Environnement numérique

Le défendeur dispose d’une licence sur une marque correspondant à un nom de domaine litigieux

OMPI, Centre d’arbitrage et de médiation, 11 mars 2019, No. D2019-0035, Pharnext contre Wang Bo, Xiang Rong (Shanghai) Sheng Wu Ke Ji You Xian Gong Si.

A de nombreuses occasions, nous avons remarqué que même les demandeurs représentés dans les procédures UDRP auraient pu être mieux informés de la nature et de l’étendue des droits sur lesquels le défendeur pouvait se fonder. Une recherche approfondie est un prérequis essentiel au dépôt d’une plainte, faute de quoi le succès de la plainte est compromis.

Le 7 janvier 2019, la société française Pharnext, ayant pour activité principale l’industrie pharmaceutique, a déposé une plainte UDRP demandant le transfert du nom de domaine <pharnext.com>, enregistré par une société chinoise.

La demanderesse a soutenu qu’elle détenait des droits sur la marque PHARNEXT, dès lors qu’elle était propriétaire du logo PHARNEXT, protégé par une marque internationale depuis 2013 et utilisé sur son site www.pharnext.com.

La demanderesse soutient que le défendeur devait avoir connaissance de la marque PHARNEXT lorsqu’il a enregistré le nom de domaine, dès lors qu’en mai 2017, son partenariat avec une des sociétés pharmaceutiques les plus connues de Chine, Tasly, avait été annoncé. La demanderesse a également déclaré qu’il n’y avait pas de justification plausible à l’enregistrement de ce nom de domaine par le défendeur. Elle a également prétendu avoir réalisé des perquisitions n’ayant rapporté aucune preuve que le défendeur avait un droit ou un intérêt légitime à l’égard de ce nom.

Cependant, le défendeur Xian Rong (Shanghai), a d’une part prouvé qu’il bénéficiait d’une licence sur la marque PHARNEXT pour des services financiers, et d’autre part, a précisé qu’il l’utilisait depuis décembre 2017. Bien que la propriété d’une marque ne confère pas automatiquement un intérêt légitime ou des droits au défendeur, c’est au demandeur qu’incombe la charge de la preuve à l’occasion de la plainte.

En l’espèce, l’experte était « convaincue que la marque PHARNEXT avait été enregistrée de bonne foi ». Elle a en outre relevé que le nom de domaine était utilisé, avant le dépôt de la plainte, en lien avec une véritable offre de produits et services. Ainsi, bien que le nom de domaine soit similaire à la marque de la demanderesse crée un risque de confusion, la plainte n’a pas été acceptée.

L’experte a souligné que « ses conclusions sont faites dans la limites de la plainte UDRP ; toute question ne relevant pas du champ d’application de la politique UDRP peut être traitée par les parties devant une juridiction compétente ». Simplement, la demanderesse n’a pas prouvé que le nom de domaine litigieux avait été enregistré and utilisé de bonne foi.

Cette décision reflète une fois de plus qu’il est essentiel d’effectuer des recherches préliminaires sur tous les aspects de la plainte ; y compris sur le défendeur et sur le signe à l’origine duquel la nom de domaine contesté a été obtenu. Par exemple, la recherche du signe PHARNEXT sur les bases de données chinoises auraient permis à la demanderesse de connaître l’existence de la marque verbale PHARNEXT. Cela l’aurait alertée quant à une potentielle faiblesse et lui aurait permis d’envisager une stratégie différente. Il apparaît essentiel d’envisager tous les moyens de défense possibles qu’un défendeur pourrait invoquer afin de se préparer à les contredire.

Cette brève a été publiée au numéro 7-8 de juillet-août 2019, du magazine « Propriété Industrielle ».

Read More

Espagne : La preuve de l’usage de la marque, un nouveau moyen de défense en matière de procédure d’opposition

Le 30 avril dernier, l’Espagne a parachevé la réforme de son droit des marques, commencée fin 2018. A  cette date, le décret royal 306/2019 du 26 avril 2019 modifiant le règlement d’exécution de la loi espagnole sur les marques 17/2001 est entré en vigueur.

 

La possibilité de solliciter une preuve d’usage en défense dans une procédure d’opposition est une des principales innovations introduites en droit espagnol par la réforme de 2018. L’Union européenne prévoit déjà un tel moyen de défense dans son article 47 du règlement européen sur la marque de l’Union européenne (RMUE). Cette réforme de la loi espagnole conduit donc à une harmonisation bienvenue au niveau européen.

 

Le décret royal 306/2019, qui nous intéresse aujourd’hui, s’attache à établir les modalités de mise en œuvre de ce nouveau moyen de défense.

 

Ainsi, désormais, une preuve d’usage peut être exigée pour toutes les procédures d’opposition déposées depuis le 1er mai 2019.

 

Ce moyen de défense est invocable tant à l’encontre de marques et noms commerciaux espagnols qu’à l’encontre de marques internationales désignant l’Espagne. Toutefois, tout droit antérieur ne peut être contesté. Pour être contestés, la marque ou le nom commercial antérieurs doivent avoir été enregistrés depuis plus de cinq ans. Le titulaire de droits antérieurs aura alors la charge de la preuve de l’exploitation réelle des droits revendiqués.

 

Si les preuves apportées sont insuffisantes, alors la demande d’opposition sera rejetée. Le droit antérieur en question ou l’existence d’un risque de confusion ne seront pas pris en considération pour la résolution du litige.

