Droit d’auteur

Comment protéger les recettes de cuisine ? Droit d’auteur ou Savoir-faire ?

 

Si la protection d’une recette de cuisine est rarement reconnue, elle n’est toutefois pas impossible. Une recette est généralement composée d’une liste d’ingrédients, suivie d’instructions de préparation. Il peut néanmoins en résulter un plat original. Son auteur peut dès lors ressentir une frustration du fait de la reproduction de son œuvre, sur différents types de supports, sans son avis ni mention de son identité, cependant les recours et fondements juridiques restent limités.

En droit français, pour qu’une création culinaire puisse se voir protéger par le code de la Propriété Intellectuelle, il faudrait qu’elle soit en mesure de satisfaire aux trois critères découlant des dispositions relatives au droit d’auteur. Elle devrait ainsi être une « œuvre de l’esprit », être matérialisée et porter « l’empreinte de la personnalité de son auteur », selon la terminologie consacrée par la jurisprudence (critère de l’originalité).

La doctrine moderne ne reconnait pas de protection aux recettes de cuisine que ce soit au niveau du copyright anglo-saxon, ou au titre du droit d’auteur des pays civilistes. Toutefois, la jurisprudence n’a pas toujours été constante sur ce point.

Déjà à l’occasion d’un rendu par le TGI de Paris en 1974[1], il avait été précisé que « si les recettes de cuisine peuvent être protégées dans leur expression littéraire, elles ne constituent pas en elles-mêmes une œuvre de l’esprit ; elles s’analysent en effet en une succession d’instructions, une méthode ; il s’agit d’un savoir-faire, lequel n’est pas protégeable ». La jurisprudence ne rejette pas définitivement la protection d’une recette de cuisine par le droit d’auteur. En effet, elle considère qu’une recette procède en théorie d’un savoir-faire. Elle ne peut dès lors, au même titre qu’une idée ou un mode d’emploi, prétendre à une protection par le droit d’auteur puisque la condition de fixation sur un support matériel et la condition d’originalité font défaut. Cependant, reste offerte la possibilité de protéger une recette de cuisine qui se démarquerait des autres. Quelques procédés pourraient permettre à des recettes d’obtenir une protection légale : la présence d’illustrations originales, une narration créative, l’allusion à une musique spécifique, une suggestion de présentation du plat réalisé, la recommandation d’un vin pour l’accompagner, le récit de l’origine de la recette, ou encore l’évocation de souvenirs associés à celle-ci.

Tous ces éléments peuvent être protégés par le Copyright ou droit d’auteur, même si la recette en elle-même ne peut prétendre à une telle protection. Ainsi, chaque copie d’une recette améliorée de cette manière devra spécifier le copyright en affichant le signe ©, ainsi que les informations qui l’accompagnent ((date de publication) (nom de l’auteur)), bien que ces mentions ne soient pas une condition nécessaire à la protection par le copyright.

Cependant, le copyright n’interdira à personne la réalisation de la recette, ni la prise de photo des diverses étapes ou du plat final, ni même la description de la recette dans des termes et expressions différentes.

Par ailleurs, s’il est possible de donner un nom à la création culinaire et de la protéger par un dépôt de marque, cela ne permet pas de protéger la création culinaire ou la recette en elle-même.

Aujourd’hui, force est de constater que la protection de la création culinaire est très faible : aucun droit de propriété intellectuelle ne permet d’apporter une protection claire et équivoque à l’œuvre culinaire, sous quelque forme qu’elle se présente.

Or, si les droits de propriété intellectuelle sont inefficaces, existe-il d’autres moyens juridiques ? En considérant une recette comme un savoir-faire, elle pourrait être protégeable par le secret de fabrique : de grandes marques comme Coca-Cola ou Kinder ont recours à cette technique pour garder leur recette secrète. Une recette secrète sera protégée du vol et donc de la reproduction. Cela implique toutefois de limiter l’accès à la recette à certaines personnes qui seront tenues d’une obligation de confidentialité ou auront au préalable signé un accord de non-divulgation. Par ailleurs, il sera prudent de préciser sur chaque copie de la recette qu’il s’agit d’un « Secret de fabrication. Interdit à la publication. Tous droits réservés ». Cependant, la protection tiendrait à des accords de confidentialité dont l’efficacité ne tient qu’à la bonne-foi de l’autre partie.

