Avec l’essor des modèles d’intelligence artificielle à usage général (GPAI), le droit d’auteur se trouve à un tournant critique. L’Union européenne tente aujourd’hui de concilier innovation technologique et respect des droits fondamentaux des créateurs. C’est dans ce contexte qu’elle propose un Code de bonnes pratiques sur l’IA, destiné à encadrer les usages des GPAI en conformité avec le règlement européen sur l’IA (AI Act). Publiée en mars 2025, la troisième version de ce Code se veut plus opérationnelle et cherche à répondre aux critiques formulées par les titulaires de droits.

Qu’est-ce qu’un GPAI ?

Un modèle d’intelligence artificielle à usage général (GPAI) est un système d’IA conçu pour réaliser un grand nombre de tâches différentes, comme rédiger un texte, traduire une langue, analyser des documents juridiques ou encore générer des images. Il n’est pas limité à un usage précis, ce qui le rend particulièrement polyvalent.

Pour atteindre ce niveau de performance, un GPAI doit être entraîné sur d’immenses volumes de données provenant de contenu partagé en ligne sur internet (livres, articles scientifiques, forums, images ou encore de contenus audios, etc.). Cet entraînement repose sur des techniques d’apprentissage automatique qui permettent au modèle de détecter des régularités dans les données, de comprendre le langage ou encore d’imiter des styles.

Cette capacité à tirer parti de contenus très variés, souvent protégés par des droits d’auteur, soulève des questions juridiques complexes, notamment sur la licéité de l’utilisation du contenu disponible en ligne. La rédaction du Code GPAI est donc nécessaire afin d’accompagner le développement de ces technologies tout en protégeant les créateurs.

Comprendre le troisième projet du Code GPAI

Objectifs clés et architecture du texte

Le troisième projet du Code GPAI poursuit plusieurs finalités :

  • Favoriser la transparence dans le développement et l’exploitation des GPAI, via une meilleure documentation des données utilisées à des fins d’entraînement.
  • Encadrer l’usage des contenus protégés par le droit d’auteur, en incitant les développeurs à évaluer la légalité des jeux de données et à respecter les exceptions prévues par le droit de l’UE.
  • Anticiper les risques systémiques en incitant les fournisseurs à évaluer régulièrement les impacts de leurs modèles GPAI et à adopter des mesures correctives.

Le texte adopte une structure par modules, comprenant des lignes directrices générales, des formulaires de documentation, des recommandations techniques et un guide pratique pour les politiques internes de conformité.

Évolution par rapport aux précédentes versions

Ce troisième projet marque une rupture avec les versions antérieures :

  • Des engagements clarifiés et allégés, mieux adaptés pour les opérateurs.
  • Des outils standardisés, tels que les « model cards » facilitent la transparence sur les caractéristiques et fonctionnalités des modèles.
  • Une approche plus souple, avec le passage de certaines obligations du statut de devoir impératif à celui de bonne pratique recommandée.

Les défis du droit d’auteur à l’ère de l’intelligence artificielle

L’impact des modèles GPAI sur les œuvres protégées

L’entraînement des GPAI repose sur des volumes massifs de données textuelles, visuelles et sonores, dont une part significative est soumise à des droits d’auteur. Cela soulève plusieurs préoccupations majeures :

  • Utilisation non autorisée d’œuvres protégées, en l’absence de licence ou de respect des exceptions légales.
  • Production de contenus dérivés imitant des œuvres existantes, sans mention ni rétribution des auteurs.
  • Effacement de la paternité des œuvres, les modèles générant des contenus sans traçabilité de leurs sources originales.

Les zones grises juridiques

Plusieurs incertitudes juridiques persistent :

  • L’utilisation du data mining (TDM), c’est-à-dire la fouille de textes et de données, reste discutée pour les GPAI à vocation commerciale.
  • Les problèmes transfrontaliers, notamment lorsque les données sont collectées dans des pays aux législations moins protectrices.
  • L’opacité des processus d’entraînement, rendant difficile toute action en contrefaçon faute d’accès à des informations vérifiables.

Comment le troisième projet encadre les questions de droit d’auteur ?

Transparence et traçabilité des données

Le Code de pratique général sur l’IA promeut une culture de la responsabilité des développeurs :

  • Formulaires de documentation normalisés pour permettre aux développeurs de décrire les sources, la typologie des données et les justifications légales de leur utilisation.
  • Résumé des sources de données recommandé à des fins de clarté.

Engagements des fournisseurs de GPAI

Le texte adopte une approche souple mais structurée :

  • Publication d’une politique de respect du droit d’auteur : optionnelle, elle reste fortement encouragée.
  • Dialogue avec les titulaires de droits : des mécanismes de remontée d’informations (reporting channels) sont suggérés, sans obligation de réponse immédiate ni d’engagement concernant le retrait du contenu.

Réception du texte par les parties prenantes

La troisième version a suscité des réactions contrastées :

  • Le texte est jugé trop permissif concernant l’utilisation d’œuvres protégées et les titulaires de droits d’auteur redoutent une régulation de façade sans réelle force contraignante.
  • Les fournisseurs de GPAI, eux, saluent une version plus pragmatique et compatible avec leurs réalités opérationnelles, tout en appelant à davantage de sécurité juridique.

 

Conclusion

Le troisième projet du Code GPAI de l’Union européenne marque une avancée importante dans l’effort de régulation de l’intelligence artificielle, mais laisse subsister des incertitudes majeures quant à l’effectivité de la protection des droits d’auteur. Si le texte mise sur la coopération volontaire, l’absence d’obligations contraignantes pourrait en limiter l’impact réel sur les pratiques industrielles.

 

À retenir

  • Le troisième projet mise sur la transparence documentaire, mais évite d’imposer des obligations strictes.
  • Le recours aux œuvres protégées reste mal encadré, notamment pour les GPAI commerciaux.

Un équilibre reste à trouver entre innovation technologique et préservation des droits des créateurs.

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