Guerlain a interjeté appel de cette décision et a obtenu satisfaction devant la Cour d’appel de Paris, qui a rendu une décision le 22 septembre dernier, statuant en sa faveur : le signe « Le Frenchy », pour les produits concernés, est suffisamment distinctif et n’est pas descriptif.
Dans la décision contestée, le Directeur de l’INPI avait considéré que l’anglais est prépondérant dans le langage courant et que nombreuses sont les expressions comprenant le terme « French », comme « French manucure » ou « French tech », couramment utilisées dans le commerce. Il avait ajouté que l’adjonction de la voyelle « y » à l’adjectif « French » ne change pas la nature de cet anglicisme argotique.
Guerlain indique que « Le Frenchy » évoque un « petit Français » en argot et que cette seule référence à l’esprit français ne suffit à priver le signe de distinctivité.
La Cour d’appel se rallie aux arguments de Guerlain, considérant que « Le Frenchy » évoque « une personne représentant un style, un art de vivre à la française, un esprit » et non directement une origine du produit.
La combinaison de l’article « le » et du terme « Frenchy » est inhabituelle et arbitraire par rapport aux produits visés. Le signe ne manque donc pas de caractère distinctif intrinsèque au sens de l’article L.711-1 du Code de la propriété intellectuelle. De même, il n’est pas descriptif, au sens de l’article L.711-2 b) des produits concernés, dans la mesure où la marque ne désigne pas une caractéristique des produits mais vise plutôt à qualifier la personne qui pourrait les consommer.
L’on peut supposer que la marque a été sauvée parce que le signe « Le Frenchy » comprend une forme d’argot qui ne présente pas de lien direct avec les produits en cause.
La décision aurait pu être différente face à un signe comprenant principalement le terme « French ».
En effet, l’on note par exemple que l’Office de l’Union européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) a rejeté la marque « LIVE THE FRENCH WAY » le 9 décembre 2019, pour manque de caractère distinctif au regard de services couverts en classes 35, 39et 43, car il serait perçu comme un « slogan promotionnel élogieux ».
Quoi qu’il en soit, en cas de doute sur la validité d’un signe, il est pertinent de déposer la marque sous forme semi-figurative, si elle a vocation à être exploitée de manière stylisée. Les éléments graphiques permettent d’accroître le caractère distinctif d’un signe.
Dreyfus peut vous assister dans la gestion de vos portefeuilles de marque dans tous les pays du monde. N’hésitez pas à nous contacter.
Les exploitants de plateformes d’hébergement en ligne devront bientôt savoir exactement quelle responsabilité assumer pour les contenus illicites ou haineux publiés sur ces plateformes. Le climat actuel semble être très propice à une clarification de la nature et de l’étendue de leur responsabilité.
A cet égard, deux écoles s’affrontent : pour certains, il est nécessaire d’imposer des obligations de contrôle des contenus diffusés sur ces plateformes mais pour d’autres, cela traduirait l’attribution d’un nouveau rôle à ces exploitants, qui ne leur a pas été confié de base.
« Il y aurait un risque que les opérateurs de plateformes deviennent des juges de la légalité en ligne et un risque de « surretrait » du contenu stocké par eux à la demande des utilisateurs de leurs plateformes, dans la mesure où ils retirent également du contenu légal« , a déclaré l’avocat général Henrik Saugmandsgaard Øe, qui a présenté ses conclusionsdevant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 20 juillet dernier, à l’occasion de la demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof, la Cour fédérale de justice allemande, ayant pour origine deux litiges portés devant les Cours nationales allemandes.
Le premier litige[1] a opposé Frank Peterson, un producteur de musique, à la plateforme de partage de vidéos YouTube et sa maison-mère Google au sujet de la mise en ligne par des utilisateurs, sans l’autorisation de M. Peterson, de plusieurs phonogrammes sur lesquels il allègue détenir des droits.
Dans le second[2], Elsevier Inc., un groupe éditorial, a poursuivi Cyando AG, à propos de son exploitation de la plateforme d’hébergement Uploadedet de partage de fichiers, au sujet de la mise en ligne, là encore par des utilisateurs sans son autorisation, de différents ouvrages dont Elsevier détient les droits exclusifs.