Ainsi, pour Jérôme Banctel, chef consultant du Groupe Mama Shelter, le moyen aujourd’hui le plus simple de protéger sa création serait justement de la publier : « Si on a une superbe idée, on s’empresse de la diffuser pour ne pas se la faire copier. On l’immortalise en divulguant l’information au maximum[2] ».

La protection par le droit d’auteur ou le savoir-faire est allouée au cas par cas. N’oubliez pas qu’une pincée d’originalité vous aidera à l’obtenir plus facilement !

[1] TGI Paris, 10 juil. 1974

[2] http://www.slate.fr/story/64233/recette-cuisine-propriete-intellectuelle

Read More

Photographie de nuit de la Tour Eiffel : éclairage protégé par le droit d’auteur ?

mesurerLa Tour Eiffel attire de nombreux touristes chaque année, étant le monument payant le plus visité au monde. A l’ère du numérique, il est de plus en plus facile pour chaque touriste d’immortaliser la Tour Eiffel et de publier les photos sur son compte Facebook ou Instagram. La question qui arrive à l’esprit, et qui a fait couler beaucoup d’encre, est de savoir si les photos de la Tour Eiffel peuvent être librement publiées ou si une atteinte aux droits d’auteur est caractérisée.

En tant qu’œuvre architecturale, la tour est dans le domaine public depuis 1990. Ainsi, en théorie, toute personne est libre d’utiliser à des fins personnelles ou commerciales une photo de la Tour Eiffel. La question est devenue plus compliquée une fois que la tour a été éclairée pendant la nuit.

La Société d’Exploitation de la Tour Eiffel (SETE) annonce sur son site web que les différents éclairages sont soumis à des droits d’auteur. Ainsi, toute image de nuit de la Tour Eiffel doit faire l’objet d’une demande préalable auprès de la SETE.

L’originalité des éclairages n’est plus remise en cause depuis longtemps. La Cour d’Appel de Paris l’a confirmé dans un arrêt du 11 juin 1990. La Cour a retenu que la composition de jeux de lumière destinés à révéler et à souligner les lignes et les formes du monument constituait une « création visuelle » originale.

Pourtant, lors de la transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil, dite Infosoc,  la France a eu l’occasion de reconnaître une exception au droit d’auteur sur les œuvres architecturales placées dans des lieux publiques. La directive prévoit cette exception, mais elle est optionnelle, ce qui  laisse aux Etats membres de l’Union européenne le choix de transposer ou non la clause dans leur droit national. Aux côtés de la Belgique et de l’Italie, la France a choisi de ne pas autoriser les utilisations à des fins privées des images des œuvres architecturales.

En conclusion, les photographies de la Tour Eiffel prises pendant la journée sont libres de tout droit de propriété intellectuelle, alors que celles prises de nuit nécessitent l’autorisation de la SETE.

Read More

France : nouveaux aménagements dans le domaine de la Propriété Littéraire et Artistique et du patrimoine culturel

AnticiperLe 20 février 2015, le Parlement français a adopté la Loi N° 2015-195 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.

Cette loi organise en réalité la transposition de trois directives communautaires dans les domaines du droit d’auteur, droits voisins et du patrimoine culturel.

Ces transpositions représentent un grand pas en avant pour la protection de certains droits voisins et des œuvres orphelines, et renforcent la coopération européenne pour la restitution des biens culturels.

Trois directives communautaires ont donc été transposées via cette Loi N° 2015-185 :

  • La Directive 2006/116/CE du 27 septembre 2011, prolongeant la durée de protection des droits voisins pour les artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes.
  • La Directive 2012/28/UE du 25 octobre 2012 instaurant un nouveau régime juridique des œuvres orphelines
  • La Directive 2014/60/UE du 15 mai 2014 organisant une coopération interétatique pour la restitution des biens culturels.
  1. Directive 2006/116/CE: prolongement de la durée de protection des droits voisins.

La loi du 20 février 2015 a modifié l’article L.211-4 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), allongeant la durée de protection des droits voisins sur celle des droits d’auteur au bénéfice des compositions musicales comportant des paroles et fixées dans un phonogramme.

Les artistes-interprètes et producteurs concernés voient alors la protection de leurs droits patrimoniaux passer de 50 ans à 70 ans à compter du 1er janvier de l’année suivant la première communication de l’interprétation au public.

Toutefois, la durée de protection pour les artistes-interprètes et producteurs de vidéogrammes sera toujours de 50 ans.

