Introduction

L’usage sérieux d’une marque est une condition essentielle pour maintenir sa validité. En effet, une marque peut être déchue si elle n’a pas été utilisée de manière sérieuse pour les produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée pendant une période ininterrompue de cinq ans. Cette exigence vise à éviter la monopolisation indue de signes distinctifs par des titulaires qui n’entendent pas les exploiter réellement, afin de préserver la disponibilité des marques pour les opérateurs économiques.

La date du 31 décembre 2025 se profile comme un jalon déterminant pour les titulaires de marques européennes qui détiennent une marque « clone » britannique. À compter du 1er janvier 2026, l’usage d’une marque au sein de l’Union européenne ne pourra plus être invoqué pour démontrer l’exploitation d’une marque clonée britannique (généralement identifiable par un numéro commençant par 008 ou 009). En d’autres termes, seule l’utilisation effective de la marque sur le seul territoire du Royaume-Uni permettra désormais d’éviter une action en déchéance pour non-usage ou de satisfaire à une demande de preuve d’usage devant l’UK Intellectual Property Office (UKIPO).

Le contexte de la sortie du Royaume-Uni et de la création des marques britanniques « clonées »

L’instauration des marques « clonées » au Royaume-Uni

À la suite du retrait du Royaume-Uni de quitté l’Union européenne, le 31 décembre 2020, les marques de l’Union Européenne ont cessé de produire effet sur le territoire britannique. En réaction, l’UKIPO a procédé à la création automatique de marques nationales britanniques dits « comparables » ou « clonés » correspondant à chaque marque de l’Union Européenne enregistrée à cette date, ainsi que pour les enregistrements internationaux désignant l’Union européenne et déposés via l’OMPI.

Ces marques clonées conservent ainsi la date de dépôt, la priorité et l’ancienneté de la marque de l’Union Européenne d’origine. Elles constituent toutefois des titres autonomes, soumis aux régimes britanniques de renouvellement, preuve d’usage, déchéance et nullité.

Le régime transitoire entre l’UE et le Royaume-Uni

Pour permettre aux titulaires de marques de s’adapter, un régime transitoire a été instauré : l’usage d’une marque au sein de l’Union européenne pouvait être pris en compte pour satisfaire aux exigences d’usage de la marque britannique clonée, dès lors que cet usage était intervenu avant le 1er janvier 2021, ou que la période quinquennale incluait des actes d’usage antérieurs à cette date.

Ce régime transitoire arrivant désormais à son terme, la période de cinq ans courant à compter du 1er janvier 2021 s’achèvera le 31 décembre 2025. À partir du 1er janvier 2026, seule l’utilisation de la marque au Royaume-Uni pourra être prise en considération pour établir l’usage sérieux de la marque clonée.

calendrier marque Brexit

Pourquoi le 31 décembre 2025 constitue-t-il une date clé pour les titulaires de marques ?

Fin de la prise en compte de l’usage dans l’UE pour les marques « clonées » britanniques

À compter du 1er janvier 2026, la période de cinq ans servant de référence à l’appréciation de l’usage d’une marque clonée couvrira exclusivement les usages intervenus après le 1er janvier 2021. Dès lors, l’exploitation d’une marque dans un État membre de l’Union européenne ne pourra plus être invoqué pour justifier l’usage d’une marque clonée au Royaume-Uni, seul l’usage effectif sur le territoire britannique comptera.

Cela signifie que les titulaires de marques clonées qui comptaient sur un usage exclusivement européen devront désormais démontrer une exploitation réelle et effective au Royaume-Uni. Sans cela, leurs droits risquent la révocation pour non-usage ou l’impossibilité d’opposer efficacement la marque clonée.

Les conséquences pour les marques vulnérables : révocation, perte d’opposabilité, affaiblissement des droits

Les impacts sont multiples :

  • Une marque clonée n’ayant pas fait l’objet d’usage au Royaume-Uni depuis 2021 devient vulnérable à une demande de révocation pour non-usage dès le 1er janvier 2026.
  • Lors d’une opposition ou d’une procédure de nullité, la preuve d’usage de la marque clonée peut être exigée. Un usage limité au territoire de l’UE risque d’être jugé insuffisant.
  • Pour les titulaires français ou européens, cette échéance impose une vigilance accrue : une marque active sur le marché européen mais non utilisée au Royaume-Uni peut ainsi devenir subitement vulnérable.

Quelles stratégies adopter pour les titulaires de droits à l’approche de la date limite ?

