Concurrence déloyale

Jurisprudence sur les procédures d’opposition et de nullité – 2024

Dans le domaine en constante évolution du droit de la propriété intellectuelle, les procédures d’opposition et de nullité constituent des instruments essentiels pour préserver l’intégrité et la pertinence des registres de marques. En 2024, l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) et les juridictions françaises ont rendu des décisions marquantes clarifiant des subtilités procédurales. Cet article analyse ces décisions clés, fournissant aux entreprises des informations précieuses sur les dernières tendances façonnant le contentieux de la propriété intellectuelle en France.

Éléments procéduraux déterminants

Déchéance pour non‑usage : nouvelles attentes probatoires

La déchéance pour non-usage reste un aspect central des litiges en matière de marques. Les récentes décisions confirment l’approche souple mais rigoureuse de l’INPI en matière de preuve. Les pièces non datés ou datées hors période pertinente, tels que des supports marketing, des captures d’écran ou des factures postérieures, sont admissibles dans une appréciation globale, lorsqu’elles sont corroborées par d’autres éléments datés (INPI, 2 mai 2024, Bob dépannage!). Cela souligne la nécessité pour les titulaires de marques de conserver des dossiers d’usage complets et détaillés.

Cependant, le critère de la pertinence géographique est appliqué strictement. Par exemple, des documents en anglais visant un marché étranger (une société suisse) ont été écartés pour établir un usage en France (INPI, 11 mars 2024, Bureau d’Idées). Cette rigueur souligne l’importance d’une documentation spécifiquement adaptée au marché local.

Intérêt à agir et abus de droit 

En 2024, la jurisprudence a confirmé que l’intérêt général prime sur l’intérêt individuel dans les actions en nullité, dispensant les demandeurs de démontrer un intérêt personnel à agir (CA Paris, 24 avril 2024, Vape). Ce principe renforce le rôle de ces procédures dans la préservation de l’intégrité des registres des marques.

Les allégations d’abus de droit, quant à elles exigent des preuves substantielles d’une intention malveillante. Dans l’affaire MySunbed (INPI, 27 mai 2024), l’INPI a rejeté des accusations de mauvaise foi lorsque les actions du demandeur n’étaient pas clairement destinées à nuire au titulaire de la marque, établissant ainsi un seuil élevé pour les défenses liées à l’abus de droit.

Champ d’application temporel : due diligence historique

Le droit applicable à la date de dépôt est crucial pour évaluer la validité d’une marque. Des décisions comme Cavalride (INPI, 3 avril 2024) ont réaffirmé que la validité des marques est évaluée en fonction du cadre juridique en vigueur à la date de leur dépôt, rendant la recherche juridique historique indispensable pour les praticiens.

 

Motifs de nullité approfondis

Distinctivité, caractère trompeur et ordre public

La distinctivité reste une pierre angulaire de l’enregistrement des marques. L’affaire MySunbed (INPI, 27 mai 2024) a mis en lumière les normes évolutives de perception des consommateurs, notamment en ce qui concerne les termes anglais de base utilisés en France. Par ailleurs, les décisions sur le caractère trompeur ont souligné que les demandeurs doivent démontrer un potentiel de tromperie au moment du dépôt, plutôt que de s’appuyer sur des éléments postérieurs à l’enregistrement (INPI, 3 avril 2024).

Concernant l’ordre public, une marque ne peut être rejetée qu’en cas de restriction juridique explicite lors du dépôt. Par exemple, l’emploi du terme « boucher » pour des produits non carnés n’a pas été jugé contraire à l’ordre public en l’absence d’interdiction légale claire (INPI, 18 mars 2024, NL 23-0089).

Renommée et intentions parasitaires

Prouver la renommée demeure un défi, nécessitant des preuves solides telles que la reconnaissance judiciaire antérieure ou une large exposition auprès des consommateurs (INPI, 12 juillet 2024, Immo Angels). Dans l’affaire Cadault (INPI, 29 avril 2024), l’intention parasitaire n’a pas été retenue, faute de démonstration d’un lien clair entre la marque contestée et un personnage célèbre de la série Emily in Paris.

Tendances jurisprudentielles du contentieux PI en France

Les décisions de 2024 révèlent une approche équilibrée : flexibilité pour les preuves d’usage, mais normes rigoureuses pour la distinctivité et la renommée. Cette combinaison favorise un environnement compétitif tout en protégeant l’intégrité des registres.

Les juridictions ont également adopté une approche plus sophistiquée concernant les nuances linguistiques et culturelles. L’affaire La Chicha Loca (INPI, 26 janvier 2024) démontre une reconnaissance croissante des perceptions publiques variées selon les contextes régionaux et linguistiques.

Conclusion

Les décisions de 2024 mettent en avant l’importance d’une préparation stratégique dans les procédures d’opposition et de nullité. Les principaux enseignements incluent :

  • L’INPI met l’accent sur l’intérêt public dans les actions en nullité.
  • Les revendications de nullité réussies nécessitent des arguments fondés sur des preuves complètes, notamment en matière de distinctivité et de renommée.
  • Les contextes culturels et linguistiques jouent un rôle croissant dans l’évaluation des marques.

Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne ses clients dans la gestion de dossiers de propriété intellectuelle complexes, en proposant des conseils personnalisés et un soutien opérationnel complet pour la protection intégrale de la propriété intellectuelle.

Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

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Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus.

FAQ

1. Quelles différences entre opposition et action en nullité ?

L’opposition vise à empêcher l’enregistrement d’une demande de marque, tandis que la nullité attaque un enregistrement déjà accordé.

2. Quel délai pour engager une action en déchéance pour non usage ?

Après cinq ans d’inexploitation continue ; l’INPI admet une tolérance uniquement si la preuve d’usage est suffisante.

3. La renommée doit elle être nationale ?

Non. Une renommée sectorielle ou régionale peut suffire si elle est objectivement établie.

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Concurrence déloyale et parasitisme : les évolutions jurisprudentielles

La concurrence déloyale et le parasitisme demeurent des domaines dynamiques du droit de la propriété intellectuelle, constamment enrichis par une jurisprudence évolutive. Les décisions récentes des juridictions françaises mettent en lumière un paysage juridique nuancé, offrant des perspectives précieuses pour les entreprises confrontées à ces enjeux. Cet article examine des affaires marquantes, en se concentrant sur les distinctions avec la contrefaçon, l’évaluation des dommages-intérêts, les délais de prescription et la présomption de préjudice, tout en abordant les conséquences économiques telles que le débauchage massif.