La loi ajoute également des nouveaux articles dans le CPI (L.212-3-1 à L.212-3-4) accordant aux artistes-interprètes le droit de résilier tout contrat d’engagement avec un producteur dès lors que ce dernier n’assure pas une diffusion suffisante de l’œuvre interprétée.

Ces nouveaux articles du CPI offre un environnement juridique plus favorable pour l’exploitation des droits des artistes-interprètes de phonogrammes.

L’extension de protection de 20 ans est accompagnée de l’introduction d’une nouvelle rémunération annuelle pour ces artistes payés sur la base d’un montant forfaitaire par les producteurs de phonogrammes en contrepartie de la cession de leurs droits.

Le nouveau droit de résiliation des contrats d’engagement leur offre également une porte de sortie dans les cas où leur exécution leur serait préjudiciable.

Ces nouvelles garanties vont probablement attirer de nouveaux artistes-interprètes et producteurs sur le territoire français, où rappelons-le, s’applique l’un des régimes les plus protecteurs au monde en la matière.

  1. Directive 2012/28/UE: nouveau régime juridique des œuvres orphelines.

La loi du 20 février 2015 a introduit un nouveau chapitre dans le CPI autorisant les librairies, musées, services d’archives, institutions dépositaires du patrimoine cinématographique ou sonore  et aux établissements d’enseignement, de rendre accessible au public les œuvres considérées comme « orphelines ». Sont désignées comme telles les œuvres dont l’auteur ne peut pas raisonnablement être identifié et localisé malgré des recherches poussées.

Cet amendement représente une avancée législative considérable compte tenu des problématiques juridiques rencontrées jusque là en matière d’œuvres orphelines.

  1. Directive 2014/60/UE: la restitution organisée des biens culturels.

 Enfin, la loi du 20 février 2015 a intégré de nouvelles dispositions dans le Code du Patrimoine garantissant la restitution des biens culturels. Cette disposition concerne les biens considérés comme des trésors nationaux, et présentant un intérêt majeur pour le patrimoine national sur le plan historique, artistique ou archéologique, et qui auraient été illicitement sortis de leur territoire national après le 31 décembre 1992.

Cette nouvelle procédure facilite grandement la restitution de ces trésors et contribue au renforcement de la coopération culturelle au niveau européen.

Read More

France : Jean Nouvel poursuit la Philharmonie de Paris pour violation de ses droits moraux

 

Si l’art et le droit sont deux univers en apparence opposés, ils sont en réalité intimement liés car les artistes, de manière générale, sont tous très attachés à la reconnaissance et au respect de leurs œuvres. Juridiquement, les droits d’auteur constituent à ce jour l’outil le plus efficace pour garantir aux auteurs le respect de leurs œuvres. Ces droits d’auteurs sont formés de droits patrimoniaux et de droits moraux. Si les droits patrimoniaux sont couramment cédés à des éditeurs, producteurs et autres professionnels, les droits moraux appartiennent quant à eux ad vitam aeternam à son auteur, ensuite à ses héritiers. En effet selon l’article L. 121-1 al. 2 du Code de la Propriété Intellectuelle le droit moral est perpétuel, imprescriptible et inaliénable.

Récemment l’architecte Jean Nouvel, auteur de l’établissement culturel de la Philharmonie de Paris, a justement considéré, qu’en raison de travaux apparemment mal entrepris, ses droits moraux sur l’œuvre n’auraient pas été respectés. Après une tribune au Monde relatant ses déceptions quant au projet dont l’ouverture au public semblait prématurée, il a donc décidé de poursuivre la Philharmonie de Paris pour que le rendu final corresponde fidèlement à sa vision d’origine. Son avocate précise ainsi qu’il demande à la cour que soit ordonné des « travaux modificatifs » à l’ouvrage pour que les vingt-six « non-conformités » par rapport au dessin initial soient corrigées. L’architecte ne réclame par ailleurs pas d’indemnisation, ce qui renforce le caractère symbolique du droit moral.

Alors que le complexe destiné à la musique est ouvert depuis le 14 janvier, son chantier n’est en effet pas terminé. Jean Nouvel avait lui-même affirmé que « le bâtiment a été ouvert dans un planning ne permettant pas de respecter les exigences architecturales et techniques ». Suite aux problèmes financiers conséquents d’un projet financé à 100% par l’argent public, l’architecte avait alors également ajouté que l’architecture du bâtiment est « martyrisée, les détails sabotés, les contribuables auront donc à payer, une fois encore, pour corriger ces aberrations décisionnelles ». Par conséquent l’architecte a souhaité faire valoir son droit moral, notamment le droit au respect de son œuvre.