Audit de portefeuille et constitution de preuves d’usage au Royaume-Uni

Nous recommandons un plan d’action en plusieurs étapes :

  • Dresser un inventaire complet des marques clonées britanniques (préfixes 008 / 009) détenues, avec spécifications de produits/services, dates de dépôt et d’échéance.
  • Pour chaque marque, collecter et organiser tous les éléments de preuve d’usage admissibles : factures en livres sterling, bons de livraison vers le UK, preuves publicitaires ciblées au Royaume-Uni, pages internet avec l’extension « .uk », présence dans les distributeurs britanniques, etc.
  • Vérifier si l’usage est « genuine », c’est-à-dire « sérieux », selon la jurisprudence britannique.
  • Envisager une exploitation rapide au Royaume-Uni avant le 31 décembre 2025 si l’usage est encore absent, mais être conscient que l’usage tardif risque d’être traité comme artificiel.

Alternatives stratégiques : limitation, nouveau dépôt, abandon contrôlé

Si l’usage s’avère irréalisable ou peu pragmatique, d’autres pistes sont à envisager :

  • Si certaines classes ou produits n’ont jamais été exploitables au Royaume-Uni, envisager de limiter ou de renoncer volontairement à certaines produits et services du libellé  afin de réduire le risque de déchéance.
  • Déposer une nouvelle demande de marque britannique pour le même signe, avec spécification appropriée, afin de repartir sur un nouveau délai d’usage (mais en acceptant une date de dépôt plus tardive et un éventuel risque de contestation).
  • Si la marque n’a plus de pertinence commerciale au Royaume-Uni, envisager un abandon ou un non-renouvellement contrôlé pour éviter des coûts inutiles. Pour en savoir plus concernant la stratégie de défense de sa marque clonée britannique, nous vous invitons à consulter notre article précédemment publié.

Conclusion

À l’approche du 31 décembre 2025, il devient impératif d’engager sans délai des mesures concrètes afin de sécuriser vos droits sur le marché britannique. Qu’il s’agisse de vérifier l’usage réel de vos marques, d’initier une exploitation au Royaume-Uni, ou de définir une stratégie alternative, le temps presse !

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FAQ

1. Qu’entend-on par « genuine use » ou usage véritable au Royaume-Uni ?

Il s’agit d’une exploitation commerciale réelle et tangible sur le territoire britannique, à destination du public, non symbolique ou purement préparatoire. Cet usage peut être prouvé notamment par des factures en livres sterling, expéditions vers le Royaume-Uni, publicité ciblée au Royaume-Uni, site internet «.uk», etc.

2. Que risque-t-on si aucune action n’est entreprise avant la date limite du 31 décembre 2025 ?

Le droit cloné britannique deviendra vulnérable à une demande de révocation pour non-usage (non-usage pendant cinq ans) dès le 1er janvier 2026.

3. Cette échéance concerne-t-elle les marques déposées après le Brexit ?

Non. L’échéance du 31 décembre 2025 ne vise que les marques « clonées », c’est-à-dire celles créées automatiquement par l’UKIPO à partir de marques de l’Union européenne enregistrées au plus tard le 31 décembre 2020, ainsi que des désignations internationales désignant l’UE à cette même date. Les marques déposées directement au Royaume-Uni après le Brexit suivent un régime national classique, sans lien avec les anciennes marques européennes et sans période de grâce transitoire : elles sont soumises aux règles britanniques ordinaires de dépôt, d’exploitation et de déchéance.

4. Quelle est l’étendue territoriale des marques clonées ?

Les marques clonées britanniques confèrent une protection sur l’ensemble du territoire du Royaume-Uni, c’est-à-dire l’Angleterre, l’Écosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord.

Dans certains cas, cette protection peut également s’étendre à Gibraltar, conformément aux dispositions du droit britannique en vigueur.

Elles demeurent toutefois entièrement distinctes des marques de l’Union européenne, lesquelles couvrent uniquement le territoire des 27 États membres. Ainsi, depuis le Brexit, aucun droit ne se chevauche entre une marque de l’Union européenne et une marque clonée britannique : chaque titre doit être géré, renouvelé et exploité séparément.

5. Que faire si l’entreprise n’a plus de marché ou d’activité réelle au Royaume-Uni ?

Il peut être opportun de ne pas renouveler la marque clonée, ou de limiter le libellé, pour éviter de payer des taxes pour un actif non utilisé. Une stratégie de désengagement contrôlé peut être plus rationnelle.