Il est question de savoir, dans lesdites demandes de décision préjudicielle, si l’exploitant de plateformes decontenus comme YouTubeeffectue des actes de communication au public en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive n°2001/29 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, directive qui a été invoquée à l’encontre de Youtube.
La réponse est négative, selon l’avocat général, qui invite à cet égard la CJUE à ne pas oublier que le législateur de l’Union a précisé que la « simple fourniture d’installations destinées à permettre ou à réaliser une communication ne constitue pas en soi une communication au sens de [cette directive] » [3]. Il importe donc de distinguer[4], selon l’avocat général, unepersonne réalisant l’acte de « communication au public », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, des prestataires, comme YouTube et Cyando, qui, en fournissant les « installations » permettant de réaliser cette transmission, servent d’intermédiaires entre cette personne et le public. En revanche, un prestataire de services dépasse le rôle d’intermédiaire lorsqu’il intervient activement dans la communication au public – s’il sélectionne le contenu transmis, ou encore le présente aux yeux du public d’une manière différente de celle envisagée par l’auteur.
Pareille conclusion entrainerait la non application de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 à ces personnes facilitant la réalisation, par des tiers, d’actes de « communication au public » illicites.
Par ailleurs, il est question de savoir si lasphère de sécurité – « safe harbour » – en cas de « fourniture d’un service de la société de l’information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service » – prévue à l’article 14 de la directive sur le commerce électronique n°2000/31est enprincipe accessible à ces plates-formes (elle l’est selon l’avocat général).
Cette disposition prévoit que le prestataire d’un tel service ne peut être considéré responsable des informations qu’il stocke à la demande de ses utilisateurs, à moins que ce prestataire, après avoir pris connaissance ou conscience du caractère illicite de ces informations, ne les a pas immédiatement retirés ou bloqués.
Cependant, selon l’avocat général, en se bornant à un traitement de ces informations qui soit neutre en ce qui concerne leur contenu sans acquérir la maîtrise intellectuelle de ce contenu, le prestataire – tel que YouTube – ne peut avoir connaissance des informations qu’il stocke à la demande des utilisateurs de son service.
La CJUE devra donc se prononcer sur ces questions dans les prochains mois.
Par ailleurs, il faut garder à l’esprit qu’en 2019, le législateur de l’Union a adopté la directive n°2019/790 – non applicable aux faits – sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, modifiant notamment la précédente directive de 2001 ci-dessus. Un nouveau régime de responsabilité a été instauré à l’article 17 pour les exploitants de plateformes d’hébergement en ligne – que la nouvelle directive appelle les « fournisseurs de services de partage de contenu en ligne », spécifiquement pour les œuvres illégalement mises en ligne par les utilisateurs. Il est donc fort probable que la CJUE examine la relation entre la directive de 2001 et celle de 2019.
Quoi qu’il en soit, « en l’état actuel du droit communautaire, les opérateurs de plateformes en ligne, tels que YouTube et Uploaded, – opérateurs intermédiaires – ne sont pas directement responsables du téléchargement illégal d’œuvres protégées par les utilisateurs de ces plateformes » rappelle l’avocat général.
Aucune disposition actuelle ne règle pour l’instant ces questions de responsabilité secondaire, supportée par ces intermédiaires. Cependant, la Commission européenne a l’intention d’aborder cette question avec de nouvelles règles connues sous le nom de « Digital Services Act » à la fin de l’année.
[4] Cette distinction a déjà été faite dans l’arrêt CJUE, 7 décembre 2006, SGAE. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que le fait, pour un hôtelier, de capter une émission radiodiffusée et de la distribuer, au moyen de postes de télévision, aux clients installés dans les chambres de son établissement constitue un acte de « communication au public » des œuvres contenues dans cette émission. En distribuant l’émission radiodiffusée auxdits postes, l’hôtelier transmettait volontairement les œuvres qu’elle contenait à ses clients et ne se bornait pas à fournir simplement l’installation.
Les consommateurs exigent désormais plus de confidentialité et de sécurité quant au traitement de leurs données personnelles.