La commercialisation de produits : une approche distincte de la contrefaçon : Risque de confusion et « effet de gamme » – Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 mai 2023, n°22-14.651

 

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a confirmé que la commercialisation d’une gamme entière de produits imitant ceux d’un concurrent peut constituer des actes de concurrence déloyale et de parasitisme. Ces actes se distinguent de la contrefaçon, notamment lorsque des efforts délibérés créent un risque de confusion pour les consommateurs. Cette décision met en exergue l’importance de l’« effet de gamme », où l’imitation d’une ligne complète amplifie le préjudice concurrentiel.

Les victimes de telles pratiques disposent désormais d’un double recours—une action en contrefaçon parallèlement à une action pour concurrence déloyale—à condition d’établir des faits distincts pour chaque action. Cette stratégie renforce l’efficacité de la protection des droits de propriété intellectuelle.

L’évaluation des dommages-intérêts en matière de concurrence déloyale : Une approche proportionnée et adaptée – Cour de cassation, Chambre commerciale, 5 juin 2024, n°23-22.122

 

Une décision récente a précisé le cadre d’évaluation des dommages-intérêts en matière de concurrence déloyale. La Cour a souligné que ces dommages doivent refléter l’avantage indu obtenu par l’auteur des actes illicites, ajusté en fonction des volumes d’affaires respectifs des parties impliquées. Cela garantit une réparation proportionnée au préjudice subi par la victime, évitant des indemnités excessives.

De plus, la Cour a rejeté une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 1240 du Code civil, confirmant sa conformité avec les droits et libertés constitutionnels.

Cette décision renforce l’importance d’une quantification précise des gains financiers de l’auteur, tout en assurant une restitution équitable pour la victime.

Les délais de prescription des actions en concurrence déloyale : Une clarification des délais – Cour de cassation, Chambre commerciale, n°18-19.153

 

Dans son arrêt du 26 février 2020, la Cour a traité de la prescription des actions en concurrence déloyale. Bien que ces actions impliquent souvent des comportements prolongés, le délai de cinq ans commence à courir lorsque la victime a eu ou aurait raisonnablement dû avoir connaissance des faits. Cette approche équilibre la sécurité juridique et les réalités de la découverte des pratiques illicites.

Une surveillance rigoureuse des marchés est essentielle pour identifier rapidement les atteintes potentielles et agir en conséquence.

Présomption de préjudice en matière de concurrence déloyale et de dénigrement : Allégement de la charge de la preuve – Cour d’appel de Paris (4 octobre 2023, n°21/22383

 

Cet arrêt a rappelé que les actes de concurrence déloyale ou de dénigrement présument un préjudice pour la victime. Qu’il soit économique ou moral, l’établissement des pratiques déloyales suffit à présumer un dommage, sans exiger une preuve exhaustive.

Cette présomption facilite les recours rapides pour les victimes, leur permettant de se concentrer sur l’atténuation des impacts commerciaux sans exigences probatoires excessives.

Conséquences économiques : débauchage massif et perturbation d’activité : Le cas du recrutement massif

Un exemple frappant des conséquences économiques de la concurrence déloyale est le débauchage massif du personnel d’un concurrent. Dans une affaire significative (Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 avril 2023, n°22-12.808), la Cour a considéré que le recrutement en masse de cadres dirigeants représentant une part importante de l’effectif relevait de manœuvres déloyales provoquant une désorganisation effective. De telles actions ont été qualifiées de concurrence déloyale en raison de leur intention et de leurs effets perturbateurs.

Les entreprises touchées par ces stratégies peuvent solliciter des recours judiciaires, notamment lorsque ces actions compromettent leur stabilité opérationnelle.

Conclusion

L’évolution de la jurisprudence en matière de concurrence déloyale et de parasitisme illustre l’engagement des juridictions à protéger des pratiques commerciales équitables. Les développements clés mettent en avant une approche nuancée des questions liées à l’imitation de produits, à l’évaluation des dommages, aux délais de prescription, à la présomption de préjudice et aux impacts économiques tels que le débauchage massif. En restant informées et en adoptant des stratégies proactives, les entreprises peuvent efficacement protéger leur propriété intellectuelle et leur position sur le marché.

Chez Dreyfus, nous mettons à votre disposition une équipe d’experts reconnue pour :

  • Identifier les actes de concurrence déloyale et de parasitisme.
  • Développer des stratégies juridiques sur mesure pour protéger vos intérêts.
  • Vous représentez efficacement devant les juridictions compétentes.

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Guide complet sur la concurrence déloyale : définitions, exemples et solutions juridiques

Qu’est-ce que la Concurrence Déloyale ?

La concurrence déloyale désigne tout comportement fautif d’un acteur économique qui cause un préjudice à un concurrent. Ces pratiques contraires à la liberté du commerce et à la libre concurrence peuvent prendre plusieurs formes, telles que le parasitisme, la désorganisation, ou encore la confusion entre deux entreprises. L’objectif des actions en concurrence déloyale est de préserver un équilibre sain sur le marché et de protéger les droits des acteurs économiques.

Les Actes de Concurrence Déloyale

1. Création de Confusion

L’acte de concurrence déloyale peut résulter d’une confusion volontairement entretenue avec une entreprise concurrente. Cela inclut l’imitation des signes distinctifs, tels que les logos, les noms commerciaux, ou les produits eux-mêmes.

Exemple : Une société reproduisant presque à l’identique le packaging d’un produit d’un concurrent pour détourner sa clientèle. Une jurisprudence notable concerne une entreprise alimentaire condamnée pour avoir utilisé des emballages similaires à ceux d’un leader du marché, causant une confusion significative chez les consommateurs.

2. Dénigrement

Le dénigrement consiste à diffuser des informations mensongères ou péjoratives sur un concurrent, dans le but de nuire à sa notoriété ou à ses investissements.

Exemple : Publier des avis négatifs non justifiés sur les réseaux sociaux ou utiliser des campagnes publicitaires comparatives trompeuses. Une affaire récente a vu un acteur du secteur technologique condamné pour des publicités diffamatoires visant un concurrent direct.

3. Parasitisme

Le parasitisme se caractérise par le fait de tirer profit de la réputation ou des investissements d’un concurrent sans assumer les coûts associés.

Exemple : Une entreprise qui utilise la renommée d’un concurrent dans sa communication pour attirer des clients sans fournir d’efforts équivalents. Par exemple, une entreprise de mode utilisant des images d’un défilé concurrent pour promouvoir ses propres produits.

4. Désorganisation

La désorganisation vise à perturber le fonctionnement interne d’une entreprise concurrente.

Exemple : Débaucher massivement les employés d’un concurrent ou saboter ses moyens de production. Une décision de justice récente a condamné une société pour avoir systématiquement tenté de recruter les cadres stratégiques d’un concurrent pour désorganiser ses opérations.