 

A cet égard, les pièces fournies à titre de preuve doivent se référer aux produits et/ou services pour lesquels le droit antérieur est enregistré. Si l’opposition se fonde sur une partie des produits et/ou services de la marque antérieure, alors le titulaire ne devra apporter la preuve de l’usage sérieux que pour ces produits et/ou services. Les éléments de preuve doivent établir l’exploitation réelle et sérieuse du droit antérieur. Celle-ci est établie lorsque les produits et/ou services sont proposés à la vente et mis sur le marché

 

Les documents communiqués doivent indiquer le lieu, la date, l’étendue et la nature de l’utilisation du signe. Il peut s’agir par exemple de catalogues, de brochures, de factures, d’étiquettes, d’annonces, etc. Les éléments fournis par des tiers constituent des preuves concrètes et indépendantes. A ce titre, leur force probante est plus élevée que celle des preuves fournies par le titulaire de la marque antérieure.

 

La possibilité d’exiger une preuve d’usage en guise de défense dans le cadre d’une procédure d’opposition est un atout précieux pour faire échec à une telle action. Par conséquent, avant de débuter toute procédure d’opposition de marque, un titulaire de marque a intérêt à se ménager la preuve de son usage.

Le décret royal fixant les conditions de mise en œuvre de ce moyen de défense, il reste à définir la marge de manœuvre dont disposera l’Office espagnol des marques pour apprécier la validité des preuves fournies.

 

Dreyfus assiste ses clients dans le monde entier sur leurs stratégies de protection et de défense de marque. N’hésitez pas à nous contacter pour un audit de vos portefeuilles de marques en Espagne !

Read More

Les points-clés de la réunion de l’ICANN 65 à Marrakech

Le 65ème forum de l’ICANN a eu lieu à Marrakech, du 24 au 27 juin 2019.  Plusieurs sujets ont été abordés tels que les problématiques liées aux nouveaux gTLDs, la mise en conformité des procédures de l’ICANN avec les dispositions du RGPD et la révision des mécanismes de protection.

 

  • Les enjeux liés aux nouveaux gTLDs

 

Récemment, l’ICANN a été confronté à une forte augmentation du nombre de candidatures pour des extensions de premier niveau (gTLDs). En 2012, presque 2000 candidatures ont été déposées auprès de l’ICANN. A l’issue de ce premier round, plus de 1000 nouvelles extensions ont été créées, telle que des <.marques>. L’ICANN attend autant de candidatures pour le prochain round, qui devrait se tenir 2022.

 

Ainsi, de nouvelles stratégies sont à mettre en place afin de gérer toutes ces demandes. Dans un premier temps, l’ICANN prévoit d’établir un ordre de priorités, en fonction du type d’extensions, afin de rendre le processus efficace. Désormais, le processus devrait être ouvert chaque année, sur une période de 4 mois, mais l’ICANN souhaite limiter le nombre de candidatures à 1000 par an.

 

Dans un second temps, le nouveau processus de candidature des nouvelles extensions autorisera les TLDs à 2 caractères, composés d’une lettre et d’un chiffre. Cependant, les enregistrements d’extensions préexistantes mises au pluriel ou au singulier seront refusés.

 

D’autre part, dans son rapport en date du 27 juin 2019, le Governmental Advisory Committee (GAC), comité consultatif de l’ICANN, a mis un point d’honneur à revenir sur le sujet du <.amazon>. En effet, le conseil d’administration de l’ICANN a autorisé l’utilisation de cette extension alors que plusieurs membres du GAC s’y étaient opposés au vu du risque de confusion avec la communauté amazonienne. Le GAC demande ainsi à ce que le conseil d’administration de l’ICANN rédige un rapport expliquant ses motivations. Plusieurs gouvernements d’Amérique du Sud ont d’ailleurs demandé à ce que cette extension soit remise en cause.

 

  • Le RGPD et l’EPDP

 

Le comité en charge du processus accéléré d’élaboration de politiques (EPDP) a élaboré une politique de mise en conformité avec le RGPD, en mars 2019. Nous avions indiqué dans notre article sur l’ICANN 63 que l’entrée en vigueur du RGPD aurait de nombreux effets sur le registre Whois. En effet, plusieurs données à caractère personnel ne seraient plus directement accessibles au public. L’EPDP doit maintenant développer un modèle d’accès unifié qui centraliserait ces données protégées, basé sur les intérêts légitimes des titulaires de droits de propriété intellectuelle.

 

D’autre part, l’ICANN 65 a été l’occasion d’apporter quelques précisions sur le Registration Data Access Protocol (RDAP). Ce protocole a pour éventuelle vocation de remplacer le service Whois. Il fournit des données d’enregistrement, comme le Whois, mais sa mise en œuvre a pour but de modifier et de normaliser l’accès aux données. Les registries et registrars de gTLDs seront tenus d’appliquer le RDAP pour le 26 août 2019.

 

  • Examen des mécanismes de protection prévus par l’ICANN

 

D’une part, un groupe de travail relatif au Rights Protection Mechanism (RPM) est chargé de réviser différentes procédures mises en place par l’ICANN, concernant les gTLDs. Ce groupe de travail a développé des recommandations préliminaires concernant les réclamations et les périodes d’opposition. De même, des propositions ont été faites afin de permettre aux titulaires de marques d’acquérir un droit de priorité, pour enregistrer leur marque en tant que nom de domaine. Alors, ce n’est qu’en l’absence d’un tel enregistrement que les tiers pourront enregistrer des termes correspondants à une marque, en nom de domaine.