Quels défis pour le responsable de traitement ?
Plusieurs défis à relever par le responsable de traitement – c’est-à-dire la personne morale ou physique qui détermine les finalités et les moyens d’un traitement – à différentes échelles :
– gestion des informations : réduire les données collectées en établissant un contexte commercial précis, et réduire les risques en soignant les contrats ;
– communication avec les fournisseurs : pouvoir s’apporter des solutions et s’évaluer mutuellement ;
– suivi des traitements des données : mettre en place de mécanismes de signalement de violation des données ou des menaces concernant les fournisseurs (par exemple, si Easyjet a eu une violation de données, le responsable de traitement, intervenant dans le même secteur d’activité que la compagnie aérienne, s’il en est averti, peut réorienter ses décisions.
Quelles méthodes de gestion des risques ?
Une gestion des risques plus efficace passe notamment par une identification précise des fournisseurs, des audits préalables lors de l’intégration de nouveaux fournisseurs, une automatisation des processus d’évaluation et de contrôle, prévention des risques pour protéger les données.
Quid des cookies ?
Ils servent à recueillir des données. Leur présence est matérialisée par les bannières que vous retrouvez sur les sites internet qui vous demandent si vous consentez à la récolte de certaines données.
En résumé, il existe 3 types de cookies :
– cookies strictement nécessaires pour le fonctionnement du site ;
– cookies destinés à améliorer la performance et fonctionnalités du site ;
– cookies publicitaires (qui bientôt disparaîtront, Firefox y a déjà mis fin, et Google a annoncé que Chrome ne les utiliserait plus dès 2021)
Comment récolter du consentement en ligne ?
Rappelons qu’en France, le consentement doit être libre, spécifique, éclairé, univoque (RGPD).
Néanmoins, pour en récolter, il faut que l’utilisateur comprenne à quoi il consent. Il doit recevoir des informations claires (finalité et durée de l’utilisation des cookies, liste des tiers avec lesquels les informations sont partagées etc…) et le responsable de traitement doit être particulièrement attentif à la mise en page de sa bannière.
Quel devrait être le rôle du DPD (délégué à la protection des données– ex CIL (en anglais DPO) dans une entreprise moderne ?
Si l’entreprise promeut l’éthique, l’innovation, la data, alors le DPD présente un rôle clé : il éclaire sur la collecte des données, il apporte sa vision sur les risques du point de vue des individus.
Auparavant, son rôle était purement administratif, mais aujourd’hui cela est différent, le DPD accompagne en permanence l’entreprise, mais il ne peut pas garantir à lui seul la conformité : il doit déployer une sorte de toile d’araignée au sein de l’organisation (auprès des départements digital ou marketing notamment afin de diffuser les principes essentiels.
Quelles évolutions au sein des entreprises, en terme de sensibilisation au RGPD ?
Des programmes ont été lancés pour sensibiliser au RGPD, puis lors de son entrée en vigueur, il a fallu mobiliser les entités et s’assurer de leur bonnes compétences (mises en place de e-learning en interne par exemple).
Bien qu’il semble y avoir des similitudes dans les législations, quelles divergences persistent et quels sont les défis à cet égard pour les entreprises ?
Il existe des différences techniques (en terme de durée de conservation des données, chaque pays à ses obligations) et des différences culturelles très importantes, la façon avec laquelle les interlocuteurs des différents pays prennent en charge ces sujets dépend de son histoire. Par conséquent, il est difficile de trouver des « golden rules » (= règles harmonisées).
Comment les organisations peuvent-ils tirer parti de leurs efforts de conformité ?
Une manière de reconnaitre que les entreprises ont correctement réalisé leur mission est de passer par des certifications, comme la certification HDS.
Dans une décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 23 avril 2020 Gugler France SA contre Gugler GmbH (affaire n° 736/18), la dixième chambre est venue affirmer, dans le cadre d’une action en nullité, qu’il n’y a pas risque de confusion entre une marque et une dénomination sociale antérieure si, au moment du dépôt, les entreprises entretiennent effectivement des liens économiques, dès lors qu’il n’y a dans ce cas pas de risque d’erreur du public sur l’origine des produits désignés.
