Vers une Réforme du Cadre Légal des Faux Artistiques : Analyse et Propositions du Rapport du CSPLA

*Image générée par DALL E 3 version Microsoft

Le marché de l’art contemporain est confronté à une augmentation inquiétante de la fraude artistique, qui englobe à la fois les contrefaçons et les faux[1].

Par exemple, dans le scandale Spies-Ernst, une peinture vendue comme un original de Max Ernst a ensuite été dévoilée comme un faux de Wolfgang Beltracchi, réalisé avec des matériaux qui n’étaient pas disponibles à l’époque d’Ernst.

Cet incident met en évidence les techniques sophistiquées employées par les faussaires modernes et les défis importants auxquels sont confrontés les experts pour authentifier les œuvres d’art.

En réponse, le rapport du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA)[2] met en évidence les insuffisances des statuts juridiques français existants pour lutter contre ces pratiques illégales, notamment la loi du 9 février 1895.

Cet examen montre qu’il est urgent de réformer le cadre juridique pour renforcer la protection des œuvres d’art et de leurs créateurs.

Contexte Légal Actuel

La loi Bardoux de 1895 constitue une mesure juridique fondamentale pour lutter contre la fraude artistique en France. Cependant, son efficacité est de plus en plus remise en cause par les avancées technologiques et les nouvelles techniques de fraude, notamment la reproduction exacte d’œuvres d’art. Ces activités, bien qu’elles n’enfreignent pas directement les lois sur le droit d’auteur, compromettent considérablement l’intégrité du marché de l’art.

Propositions de Réforme :

  • Vers la création de l’infraction de « fraude artistique » ?

Ce rapport évalue la proposition de loi adoptée par le Sénat le 16 mars 2023, qui vise à moderniser le cadre juridique contre la fraude artistique. Cette proposition de réforme vise à élargir la définition de la  » fraude artistique  » à toutes les formes de reproduction illicite, à alourdir les sanctions pénales et à créer un volet répressif plus dissuasif.

Actuellement, les dispositions générales du Code pénal et du Code de la consommation, qui couvrent la fraude et la tromperie, ne permettent pas de lutter efficacement contre la falsification d’œuvres d’art. Ces lois manquent de spécificité en ce qui concerne la fraude dans le domaine de l’art, ce qui entraîne une ambiguïté juridique et un large éventail d’interprétations. Ce manque de clarté et l’effet dissuasif insuffisant des sanctions existantes ont permis aux contrefacteurs et à leurs collaborateurs d’échapper plus facilement à de graves répercussions. Par conséquent, les résultats des actions en justice intentées contre ces individus sont souvent jugés insuffisants, ce qui souligne la nécessité de mesures plus ciblées et plus strictes.

  • La responsabilité civile de l’auteur d’une fraude artistique ?

La principale recommandation de la mission est de mettre en place des amendes adaptées à la capacité financière du fraudeur et à la gravité de l’infraction. En outre, elle préconise de qualifier la fraude artistique organisée de délit, justifiant des procédures pénales spécialisées. De plus, la proposition suggère de permettre à des associations spécifiques de participer en tant que parties civiles à des actions en justice concernant ces infractions, afin de renforcer l’application de la loi et la réponse juridique à la fraude artistique.

Le droit civil peut également être utile contre la contrefaçon artistique, mais il est limité à certains aspects du litige.

Par exemple, le droit des contrats permet l’annulation des ventes si la nature de l’œuvre a été dénaturée, ce qui permet de traiter les conséquences plutôt que de sanctionner directement la contrefaçon. Pour renforcer cette approche, la Mission suggère d’ajouter une dimension civile au cadre pénal existant. Cet ajout permettrait aux victimes de fraude artistique de demander réparation de leur préjudice, offrant ainsi un recours plus complet aux personnes affectées par cette fraude.

Il est recommandé d’ajouter au Code du patrimoine une disposition précisant que toute « fraude artistique engage la responsabilité civile de son auteur », établissant ainsi clairement la possibilité de poursuites civiles pour les cas décrits dans l’article L. 112-28, avec la condition que l’intention frauduleuse soit démontrée.

Adaptation aux Nouvelles Technologies

L’un des points clés du rapport est d’adapter la législation aux défis posés par les technologies numériques. Les progrès de l’intelligence artificielle et la multiplication des plateformes en ligne facilitent la prolifération des faux, les rendant plus difficiles à détecter et à combattre.

Le rapport propose d’inclure des mesures spécifiques pour faire face à l’impact des nouvelles technologies sur le marché de l’art :

  1. Impact de l’intelligence artificielle (IA) : la mission propose un devoir de transparence pour les applications de l’IA dans la création artistique, suggérant que la réglementation impose une divulgation claire de l’utilisation de l’IA à la fois dans les phases de création et de distribution des œuvres d’art.
  2. Réseaux numériques : La mission recommande d’encourager les normes non contraignantes pour que les plateformes en ligne coopèrent avec les titulaires de droits, notamment en mettant en place des mécanismes de signalement des œuvres d’art contrefaites. Elle suggère également des mesures juridiques permettant aux juges d’ordonner des actions préventives contre la diffusion en ligne d’œuvres d’art frauduleuses.
  3. Jetons non fongibles (NFT) : la mission propose d’appliquer les lois existantes à la fraude artistique liée aux NFT tout en recommandant le développement de mécanismes de certification avant la frappe[3] des NFT afin de renforcer la fiabilité et la confiance dans les transactions d’art numérique.

Ces recommandations visent à adapter le cadre juridique pour contrer efficacement les défis posés par les technologies numériques dans la perpétuation de la fraude artistique.

 

Conclusion et Perspectives

Le rapport du CSPLA constitue une base solide pour repenser la législation à la lumière des développements technologiques et des nouvelles formes de fraude. La mise en œuvre des recommandations renforcerait l’efficacité des mécanismes de protection et d’exécution et offrirait une plus grande sécurité juridique aux acteurs du marché de l’art.

Étant donné le besoin urgent de réformer le cadre juridique et de protéger les droits des créateurs, le cabinet Dreyfus & Associés est prêt à guider et à soutenir les parties prenantes à travers ces défis en constante évolution.

  • Haut du formulaire

Le cabinet Dreyfus &associés est en partenariat avec un réseau international d’avocats spécialisés en droit de la Propriété Intellectuelle

Donnez votre avis : Rejoignez-nous sur les réseaux sociaux !

LinkedIn

Instagram

[1] Le faux est constitutif de contrefaçon lorsqu’il reproduit l’œuvre ou des éléments originaux d’une œuvre protégée sans l’autorisation de son auteur. Au contraire, le faux intégral est une création qui n’a pas du tout été conçue par l’artiste dont le nom et la qualité ont été usurpés, quand bien même cette création serait présentée comme telle et réalisée « à la manière » ou « dans le style » de l’intéressé. – Rapport CSPLA, décembre 2023.

[2] Lire le rapport : https://www.culture.gouv.fr/Nous-connaitre/Organisation-du-ministere/Conseil-superieur-de-la-propriete-litteraire-et-artistique-CSPLA/Travaux-et-publications-du-CSPLA/Missions-du-CSPLA/Rapport-de-mission-sur-les-faux-artistiques

[3] Frapper un NFT consiste à publier votre jeton sur la blockchain pour le rendre achetable.