 

A ce jour, la première phase du projet du groupe de travail consiste à réviser les mécanismes Uniform Rapid Suspension (URS) et Trademark Clearinghouse (TMCH). De même, la procédure UDRP sera au cœur de la réflexion du groupe de travail, mais seulement courant 2020. Il s’agira de la deuxième phase de son projet.

 

Néanmoins, ces travaux n’étant pas encore terminés, nous auront davantage d’éléments à compter de la publication de leur rapport, attendu pour avril 2020.

 

D’autre part, un autre groupe de travail a également été formé pour étudier les Subsequent Procedures (SubPro) des nouveaux gTLDs. Ce groupe de travail a soutenu l’utilisation d’un « Guide d’utilisateur », à condition qu’il soit plus précis, afin que les utilisateurs comprennent en quoi consistent exactement les gTLDs.

 

De même, le groupe de travail SubPro souhaiterait ainsi davantage de communication avec les titulaires de marques, afin de prévenir les risques de contrefaçon, et de leur expliquer les avantages que peuvent avoir ces extensions sur leur activité.

 

Ainsi, l’ICANN 65 a été l’occasion d’évaluer l’avancée des travaux des groupes de travail. Cependant, si des changements ont été apportées, peu d’entre eux se sont concrétisés. Les projets se formaliseront à l’occasion des prochaines réunions organisées par l’ICANN.

 

La prochaine réunion de l’ICANN aura lieu à Montréal du 2 au 7 novembre 2019. Nous continuerons de suivre le sujet de près.

Read More

Réseaux sociaux et avis en ligne : se défendre contre la concurrence déloyale

 

Les sites de réseautage sont devenus en quelques années l’un des principaux moyens de communication des entreprises. Ebay, Tripadvisors, Amazon voire même les réseaux sociaux plus classiques tels que Facebook ou Twitter sont, en effet, devenus des vitrines publicitaires privilégiées. Représentant une opportunité incontestable pour la visibilité d’une société, ces derniers demeurent néanmoins un danger certain pour leur réputation. Les entreprises sont notamment désormais confrontées à un nouvel enjeu de taille en matière de concurrence déloyale, à savoir les « faux avis de consommateurs », qui influencent néanmoins grandement la consommation des produits et services qu’ils visent.

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a en effet dévoilé que 74 % des internautes ont déjà renoncé à acheter un produit à cause de commentaires ou d’avis négatifs.

Face à cette problématique de taille, les entreprises se parent d’outils juridiques pour entendre mettre un terme à ces pratiques.

DÉNIGREMENT ET PRATIQUES COMMERCIALES TROMPEUSES

La jurisprudence a, par le passé, déjà apprécié que la diffamation ne pouvait être un fondement valide pour des « appréciations même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d’une entreprise industrielle ou commerciale ».

En effet, concernant des avis dévalorisants touchant une activité commerciale, les entreprises doivent fonder leur action sur le terrain de la concurrence déloyale, en invoquant particulièrement un acte de dénigrement. Cette pratique, consiste pour une personne ou une entreprise, à jeter le discrédit sur les biens ou services d’une entreprise dans le but de lui nuire. Comme tout acte de concurrence déloyale, le dénigrement engage la responsabilité de son auteur sur le fondement de l’article 1140 du Code Civil.

A titre d’exemple, la Cour d’Appel de Paris a condamné sur ce fondement une société vendant des compléments alimentaires qui avait fortement critiqué les produits de son concurrent sur son site dans la rubrique « avis sur le produit », les qualifiant notamment de « daubes ».

La Cour avait, en l’espère, également fondé sa décision sur l’article 121-1 du Code de la consommation qui sanctionne les pratiques commerciales trompeuses dans la mesure où ces commentaires corrompent les comportements naturels des consommateurs. De mêmes sanctions avaient été prononcées concernant des avis négatifs relatifs à un restaurant qui n’avait même pas encore ouvert lors de leur publication.

NOUVELLES SANCTIONS POUR LES FAUX AVIS EN LIGNE

Bien que le dénigrement et les pratiques trompeuses aient été des fondements traditionnels concernant ces commentaires excessivement négatifs, le législateur a entendu spécifiquement encadrer et par là punir ces faux-avis.

C’est ainsi que trois décrets d’application de la loi pour une République numérique sont entrés en vigueur le 1er janvier 2018. Instaurant le nouvel article L111-7-II du code de la consommation, ils imposent notamment aux entreprises et individus dont l’activité consiste à collecter, à modérer ou à diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs, de donner une information loyale, claire et transparente sur leur traitement et leur publication. Doivent ainsi être présentés à côté desdits avis leur date de publication ainsi que celle de l’expérience de consommation concernée et l’existence ou non d’une procédure de contrôle de ces derniers. Ces décrets se substituent ainsi à l’adhésion volontaire de chaque plateforme à la norme Afnor, censée certifier de la loyauté de ces commentaires. Reste à savoir comme les plateformes se conformeront à de telles exigences.

Cette nouvelle obligation qui incombe aux entreprises une surveillance accrue de ces avis montre que, bien que la concurrence déloyale eu été un outil opportun pour les entreprises, la jurisprudence a montré que ces pratiques répandues à grande échelle représentaient un réel enjeu pour les sociétés et devaient être encadrées par des textes spécifiques.

Le Cabinet Dreyfus & associés est spécialisé dans le domaine de la propriété intellectuelle. Son équipe est à jour des nouveaux développements législatifs en Europe. Elle saura vous apporter l’aide et les conseils nécessaires pour tous vos droits de propriété intellectuelle en Europe.