Pour rappel, l’article L711-4 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’il n’est pas possible de déposer une marque qui pourrait porter atteinte à des droits antérieurs, et notamment, s’il existe un risque de confusion, à des signes distinctifs tels que la dénomination sociale ou la raison sociale. Ainsi, un conflit peut survenir lorsqu’une société dépose à titre de marque un signe identique à la dénomination sociale d’une entreprise évoluant dans le même secteur d’activité, créant ainsi un risque de confusion. Le titulaire de la dénomination sociale antérieure sera alors légitime à agir en annulation de la marque.
S’il avait déjà été admis la coexistence d’une dénomination sociale avec une marque enregistrée postérieurement (décision de la Cour d’Appel de Paris du 24 février 1999), il avait été également affirmé que, si l’utilisation des droits antérieurs portait atteinte à son droit de marque, le titulaire pouvait demander à ce que l’utilisation soit limitée ou interdite (Chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 novembre 1992). Ainsi, le droit de marque pouvait faire échec au droit antérieur.
On constate ainsi, dans la jurisprudence, une certaine prévalence du droit de marques sur les autres signes distinctifs.
La CJUE, dans cette décision du 23 avril 2020 Gugler France SA contre Gugler GmbH, apporte quant à elle des précisions sur l’appréciation du risque de confusion entre une marque et une dénomination sociale antérieure.
La société allemande Gugler GmbH a déposé la marque communautaire semi-figurative « GUGLER » le 25 août 2003. Gugler France a introduit le 17 novembre 2010 une demande de nullité de la marque, pour tous les produits et services désignés, sur le fondement de sa dénomination sociale antérieure.
La CJUE, saisie après une demande formée auprès de la division d’annulation de l’EUIPO et l’introduction d’un recours devant le Tribunal de l’Union, confirme la décision de ce dernier et rejette la demande en nullité de la société Gugler France.
En effet, au jour du dépôt de la marque, il existait des relations commerciales entre les parties, Gugler France étant le distributeur en France des produits fabriqués par Gugler GmbH. En outre, Gugler GmbH détenait des parts du capital de Gugler France.
La Cour a considéré que le fait que le consommateur puisse croire que les produits et les services en cause proviennent d’entreprises qui seraient liées économiquement ne constitue pas une erreur sur leur origine.
Aussi, la Cour rejette l’argument de la société Gugler France, selon lequel, pour écarter le risque de confusion, le lien économique devrait exister dans un sens déterminé, à savoir du titulaire des droits antérieurs (Gugler France) vers celui le titulaire des droits postérieurs (Gugler GmbH).
Selon la CJUE, la simple existence d’un point de contrôle unique au sein d’un groupe au regard des produits fabriqués par l’un d’entre eux et distribués par un autre, peut suffire à exclure tout risque de confusion quant à l’origine commerciale de ces produits.
A travers cette solution de la Cour, il est indirectement également rappelé la fonction essentielle d’un droit de marque qui est la fonction de garantie d’identité d’origine des produits ou services marqués. La marque sert donc à distinguer les produits ou services de l’entreprise de ceux proposés par une autre entreprise. Ainsi, dans cette affaire, les liens commerciaux entre les deux parties permettaient donc de considérer que les produits avaient la même origine commerciale.
A l’occasion d’un litige opposant deux sociétés spécialisées dans le prêt à porter, les juges de la Cour d’appel de Paris, statuant sur renvoi de la Cour de cassation, ont retenu une approche stricte des similarités entre une marque figurative et une marque postérieure semi-figurative[1].
La société Compagnie Financière de Californie (« Compagnie de Californie »), spécialisée dans les vêtements « street wear chic », est titulaire de marques sur le signe, notamment pour des produits vestimentaires.
Elle a constaté, en 2013, qu’International Sport Fashion, également active dans le domaine de la mode, a déposé et exploite une marque qu’elle estime similaire aux siennes :
Les signes en présence comportent une forme de tête d’aigle, sans détail, reproduite en noir et blanc dans un cercle. Pour obtenir réparation du préjudice qu’elle considère avoir subi, Compagnie de Californie introduit une action en contrefaçon.