5. Exploitation Abusive dans le Secteur Numérique

Dans le monde numérique, un exemple fréquent de concurrence déloyale est l’utilisation abusive de mots-clés dans les campagnes publicitaires, telles que Google Ads. Cela inclut l’achat de mots-clés liés aux marques ou produits d’un concurrent, dans le but de détourner la clientèle.

Exemple : Une entreprise de services juridiques utilisant les noms de cabinets concurrents comme mots-clés pour ses annonces, créant ainsi une confusion parmi les internautes et détournant la clientèle. Ce type de pratique est régulièrement contesté devant les juridictions compétentes, notamment en se basant sur le droit des marques.

Pour plus d’informations sur la protection des marques et les pratiques publicitaires conformes, consultez notre expertise en Droit des Marques.

Les Bases Juridiques de la Concurrence Déloyale

Les articles 1240 et 1241 du Code civil sont les fondements de la responsabilité civile délictuelle en matière de concurrence déloyale. Ces articles précisent que tout acte fautif causant un dommage oblige son auteur à le réparer.

Responsabilité Civile

Pour établir une action en concurrence déloyale, il est nécessaire de démontrer :

  • Un acte fautif : tel qu’un dénigrement ou une imitation.
  • Un lien de causalité entre l’acte et le préjudice.
  • Un préjudice subi, comme une perte de clientèle ou une atteinte à l’image de marque.

Jurisprudence

Les tribunaux français, comme les tribunaux de commerce, jouent un rôle central dans la résolution de ces litiges. Par exemple, dans une affaire où une entreprise a été accusée de parasitisme en copiant le modèle économique d’un concurrent, le tribunal a ordonné une cessation immédiate des pratiques fautives et l’octroi de dommages et intérêts.

Comment Prouver la Concurrence Déloyale ?

Collecte de Preuves

Les preuves peuvent inclure des constats d’huissier, des témoignages ou des documents montrant l’impact des actes sur votre activité. Une analyse concurrentielle approfondie est souvent indispensable.

Jurisprudence et Tribunaux

Les tribunaux compétents pour traiter les affaires de concurrence déloyale incluent le tribunal de commerce et, dans certains cas, les juridictions civiles. Les décisions judiciaires reposent souvent sur des précédents issus de la jurisprudence.

Études et Statistiques

Selon l’INPI, les entreprises victimes de concurrence déloyale subissent en moyenne une perte de 15 % de leur clientèle, entraînant une baisse significative de leur chiffre d’affaires. Ces chiffres soulignent l’importance d’une stratégie proactive pour protéger vos droits.

Pour plus d’informations, consultez le site officiel de l’INPI.

Sanctions en Cas de Concurrence Déloyale

Les sanctions incluent :

  • L’interdiction des actes fautifs.
  • L’octroi de dommages et intérêts proportionnels au préjudice subi.
  • Dans certains cas, la publication de la décision judiciaire pour rétablir la réputation de la victime.

Stratégies Préventives

Sensibilisation et Formation

Investir dans la formation des employés pour reconnaître et éviter les pratiques de concurrence déloyale est essentiel.

Protection des Actifs

Déposez vos marques, brevets, et dessins pour éviter qu’ils ne soient utilisés de manière abusive par des tiers.

Surveillance de Marché

Mettre en place une veille concurrentielle régulière pour détecter rapidement tout acte de concurrence déloyale.

Liens avec Nos Expertises

Découvrez nos solutions adaptées pour protéger votre entreprise contre la concurrence déloyale :

Pourquoi Faire Appel à Dreyfus ?

Chez Dreyfus, nous mettons à votre disposition une équipe d’experts pour :

  • Identifier les actes de concurrence déloyale.
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  • Assurer une représentation efficace devant les juridictions compétentes.

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Pour plus d’informations, consultez le site officiel de l’INPI.

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Pourquoi une place de marché a-t-elle été condamnée pour concurrence déloyale ?

Concurrence déloyale : une place de marché condamnéeLe 20 novembre 2020, la Cour d’appel de Paris a condamné la société Webedia, ayant pour activité la gestion de médias en ligne, pour concurrence déloyale à l’égard de la société Bonpoint.

La société Bonpoint est spécialisée dans la confection et la vente de vêtements haut de gamme pour enfants, commercialisant ses fins de série par le biais de revendeurs en ligne de vêtements multimarques, dont Yoox.com.

La société Webedia quant à elle, exploite la place de marché de shopoon.fr qui se présente comme un guide d’achat d’articles de mode et de décoration en ligne permettant la mise en relation des internautes avec des sites marchands de commerce en ligne. Elle propose notamment des produits figurant sur le site yoox.com.

Jusqu’ici tout va bien.  Cependant, la société Bonpoint a constaté que 93% des produits de sa marque affichés sur le site shopoon.fr sont indisponibles à la vente, et que lorsque l’internaute est amené à cliquer sur ces produits indisponibles, il se retrouve redirigé vers des produits similaires et concurrents appartenant à d’autres marques.

La Cour d’appel de Paris a considéré que la présentation des produits sur le site shopoon.fr permettait au consommateur de distinguer clairement les articles disponibles des articles indisponibles. En conséquence, cette présentation n’était pas susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif qui, en cas d’indisponibilité du produit de marque souhaité, se tournerait vers des articles d’une autre marque.

La Cour juge donc que Webedia n’a pas commis de pratiques commerciales trompeuses.

En revanche, elle rappelle que si la société Webedia ne vend pas directement les articles qu’elle présente sur son site, elle est néanmoins rémunérée dès lors qu’elle met en avant les produits de sites et de marques différents, en cas d’indisponibilité du produit initialement recherché. Elle tire donc un avantage financier à ce que l’internaute soit redirigé vers ceux-ci.

Dès lors, les juges ont considéré sur ce point que la société Webedia s’était rendue coupable d’un acte de concurrence déloyale, en présentant sur le site shopoon.fr 93% d’articles de la société Bonpoint qu’elle savait indisponibles, et en « renvoyant l’internaute à la possibilité de voir des produits similaires concurrents ». Ils estiment que la société Webedia a ainsi utilisé la force d’attraction de la marque Bonpoint pour générer un trafic d’internautes orientés vers d’autres produits.

 

La Cour condamne ainsi la société Webedia à payer à la société Bonpoint la somme de 22.043 euros à titre de dommages et intérêts dont 20.000 euros en réparation du préjudice moral et 2.043 euros au titre du détournement de clientèle.

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Une adresse e-mail ou IP est-elle une adresse au sens du droit de l’UE ?

