Sommaire
Introduction
Déposer une marque aux États-Unis est un passage obligé pour toute entreprise souhaitant sécuriser sa croissance sur le premier marché mondial. Toutefois, le système américain se distingue profondément du modèle français ou européen : aux États-Unis, le droit des marques repose sur le principe cardinal de l’usage effectif dans le commerce. Contrairement à l’Union européenne, où l’enregistrement seul crée un droit, le droit américain exige que la marque soit réellement exploitée dans le cadre d’une activité commerciale interétatique.
Pour un entrepreneur étranger n’ayant pas encore lancé ses produits ou services sur le territoire américain, cette exigence peut constituer un obstacle majeur. C’est précisément pour répondre à ce besoin que l’USPTO a instauré le mécanisme de l’Intent-to-Use (ITU). Ce dispositif permet de déposer une marque avant même son exploitation, à condition d’avoir une intention de bonne foi de l’utiliser prochainement. Il s’agit d’un outil particulièrement stratégique qui offre la possibilité de sécuriser un signe, d’obtenir une date de priorité et de préparer sereinement une entrée sur le marché américain.
Dans cet article, nous exposons de manière rigoureuse et détaillée les mécanismes, les étapes, les avantages et les risques liés à ce système. Notre objectif est d’accompagner les entreprises françaises et européennes dans la construction d’une stratégie de marque solide et conforme aux exigences du droit américain.
Comprendre le fondement « intent-to-use » aux États-Unis
Le régime Intent-to-Use repose sur une idée simple mais déterminante : permettre au déposant de réserver une marque dont l’usage n’a pas encore commencé, tout en respectant le lien historique entre usage et protection. Contrairement aux dépôts en France auprès de l’INPI ou auprès de l’EUIPO, l’USPTO n’enregistre pas immédiatement une marque déposée sous ITU. Elle ne devient enregistrée qu’une fois l’usage démontré.
Cette approche vise à éviter les dépôts spéculatifs tout en permettant aux entreprises étrangères d’anticiper leur implantation. En d’autres termes, le législateur américain souhaite encourager les projets sérieux et sanctionner les dépôts de complaisance. Pour cette raison, la déclaration d’intention doit être précise, sincère et documentée : un simple souhait théorique est insuffisant.
Les bases de dépôt proposées par l’USPTO incluent le dépôt en usage (1(a)), le dépôt fondé sur l’intention (1(b)) et les dépôts fondés sur des droits étrangers, mais l’ITU reste le système privilégié par les entreprises étrangères en phase préparatoire.
Le processus complet d’une demande Intent-to-Use
Le dépôt initial
Le déposant soumet sa demande à l’USPTO en choisissant la base 1(b). À ce stade, il n’a pas à fournir de preuve d’usage, mais doit affirmer sous serment qu’il a une intention réelle et de bonne foi de lancer ses produits ou services aux États-Unis à court ou moyen terme. Cette déclaration engage sa responsabilité juridique.
L’examen et la publication
Une fois déposée, la demande suit l’examen classique : vérification de la distinctivité, analyse des conflits éventuels, conformité du libellé des produits et services. Si aucune objection n’est formulée, la demande est publiée au journal officiel de l’USPTO. Les tiers disposent alors d’un délai d’opposition pour contester l’enregistrement sur la base d’antériorités ou d’un risque de confusion.
La Notice of Allowance
Après la publication et en l’absence d’opposition, l’USPTO émet une Notice of Allowance. Cette étape confirme que la marque peut être enregistrée dès lors que le déposant apporte la preuve d’usage. La marque n’est donc pas encore enregistrée, mais elle est acceptée sur le principe.
Le Statement of Use (SOU)
Le déposant dispose d’un délai initial de six mois pour produire un Statement of Use, accompagné d’un spécimen démontrant l’exploitation commerciale. Cette preuve peut prendre la forme d’une photographie du produit, d’une capture d’écran d’un site marchand, d’emballages, de factures ou de tout document montrant un usage réel dans le commerce interétatique.
Si, à l’inverse, l’usage a commencé avant l’émission de la NOA, il est possible de déposer un Amendment to Allege Use, permettant d’accélérer l’enregistrement.
Les extensions de délai
Si l’entreprise n’a pas encore commencé l’usage, elle peut solliciter jusqu’à cinq extensions successives de six mois chacune. Au total, le déposant dispose d’un maximum de trois ans à compter de la NOA pour fournir sa preuve d’usage. À défaut, la demande sera abandonnée et la priorité perdue.
Les enjeux stratégiques pour les entreprises françaises et européennes
Le mécanisme Intent-to-Use constitue un instrument stratégique majeur. Il permet d’obtenir une date de priorité cruciale dans des secteurs où les dépôts se multiplient, comme les cosmétiques, la mode, la tech ou le bien-être. Pour une entreprise européenne en phase d’expansion, l’ITU offre le temps nécessaire pour organiser un lancement commercial sans risquer d’être devancée par un concurrent local.
Cependant, cette souplesse implique une grande rigueur. Une intention d’usage non documentée peut être contestée, notamment dans le cadre d’une opposition ou d’une action en nullité. De plus, un usage insuffisant ou mal démontré peut entraîner l’invalidation de l’enregistrement.
Nous recommandons vivement de conserver des éléments attestant de la préparation de l’usage : études de marché, échanges avec des distributeurs américains, prototypes, pré-commandes ou développements publicitaires. Ces éléments renforcent la crédibilité de l’intention initiale.
Enfin, une fois la marque enregistrée, l’obligation d’usage reste permanente. Le titulaire doit déposer des déclarations périodiques pour maintenir ses droits, faute de quoi la marque peut être radiée.
Conclusion
L’Intent-to-Use offre un cadre stratégique particulièrement utile pour les entreprises étrangères, à condition d’être utilisé avec rigueur et prudence. Ce mécanisme permet de sécuriser une antériorité, d’anticiper l’entrée sur le marché américain et de préparer sereinement un lancement commercial. En revanche, il impose des délais stricts, un contrôle précis de l’usage et une vigilance continue.
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Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus
FAQ
1. L’Intent-to-Use protège-t-il immédiatement contre les contrefaçons ?
Il offre une priorité, mais la protection pleine et entière débute uniquement à l’enregistrement.
2. Le système américain est-il compatible avec une demande européenne ?
Il est même recommandé de coordonner les stratégies afin d’harmoniser les priorités et les usages.
3. Quels types de documents constituent une preuve d’usage valable ?
Photographies de produits, packaging, pages de vente, factures, captures d’écran ou étiquettes.
4. Une simple publication sur un site internet suffit-elle ?
Non. L’usage doit s’inscrire dans le commerce interétatique ou international.
5. Peut-on modifier les produits et services après le dépôt ?
Les modifications substantielles sont interdites ; seule une précision du libellé est possible.
Cette publication a pour objet de fournir des orientations générales au public et de mettre en lumière certaines problématiques. Elle n’a pas vocation à s’appliquer à des situations particulières ni à constituer un conseil juridique.