Après avoir été déboutée en première instance et en appel, la société s’est tournée vers la Cour de cassation, qui a renvoyé l’affaire devant les juges du fond après cassation partielle.
La Cour d’appel de renvoi procède d’abord à la comparaison des marques en cause. Son analyse est rigoureuse, notamment sur le plan conceptuel : elle considère que la marque de Compagnie de Californie renvoie « au côté sombre du rapace tandis que l’autre renvoie à l’image d’un oiseau beaucoup moins agressif » (certainement de par la présence d’un bec fermé).
Sur le plan visuel, elle met entre autres en avant le fait que ces têtes d’oiseaux ne sont pas tournées du même côté et que l’un a le bac fermé et l’autre ouvert.
Au niveau phonétique, elle note, sans surprise, que la marque litigieuse sera prononcée « Eagle Square » en référence à l’élément verbal qu’elle contient, ce qui ne sera pas le cas de la marque antérieure.
Elle estime donc qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques.
Ensuite, elle se penche sur la question de l’exploitation par International Sport Fashion, de sa marque pour des produits vestimentaires. La Cour prend en compte tous les éléments possibles tels que le packaging qui contient les produits. Le nom « EAGLE SQUARE » est apposé sur les packagings ; elle considère donc qu’il n’existe pas de risque de confusion dans l’esprit des consommateurs.
Elle précise également que le signe contesté qui apparaît seul sur certains des articles est à chaque fois bicolore, « induisant une césure dans le signe », ce qui donne une impression d’ensemble très différente de la marque antérieure.
La cour ne fait donc pas droit aux demandes de Compagnie de Californie.
Ainsi, concernant les marques figuratives, il est nécessaire d’estimer avec rigueur les chances de succès d’une action en contrefaçon, de grandes similarités étant généralement exigées pour reconnaître le risque de confusion.
Cette affaire montre que même des marques au style comparable (présence d’un oiseau, dont seule la tête entièrement peinte en noir est reproduite, dans un cercle) peuvent coexister sur le marché.
On peut se demander si la Cour d’appel aurait retenu une approche différente si International Sport Fashion avait apposé la seule tête d’aigle en noir et blanc sur ses produits. Tout comme se pose la question de savoir si l’issue aurait pu être partiellement différente si Compagnie de Californie avait également déposé, à titre de marque, son aigle en couleurs (que l’on retrouve notamment en rouge sur son site officiel https://www.compagniedecalifornie.com/).
Dès lors, outre l’analyse détaillée des chances de succès avant l’introduction d’une action, il convient également de protéger la marque telle qu’exploitée, en prenant en compte ses variantes, de sorte de bénéficier d’un champ de protection le plus large possible.
[1] Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 2, 20 décembre 2019, n° 19/01056
Les questions juridiques relatives à la propriété des inventions et des œuvres créées à l’aide de l’intelligence artificielle (ou « IA ») sont au premier plan pour de nombreuses entreprises.
Il convient dans un premier temps de définir ce qu’est l’IA.
L’IA consiste à mettre en œuvre un certain nombre de techniques visant à permettre aux machines d’imiter une forme d’intelligence réelle. Présente dans un grand nombre de domaines d’application, elle est désormais aussi utilisée pour créer des œuvres par l’intermédiaire d’un traitement algorithmique. C’est par exemple le cas du robot peintre prénommé E-David mis au point par une université allemande et qui peut, grâce à ses algorithmes de calcul, peindre des toiles très similaires à celles peintes par l’Homme.
Le droit positif : la part belle à l’humain
Le droit de la propriété intellectuelle a été en premier lieu conçu pour protéger le fruit du travail intellectuel de l’être et la loi a eu du mal à s’adapter aux nouveaux outils apparus grâce à l’évolution numérique.
L’IA est venue rendre encore plus confuses la distinction entre le créateur, les outils et la création. Pour certains, elle n’est qu’un outil, pour d’autres elle a un caractère fondamentalement novateur auquel le droit devrait s’adapter.