Sur ce sujet, la cour de cassation a déjà apporté plusieurs éléments d’appréciation aux juges du fond, dans plusieurs affaires relatives aux droits moraux sur des œuvres architecturales. En effet, dans un arrêt du 11 juin 2009, elle énonce qu’il « appartenait [à la Cour d’appel] de rechercher si par leur nature et leur importance les modifications réalisées avaient ou non excédé ce qui était strictement nécessaire et étaient ou non disproportionnées au but poursuivi par le propriétaire ». Cette position est donc restée inchangée puisqu’un arrêt du 7 janvier 1992 affirmait déjà que la « vocation utilitaire du bâtiment commandé à un architecte interdit à celui-ci de prétendre imposer une intangibilité absolue de son œuvre, à laquelle son propriétaire est en droit d’apporter des modifications lorsque se révèle la nécessité de l’adapter à des besoins nouveaux ; qu’il appartient néanmoins à l’autorité judiciaire d’apprécier si ces altérations de l’œuvre architecturale sont légitimées, eu égard à leur nature et à leur importance, par les circonstances qui ont contraint le propriétaire à y procéder ».

Les juges du fond du Tribunal de Grande Instance de Paris, qui s’appuieront probablement sur ces jurisprudences, auront donc à fixer le sort de la Philharmonie de Paris dont la conception avait été attribuée en 2007 à Jean Nouvel.

Read More

France : entrée en vigueur du contrat d’édition numérique

Alors que des livres numériques et des tablettes se vendent par milliers depuis quelques années, le Code de la Propriété Intellectuelle français (CPI) vient récemment de s’adapter à ces évolutions technologiques en intégrant des dispositions spécifiques à l’édition sous « forme numérique ». Ces changements ont été demandés et encouragés par les écrivains et le Syndicat de l’édition qui, au travers d’un accord-cadre du 21 mars 2013 relatif au livre numérique, exposaient leurs souhaits de faire apparaître cette nouvelle forme d’exploitation.

L’ordonnance du 12 novembre 2014 ajoute et modifie donc des articles du CPI pour y incorporer le contrat d’édition numérique. Par exemple, l’article L. 132-1 du CPI relatif à la définition du contrat d’édition est désormais rédigé ainsi « Le contrat d’édition est le contrat par lequel l’auteur d’une œuvre de l’esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l’œuvre ou de la réaliser ou faire réaliser sous une forme numérique ». La référence à la réalisation de l’œuvre sous une forme numérique a été rajoutée à de nombreuses reprises pour le chapitre consacré au contrat d’édition, chaque fois que nécessaire.

Hormis ces modifications, il convient de remarquer que deux sous-sections ont été créées pour redonner de la clarté à l’ossature de ce chapitre. L’une s’intitulant « Dispositions générales » avec des références à la forme numérique, l’autre intitulée « Dispositions particulières applicables à l’édition d’un livre » où sont mis en exergue les différences de régime entre les deux formes d’exploitation ainsi que les questions de rémunération de l’auteur. A ce propos, on notera que la cession des droits numériques devra par exemple faire l’objet d’une partie distincte du contrat. De la même manière, la résiliation de la cession des droits sous une forme imprimée n’affectera pas celle des droits numériques, et réciproquement. Ainsi les exploitations, sur papier ou sur support numérique, sont clairement distinguées. Enfin, en dehors des aspects numériques, de nouvelles dispositions abordent également la forme de la reddition des comptes due par l’éditeur à l’auteur ainsi que les voies ouvertes à l’auteur en cas de non-respect de cette obligation, ou encore la possibilité pour l’une des parties de mettre fin au contrat en cas de constat d’un défaut durable d’activité économique dans l’exploitation de l’œuvre.

Désormais, la notion de contrat d’édition couvre l’édition des exemplaires physiques de l’œuvre et la réalisation de celle-ci sous une forme numérique. Ce changement était très attendu. Il constitue une avancée et procure une sécurité juridique à l’ère du numérique, en conformité avec la jurisprudence.