Nathalie Dreyfus, Conseil en propriété industrielle, Expert près la Cour d’appel de Paris Dreyfus & associés contact@dreyfus.fr

Read More

Nouvelle loi Informatique et Libertés : quelles modifications ?

 

La nouvelle version de la loi Informatique et Libertés (loi n° 2018-493 du 20 juin 2018), a été adoptée le 20 juin 2018. La première version, entrée en vigueur le 6 janvier 1978, a été  modifiée à deux reprises : en 2004 suite à la transposition de la directive 95/46 sur la protection des données à caractère personnel, et en 2016 avec la loi pour une république numérique. Cette fois, c’est le Règlement général 2016/679 sur la protection des données ( dit RGPD) qui est à l’origine de cette modification. Le RGPD a été adopté en mai 2016 et mis en œuvre le 25 mai 2018. Le RGPD a une application directe dans tous les états membres de l’Union européenne. La nouvelle loi Informatique et Libertés permet l’application effective du RGPD et de la directive (UE) 2016/680. La loi a apporté des modifications nécessaires à la loi informatiques et liberté. Il s’agit d’un texte composé de 72 articles. Le RGPD remplace la loi nationale sur certains points (droits des personnes, bases légales des traitements, mesures de sécurité à mettre en œuvre, transferts, etc.).

Sur d’autres points, la loi Informatique et Libertés vient compléter le RGPD. Il s’agit, par exemple, du traitement des données de santé, ou des données d’infraction, traitement des données à des fins journalistiques, etc. D’ailleurs, il y a des marges de manœuvres nationales qui sont prévues dans le texte du RGPD. Il s’agit, en effet, de 56 renvois aux lois nationales de chaque pays. Ainsi, le cadre juridique en matière de protection des données à caractère personnel est un cadre composite (de la loi nationale et européenne).

Pour renforcer notamment la lisibilité de ce cadre juridique composite, une ordonnance de réécriture complète de la loi Informatique et Libertés est prévue, dans un délai de six mois. Un nouveau décret d’application de la loi Informatique et Libertés est également attendu dans les prochaines semaines. Dans l’attente de ces nouveaux textes, il est recommandé, par la CNIL, de prêter une attention particulière au cadre juridique applicable à chaque traitement.

Read More

Un nouveau succès pour les liens hypertextes ?

 

web-886843_640A l’heure où le partage de contenus sur internet est devenu monnaie courante pour les particuliers comme pour les professionnels (Facebook, Twitter, Pinterest, LinkedIn,…), la Cour de Justice de l’Union Européenne élabore petit à petit une jurisprudence afférente au lien hypertexte.

Lorsqu’un lien hypertexte renvoie vers des contenus protégés par le droit d’auteur et mis à disposition par le titulaire des droits (ou avec son autorisation), il ne s’agit pas d’un acte de « communication au public » puisqu’il ne s’agit pas d’un « public nouveau ».

Mais qu’en est-il quand le contenu mis en ligne n’a pas été soumis à l’autorisation du titulaire des droits ?

L’avocat général de la CJUE s’est prononcé sur cette question en présentant ses conclusions à la CJUE dans l’affaire GS Media C-160/15. Le litige oppose Sanoma, éditeur de la revue Playboy, à GS Media, exploitant du site internet GeenStijl.

GS Media a publié sur le site GeenStijl un hyperlien renvoyant à un site australien où étaient publiées des photos appartenant à Sanoma, sans son autorisation. Sanoma avait exigé que GS Media retire les liens, mais cette dernière ne l’a pas fait. Par la suite, le site australien a supprimé les photos à la demande de Sanoma mais GS Media a divulgué un nouvel hyperlien renvoyant vers un autre site divulguant les mêmes photos, à nouveau publiées sans l’autorisation du titulaire. Ce deuxième site a, comme le site australien, fini par supprimer les photos. De nouveaux liens renvoyant vers ces mêmes photos ont alors été publiés par des internautes sur le forum du site GeenStijl. Sanoma a en conséquence agi en contrefaçon de droit d’auteur.

L’affaire est allée jusqu’au Hoge Raad der Nederlanden, la Haute Juridiction des Pays-Bas, qui a estimé qu’elle ne pouvait pas déduire de la jurisprudence actuelle de la CJUE qu’il y avait « communication au public » lorsque des contenus sont librement disponibles mais que leur mise à disposition n’a pas été autorisée par le titulaire des droits. La Cour de Justice de l’Union Européenne a par conséquent été saisie d’une question préjudicielle.

Placer un lien hypertexte renvoyant vers des contenus protégés, alors que la mise à disposition n’a pas été autorisée par le titulaire des droits, constitue- t-il un acte de « communication au public » ?

L’avocat général de la CJUE, Melchior Wathelet, a publié des conclusions le 7 avril 2016. Elles ne lient pas la Cour de Justice mais visent à proposer à la Cour une solution juridique. D’après lui, dès lors que les contenus sont librement accessibles sur internet, la fourniture d’un lien hypertexte ne constitue pas un acte de communication au sens de la directive de 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Bien que difficiles à dénicher, les photos n’étaient pas introuvables. Elles étaient « librement accessibles » sur d’autres sites. Il y avait déjà eu « communication au public » précédemment, le lien hypertexte ne fait donc que rendre l’accès à ces photos plus facile pour les internautes. Le lien hypertexte n’a pour objectif que de faciliter la découverte de sites contenant déjà ces œuvres.