En France, le Code de la Propriété Intellectuelle impose une condition d’originalité pour que l’œuvre soit protégée par le droit d’auteur. En outre, l’oeuvre doit refléter l’expression de la personnalité de l’auteur. Ces critères impliquent qu’une œuvre ne peut être créée que par un humain, éventuellement assisté par une machine qui sert alors d’outil dans la création de l’œuvre.
Ainsi, si l’œuvre est uniquement créée par une IA, la qualification d’œuvre ne pourra être utilisée et la protection par le droit d’auteur non applicable. Il en sera de même pour une invention générée par une machine qui ne pourra être brevetée.
En droit européen, il est exigé que le droit d’auteur reflète la « création intellectuelle propre à l’auteur. Il n’y a cependant pas d’approche universelle des pays européens quant à l’exigence d’un auteur humain. Le Royaume-Uni, par exemple, prévoit une protection pour les œuvres générées par ordinateur et l’auteur est la personne qui prend les dispositions nécessaires pour la création de l’œuvre, ainsi on attribue la paternité au programmeur.
De ce fait l’inventeur ne peut pas être une société ou une machine. Il y a donc une divergence entre l’obligation d’identifier le concepteur réel de l’invention et la personne supposée être l’inventeur. Il est ainsi affirmé que les décisions relatives à la diffusion de l’invention seront prises par « le propriétaire de la machine IA ».
Le droit d’auteur américain est toujours strict concernant les œuvres réalisées à l’aide de l’IA. Il a par exemple été affirmé que « l’office n’enregistrera pas les œuvres produites par une machine ou un simple processus mécanique qui fonctionne de manière aléatoire ou automatique sans aucune contribution créative ou intervention d’un auteur humain » (Compendium of US Copyright Office Practices de 2014).
Et dans une décision du 22 avril 2020 concernant une demande mentionnant un outil d’IA, DABUS, comme seul inventeur, l’USPTO a rappelé que l’inventeur devait être un humain.
Vers une évolution du droit, plus en phase avec les évolutions technologiques ?
La question consiste à se demander s’il serait pertinent de modifier le système de propriété intellectuelle au regard des évolutions technologiques ou encore de créer un droit sui generis de l’IA.
En juillet 2020 aura lieu une réunion de l’OMPI au sujet de la réforme du droit en la matière, qui sera l’occasion de débattre des problématiques susmentionnées.
Par ailleurs, la Commission européenne a publié un Livre blanc le 19 février 2020 après avoir présenté des lignes directrices en matière d’éthique pour une IA digne de confiance, le 8 avril 2019. Elle y défini l’IA mais aussi ses orientations globales en matière de régulation de l’intelligence artificielle.
Elle avait d’ores et déjà adopté des ”Règles de droit civil sur la robotique – Résolution du Parlement européen du 16 février 2017″.
Cette dernière a souligné que “considérant que, maintenant que l’humanité se trouve à l’aube d’une ère où les robots, les algorithmes intelligents, les androïdes et les autres formes d’intelligence artificielle, de plus en plus sophistiqués, semblent être sur le point de déclencher une nouvelle révolution industrielle qui touchera probablement toutes les couches de la société, il est d’une importance fondamentale pour le législateur d’examiner les conséquences et les effets juridiques et éthiques d’une telle révolution, sans pour autant étouffer l’innovation.”
De plus, il pourrait être reconnu une personnalité juridique aux machines (personnalité électronique) qui viendrait modifier le droit d’auteur.
Rappelons qu’actuellement la seule solution, dans les domaines innovants, est de se référer au secret industriel pour préserver les innovations réalisées par l’IA.
Ainsi, une réforme ou clarification du droit pour répondre aux nouveaux enjeux de manière plus sécuritaire serait la bienvenue. Affaire à suivre !
AMS Neve Ltd, Barnett Waddingham Trustees, Mark Crabtree c/. Heritage Audio SL, Pedro Rodríguez Arribas
Il est possible d’introduire une action en contrefaçon devant une juridiction nationale aux fins de faire constater une atteinte à la marque de l’Union européenne dans cet État membre, même si le tiers en a fait la publicité et a commercialisé ses produits dans un autre État membre.
Telle est la réponse que la Cour de justice de l’Union européenne a apporté à la question préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 97, paragraphe 5 du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne.