Dans sa décision du 9 juillet 2020 (affaire C-264/19), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a indiqué que ni une adresse IP ni une adresse e-mail ne sont des « adresses » au sens de l’article 8 de la directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle.

 

  1. Un litige opposant une société de distribution à YouTube

Constantin Film, une société de distribution de films allemande, a remarqué que certains films qu’elle distribuait avaient été mis en ligne, sans son autorisation, sur YouTube. Elle s’est donc adressée à la plateforme en question pour obtenir les adresses e-mail et IP des utilisateurs ayant mis en ligne ce contenu.
YouTube et Google (YouTube appartient à Google) refusant de transmettre les données demandées, l’affaire prit la direction des tribunaux allemands.
L’article 8 de la directive de l’Union européenne relative au respect des droits de propriété intellectuelle prévoit la possibilité pour les titulaires de droits de demander auprès des contrevenants et/ou des personnes leur ayant fourni des services, ici YouTube, des informations sur « l’origine et les réseaux de distribution des marchandises ou des services qui portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle » et notamment les « noms et adresses » des personnes impliquées.
La Cour fédérale allemande s’est interrogée sur l’assimilation, des adresses e-mails et IP au terme d’« adresse » figurant dans la directive. Décidant de sursoir à statuer, la Cour allemande a posé une question préjudicielle à la CJUE afin de savoir si de telles informations relevaient de la notion d’ « adresse » au sens de la directive.

 

  1. Une notion d’adresse n’englobant pas les adresses IP et e-mail

La réponse de la CJUE est claire et s’inscrit dans l’ère du temps, qui vise à mettre au premier plan le respect de la vie privée : le droit de l’UE n’assimile pas à la notion d’adresse les adresses IP et les adresses e-mail.
La notion d’adresse figurant dans l’article précité doit être entendue au sens d’adresse postale.
Dans son communiqué de presse n°88/20 du 9 juillet 2020, elle précise : « s’agissant du sens habituel du terme ‘adresse’, celui-ci ne vise que l’adresse postale, c’est-à-dire le lieu de domicile ou de résidence d’une personne déterminée » dès lors qu’il est utilisé sans autre précision.
Néanmoins, la CJUE vient rappeler que les Etats membres peuvent accorder aux titulaires de droits de propriété intellectuelle, un droit d’information plus étendu.
Dans le communiqué susmentionné, la Cour indique justement, à propos de l’article 8 de la directive 2004/48 que « cette disposition vise à concilier le respect de différents droits, notamment le droit d’information des titulaires et le droit à la protection des données à caractère personnel des utilisateurs ».

 

 

Cette décision limite le champ d’action des titulaires de droit, pour lesquels il est de plus en plus ardu d’identifier les personnes portant atteinte à leurs actifs. Outre cette question des adresses IP et e-mails qui n’entrent pas dans le champ de ce qui est entendu par « adresse », rappelons que le Règlement pour la Protection des Données, dit RGPD, du 27 avril 2016, a également compliqué la défense des droits sur Internet, le respect de la vie privée ayant été accru et donc les informations sur les réservataires de noms de domaine, par exemple, largement masquées

 

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Pourquoi les marques de couleur souffrent-t-elles d’une reconnaissance difficile ?

L‘article L 711-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « les signes figuratifs tels que (…) les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs » peuvent constituer des marques.

Ainsi, pour pouvoir obtenir des droits de marque sur une couleur, la couleur doit refléter la marque dans l’esprit du consommateur, c’est-à-dire, que lorsqu’il voit cette couleur, il pense spécifiquement aux produits ou services du déposant.

Malgré de nombreux dépôts de couleurs comme marques, l’INPI accepte assez rarement leur enregistrement.

L’on peut alors se demander dans quels cas ce type de marques est admissible.

Pour cela, attardons-nous sur les précédents jurisprudentiels qui ont marqué cette saga tout en couleur !

 

 

  • Du côté de la Cour de Justice de l’Union Européenne

 

Dans un arrêt en date du 22 novembre 2018, la Cour précise que « ce signe doit être distinctif, c’est-à-dire permettre à un consommateur d’identifier l’origine commerciale des produits ou services désignés par rapport à ceux des concurrents. Or, une couleur est généralement perçue par le public comme un élément de décoration, plutôt que comme un signe identifiant l’origine commerciale de produits ou de services  (CJUE, 22 novembre 2018, C-578/17).

Les juges précisent d’ailleurs qu’on ne peut pas déposer une couleur mais une nuance ou une combinaison de nuances qui doivent être reconnaissables et identifiées selon un code Pantone qui est un code couleurs reconnu dans le monde.

Louboutin a obtenu une protection par le droit des marques sur sa célèbre semelle rouge. Il est précisé dans le dépôt que le droit porte sur une certaine nuance de rouge apposée sur une semelle (il s’agit donc plus précisément d’une marque de position, mais portant sur une nuance particulière de rouge).

 

Il ne faut cependant pas confondre « marque de couleurs » et utilisation d’une couleur dans un logo. En effet, dans ce cas précis, on peut recourir au dépôt d’un logo de couleurs sans avoir à recourir au Pantone.

 

 

  • La protection au regard de la concurrence

 

En terme de protection, il faut distinguer les couleurs qui sont protégées en tant que marques de celles qui sont assimilées à l’identité de l’entreprise. Ainsi, dans le cas d’une couleur protégée en tant que marque, l’entreprise pourra attaquer le concurrent en contrefaçon en démontrant qu’il existe un risque de confusion pour le consommateur. Dans le cas d’une couleur assimilée à l’identité de l’entreprise, il peut exister un risque de parasitisme ou encore, de concurrence déloyale si un concurrent décide de manière volontaire de reprendre les mêmes couleurs afin de les utiliser pour tromper l’esprit du consommateur.

Il est nécessaire de rappeler que la notion de « marque de couleur » est relative au fait que pour « être une marque, la couleur doit être assimilée à une combinaison de couleurs ou une couleur unique, déposée sans formes et sans contours ». Ce principe a été posé par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans les arrêts Libertel du 6 mai 2003 et Heidelberger Bauchemie du 24 juin 2004. Ainsi, la distinction doit donc s’opérer entre les marques de couleurs et les marques figuratives qui revendiquent une forme de couleurs déterminée et sans élément verbal.