La « communication au public » est effectuée par la personne qui effectue la communication initiale. Le lien hypertexte ne fait que renvoyer vers un site où les photos protégées sont déjà publiées sans l’autorisation du titulaire. Les liens ne peuvent par conséquent pas constituer des « actes de communication », l’exploitant du site n’étant également pas indispensable à la mise à disposition des photos. En l’espèce, GS Media n’a fait que reprendre des contenus déjà mis en ligne et n’est donc pas indispensable à la mise à disposition de ces photos sur internet. Par ailleurs, l’avocat général estime que les motivations de l’exploitant du site ainsi que le fait que ce dernier sache que la communication initiale des photos n’était pas autorisée n’est pas pertinent. Ainsi, un lien hypertexte renvoyant vers un site contenant des photos publiées sans autorisation n’est pas en soi un acte constitutif d’une contrefaçon.

Une position conforme à la jurisprudence européenne

La position de l’avocat général va dans le sens de la jurisprudence de la CJUE qui affine petit à petit ses décisions relatives au statut juridique des liens hypertextes. Dans l’arrêt Svensson de février 2014, la Cour s’était prononcée sur le statut juridique du lien hypertexte. Elle a estimé qu’un site pouvait fournir des liens hypertexte renvoyant vers des œuvres protégées accessibles librement sur un autre site, sans l’autorisation du titulaire des droits. Fournir un lien hypertexte renvoyant vers des contenus dont la mise en ligne a été autorisée par le titulaire, n’est pas une « communication au public » parce qu’il n’y a pas de « public nouveau ». En effet, l’œuvre a déjà été communiquée préalablement au public. Le lien hypertexte ne vient que « pointer » cette œuvre.

Dans l’ordonnance BestWater d’octobre 2014, la CJUE s’était prononcée dans le même sens concernant des liens hypertextes utilisant la technique du framing. La Cour avait alors estimé qu’il n’y avait pas de « communication au public » puisqu’il n’y avait ni de public nouveau ni de communication via un moyen technique différent.

A ce sujet, lire notre article « Union européenne : licéité d’une vidéo YouTube intégrée sur un site tiers (framing) ».

Un étonnant amendement français visant à interdire les liens hypertextes

En France, un amendement au projet de loi pour une République numérique a été déposé par deux députées qui souhaitent voir disparaitre un grand nombre de liens hypertextes. L’amendement s’oppose à l’arrêt Svensson qui avait posé le principe selon lequel les liens cliquables renvoyant vers des œuvres protégées ne doivent pas faire l’objet d’une autorisation. L’amendement quant à lui vise à ce que tous les liens soient soumis à une autorisation lorsqu’ils renvoient vers un contenu protégé.

Les liens au cœur du fonctionnement d’internet

Comme l’a souligné l’avocat général dans ses conclusions, raisonner dans un sens inverse emporterait de lourdes conséquences en matière de responsabilité des acteurs de l’Internet. Il est important de trouver un équilibre entre la diffusion de l’information et le respect du droit d’auteur. Si la notion de « communication au public » était interprétée plus strictement, cela porterait atteinte à l’objectif de développement de la Société de l’Information défini par la directive.

De plus, comme le remarque l’avocat général, cela entraverait le fonctionnement d’Internet. Les internautes consultent des sites et créent des hyperliens renvoyant vers les contenus qu’ils consultent. Il serait quasiment impossible pour ces internautes de vérifier si la communication initiale a été effectuée avec le consentement de l’auteur ou non. En s’exposant à des recours pour violation des droits d’auteur à chaque fois qu’ils publient des liens hypertextes, les internautes deviendraient alors beaucoup plus hésitants et ne s’y risqueraient probablement pas.

Pour l’heure, pas de crainte, la tendance va vers l’utilisation libre du lien hypertexte !

Read More

Etats-Unis : le Hashtag ne peut faire l’objet de protection à titre de marque

 

mark2Expression ou mot précédé d’un dièse qui sert à classer thématiquement du contenu, en quelques années, le hashtag est devenu un élément incontournable des réseaux sociaux, aussi bien pour les personnes physiques, que les entreprises à travers leurs marques. L’impact quotidien de ce nouvel outil de communication dans notre société connectée est indéniable. Canal de communication direct, il offre une réelle proximité avec le client.

Il est intéressant de noter qu’un hashtag peut répondre à la définition d’une marque donnée par le Code de la propriété intellectuelle et la directive européenne 2008/95/EC et donc être protégé à ce titre, à condition toutefois d’en demander l’enregistrement et de satisfaire aux critères établis. En France, l’article L. 711-1 du CPI énonce que « peuvent notamment constituer un [tel] signe : a) Les dénominations sous toutes les formes telles que : mots, assemblages de mots, noms patronymiques et géographiques, pseudonymes, lettres, chiffres, sigles (…) ». Un hashtag pourrait alors être protégé par le droit des marques s’il satisfait aux conditions de distinctivité, disponibilité et licéité auxquelles se doit de répondre une marque.

Un enregistrement en bonne et due forme permet à coup sûr de protéger le hashtag contre toute reproduction ou imitation illicite. Toutefois, il parait assez incongru que le titulaire d’un droit de marque sur un hashtag en interdise l’utilisation à des internautes, puisque le hashtag n’a d’intérêt que dans son partage et sa propagation. Seule son utilisation dans la vie des affaires par un concurrent aura tendance à être réprimée et qualifiée de contrefaçon.

Il existe quelques entreprises ayant réussies à enregistrer des marques comportant le fameux symbole « # », principalement aux Etats-Unis. Par exemple, l’opérateur T-Mobile USA a déposé la marque « #7NIGHTSTAND CHALLENGE » (n°4671787) à l’USPTO, l’Office américain des marques et brevets. En France, la marque « #CLIENT ADDICT » a par exemple été déposée par Futur Telecom sous le n°4096205 en classe 9, 35, 38 et 42.