Read More

Union européenne : licéité d’une vidéo YouTube intégrée sur un site tiers (framing)

Les Etats membres de l’Union européenne sont particulièrement attachés à la protection conférée par le droit d’auteur. Toutefois, l’Union européenne, fondée sur des principes d’économie de marché, s’est récemment montrée beaucoup moins protectrice. En la matière, l’ordonnance de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) du 21 octobre 2014 a abordé la question de la technique du framing. Cette technique consiste à incorporer une page web d’un site au sein d’un autre site grâce à un cadre. L’intérêt du framing est notamment de permettre d’augmenter de façon automatique le nombre de connexions.

En Allemagne, la société BestWater avait réalisé un film publicitaire qui s’était par la suite retrouvé sans son autorisation sur YouTube. La vidéo avait été reprise par deux agents commerciaux indépendants chargés de valoriser les produits d’une société concurrente. BestWater a lancé une procédure en contrefaçon exigeant la cessation de cette diffusion. Ses demandes ont été rejetées par les juridictions de fond allemandes aux motifs que l’œuvre, c’est-à-dire la vidéo, a déjà fait l’objet d’une communication au public du fait de sa première diffusion sur YouTube. Par conséquent, une nouvelle communication au public, selon le même mode technique, ne peut être qualifiée de communication auprès d’un public nouveau. BestWater a interjeté appel devant la Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof) qui s’est retrouvée confrontée à une difficulté liée à l’interprétation de la directive 2001/29 sur le droit d’auteur et les droits voisins. En effet, l’article 3§1 de ladite directive nécessite en principe l’autorisation de l’ayant droit, dès lors qu’un acte de communication est effectué auprès du public.

La Cour fédérale allemande a alors posé à la CJUE la question préjudicielle suivante : « Le fait que l’œuvre d’un tiers mise à la disposition du public sur un site Internet soit insérée sur un autre site Internet dans des conditions telles que celles en cause au principal peut-il être qualifié de ‘communication au public’, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, même lorsque l’œuvre en question n’est ni transmise à un public nouveau ni communiquée suivant un mode technique spécifique différent de celui de la communication d’origine ? ». En clair, que se passe-t-il quand ladite vidéo est intégrée, ou « embedée », sur un site tiers ? Le critère du « public nouveau » est-il vérifié et faut-il une nouvelle autorisation de l’ayant droit ?

Pour trancher cette question, la CJUE s’est inspirée de l’arrêt Svensson du 13 février 2014 sur les liens Internet. Elle considère que les vidéos « embedées » ne peuvent être qualifiées de « communication au public, (…) dans la mesure où l’œuvre en cause n’est ni transmise à un public nouveau ni communiquée suivant un mode technique spécifique, différent de celui de la communication d’origine ». Ainsi, si le titulaire de droit a initialement autorisé la mise en ligne sur YouTube, il ne peut interdire l’intégration ou l’« embeding » sur des sites tiers. A contrario, une solution inverse aurait mis en responsabilité l’ensemble des utilisateurs de Facebook qui partagent des vidéos avec leurs « amis ». Soit une belle pagaille judiciaire ! En outre, d’un autre point de vue, la technique du framing permettrait ainsi de s’approprier l’œuvre d’un tiers tout en évitant de tomber dans le champ d’application des dispositions relatives au droit de reproduction. On peut également se poser la question du caractère loyal de cette technique.

Ainsi, cette solution concernant le framing est venue conforter la jurisprudence de la Cour de justice déjà bien établie en matière de liens hypertextes.

Read More

Enregistrement de marque : les avantages pour défendre ses droits à l’ère de l’Internet

Dreyfus, expert des nouvelles technologies
Dreyfus, expert des nouvelles technologies

Pendant longtemps, l’activité dans le monde réel et sur l’Internet était bien séparée. Aujourd’hui, les deux mondes tendent à se rejoindre et aussi paradoxale que cela puisse apparaître, le droit de marque est fort utile pour se défendre sur l’Internet.

Les raisons pour lesquelles l’enregistrement de marque devient une nécessité se multiplient face au phénomène du cybersquatting. Ainsi, les titulaires de marques enregistrées bénéficient des nouveaux avantages dans le cadre de la défense de leurs droits sur l’Internet.

Tout d’abord, il est devenu de plus en plus important de protéger sa marque sur les réseaux sociaux. Depuis 2009, Facebook donne la possibilité à ses membres de créer des noms d’utilisateurs, facilement accessibles, mais qui peuvent inclure des marques. Avant 2009, Facebook laissait une courte période aux titulaires des marques enregistrées afin d’identifier leurs marques et éviter leur utilisation par d’autres membres.