Ce principe a été repris dans l’article 4 du Règlement sur la marque de l’Union européenne : « Peuvent constituer des marques de l’Union européenne tous les signes, notamment les mots, y compris les noms de personnes, ou les dessins, les lettres, les chiffres, les couleurs, la forme d’un produit ou du conditionnement d’un produit, ou les sons, à condition que ces signes soient propres :

a) à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises ;

b) à être représentés dans le registre des marques de l’Union d’une manière qui permette aux autorités compétentes et au public de déterminer précisément et clairement l’objet bénéficiant de la protection conférée à leurs titulaires. »

 

Ce principe a aussi été repris par le Traité de Singapour en 2006 qui dispose « qu’il est possible de déposer des marques consistant en des signes non visibles et donc en des marques de couleur ou des marques olfactives. ».

 

 

  • Le critère de distinctivité

 

Le signe de couleur pour être distinctif, implique donc d’appliquer les principes dégagés par la Cour notamment dans son arrêt Libertel du 6 mai 2003 :

a) s’il est représenté graphiquement, de façon claire, précise, complète, durable, objective, accessible et intelligible. Pour ce faire, il doit être possible de traduire cette couleur au moyen d’un code d’identification internationalement reconnu ;

b) ce signe de couleur doit permettre de distinguer la provenance du produit ou service qu’il désigne et, il doit se différencier des entreprises concurrentes ;

c) il faut prendre en compte l’intérêt général prévalant dans le secteur d’activité pour lequel l’enregistrement du signe est demandé ;

Cette appréciation est effectuée par le juge, en fonction notamment des faits mais aussi, de l’usage qui en a été fait.

 

 

  • Cas de contrefaçon

 

A titre d’exemple, la contrefaçon par imitation d’un signe monochrome a été admise pour la nuance de couleur rose pantone 212 par le Tribunal de Grande Instance de Paris dans un litige relatif aux deux bandeaux de couleur rose fuschia soulignant les bords du décor de produits laitiers pour nourrisson opposant la société Candia à la société Blédina.

De la même façon, la Cour de cassation a retenu la contrefaçon de marque de champagne à étiquette rouge, dans un arrêt opposant Charles Laffitte Société à Pieper Heidsik Société au motif que la Cour d’appel a, par une décision motivée, examiné l’impression d’ensemble produite par ces marques, et caractérisé la contrefaçon par imitation telle que prévue à l’article L. 713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle.

En revanche, dans un arrêt du 27 avril 2006, la Cour d’appel de Versailles n’a pas admis l’existence d’une contrefaçon. En effet, la nuance d’une couleur primaire, utilisée fréquemment dans le domaine de la papeterie ne revêt pas un caractère sérieux (Cour d’appel de Versailles, 12e chambre 1re section, 27 avril 2006).

 

 

  • Conclusion

 

Ainsi, il ressort que si les Offices de marques et les juges admettent la possibilité d’enregistrer une couleur à titre de marque et d’en assumer la protection juridique, la validité de tels signes demeure soumise à des conditions strictes issues de la législation aussi bien nationale qu’européenne. Elle est ainsi difficilement reconnue. Il faut noter néanmoins que la protection de la couleur à titre d’identité est largement admis. On peut ainsi parler du bleu roi pour Ikea, du bleu turquoise pour Tiffany.

 

Il est donc presque impossible d’envisager la protection d’une nuance de couleurs ou d’une combinaison de couleurs sans un usage préalable. Le déposant devra donc limiter la protection recherchée à des produits ou services spécifiques pour augmenter ses chances de protection. Le dépôt doit indiquer la référence de couleur indiquée de manière expresse en utilisant un code de couleurs reconnu internationalement (le code Pantone).

Le déposant devra notamment, avec précision, déterminer la position des couleurs en cas de dépôt d’une combinaison de couleurs.

La protection d’une marque nécessite par ailleurs, la preuve d’un caractère distinctif acquis par l’usage. Cette condition limite les dépôts de couleurs déjà présentes sur le marché et bénéficiant d’une forte reconnaissance auprès d’un public pertinent.

Toute la difficulté repose donc sur la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage.

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Caudalie obtient gain de cause contre la plateforme 1001pharmacies

Dans la quête de valorisation de l’image de marque, les sociétés ont notamment recours au réseau de distribution sélective qui a été jugé licite dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 juillet 2018, sous réserve que le choix des revendeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif.

Dans sa définition économique, la marque constitue le signe de ralliement de la clientèle. En faisant l’acquisition d’un produit portant telle marque, le consommateur se situe dans l’expectative de retrouver la qualité y afférente et particulièrement s’agissant de produits de luxe.

Dans une stratégie de préservation de l’image de luxe de ses produits, Caudalie a instauré un réseau de distribution sélective avec les pharmaciens, structuré par deux types de contrats:

-l’un pour la vente au sein de l’officine,

-l’autre lié au premier qui permet d’y ajouter la vente à distance sur internet.

Cette stratégie vise donc à exclure la commercialisation de ses produits via des plateformes tierces.

Conformément à la mise en œuvre de ce processus, Caudalie avait enjoint la société Enova Santé, créatrice de la plateforme 10001pharmacies par laquelle les pharmaciens peuvent vendre leurs produits au public, de cesser toute commercialisation des produits de marque Caudalie et de supprimer toute référence à ces produits sur ce site.

Il résulte de plusieurs décisions juridictionnelles un long débat dans lequel l’enjeu était de savoir si l’interdiction faite par la société Caudalie aux pharmaciens de son réseau de recourir de façon visible à des plateformes tierces pour la vente sur internet de ses produits était justifiée.

Le contentieux prend fin par un arrêt du 13 juillet 2018 de la Cour d’appel de Paris dans lequel il est jugé que l’interdiction de revente en ligne des produits Caudalie sur une plateforme telle que le site 1001pharmacies ne constitue pas une restriction de concurrence caractérisée.

En l’espèce, les produits de la marque Caudalie sont qualifiés de produits de luxe et le seul fait qu’il s’agisse de produits de parapharmacie ne leur confère pas par nature la caractéristique de produits banals (sic), contrairement à ce qu’indique la société Enova Santé. Ainsi, l’interdiction de vente via des plateformes tierces apparait proportionnée à l’objectif de préserver l’image de luxe de ces produits. Il convenait en effet de constater que les conditions de présentation sur 1001pharmacies.com étaient de nature à porter atteinte à l’image de luxe que Caudalie peut légitimement vouloir protéger. A titre d’exemple, la plateforme proposait aux côtés des produits Caudalie des produits dont les caractéristiques étaient largement éloignées tels que les alarmes incendies ou les caméras de vidéosurveillance.

Cette décision n’est pas sans rappeler l’affaire Coty du 6 décembre 2017 dans laquelle la Cour de Justice de l’Union Européenne expose que la qualité de tels produits résulte non pas uniquement de leurs caractéristiques matérielles, mais également de l’allure et de l’image de prestige qui leur confèrent une sensation de luxe et cette sensation constitue un élément essentiel desdits produits pour qu’ils soient distingués par les consommateurs des autres produits semblables.

