Sommaire
- 1 Introduction :
- 2 Les fondements juridiques de la protection des marques figuratives
- 3 Les critères de distinctivité appliqués aux formes et éléments graphiques
- 4 Les enseignements de la jurisprudence récente : l’arrêt Rigo Trading
- 5 Les bonnes pratiques pour sécuriser une marque figurative
- 6 Conclusion
- 7 FAQ
Introduction :
La protection des marques figuratives occupe une place essentielle dans les stratégies de propriété intellectuelle, particulièrement dans un environnement où l’image, la forme et les codes graphiques constituent des vecteurs décisifs d’identification des produits et services. Pourtant, l’enregistrement de ces signes demeure complexe, en raison des exigences strictes posées par le droit de l’Union européenne et de la jurisprudence récente. Les entreprises recherchant une protection robuste doivent anticiper les obstacles tenant au caractère distinctif, à l’originalité graphique et à la perception du consommateur.
Cet article expose les critères juridiques essentiels, les risques de refus et les stratégies pratiques pour optimiser la protection des marques figuratives.
Les fondements juridiques de la protection des marques figuratives
La marque figurative englobe tout signe non verbal composé d’éléments graphiques : logos, icônes, dessins stylisés, formes, tracés ou combinaisons visuelles. En droit français comme en droit de l’Union européenne, ces signes doivent impérativement être distinctifs, non descriptifs, et aptes à identifier l’origine commerciale des produits ou services.
La législation exige que le signe soit immédiatement perçu comme une indication de l’origine pour le consommateur, et non comme un simple motif décoratif ou une forme ordinaire. Cette exigence est rappelée par l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle et l’article 7 § 1 b) du RMUE.
Les offices de propriété industrielle rejettent systématiquement les signes perçus comme banals, y compris lorsque le déposant tente d’argumenter sur l’usage commercial réel ou la stratégie marketing. La logique demeure constante : une marque ne protège pas une idée graphique, mais une forme immédiatement perçue comme distinctive.
Les critères de distinctivité appliqués aux formes et éléments graphiques
La question centrale consiste à déterminer si le signe figuratif comporte des caractéristiques suffisamment marquées pour permettre au consommateur de le mémoriser sans effort particulier. Le critère n’exige pas un degré élevé de créativité artistique, mais une capacité du signe à se détacher du fonds commun.
Lorsque le graphique se rapproche d’une forme géométrique simple (cercle, carré, rectangle, ligne, pentagone), il existe un risque élevé de refus. La jurisprudence ajoute que les variations mineures (légère ondulation, inclinaison, arrondi) ne suffisent pas à compenser l’absence de distinctivité.
À titre d’exemple, par une décision du 13 novembre 2024 (TUE, 13 novembre 2024 aff. 426/23 Chiquita Brands c/ EUIPO.), le Tribunal de l’Union européenne a considéré qu’un simple ovale jaune et bleu était comparable à une forme géométrique de base, donc non appropriable à titre de marque. Cette approche est particulièrement stricte, car les offices et tribunaux considèrent que ces signes ne transmettent aucun message commercial identifiable.
Cette exigence s’applique indépendamment du public pertinent. Même si ce public adopte un niveau d’attention élevé, par exemple dans le secteur technologique ou professionnel, la jurisprudence rappelle que le degré d’attention n’a aucune incidence sur le seuil de distinctivité.
Les enseignements de la jurisprudence récente : l’arrêt Rigo Trading
L’arrêt rendu par le Tribunal de l’Union européenne le 16 juillet 2025 (affaire T-215/24, Rigo Trading SA c/ EUIPO) constitue un enseignement majeur.
Les faits et la procédure
La société luxembourgeoise Rigo Trading SA avait désigné l’Union européenne pour l’enregistrement international d’un signe purement figuratif représentant un rectangle légèrement ondulé, destiné à distinguer une large gamme de produits.
L’examinateur de l’EUIPO a refusé l’enregistrement au motif que le signe ne présentait aucun caractère distinctif au sens de l’article 7 § 1, b) du RMUE, considérant qu’il se limitait à une variation mineure d’une forme géométrique élémentaire. La cinquième chambre de recours a confirmé cette analyse, ce qui a conduit la société à saisir le Tribunal de l’Union européenne.