Cependant, récemment la California central district court, à l’occasion de la décision Eksuzian. v. Albanese, rendue le 7 août 20151 a estimé que les hashtags ne pouvaient être enregistrés en tant que marques du fait de leur nature descriptive : « hashtags are merely descriptive devices, not trademarks (…) ». Or, selon l’USPTO, les marques de commerce sont des mots, des noms, ou des symboles utilisés pour distinguer un produit ou des autres. Ils doivent avoir un caractère distinctif. Il y a, en général, quatre niveaux de spécificité allant de «arbitraire et fantaisiste » à « générique ». Pour les plus arbitraires et fantaisistes, l’USPTO2 autorise l’enregistrement d’un hashtag à titre de marque. En revanche, les marques génériques ne bénéficient pas de cette protection. La position de l’USPTO est plus logique que celle de la cour : le but du droit des marques est de promouvoir et de protéger le caractère distinctif, et d’empêcher d’autres entités de tirer profit de ce caractère distinctif. Un hashtag favorise potentiellement le nom, la réputation, ou encore le produit d’une entreprise.

Ainsi, que ce soit en France, à l’échelle communautaire voire internationale, il semblerait indéniable et logique qu’à l’avenir et malgré cette décision de la California central district Court, un hashtag distinctif puisse continuer d’être enregistré à titre de marque. Affaire à suivre…

1 California Central District Court, Eksuzian. v. Albanese, 7 août 2015.

2 Bureau américain des brevets et des marques de commerce.

Read More

Y a-t-il contrefaçon lorsqu’une marque est reproduite dans une url ou dans le code source ?

Dreyfus, expert des nouvelles technologies
Dreyfus, expert des nouvelles technologies

L’URL (Uniform Ressource Locator) est un format de nommage universel qui permet de désigner une ressource sur l’Internet. Lorsqu’une marque est reprise dans un URL de réseau social, les internautes peuvent penser qu’il s’agit d’une page créée par et pour la marque, ce qui n’est pourtant pas toujours le cas. Ce risque de confusion est hautement préjudiciable pour la marque. Le TGI de Paris, à l’occasion d’un jugement en date du 29 janvier 2016, a reconnu la contrefaçon d’une marque dans l’url d’un site de ventes privées lors d’une opération non autorisée par le titulaire de la marque.

En l’espèce, le site de ventes privées spécialisé dans la décoration « Westwing.fr », proposait à la vente des tapis de la marque « Un amour de tapis », en accord avec la société du même nom. Or, une seconde vente éphémère avait été organisée, sans l’autorisation de la marque, à l’adresse « westwing.fr/un-amour-de-tapis-choisissez-votre-classique » et sur le moteur de recherche Bing une annonce commerciale pour l’opération apparaissait.

La société assigna alors le site pour contrefaçon de sa marque du fait de la reproduction à l’identique de celle-ci dans l’adresse URL, ainsi que pour concurrence déloyale et parasitisme pour avoir créé un risque de confusion dans l’esprit du public et tiré profit des investissements et de la renommée de la marque.

Elle obtient gain de cause pour contrefaçon dans l’URL en application de l’article L713-2 du Code de la propriété intellectuelle qui interdit la reproduction d’une marque, sans modification ni ajout, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement. Le tribunal constate en effet que l’adresse url en question contient la marque verbale, « les tirets entre chaque mot consistant en des différences insignifiantes ». Cette adresse permettait d’accéder à la page sur laquelle avait lieu la vente en ligne et qui comprenait elle-même la mention de cette marque, ainsi que sa reproduction sous chacun des 74 tapis en vente.

Par ailleurs, la reprise de la marque dès la page de résultat du moteur de recherche Bing pour proposer des produits identiques ou similaires à ceux offerts par la marque invoquée, ou la reproduction du signe dans le lien permettant de rediriger les internautes sur le site de ventes privées, de nature à créer la confusion dans l’esprit du public qui pourrait supposer l’origine commune de tous les produits proposés à la vente sur le site, caractérisent la contrefaçon de la marque verbale.

Si le tribunal a jugé que la mention de la marque dans l’annonce commerciale issue d’un moteur de recherche et dans le lien hypertexte dirigeant vers le site constituait une contrefaçon, il n’en a pas tenu compte néanmoins pour ce qui est des balises méta du site. Selon les juges, l’utilisation de la marque reproduite dans le code source du site « ne peut être considérée comme un usage contrefaisant de la marque, dès lors que le signe n’est pas utilisé dans le code source pour désigner des produits et services et n’est par ailleurs pas accessible à l’internaute qui a consulté le moteur de recherche en saisissant la marque en cause ».

Read More

La force probante des archives du Net – archive.org

 

Savoir se ménager la preuve d’une atteinte sur internet n’est pas anodin, notamment dans l’éventualité d’une action en justice et malgré le principe de la liberté de la preuve, un certain mode opératoire établi en la matière devra être respecté. En effet, à ce sujet, en 2010, un arrêt de la Cour d’Appel de Paris1 rappelle qu’une simple copie écran réalisée par le plaideur lui-même n’a aucune valeur probante et ne suffit pas à rapporter la preuve de l’atteinte.