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant :
-les réquérants : AMS Neve, une société établie au Royaume-Uni, fabriquant et commercialisant des équipements audiophoniques, représentée par son administrateur M. Crabtree. Barnett Waddingham Trustees « BW Trustees » en est le fiduciaire
à
-le défendeur : Heritage Audio, une société espagnole commercialisant également des équipements audiophoniques, représentée par M. Rodríguez Arribas
au sujet d’une action en contrefaçon en raison de la prétendue violation de droits conférés, notamment, par une marque de l’Union européenne.
Les requérants sont les titulaires d’une marque de l’Union européenne et de deux marques enregistrées au Royaume-Uni.
Ayant découvert que Heritage Audio commercialisait des imitations de produits d’AMS Neve, revêtus d’un signe identique ou similaire à ladite marque de l’Union européenne et auxdites marques nationales ou se référant à ce signe, et faisait de la publicité pour ces produits, ils ont formé devant l’Intellectual Property and Enterprise Court – tribunal de la propriété intellectuelle et de l’entreprise au Royaume-Uni – une action en contrefaçon d’une marque de l’Union européenne.
D’une part, pour prouver la contrefaçon au Royaume-Uni, AMS Neve a produit des documents à l’appui de son action, notamment les contenus du site Internet d’Heritage Audio et de ses comptes Facebook et Twitter, ainsi qu’une facture émise par Heritage Audio à un particulier résidant au Royaume-Uni.
D’autre part, pour prouver la contrefaçon sur le territoire de l’Union européenne, ils ont fourni des impressions d’écran provenant de ce site Internet sur lesquelles apparaîtraient des offres à la vente d’équipements audiophoniques revêtus d’un signe identique ou similaire à ladite marque de l’Union européenne. Ils ont souligné le fait que ces offres sont rédigées en langue anglaise et qu’une rubrique intitulée « where to buy » (« où acheter ») énumère des distributeurs établis dans différents pays. Par ailleurs, ils ont fait valoir qu’Heritage Audio accepte des commandes en provenance de tout État membre de l’Union européenne.
Si le tribunal a accepté de statuer sur la protection des droits nationaux de propriété intellectuelle, il s’est en revanche estimé incompétent pour se prononcer sur la contrefaçon de la marque de l’Union européenne en cause.
Les requérants ont interjeté appel de ce jugement devant la Cour d’appel du Royaume-Uni, qui, elle, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
-Un tribunal national d’un État membre A a-t-il compétence pour statuer sur une action en contrefaçon de la marque de l’UE en raison de sa publicité et de sa commercialisation des produits effectuées dans un État membre B ?
-Si oui, quels critères doivent être pris en compte pour déterminer si l’entreprise a pris des mesures actives à l’origine de la contrefaçon?
La CJUE apporte les réponses suivantes :
-le requérant, selon qu’il choisit de porter l’action en contrefaçon devant le tribunal des marques de l’UE du domicile du défendeur ou devant celui du territoire sur lequel le fait de contrefaçon a été commis ou menace d’être commis, détermine l’étendue du champ de compétence territorial du tribunal saisi ;
* lorsque l’action en contrefaçon est fondée sur le paragraphe 1 de l’article 97, elle vise les faits de contrefaçon commis sur l’ensemble du territoire de l’Union (hypothèse où l’action est portée devant le tribunal du domicile du défendeur ou si, ce dernier n’a pas son domicile dans l’UE, dans l’Etat dans lequel il a un établissement) ;
*lorsqu’elle est fondée sur le paragraphe 5 dudit article, elle est limitée aux faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire d’un seul État membre, à savoir celui dont relève le tribunal saisi ;
-pour s’assurer que les actes reprochés au défendeur ont été commis sur le territoire de l’UE, il faut rechercher celui où le contenu commercial a effectivement été rendu accessible aux consommateurs et aux professionnels auxquels il était destiné. Le point de savoir si ces publicités et ces offres ont eu, par la suite, pour effet de provoquer l’achat des produits du défendeur est, en revanche, sans pertinence.