La plupart des réseaux sociaux enregistrent les noms des utilisateurs suivant le principe du « premier arrivé, premier servi ». Afin de défendre ses droits, il est préférable d’être titulaire d’une marque enregistrée afin de signaler une violation à des droits de marque, selon les conditions générales d’utilisation des réseaux sociaux.

Deuxièmement, la présence d’une marque sur Internet impose aussi sa protection dans le référencement sur les moteurs de recherche et notamment le référencement payant. A travers le système d’AdWords, Google permet aux annonceurs de sélectionner des mots-clés, afin que leurs annonces publicitaires s’affichent aux internautes suite à la saisie de ces mots dans la recherche. Des conflits apparaissent quand les annonceurs achètent des mots clés contenant des marques, mais sans avoir des droits sur celles-ci.

Détenir un droit de marque devient alors également extrêmement utile dans la lutte contre des pratiques déloyales.

Troisièmement, la multiplication des nouvelles extensions de noms de domaine gTLDs doit aussi attirer l’attention des titulaires des marques. A ce jour, plus de 300 nouveaux gTLDs ont été délégués, et progressivement encore des centaines vont suivre. Face aux risques de conflits avec les marques protégés, un nouvel outil est mis à la disposition des titulaires des droits de marque : la Trademark Clearinghouse. Il s’agit d’une base de données déclarative centralisée de marques enregistrées. Une fois la marque inscrite, le titulaire bénéficie de la période des enregistrements prioritaires pour les nouveaux gTLDs – Sunrise Period – et est averti lorsqu’un tiers souhaite enregistrer un nom de domaine identique ou similaire à sa marque. Le réservataire du nom de domaine litigieux est également informé qu’il peut porter atteinte à des droits de marque.

Enfin, si un nom de domaine reproduisant ou contenant une marque est enregistré, le titulaire de droits de marque a la possibilité d’agir contre les cybersquatteurs utilisant les procédures extrajudiciaires dédiées telles que l’Uniform Rapid Suspension(URS) et l’Uniform Domain Resolution Policy (UDRP). Ces procédures dédiées ne sont ouvertes qu’aux titulaires de marque.

Read More

Production « quasi industrielle » d’œuvres contrefaites d’Auguste Rodin

MesurerSi on peut certes librement reproduire une œuvre tombée dans le domaine public, à l’instar du Penseur d’Auguste Rodin, il est impératif que cette reproduction s’exerce dans le respect du droit moral de l’auteur. Ce dernier est en effet « perpétuel, inaliénable et imprescriptible », conformément à l’article L. 121-1 du Code de la Propriété Intellectuelle.

A ce propos, s’ouvre actuellement l’un des plus importants procès français en contrefaçon de ces dernières années devant le Tribunal correctionnel  de Paris. Les bases de l’action sont la contrefaçon et la publicité mensongère pour vente de plusieurs copies de sculptures de Rodin passées depuis dans le domaine public. Le jugement a été mis en délibéré au 20 novembre. Cette décision est particulièrement attendue dans le milieu de l’art en matière de défense du droit moral. Les droits moraux sont transmissibles à cause de mort aux héritiers de l’auteur, ou conféré à un tiers. Rodin avait à ce titre fait don de toutes ses œuvres au gouvernement français, et plus précisément au musée Rodin désormais titulaire des droits moraux sur ces œuvres par décret du 2 février 1993. C’est en cette qualité que le musée a exercé ses droits et porté plainte.

Gary Snell, homme d’affaires américain, avait acheté des moulages en plâtre de sculptures de Rodin à des marchands, dont le Penseur ou l’Age d’airain en différents formats. Il avait alors produit un nombre important de copies en série. En effet, selon un expert judiciaire nommé dans cette affaire, ce serait plus de 1 700 exemplaires qui auraient été vendus, d’où la qualification de production « quasi industrielle » par le procureur.