Archive.org, site géré par Internet Archive, organisation à but non lucratif, se targue d’avoir sauvegardé 450 milliards de pages internet avec sa wayback machine. Son système permet de fournir un instantané du contenu d’une page internet avec une grande fiabilité. Alors même que le contenu d’une adresse url peut avoir changé, le système d’archive.org permet d’éviter ce risque de modification dans le temps et de consulter une page internet telle qu’elle apparaissait dans le passé, voire jusqu’à plusieurs années auparavant.

Au niveau national, les juges ont longtemps été réfractaires à ce type de preuve. France, Etats-Unis, mais aussi Allemagne ont vu leurs tribunaux respectifs refuser un tel moyen de preuve en raison de l’absence de légalité de l’organisme émetteur des archives ou encore du manque de fiabilité des dates obtenues. A l’inverse, les organes juridiques supranationaux (centre d’arbitrage de l’OMPI, Office Européen des Brevets) se sont souvent montrés plus flexibles sur ce point.

Tout d’abord, la Cour d’Appel de Paris, le 2 juillet 2010, ne reconnait aucune force probante au constat internet de l’espèce, effectué au moyen d’archive.org , au motif que «  le constat a été effectué à partir d’un site d’archivage exploité par un tiers à la procédure, qui est une personne privée sans autorité légale, dont les conditions de fonctionnement sont ignorées », avant d’ajouter que « cet outil de recherche n’est pas conçu pour une utilisation légale » et que « l’absence de toute interférence dans le cheminement donnant accès aux pages incriminées n’était donc pas garantie ». En réalité, cette jurisprudence est propre aux faits de l’espèce puisque, dans cette affaire, l’huissier, le tiers en question dans la décision, n’avait pas bien constaté la date à laquelle l’archivage avait été effectué, et les parties avaient alors dû se servir de l’adresse URL du site dans laquelle apparaît ladite date.

Par la suite, certains jugements ont à tort fait de ce cas spécial une généralité, la jurisprudence considérant alors les constats réalisés à l’aide du site « archive.org » comme dépourvus de force probante.

Néanmoins, la jurisprudence de l’Office Européen des Brevets en la matière a connu un changement récemment. Le 21 mai 2014, la chambre de recours de l’OEB (T 0286/10) a rendu une décision2 concernant la prise en compte des archives de la wayback machine dans une affaire d’opposition à un brevet. La chambre de recours estime qu’il n’y a aucune raison de considérer les dates fournies par les archives d’internet comme inexactes, à charge pour le défendeur de prouver «  de nouveaux éléments de nature à jeter la suspicion et apporter une preuve contraire destructrice de la présomption ». Elle précise par ailleurs que, bien qu’incomplète la bibliothèque d’archives, de par sa popularité et sa réputation, « présente des garanties suffisantes pour bénéficier d’une présomption de source d’information fiable et de confiance » la charge de la preuve du contraire est à la partie adverse.

Cette décision de l’OEB va donc plus en amont dans l’acceptation de preuves fournies par un système d’archives et dans la légitimité accordée au site archive.org. Dans la même lignée, le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’Organisation Mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) reconnait la validité des preuves issues du site « archive.org ».

Néanmoins, la route tendant à faire évoluer les considérations nationales, et notamment françaises, semble longue tant l’entité émettrice des captures d’écran paraît illégitime aux yeux des juges nationaux.

Toutefois, on remarque une évolution dans la jurisprudence française. Tout d’abord, dans un arrêt du 19 mars 2014, la Cour d’appel de Paris, pour prendre sa décision, s’est fondée sur une comparaison de pages de sites internet rapportées grâce au site « archive.org ».

Ensuite, la Cour d’appel de Lyon, le 28 mai 2014, a daté le début d’exploitation d’un nom de domaine en prenant en compte des impressions écrans du site « archive.org ».

Finalement, le TGI de Paris admet, le 21 octobre 2015, la valeur à titre de preuve du site « archive.org ».

Cependant, un constat d’huissier semble rester indispensable afin de faire constater les pages utiles. En effet, la jurisprudence considère que faute de constat d’huissier, la simple impression ne suffit pas comme mode de preuve. Il conviendra donc de s’adjoindre les services d’un huissier de justice territorialement compétent et spécialisé dans les « constats internet », afin de dresser un constat dans le respect des règles de droit. Le caractère probant du constat établi par l’huissier dépendra du respect d’un certain mode opératoire, ainsi que de la présence de certaines mentions techniques, décrites dans la jurisprudence et la norme Afnor NF Z67-147, qui ne constitue toutefois qu’un recueil de recommandations de bonnes pratiques3. Il s’agira, entre autres, de la description du matériel ayant servi aux constations, de l’absence d’utilisation de proxy et du vidage de la mémoire cache. Le défaut de ces mentions laissera subsister un doute sur la concordance entre la page affichée et celle en ligne pour le constat. Afin de le rendre incontestable, l’huissier y précisera également son adresse IP. A noter enfin que les preuves rapportées grâce au constat devront avoir été obtenues loyalement4.

Ces décisions récentes reconnaissent donc une certaine valeur probante aux copies d’écran du site archive.org..La France s’aligne donc sur les décisions prises par les instances européennes et internationales sur ce point.

CA Paris 2-7-2010 RG n°2009/12757

OEB, décision de la Chambre de recours technique du 21 mai 2014, Pointsec Mobile Technologies AB / Bouygues Telecom.

Cour d’appel de Paris, le 27 février 2013

Cour d’Appel de Paris, 7 octobre 2015 : validité de copies d’écran si des éléments extrinsèques probants permettant de conforter les éléments produits sont apportés tels qu’un constat d’huissier. Toutefois, « les preuves rapportées par un constat d’huissier doivent avoir été obtenues loyalement ».

