Nathalie Dreyfus

Résumé de la réunion ICANN 83 à Prague : Principaux enseignements et résultats stratégiques

Résumé exécutif de l’ICANN 83 Prague (9–12 juin 2025)

L’ICANN 83, tenue en mode hybride au Centre de congrès de Prague, a réuni des parties prenantes mondiales pour faire avancer les politiques de nomination sur Internet, la gouvernance des données et la collaboration intercommunautaire. Les rapports complets de la réunion peuvent être consultés dans les publications officielles. Cet article résume le communiqué du GAC (Comité consultatif gouvernemental), les minutes du Conseil GNSO (Organisation de soutien aux noms génériques), et les rapports politiques de l’ICANN afin de synthétiser des informations autorisées pour les professionnels.

 

Principaux développements politiques et avancées réglementaires

Cadre WHOIS / Données d’enregistrement & Évolution du RDS

Mécanismes de divulgation : Le GAC a mis en lumière le projet pilote du SSAD (Système d’accès normalisé/Divulgation) / RDRS (Service de demande de données d’enregistrement), ainsi que les mécanismes de divulgation urgente, en accord avec le RGPD. L’accent a été mis sur l’équilibre entre la protection de la vie privée des détenteurs de domaines et l’accès réglementaire, ainsi que sur l’amélioration du contrôle de l’exactitude des données pour les phases futures.
Prochaines étapes : Le GAC a exhorté l’ICANN à affiner le langage des politiques en collaboration avec le GNSO. Les experts juridiques devraient suivre les futurs indicateurs d’évaluation de l’exactitude.

 Progrès du programme des nouveaux gTLD & Prochaine vague

Mise à jour du Guide des candidats : Le GAC a examiné le dernier projet de guide, en particulier les avertissements précoces du GAC, les PICs/RVCs (Engagements volontaires des registres), les sauvegardes pour les geoTLD et les ensembles de contention.
Ce que cela signifie : Les registres de domaines doivent se préparer à des outils de protection géographique plus stricts, à un contrôle plus rigoureux des candidats et à des procédures d’objection du GAC en évolution.

WSIS+20 et initiatives de gouvernance de l’Internet

Alignement du cadre : Dans le cadre de la révision de WSIS+20 (Sommet mondial sur la société de l’information), l’ICANN a réaffirmé sa contribution aux engagements mondiaux de gouvernance de l’Internet, renforçant l’ouverture, l’inclusivité et l’engagement des parties prenantes.
Stratégie de sensibilisation : Des plans ont été présentés pour renforcer le rôle de l’ICANN dans la gouvernance multilatérale, avec des opportunités pour les praticiens de la propriété intellectuelle de contribuer à travers les IGF régionaux et les dialogues politiques.

 

Communiqué du GAC & Collaboration GNSO/GAC

Brouillon du communiqué du GAC : Des sessions intensives de rédaction (sessions 13.a–13.f) se sont concentrées sur l’expression des attentes communes — recommandations sur la précision de WHOIS, l’avancement du projet pilote RDS, les goulots d’étranglement des gTLD.
Coordination inter-comités : Lors des réunions conjointes GAC/GNSO, les parties ont convenu des calendriers pour le développement de la politique de la prochaine phase de WHOIS, avec un coaching croisé des conseils pour guider le processus.

 

Impacts pratiques pour les professionnels de la propriété intellectuelle et les entreprises

  1. Pour les titulaires de marques, les registres de domaines, les bureaux d’enregistrement et les avocats :
  • Surveillance des domaines : Prévoir des obligations de précision WHOIS plus strictes et des systèmes d’accès améliorés.
  • Stratégie gTLD : Respect accru des avertissements précoces du GAC et des restrictions géographiques pour les nouvelles extensions de domaine.
  • Préparation réglementaire : Adapter les opérations aux normes évolutives du SSAD/RDRS — important pour la résolution des litiges.

Conclusion

L’ICANN 83 a renforcé l’importance de l’élaboration collaborative des politiques dans un écosystème numérique en rapide évolution. Avec des progrès significatifs concernant les cadres de données WHOIS, le nouveau tour de gTLD et la gouvernance multilatérale, les professionnels de la propriété intellectuelle et les parties prenantes des domaines doivent rester attentifs aux changements réglementaires qui impactent directement l’application des droits et les stratégies de marque numérique. Alors que l’ICANN affine ses outils pour la divulgation des données, la supervision des candidats et les protections géographiques, une participation proactive et une vision juridique anticipée seront essentielles pour maintenir la conformité et l’influence dans les structures mondiales de gouvernance de l’Internet.