En outre, le droit au respect du nom de l’auteur n’aurait pas été respecté puisque certaines des reproductions arboraient une signature « Rodin », et parfois même la marque de la fonderie utilisée par Rodin, la fonderie Rudier, en lieu et place de la marque de la fonderie italienne qui fabriquaient pourtant ces copies. Or selon l’article 8 de l’arrêté du 3 mars 1981 sur la prévention de la fraude dans les transactions d’art et objets de collection « toute reproduction, moulage, copie ou autre reproduction d’une œuvre d’art ou un objet de collection doivent être désignés comme tels ». Ainsi, si la loi française n’empêche pas de reproduire des œuvres de Rodin, il est impératif qu’elles soient clairement identifiées comme telles, afin que le client acquéreur ait conscience de la faible valeur de l’œuvre, ce qui en l’espèce semble avoir fait défaut. De même, il a été précisé que certaines des copies étant si mal reproduites, elles constituaient en elles-mêmes une violation du droit moral de Rodin au respect de ses œuvres, ce qui trahissait d’autant plus la vision de l’artiste. Par conséquent le procureur a établi que ces reproductions devaient être considérées comme des contrefaçons au sens du droit français.

Enfin, l’argument plaidé par l’accusé, par lequel la loi française ne s’appliquerait pas puisque les reproductions « n’ont jamais été proposées ou vendues en France », selon les dires de son avocat, s’avère peu recevable dans la mesure où la publicité des copies a été établie sur un site accessible en France au moment des faits.

En définitive, une amende de 150 000 euros a été requise à l’encontre de la société Gruppo Mondiale, basée au Lichtenstein et géré de fait par Gary Snell, accusée d’avoir exposé ou vendu une production « quasi industrielle » d’œuvres contrefaites de Rodin en les présentant comme des originaux. Par ailleurs, le procureur a aussi réclamé une peine de 8 mois de prison avec sursis et 30 000 euros d’amende à l’encontre de l’homme d’affaire. Affaire à suivre !

Read More

Usage sérieux de la marque : Specsavers vs Asda saga

Dans le contexte dynamique des affaires, l’enregistrement de marque est devenu une nécessité incontestable. Pourtant, être titulaire d’une marque ne suffit pas pour se défendre, encore faut-il exploiter sous peine de perte de droits.

La question de l’usage sérieux de la marque dans la vie des affaires s’est posée devant le juge anglais et la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) à l’occasion d’une bataille entre Specsavers et Asda qui dure depuis cinq ans. Specsavers a enregistré les deux signes représentés ci-dessous, mais a développé sa campagne publicitaire autour de la marque au logo ombré.

specsavers
Dans les faits, en octobre 2009, Asda a lancé une campagne publicitaire pour des produits d’optique ciblant le groupe Specsavers utilisant des logos similaires de ce dernier. Le groupe Specsavers a introduit devant la High Court of Justice of England and Wales une action contre Asda pour contrefaçon de la marque verbale, mais aussi des marques figuratives. La Hight Court of Justice n’a pas retenu la contrefaçon, mais a prononcé la déchéance de la marque au logo en noir pour non-usage. Specsavers a interjeté appel, occasion pour le juge britannique de poser des questions préjudicielles posées à la CJUE (affaire C‑252/12).

Est-ce que la condition d’usage sérieux d’une marque communautaire est satisfaite lorsqu’une marque communautaire figurative n’est utilisée que conjointement avec une marque communautaire verbale qui lui est apposée ?

La CJUE a répondu que  la condition d’«usage sérieux » peut être satisfaite même si la marque communautaire figurative n’est utilisée qu’en combinaison avec une marque communautaire verbale qui lui est apposée. Toutefois, le caractère distinctif de ladite marque telle qu’enregistrée ne doit pas être altéré.

Ainsi, l’affaire est revenue devant la Cour d’appel anglaise. En application des indications fournies par la CJUE, le juge britannique se pose la question de savoir si la marque noire sans logo utilisée en tant que partie composante de la marque en couleurs, est perçue par le consommateur moyen comme une indication d’origine des produits et des services.

Tout d’abord, le juge n’est pas persuadé que l’usage de la marque en couleurs avec le terme « Specsavers»  constitue un argument solide pour justifier un usage sérieux de la marque en noir. Pourtant, l’appréciation doit être faite par rapport à tous les usages et à la perception du consommateur moyen.

Le juge d’appel a commencé par reconnaître l’usage extensif de la marque au logo ombré et qu’aucun des logos des concurrents principaux n’était similaire aux logos Specsavers. Les preuves apportées ont démontré aussi qu’Asda était au courant de l’association faite par les consommateurs moyens entre les figures ovales superposées et Specsavers. En plus, il a été prouvé que les consommateurs identifiaient de loin les deux figures ovales comme appartenant à Specsavers. Cette identification a permis au juge de retenir l’usage sérieux de la marque sans logo, enregistrée sans limitation de couleur. Ainsi, Specsavers a réussi conserver la validité de sa marque figurative.