Ainsi, si cette décision vient confirmer la jurisprudence selon laquelle seule une justification objective peut légitimer une interdiction de vente dans un réseau de distribution sélective, une nuance est à apporter. En effet, la présente décision démontre qu’une analyse au cas par cas doit être opérée, notamment concernant les hypothèses où une société restreint son réseau de distribution pour des questions d’image. En effet, l’appréciation de ce qui nuit ou non à l’image de marque induit nécessairement une part de subjectivité.

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Protection des marques lors des Jeux Olympiques : des enjeux de taille

 

Protection des marques lors des Jeux Olympiques : des enjeux de tailleLes jeux Olympiques et Paralympiques 2024 : une échéance des plus importantes pour Paris, dont le dossier de candidature a été entériné par le Comité International Olympique (CIO) le 13 septembre 2017. Cet évènement est un enjeu de taille tant bien pour la marque Olympique que pour les marques partenaires dont le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la concurrence permettront la protection.

Des enjeux pour la protection de la marque Olympique et sa notoriété

Les Jeux Olympiques ont une diffusion et notoriété mondiale dont les risques de parasitisme et contrefaçon sont élevés pour la marque qu’il convient de protéger.

Le droit de la propriété intellectuelle a alors toute son importance. Le droit des marques permet de protéger les signes distinctifs enregistrés tel que le nom officiel de l’évènement, le logos, ; l’hymne… De même le Code du sport français prévoit déjà en son article L141-5 que Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) est propriétaire des emblèmes olympiques nationaux, de la devise, de l’hymne, du symbole olympique et des termes « jeux olympiques » et « olympiades ». Tout dépôt à titre de marque, imitation, reproduction, apposition, suppression ou modification de ces signes sont punissables des peines prévues par le Code français de la Propriété Intellectuelle formant, dès lors, des contrefaçons.

Au-delà de ces dispositions, il est fréquent que les Etats hôtes des jeux mettent en place des législations ad hoc, contraignantes et parfois dérogatoires du droit commun, pour pouvoir assurer la préparation optimale de l’évènement et honorer les engagements pris lors de la période de candidature. C’est là tout l’objet pour la France de la loi n°2018-202 relative à l’organisation des jeux olympiques et paralympiques de 2024 promulguée le 26 mars 2018.

La loi, en son article 3 vient préciser et renforcer les droits sur les signes protégés. A ce titre elle modifie les termes du Code français du sport et ajoute certains signes à la protection. Le CNOSF est, dès lors, propriétaire des emblèmes olympiques nationaux et dépositaires du drapeau, de la devise, des emblèmes, de l’hymne, du logo, du slogan et des affiches des jeux olympiques, de la mascotte, des termes « olympiques », « jeux olympiques », « olympiade », « olympienne » et « olympien », « JO » et du millésime « ville+année ». Toute utilisation à titre commercial ou promotionnel de ces signes ou pouvant entrainer un risque de confusion dans l’esprit du public laissant penser à un lien avec les Jeux Olympiques est punissable au titre des dispositions du Code de la Propriété Intellectuelle, constituant des contrefaçons. Seule l’utilisation dans le langage courant est tolérée.

Enfin, la Convention Internationale de Paris du 20 mars 1883 « pour la protection de la propriété industrielle », en son article 6bis, prévoit d’engager la responsabilité civile de toute personne qui porte atteinte à l’image d’une marque notoirement connue. Il est incontestable que la marque Olympique jouit, à ce titre, de cette protection particulière. En 2006, une affaire avait opposé le CNOSF au groupement d’achat des magasins Leclerc qui avait intitulé sa campagne promotionnelle « Olymprix » et déposé cette marque pour ses produits. Les juridictions françaises ont mis en évidence la dégradation de l’image des marques « Olympique » et « Jeux Olympiques » et des actes de parasitisme, condamnant ainsi Leclerc.

Des enjeux pour les marques sponsors

 Derrière l’euphorie que représente cet évènement mondial, se trame de gros intérêts financiers. Un milliard et demi d’euros viendront financer cet évènement. Un financement apporté par les 15 grandes entreprises partenaires, parmi lesquelles figurent LVMH, Suez, BNP Paribas, en contrepartie de quoi elles seront mises en avant lors de l’évènement et pourront utiliser les signes protégés des jeux. En cela, la protection accrue des emblèmes olympiques par les législations citées précédemment et notamment la législation ad hoc est finalement au cœur du bon fonctionnement des jeux. Seules les entreprises partenaires peuvent user des signes olympiques pour mener à bien leur stratégie marketing durant l’évènement, ce qui représente une contrepartie importante de leurs financements. Sans protection, pas d’investissement, sans investissement pas d’évènement. « Les garanties les plus fortes doivent être apportées au CNOSF afin de protéger les termes dont il est dépositaire. En effet, leur protection est essentielle à l’équilibre économique des Jeux. Il est donc impératif que les partenaires sachent leur investissement garanti et leurs droits protégés.» expliquait Laura Flessel, ministre français des sports, lors de la séance en hémicycle du 20 décembre 2017 à 15h.

Ceci lance un défi de taille aux entreprises non partenaires souhaitant tirer parti de cet évènement mondial et fortement médiatisé dans leurs stratégies marketing. Certains critiquent les mesures de la loi ad hoc au titre de l’atteinte à la liberté d’expression, ou encore de la liberté du commerce et de l’industrie. Des dispositions sévères qui, par ailleurs, vont au-delà de la protection du droit des marques en le détournant de sa fonction essentielle de distinctivité. Si le droit des marques ne permet la protection que de signes distinctifs, cette loi ad hoc protège des termes dépourvus de distinctivité ; mais ceci dans l’optique de protéger les investissements des marques partenaires, pour notamment les stimuler.

Par ailleurs, les marques partenaires doivent encore faire face à l’Ambush-marketing (marketing en embuscade). Cette pratique consiste en ce que les marques, non agréées, se rendent visibles lors des Jeux Olympiques sans pour autant avoir apporté les investissements en contrepartie. Le Tribunal de grande instance de Paris, le 30 mai 2008, a condamné ce genre de pratiques au titre de la responsabilité civile délictuelle et du parasitisme dans une affaire opposant la Fédération Française de Tennis à la société UNIBET. Il énonce que « UNIBET se place délibérément dans le sillage du Tournoi pour assurer à moindre frais la promotion et le développement de ses activités, ce qui caractérise un comportement parasitaire qui engage sa responsabilité civile délictuelle ».