En l’espèce, les publicités et les offres visées par les requérants ont été destinées à des consommateurs et/ou à des professionnels, notamment au Royaume-Uni.
Dans ces conditions, elle estime que les requérants disposent de la faculté d’introduire, sur le fondement de l’article 97, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 une action en contrefaçon contre un tiers devant un tribunal des marques du Royaume-Uni, territoire duquel se trouvent des consommateurs ou des professionnels visés par ces publicités ou ces offres à la vente, nonobstant le fait que ledit tiers a pris les décisions et les mesures en vue de cet affichage électronique dans un autre État membre.
Cette possibilité d’introduire une action en contrefaçon devant la juridiction nationale compétente de son choix pour statuer sur des faits de contrefaçon commis sur le territoire de tout État membre est très utile notamment pour optimiser les coûts de procédure en fonction de la législation. La France, par exemple, offre des moyens de preuve juridique irréfutables comme le constat de huissier, pour faire constater des faits de contrefaçon, à des tarifs intéressants.
Afin de contrôler l’épidémie du coronavirus, le gouvernement envisage de créer une application nommée « StopCovid », application qui enregistrera, une fois la fonction Bluetooth activée, les personnes entrées en contact dans les 15 dernières minutes, et préviendra si l’une d’entre elles se déclare malade du Covid-19. Cette méthode a d’ores et déjà prouvé son efficacité dans certains pays, à l’instar de la Chine.
Quid juris ?
La Commission européenne a donné un avis favorable quant à la création cette application, à condition que les données soient détruites une fois l’épidémie terminée.
Par ailleurs, le Contrôleur européen de la protection des données affirme que même dans ces circonstances exceptionnelles, le responsable du traitement doit garantir la protection des données des personnes concernées et privilégier des solutions les moins intrusives possible, en collectant le minimum de données.
Quant à la CNIL, elle rappelle que la mise en œuvre d’un tel dispositif impose qu’il ait une « durée limitée », et s’appuie effectivement sur le volontariat et le « consentement libre et éclairé ». Elle rappelle également les grands principes liés à la collecte de données personnelles (finalité du traitement, transparence, sécurité et de confidentialité, proportionnalité et de minimisation des données).
Affaire à suivre ! « Stop Covid » n’en est qu’au stade embryonnaire, il faudra attendre plusieurs semaines pour voir l’application davantage concrétisée.
En raison de la situation sanitaire actuelle, la majorité des entreprises ont réduit leur activité. Cette suspension ou réduction d’activité aura un impact sur l’ensemble de la propriété intellectuelle et pourra plus particulièrement entrainer la non-utilisation de la marque par le titulaire entrainant ainsi sa déchéance.
En effet, selon la législation française et plus précisément l’article L714-5 du code de la propriété intellectuelle, si une marque n’est pas utilisée pendant une période ininterrompue de cinq ans pour les produits et services visés dans l’enregistrement, le tribunal pourra prononcer à la demande d’un tiers intéressé la déchéance de la marque et la radiation de son enregistrement.
Le titulaire devra donc veiller à ce qu’il y ait un usage sérieux pendant cette période de cinq ans, c’est-à-dire une réelle exploitation.
Ainsi les titulaires de marques qui n’avaient pas été exploitées avant la crise sanitaire et la mise en quarantaine n’ont pas pu en démarrer ou reprendre l’exploitation. Cette période inédite pourra donc conduire à une période de non-utilisation supérieure à cinq ans.
Cependant le titulaire de la marque pourra invoquer une raison valable justifiant l’absence d’un usage sérieux. Ce juste motif, selon la jurisprudence constante, doit présenter un lien direct avec la marque, être une circonstance extérieure à la volonté du titulaire de la marque qui a rendu l’usage de la marque impossible ou excessivement difficile.
Il semble donc que le tribunal pourra considérer les restrictions imposées par le Gouvernement en raison de la pandémie comme une excuse valable de non-utilisation de la marque par le titulaire. En effet cet obstacle, externe à la volonté du titulaire et qui a rendu l’usage de la marque extrêmement difficile pourra être qualifié de juste motif ce qui empêchera ou dus moins reportera une possible déchéance de la marque.
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