, la société hollandaise a fait appel de la décision et la cour d’appel de Paris a saisi la Cour de justice de l’Union européenne. La question posée revenait à déterminer si la France pouvait appliquer aux e-pharmacies établies dans un autre Etat membre de l’UE les mêmes restrictions qu’elle impose aux e-pharmacies françaises concernant la promotion de leur activité et de leurs produits sur son territoire.

 

Les intérêts supérieurs du marché intérieur et le rejet du protectionnisme français

La réglementation européenne et notamment l’article 34 TFUE et les dispositions de la directive 2001/83 permet-elle à un Etat membre de l’UE d’imposer sur son territoire aux pharmaciens ressortissants d’un autre Etat membre de l’UE des règles issues des articles R.4235-22 et R.4235-64 du code de la santé publique et des bonnes pratiques édictées par l’autorité publique de l’Etat membre ? 

La Cour de Justice de l’UE a répondu dans un arrêt C-649/18 du 1er octobre 2020 par la négative. Cette décision autant juridique que politique est fondée notamment sur la notion fondamentale de marché intérieur européen.

Ce coup d’arrêt au protectionnisme des dispositions françaises avait été amorcé en 2016 par l’Autorité de la concurrence qui avait alors énoncé à propos des textes français qu’ils introduisaient des « contraintes additionnelles qui apparaissent disproportionnées par rapport à l’objectif de protection de la santé publique » (Autorité de la concurrence, 20/04/2016 avis n°16-A-09 point 91). En 2019, un nouvel avis appuyait davantage cette vision et énonçait notamment que la vente en ligne était « obérée dans son développement par des contraintes excessives qui brident le développement des acteurs installés en France par rapport à leurs homologues européens » (Autorité de la concurrence, 04/04/2019 avis n°19-A-08).

Le juge européen a donc décidé de modérer l’application des restrictions de droit français afin de préserver le marché intérieur.

 

Possibilité de limiter la publicité sur le territoire français par des dispositions ciblées

La Cour de Justice de l’Union européenne a posé un premier principe aux termes duquel un Etat-Membre peut imposer une restriction de la publicité à condition que sa législation soit strictement délimitée. La cour d’appel de Paris a suivi cette précision dans le litige opposant les pharmaciens français à la e-pharmacie hollandaise et a jugé que les dispositions invoquées du Code de la santé publique n’étaient pas assez précises. Elles ne ciblaient notamment pas uniquement les médicaments, mais évoquaient les termes généraux de « produits pharmaceutiques ».

La porte est donc laissée ouverte au législateur national pour préciser davantage ses dispositions relatives à l’encadrement de la publicité pour des médicaments.

 

Le référencement payant sur Internet en principe possible pour les sociétés établies dans un autre Etat membre de l’Union européenne

Afin de prévenir la surconsommation de médicaments, la loi française interdit les e-pharmacies françaises de mener des campagnes de référencement payant sur l’espace numérique, notamment sur les moteurs de recherche et les comparateurs de prix.

Dans cette affaire, la Cour de justice de l’UE a pu énoncer que ce type de référencement était en principe possible, à moins qu’il soit limité par une mesure nécessaire et proportionnée à l’objectif de sauvegarde de la santé publique. Le principe est donc celui d’une possibilité de référencement, à moins que l’Etat membre opposant rapporte la preuve d’une règle de droit ciblée, proportionnée et nécessaire.

Or, une telle législation n’existe pas en France. De plus, les articles du code la santé publique versés au débat semblent inadéquats au commerce électronique. En effet, le e-commerce possède des contraintes propres que sont son accès universel, instantané et continu sur Internet. Par conséquent, il apparait très épineux d’encadrer de manière suffisamment concrète et précise la pratique du référencement payant sur Internet pour ce type d’activité.

 

En conclusion, les e-pharmaciens français et les e-pharmaciens situés dans d’autres Etats membres de l’Union européenne ne sont pas sur un pied d’égalité concernant la publicité réalisée en France.

Cette affaire aura permis à la cour d’appel de Paris de réaffirmer le droit au référencement payant en énonçant que l’arrêté du 1er décembre 2016 “relatif aux règles techniques applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments” et portant notamment sur l’interdiction du référencement dans des moteurs de recherche ou des comparateurs de prix contre rémunération, était inopposable et, au surplus, qu’il avait été annulé par le Conseil d’Etat le 17 mars 2021.

 

 

Pour aller plus loin…

 

Validation de la campagne de pub d’une e-pharmacie néerlandaise en France

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Veille : LE NOM PARISTECH.ORG

LE NOM <PARISTECH.ORG>, OPERE PAR DES ENTREPRENEURS PARISIENS, NE PORTERAIT PAS ATTEINTE AUX DROITS DE PARISTECH.

Une décision UDRP surprenante a été rendue en octobre 2021, concernant le nom de domaine <paristech.org>, à l’encontre duquel la Fondation française ParisTech avait déposé une plainte (OMPI, D2021-2417). Malgré la notoriété de ParisTech et le fait que le nom de domaine litigieux était identique aux marques antérieures de ParisTech et exploité pour un site en français, où est implantée ParisTech, l’Expert a considéré que la preuve de l’enregistrement du nom de mauvaise foi n’était pas rapportée.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire notre commentaire de cette décision dans le numéro de février de la revue Propriété Industrielle de LexisNexis.

 

 

Référence :  

OMPI, Centre d’arbitrage et de médiation, Affaire n°D2021-2417, 28 octobre 2021, Fondation Paristech v. Domain Administrator d/b/a privacy.cloudns.net

 

 

 

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