Le déroulement de cet évènement à rayonnement mondial pose donc des enjeux tant pour la marque notoire que représente la marque Olympique, que pour les marques partenaires donc la protection est primordiale. La France entend bien protéger le patrimoine que constitue la marque Olympique et sa notoriété.

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Concurrence et secteur pharmaceutique : quelles nouveautés ?

 

Concurrence et secteur pharmaceutique : quelles nouveautés ?L’innovation représente une part conséquente du budget des entreprises, de par le coût et le temps qu’elle nécessite. Heureusement, la propriété intellectuelle permet de contrebalancer ces effets en assurant une valorisation et une protection adaptées. La relation entre le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la concurrence est un domaine qui intéresse fortement l’Autorité de la concurrence. Dans le domaine pharmaceutique, les génériqueurs sont l’objet principal des pratiques anticoncurrentielles de la part des laboratoires. Ces sociétés spécialisées dans la production et la commercialisation de médicaments génériques, rendues possible une fois le brevet sur la molécule expiré, sont usuellement prises pour cible puisqu’elles permettent d’inverser la tendance sur un marché monopolistique.

Les risques anticoncurrentiels se retrouvent tout au long du développement du médicament générique : pratiques cherchant à contrevenir à l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché, prix excessif, importations parallèles, limitation de la pénétration du marché par la pratique des prix prédateurs, de pay for delay, de dénigrement, etc.

Certaines stratégies anticoncurrentielles sont sans cesse en évolution et font l’objet de récentes décisions de la Cour de cassation.

  1. Le dénigrement

Confirmant des décisions précédentes de l’Autorité de la concurrence, la Cour de cassation a rendu deux arrêts concernant la pratique de dénigrement qui consiste à jeter publiquement le discrédit au moyen d’informations fausses ou erronées.

Le premier arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 18 octobre 2016 (15-10.384) concernait la société Sanofi-Aventis qui, commercialisant ses propres génériques du clopidogrel (Clopidogrel Wintop), avait dénigré le générique concurrent (Plavix). Saisie par le producteur de médicaments génériques Teva, l’Autorité de la concurrence avait estimé en mai 2013 que Sanofi avait mis en œuvre « une stratégie de communication globale et structurée dont l’objectif était d’influencer les médecins et les pharmaciens afin d’enrayer le mécanisme de substitution générique » du Plavix. La Cour de cassation a alors estimé que « la position dominante » de Sanofi et son générique maison a eu pour effet de « limiter l’entrée de ses concurrents sur le marché français ».

Dans un second arrêt du 11 janvier 2017 n°15-17.134 concernant la société Schering-Plough et le Subutex, la Cour de cassation confirme une décision de l’Autorité de la concurrence du 18 décembre 2013 ainsi que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 25 mars 2015, n°2014/03330 à propos de pratiques visant à retarder l’entrée sur le marché de médicaments génériques.

En l’espèce, il s’agissait pour le distributeur d’adresser à l’ensemble des professionnels de santé des mises en garde contre les produits génériques et d’accorder ensuite des remises de fidélité sur les produits du fabricant, de manière à créer des stocks de plusieurs mois de produits. L’Autorité de la concurrence avait sanctionné le distributeur et le laboratoire pharmaceutique sur le fondement de l’article L420-1 du code de commerce et de l’article 101 du TFUE. La Cour d’appel avait ensuite confirmé cette décision en ajoutant que « l’élaboration d’une stratégie visant à retarder l’arrivée sur les marchés de médicaments des génériques, qui, après l’arrivée à leur terme des brevets, permettent de rétablir une concurrence jusqu’alors inexistante, constitue une pratique d’une particulière nocivité économique ».

Le laboratoire, qui s’est pourvu en cassation, reprochait aux juges du fond de ne pas s’être intéressé au contexte économique et juridique de l’accord, en prétendant que la simple participation à la planifications d’opérations de dénigrement ne peut être considéré comme nocive.

Mais la Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel qui avait caractérisé des pratiques anticoncurrentielles : du « contenu de l’accord, les objectifs qu’il visait à atteindre et les éléments du contexte économique et juridique dans lesquels il s’insérait » de sorte qu’elle « a pu retenir que l’accord conclu entre les sociétés Reckitt et Schering-Plough avait un objet anticoncurrentiel, peu important que la société Reckitt n’ait pas procédé elle-même à la pratique de dénigrement […] ».

En plus de confirmer la définition du dénigrement, la Cour de cassation offre deux critères intéressants d’analyse, à savoir : la nature des informations fournies, par la méthode du faisceau d’indices (est-ce objectif ou vérifié ?) et l’effet attendu de ce type d’information sur le marché pertinent (à savoir : décourager les professionnels de santé à prescrire le générique dénigré).

Le dénigrement semble ainsi devenir une zone de danger pour les entreprises qui le pratiquent.

  1. L’abus d’exploitation de brevets

Certaines stratégie en matière de brevet sont abusives. Il en va ainsi : :

  • Du patent cluster qui consiste à déposer des « brevets barrages », souvent infondés, afin d’entrainer un sentiment de doute sur la possibilité d’entrer sur le marché.
  • Du patent ambush, qui consiste pour une entreprise à participer à l’élaboration d’une norme technologique tout en ne dévoilant par le brevet qui l’incorpore, et ce afin de conserver sa situation de monopole et de faire payer des redevances plus élevées.

Ces deux pratiques anticoncurrentielles font également l’objet d’une étroite surveillance de la part des autorités de concurrence.

  1. L’acquisition abusive de technologies

Le droit de la concurrence et de la propriété intellectuelle se recoupent également dans les accords de transfert de technologie qui, la plupart du temps, ont des effets mélioratifs (diffusion, amélioration, etc.) Mais ces accords de transfert sont soumis de plein droit au droit de la concurrence et bénéficient même d’un règlement d’exemption par catégorie. L’accord sera alors jugé anticoncurrentiel s’il a pour effet de retarder l’entrée sur le marché d’un médicament générique.

Pour estimer si un accord de transfert de technologie est anticoncurrentiel, la Commission a pu se poser les questions suivantes pour faire condamner la société Servier :  est-ce que l’acquisition de la technologie a retardé l’entrée sur le marché du générique concurrent ? Est-ce que la technologie achetée était habilitante et source de concurrence ? Et enfin, est-ce qu’elle éliminait effectivement du marché toute concurrence ?

