Comment Miley Cyrus a réussi à faire enregistrer sa marque éponyme malgré l’existence de la marque antérieure Cyrus ?

Miley CyrusIl est des affaires qui intéressent par l’issue judiciaire, d’autres par la renommée des acteurs de la procédure, d’autres enfin qui entrent dans les deux catégories.

C’est le cas du jugement rendu par le Tribunal de l’Union européenne le 16 juin 2021. Cette décision opposait l’Office des marques de l’Union européenne (l’EUIPO) à la société de la célèbre chanteuse et actrice Miley Cyrus : la Smiley Miley. Celle-ci conteste la décision rendue par l’Office dans le litige l’opposant à la société Trademarks Ltd.

A la genèse de cette procédure, la demande d’enregistrement par la société Smiley Miley, de la marque verbale de l’Union européenne MILEY CYRUS en classes 9, 16, 28 et 41. Demande à l’encontre de laquelle la société Cyrus Trademarks Ltd. a formé opposition, sur la base de sa marque de l’Union européenne antérieure « CYRUS » n°9176306, enregistrée pour des produits en classes 9 et 20.

 

Après que la Division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition pour cause de risque de confusion, un recours a été formé par Smiley Miley, rejeté par l’EUIPO.

En effet, l’EUIPO a considéré qu’il existait un risque de confusion notamment car le niveau d’attention du public pertinent variait de moyen à élevé, que les produits et services en cause étaient identiques ou similaires et que visuellement et phonétiquement les signes étaient similaires.

Les signes étaient-ils distinctifs, différents et différenciables ?

Le critère pour apprécier le risque dans sa globalité est l’impression d’ensemble que la marque produit.

La Chambre de recours a d’abord tenté d’analyser la valeur que pouvait avoir un nom de famille par rapport à un prénom ; elle en a déduit que le nom de famille a une « valeur intrinsèque supérieure ». Puis, elle a estimé que ni Miley ni le nom Cyrus ne seraient des noms fréquents dans l’Union, « y compris pour le public anglophone ».

Sans surprise, la requérante a dénoncé ce raisonnement. Le Tribunal a rappelé que ces principes ne peuvent être appliqués de manière automatique, puisque tirés de l’expérience et non pas gravés dans le marbre. Ceci dit, la chanteuse et actrice bénéficiant d’une réelle renommée, l’appréciation du caractère distinctif de sa marque serait moins manichéenne qu’elle l’aurait été pour une marque reprenant le nom et le prénom du premier quidam venu. Sur ce point, le Tribunal s’est aligné sur la position de la requérante, en considérant qu’aucun des éléments de la marque « MILEY CYRUS » n’était plus dominant que l’autre.

Concernant les plans visuel et phonétique, le Tribunal a estimé les marques similaires malgré leurs différences.

L’examen délicat de la comparaison conceptuelle des signes

La requérante estimait que, du fait de la notoriété de Miley Cyrus, sa marque était distincte de la marque antérieure. L’EUIPO considérait que le nom et le prénom de la chanteuse n’étaient pas devenus le symbole d’un concept.

Le Tribunal a admis que Miley Cyrus était un personnage connu du grand public normalement informé (ce qui n’était pas remis en cause par la Chambre de Recours).

Lorsque le Tribunal a évalué la signification conceptuelle de « MILEY CYRUS », en reprenant la définition de « concept » du Larousse, il en est ressorti que compte tenu de sa notoriété, la chanteuse était devenue le symbole d’un concept.

D’autre part, dès lors que l’artiste ne s’était jamais produite en utilisant son nom de famille seul, même si celui-ci est peu fréquent, le Tribunal a conclu que le public n’allait pas nécessairement percevoir le terme « cyrus » comme faisant directement référence à Miley Cyrus.

Le Tribunal a donc conclu que « la marque antérieure n’a pas de signification sémantique particulière pour le public pertinent ». Et puis, dans la mesure où les concepts des deux marques étaient bien différents, cela avait pour effet de flouter leurs similitudes visuelles et phonétiques.

Le droit est fait ainsi : pour que le risque de confusion soit qualifié, il faut une identité ou une similitude des signes et une identité ou une similitude des produits et services désignés. Or en l’espèce, les raisonnements du Tribunal ont permis de conclure à l’absence de risque de confusion entre ces deux marques ; ainsi, la star a fait son entrée dans le registre des marques de l’Union européenne sous le numéro 012807111.

 

Cette décision fait office de rappel : de grandes différences conceptuelles entre deux marques peuvent être salutaires à un déposant. Cette affaire s’ajoute également à la liste des affaires où la renommée de certains noms a permis de balayer d’une main les similitudes visuelles et phonétiques de signes.

 

 

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