Devant le Tribunal, Rigo Trading soutenait notamment que l’EUIPO avait mal déterminé le public pertinent et que la marque ne pouvait, en réalité, être assimilée à une figure géométrique simple.
Les conclusions du tribunal de l’Union européenne
Le Tribunal a rejeté le recours, confirmant que le signe ne permettait pas au consommateur d’identifier l’origine commerciale des produits. Le Tribunal rappelle que le niveau d’attention du consommateur, qu’il soit moyen ou spécialisé, ne peut pas influer sur l’appréciation du caractère distinctif.
En effet, le Tribunal observe que :
- La marque contestée se rapproche fortement d’une figure géométrique simple
- Les légères ondulations de la forme ne suffisent pas à constituer une variation notable
- L’absence d’éléments graphiques additionnels (combinatoire, complexité, stylisation) ne permet pas au signe de dépasser le niveau minimal requis
- La simplicité du signe empêche toute mémorisation immédiate par le public
La décision renforce également un courant jurisprudentiel déjà ancien : les signes trop simples ou minimalistes, rectangles, lignes, cercles stylisés, hexagones réguliers, échouent à être enregistrés, sauf preuve d’acquisition de distinctivité par l’usage.
Un élément intéressant : le même signe avait été accepté par l’Office Benelux, démontrant les disparités d’appréciation entre offices. Toutefois, le Tribunal confirme que seule l’exigence du droit de l’Union prévaut pour tout enregistrement visant l’UE.
Les bonnes pratiques pour sécuriser une marque figurative
Pour maximiser les chances d’enregistrement, il est recommandé :
- D’intégrer des éléments graphiques identitaires : rythme visuel, asymétrie, contours originaux
- D’éviter les formes simples ou géométriques, notamment lorsque l’objectif est de protéger un packaging ou un motif
- De renforcer la stylisation du logo pour en accroître la mémorabilité
- De démontrer, si nécessaire, l’usage intensif du signe à travers des campagnes marketing structurées
- D’analyser systématiquement les refus récents de l’EUIPO afin d’adapter la stratégie graphique
Conclusion
La protection des marques figuratives exige une approche à la fois stratégique et technique. La protection des marques figuratives implique plus qu’une simple analyse esthétique : elle repose sur une compréhension profonde du critère de distinctivité appliqué par les offices. Les entreprises doivent donc anticiper les obstacles liés à la simplicité graphique, renforcer la stylisation et examiner la jurisprudence récente.
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Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus
FAQ
1. Comment prouver l’acquisition de distinctivité par l’usage ?
En apportant des preuves démontrant que le public associe le signe à votre entreprise : données de ventes, campagnes publicitaires, sondages, articles de presse, parts de marché et tout élément montrant une reconnaissance effective.
2. Une marque figurative peut-elle protéger un packaging ?
Oui, à condition que le packaging présente des caractéristiques visuelles suffisamment originales pour être perçu comme un indicateur d’origine, et non comme un simple élément décoratif ou fonctionnel.
3. Les offices européens évaluent ils la distinctivité de la même manière ?
Non. Bien que le droit de l’Union européenne fixe un cadre commun, l’appréciation peut varier selon les offices nationaux. L’EUIPO applique généralement une ligne plus stricte, notamment pour les formes simples.
4. Comment renforcer un logo trop simple avant le dépôt ?
En ajoutant des éléments graphiques distinctifs : asymétrie, combinaisons de formes, traits originaux, effets de style, ou intégration d’un élément verbal. L’objectif est d’éloigner le signe des formes géométriques basiques.
5. Comment éviter un refus devant l’EUIPO ?
En anticipant une analyse de distinctivité, en évitant les signes minimalistes, en préparant une stratégie d’usage si nécessaire, et en réalisant une évaluation juridique préalable de la forme déposée. Une stylisation renforcée augmente significativement les chances d’enregistrement.
Cette publication a pour objet de fournir des orientations générales au public et de mettre en lumière certaines problématiques. Elle n’a pas vocation à s’appliquer à des situations particulières ni à constituer un conseil juridique.