  1. La pratique des prix excessifs

 Enfin, la pratique des prix excessifs est également un moyen d’entraver la concurrence des génériqueurs. A cet effet, dans l’affaire Aspen Pharma (14 octobre 2016), l’autorité italienne de la concurrence a condamné l’entreprise Aspen Pharma à une amende de 5 millions d’euros pour avoir menacé l’agence des médicaments italienne de cesser la livraison de traitements contre le cancer si cette dernière n’augmentait pas le prix des médicaments. La Commission européenne s’est ainsi saisie de l’affaire et a ouvert une enquête « en raison de préoccupations relatives à des pratiques tarifaires excessives auxquelles se serait livrée Aspen Pharma concernant cinq médicaments contre le cancer. La Commission examinera si cette société a abusé d’une position dominante sur le marché, en violation des règles de concurrence de l’UE ».

  1. Le cas du « pay for delay »

Les accords de pay for delay ont pour but de retarder l’entrée du générique sur le marché afin que l’entreprise détentrice du brevet expiré conserve encore un peu son monopole, en l’échange, comme son nom l’indique, d’une compensation financière.

Le Tribunal de l’Union européenne a eu l’occasion de se prononcer  pour la première fois très récemment, confirmant ainsi la précédente analyse de la Comission européenne du 19 juin 2013. En l’espèce, l’entreprise Lundbeck avait conclu 6 accords avec 4 génériqueurs permettant de retarder l’entrée sur le marché des génériques du citalopram. Le Tribunal a ainsi relevé que les accords en cause s’apparentent à des « accords d’exclusion du marché, qui figurent parmi les restrictions les plus graves de la concurrence [§ 435] » et qu’en conséquence la Commission les a à bon droit considérés comme une restriction par objet, confirmant donc l’interdiction des accords de pay for delay.

Les récentes avancées jurisprudentielles en matière de concurrence et de propriété intellectuelle dans le domaine pharmaceutique appellent donc à la prudence pour les entreprises. Il convient dès lors de s’interroger sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour éviter de tomber sous le coup de la condamnation pour pratiques anticoncurrentielles. Cela passe en outre par une bonne connaissance des clauses autorisées ou prohibées dans les différents contrats passés par l’entreprise avec ses concurrents. Nous pouvons vous aider à élaborer des stratégies en conformité avec la pratique de l’Autorité de concurrence, la jurisprudence et la législation en matière de droit de la concurrence, tout en permettant à vos droits de propriété intellectuelle d’être au mieux valorisés

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Les collectivités territoriales protégées par le droit des marques

 

4France : procédure d’opposition devant l’INPI et collectivités territoriales

 Depuis le décret n° 2015-671 du 15 juin 2015, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) bénéficient d’une procédure d’alerte pour les demandes d’enregistrement de marque contenant leur dénomination.

 Ce service, gratuit au nom de la mission de service public de l’INPI, leur permet de recevoir des alertes lorsqu’un dépôt de marque contient leur dénomination et de former opposition dans un délai de 2 mois à compter de la publication de la marque. La procédure a été mise en place par les nouveaux articles D712-29 et D712-30 du Code de la propriété intellectuelle, qui prévoient qu’une alerte est émise par l’INPI « dans les cinq jours ouvrables suivant la publication du dépôt d’une demande d’enregistrement de la marque contenant la dénomination de la collectivité ou le nom de pays concerné ».

 Un changement législatif bénéfique au système du droit des marques français

 Avant la modification, il n’y avait aucune législation en place qui permettait de protéger les collectivités territoriales et les EPCI contre l’utilisation abusive de leurs noms, et les critères permettant de retenir un risque de confusion étaient difficiles à remplir. La marge de manœuvre de l’INPI était, en conséquence, très limitée quant à la défense des droits des collectivités territoriales.

 L’affaire LAGUIOLE de 2012 devant la Cour d’appel de Paris en atteste, dans la mesure où les juges n’ont répondu positivement qu’à un seul des griefs de la partie demanderesse, et seulement sur la base des dispositions de l’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle pour défaut d’usage sérieux de la marque pendant plus de 5 ans.

Dans cette affaire, il s’agissait d’un restaurateur du Val-de-Marne qui avait déposé 27 marques contenant la dénomination « LAGUIOLE », cherchant ainsi à exploiter la notoriété de la commune de Laguiole, alors même que celui-ci n’avait aucun lien avec ledit village dans lequel les couteaux LAGUIOLE, à réputation mondiale, sont fabriqués. Mais le Directeur de l’INPI français a indiqué que la marque « ne jouit d’aucune notoriété en ce qui concerne les services de restaurants ou les produits alimentaires. Utilisé à titre de marque pour identifier ces différents produits et services, le mot Laguiole évoquera pour le client (…) le nom commun de ce type de couteau et non le nom propre désignant une commune de l’Aveyron ».

 Une protection rendue accessible dans le cadre de la mission de service public de l’INPI

 Depuis l’entrée en vigueur du décret et la modification de la législation française, les collectivités peuvent défendre leurs droits sur leur nom sans avoir à espérer le bénéfice d’une décision en opportunité, comme cela a été le cas pour la marque LAGUIOLE en 2012. D’ailleurs, cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation au mois d’octobre 2016, et est toujours en attente d’une date de renvoi devant la Cour d’appel de Paris, prévue normalement pour 2018.

 Ce changement dans la législation est positif. Grâce au système d’alerte proposé par l’INPI, les collectivités territoriales sont en mesure d’interdire le dépôt de leur nom en tant que marque si ce dépôt porte atteinte à leurs intérêts. C’est dans le cadre de ce nouvel article L711-4 h) du Code de la propriété intellectuelle et du décret du 15 juin 2015 que la marque PARIS BY PARIS n’a pas pu être déposée, aucun des produits proposés n’étant fabriqué en France.

 Nombre de collectivités bénéficient déjà de ce service, et forment opposition auprès de l’INPI lorsque le dépôt de marque porte atteinte « à leur nom, leur image ou leur renommée » selon l’article L. 711-4 h) du Code de la propriété intellectuelle. La collectivité territoriale concernée est à présent en mesure de contrôler l’usage de son nom et d’éviter le détournement de celui-ci par une entité cherchant à tirer un bénéfice de sa réputation au moyen de pratiques trompeuses et de parasitisme.

 L’étendue de cette protection encore floue

La question qui reste néanmoins en suspens est celle de l’étendue de cette protection et celle de l’interprétation de l’article L. 711-4 h) du Code de la Propriété Intellectuelle par l’INPI.

Dans l’affaire PARIS BY PARIS, l’INPI statue que « l’article L. 711-4 h) du code de la propriété intellectuelle n’a pas pour objet d’interdire aux tiers, d’une manière générale, de déposer en tant que marque un signe identifiant une collectivité territoriale, mais seulement de réserver cette interdiction au cas où il résulte de ce dépôt une atteinte aux intérêts publics ».

C’est un début néanmois positif pour la défense des droits des collectivités territoriales !

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