Read More

Marque DroneShop : absence de distinctivité dans l’association de termes anglais descriptifs

 

Le gérant de la société Vizion’Air exploite sous le nom commercial Droneshop, un site de commerce électronique spécialisé en matière de modélisme et de drones. Il dépose en 2012 le nom de domaine www.ladroneshop.com. La société Minigroup est titulaire des noms de domaine www.droneshop.fr et www.droneshop.com, depuis 2011.

Suite au dépôt en 2013 de la marque française verbale « Droneshop » et d’une marque française semi-figurative, la société Vizion’Air engage une action en concurrence déloyale. Elle invoque les agissements fautifs de Minigroup et demande l’annulation des deux enregistrements de marques litigieuses. Pour ce faire, il convenait d’établir un risque de confusion entre les deux marques et le nom de domaine du demandeur. Cependant, il importait au préalable d’établir le caractère distinctif des signes antérieurs.

La décision de principe « Baby Dry » de la Cour de Justice de la Communauté Européenne, du 20 septembre 2001 établit qu’une association de plusieurs termes descriptifs peut acquérir une certaine distinctivité, à condition que le signe présente une construction exclusivement arbitraire.

En effet, la Haute juridiction met en évidence dans un premier temps les éléments du signe litigieux. Ce dernier est composé exclusivement de termes descriptifs pour le consommateur anglais.

Toutefois, elle indique également qu’un signe qui comporte des éléments pouvant servir à désigner le produit ou service ou une de ses caractéristiques essentielles doit être refusé à l’enregistrement. L’article 7 §1, c) du règlement n° 40/94 sur la marque communautaire énonce toutefois que ce refus n’est valable « qu’à condition que le signe ne comporte pas d’autres signes ou d’autres indications et, au surplus, que les (éléments) exclusivement descriptifs qui (le) composent ne soient pas présentés ou disposés d’une façon  qui distingue l’ensemble obtenu des modalités habituelles de désignation des produits ou services concernés ou de leurs caractéristiques essentielles (par le public pertinent) ».

Si les éléments de la marque sont issus de langues différentes, ou si le signe litigieux est entièrement enregistré dans une langue étrangère, la solution du règlement n°40/94 est également valable. (CJCE, 20 septembre 2001, « Baby Dry », n°C-383/99P)

La jurisprudence a ainsi démontré qu’un tel signe devra être évalué de façon objective. Aussi, un signe ne peut être considéré comme distinctif par le simple fait d’accoler des éléments génériques ou descriptifs. Pour être considéré comme non descriptif, une modification inhabituelle, notamment sur le plan syntaxique ou sémantique, doit être apportée.

Par conséquent, pour qu’une marque réponde à l’exigence de distinctivité, le signe litigieux devra présenter, dans l’assemblage de ses différents éléments ou dans son orthographe, des choix inhabituels ou arbitraires. L’ajout d’un signe figuratif peut aussi lui permettre d’être identifié par le public visé comme jouant le rôle d’une marque.

Les juges du tribunal de grande instance ont ici considéré que le signe invoqué « droneshop » ne peut pas constituer une antériorité puisqu’il n’est pas distinctif au regard de l’activité en cause. Effectivement, un « drone » est un petit aéronef sans pilote et désigne la nature des produits et articles offerts à la vente, que cela soit en français ou en anglais. Le terme « shop » est issu de la langue anglaise et aurait ainsi pu présenter plus de spécificité. Toutefois, cette expression est largement appréhendée par le public français comme étant la désignation usuelle d’un magasin.

La réunion de ces deux termes reste purement descriptive de l’activité exploitée selon le tribunal. Elle ne permet pas « une identification de l’entreprise concernée afin de la distinguer des autres entreprises du même secteur ». En outre, l’ajout du pronom personnel « la » dans le nom de domaine de la société Vizion’Air n’est pas de nature à allouer un caractère distinctif à celui-ci. L’association des différents termes, en l’espèce, n’est donc pas suffisamment inhabituelle ou arbitraire.

Les juges ont aussi soulevé dans ce jugement que l’utilisation de la langue étrangère ne permet pas, à elle seule, d’établir la distinctivité du signe litigieux.

Un terme issu d’une langue étrangère peut être utilisé comme marque ou comme élément de celle-ci. Toutefois, il convient de rechercher si cette expression, au moment du dépôt, était entrée dans le langage courant ou professionnel. En outre, il ne doit pas être compris en France par une large fraction du public concerné comme étant la désignation du produit ou service considéré pour pouvoir être enregistré. Il a été jugé que tel était le cas pour l’expression Air Sport Gun pour une arme à air comprimée destinée à être utilisée dans le cadre d’une activité de sport ou de loisir (Cass crim, 8 janvier 2008, n° 07-82.105). Ce signe n’était donc pas distinctif.

Ainsi, il importe peu que les termes soient descriptifs dans leur langue d’origine, tant qu’ils ne sont pas compris par une large fraction du public concerné. Tel n’est pas le cas pour l’expression « droneshop ».

En conclusion, cette solution permet d’attester qu’en France, l’utilisation d’une langue étrangère n’est plus aujourd’hui synonyme de distinctivité du signe lorsqu’elle est facilement appréhendable par une large partie du public, et cela semble cohérent.

Lisez aussi nos articles

La marque française « vente-privee.com » annulé pour défaut de distintivité et reconnue notoire par deux décisions du TGI de Paris

La Cour de cassation annule la marque « Argane » pour défaut de caractère distinctif

Read More