Pourtant, le juge britannique essaye de limiter les conséquences de cette décision et rappelle que chaque affaire sera étudiée par rapport à ces faits particuliers. Ce précédent n’est pas sans risque, puisqu’il ouvre la voie aux demandes d’enregistrement portant sur des figures communes, mais similaires aux marques enregistrées.

A suivre

Read More

Le gouvernement américain aurait balayé les droits de l’inventrice de l’internet moderne

s-business-dreyfus-7Dorothy Hartman, professeur de sciences à la retraite et dirigeante d’une PME, prétend que le gouvernement américain a subtilisé ses contributions à l’« Internet 2.0 » par le biais de programmes pour le soutien des entreprises innovantes et de la National Science Foundation (Fondation nationale pour la science). Selon Hartman, l’Office américain des brevets et des marques (USPTO) lui aurait frauduleusement refusé l’enregistrement d’un brevet, décision qu’elle aurait combattu devant la Cour Suprême Fédérale. L’internet 2.0, qui a révolutionné le commerce mondial, est à lui seul évalué à plusieurs milliards de dollars. Si l’affaire n’est pas gagnée d’avance, elle vaut pourtant la peine de lutter, d’autant que l’entreprise actuelle de Hartman est loin de prospérer.

 

Pour schématiser sans rentrer dans des considérations techniques, la différence entre l’Internet 1.0 et l’Internet 2.0 peut se résumer à celle entre une ligne et un cercle. Avant la démocratisation de l’Internet 2.0, on ne voyait au réseau qu’un côté utilitaire. Les sites web, créés par des webmestres, étaient visités par des internautes en quête d’information. La navigation était donc verticale entre les deux acteurs : le site et l’internaute. L’Internet 2.0 est celui des réseaux sociaux, du contenu créé par les utilisateurs, des transactions commerciales et des interactions virtuelles entre plusieurs personnes, révélant un degré de complexité évidemment bien supérieur. Les échanges, le contenu posté, font de l’internet 2.0 un cercle d’informations. Selon Dorothy Hartman, seule sa connaissance approfondie de l’internet a pu mener à de telles transformations dont le succès n’est plus à démontrer.

 

Pendant 24 ans pourtant, son message n’a pas été entendu. Agée de 46 ans à l’époque, Hartman avait soumis un projet au gouvernement américain en vue d’obtenir des fonds pour créer une société spécialisée dans les prototypes de services de télécommunication. Mais son idée n’a pas été retenue par le gouvernement, et Hartman prétend qu’elle lui a été volée pour enrichir l’internet 1.0 et les acteurs de l’industrie du web. Face au pouvoir du gouvernement et des multinationales de l’internet, le combat pour la reconnaissance de ses droits de propriété intellectuelle s’est révélé particulièrement ardu pour Hartman.

 

Celle-ci rejette les arguments de la Cour fédérale d’appel pour plusieurs raisons :

 

  • La Cour ne fait pas la différence entre l’internet 1.0 et l’internet 2.0, alors que la différence est claire et précise ;
  • La Cour ne reconnait pas le prétendu refus frauduleux de l’USPTO ;
  • Le caractère indéterminé de la différence entre l’Internet 1.0 et l’internet 2.0 a mal été argumenté par l’USPTO.

 

Malgré l’âge, Hartman indique qu’elle continuera à se battre pour obtenir réparation et pour que soient reconnus ses droits sur une invention qui a sans aucun doute révolutionné le monde. De nombreux médias se sont emparés de l’affaire et décrivent l’injustice dont Hartman fait l’objet, liée selon eux à la couleur de peau de la femme, dans un secteur très largement dominé par des hommes. Indépendamment de cela, il est clair que l’inventeur du web 2.0 mérite d’être félicité pour avoir créé l’une des plus grandes inventions du XXème siècle.

Read More

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (0) in /home/dreyfus/public_html/wp/wp-includes/functions.php on line 5471

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (0) in /home/dreyfus/public_html/app/plugins/cookie-law-info/legacy/public/modules/script-blocker/script-blocker.php on line 490

Notice: ob_end_flush(): Failed to send buffer of zlib output compression (0) in /home/dreyfus/public_html/app/plugins/really-simple-ssl/class-mixed-content-fixer.php on line 107