Résumé de la réunion ICANN 83 à Prague Principaux enseignements et résultats stratégiques

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FAQ

Qu'est-ce que le SSAD et le RDRS ?

Le SSAD est le modèle futur pour l'accès normalisé à WHOIS ; le RDRS en est la phase pilote actuelle sous l'EPDP Phase 2.

Quand débutera la prochaine vague de gTLD ?

L'ICANN finalise le Guide des candidats ; le lancement est prévu après l'approbation finale du conseil d'administration de l'ICANN fin 2025.

Comment le RGPD influence-t-il WHOIS ?

Il marque la révision des 20 ans du sommet fondateur de la gouvernance de l'Internet, réaffirmant la responsabilité de l'ICANN et sa mission multilatérale.

Comment puis-je rester informé des changements de politique de l'ICANN ?

Abonnez-vous aux newsletters de l'ICANN, suivez les minutes du GAC/GNSO en ligne ou contactez notre cabinet pour des analyses juridiques en temps réel.

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Les extensions noms de domaine <.marque> : un nouveau territoire pour les marques, enjeux et perspectives

Un nom de domaine est l’adresse web permettant à un utilisateur d’accéder à un site internet. Il représente la première brique de l’identité numérique d’une entreprise sur Internet, et il se compose généralement de deux parties : le nom proprement dit (par exemple « votreentreprise ») et l’extension (comme « .com », « .fr » ou « .org »). Cette extension, également appelée TLD (Top-Level Domain), permet de classer le site dans un certain groupe ou pays.

Quels sont les différents types de noms de domaine

Les noms de domaine sont classés selon différentes extensions :

 

 

L’extension de nom de domaine en « .marque », également appelée « dot brand », représente une évolution majeure dans la gestion des identités numériques des entreprises. Introduites par l’ICANN en 2012, ces extensions permettent aux marques de créer leur propre nom de domaine de premier niveau (TLD), offrant ainsi un contrôle total sur leur présence en ligne.

Cette démarche stratégique soulève des questions concernant l’objectif de l’extension en « .marque », son périmètre d’usage et la gestion des risques juridiques associés. En outre, l’ICANN a annoncé l’ouverture d’une série de nouveaux TLDs pour 2026, permettant ainsi aux titulaires de marques de créer leur extension Internet personnalisée et d’optimiser leur présence numérique de manière unique et sécurisée.

Qu’est-ce qu’un TLD .marque ?

Définition et caractéristiques

Un TLD .marque est une extension de nom de domaine personnalisée, attribuée exclusivement à une marque déposée. Par exemple, Apple souhaitant renforcer son identité numérique pourrait obtenir l’extension « .apple » pour créer des adresses telles que « iphone.apple » ou « support.apple ». Cette possibilité est offerte par l’ICANN dès 2026 dans le cadre de son programme de nouvelles extensions génériques.

Processus d’obtention

L’acquisition d’un TLD .marque nécessite une procédure complexe et coûteuse. Les entreprises doivent soumettre une demande détaillée à l’ICANN, justifiant leur capacité à gérer un tel domaine et à respecter les obligations associées telles que le respect du RGPD et leur capacité à gérer le système DNS, les enregistrements de domaines et garantir la sécurité des données. De plus, la marque doit démontrer sa notoriété, c’est-à-dire sa popularité auprès d’un public pertinent, pour être éligible.

Les extensions noms de domaine un nouveau territoire pour les marques, enjeux et perspectives

Objectif stratégique d’une extension .marque

Renforcement de l’identité numérique

L’un des principaux objectifs d’un TLD .marque est de renforcer l’identité numérique de l’entreprise. En contrôlant entièrement leur extension, les marques peuvent créer des adresses cohérentes et représentatives de leur image, facilitant ainsi la reconnaissance et la fidélisation des utilisateurs.

Sécurisation de la présence en ligne

En possédant leur propre TLD, les entreprises réduisent les risques de cybersquatting, c’est-à-dire d’enregistrement des noms de domaine identiques ou similaires à des marques connues dans le but de les revendre à un prix élevé. Les entreprises réduisent également les risques de phishing, une technique de fraude visant à obtenir des informations sensibles en se faisant passer pour une entité de confiance. Ainsi, elles ont le contrôle exclusif sur les enregistrements de domaines associés à leur marque. Ainsi, les utilisateurs sont mieux protégés contre les sites frauduleux imitant la marque.

Innovation et différenciation

Les TLD .marque offrent également des opportunités d’innovation permettant la différentiation. Les entreprises peuvent créer des campagnes marketing originales, des expériences utilisateurs personnalisées et des services en ligne uniques, renforçant ainsi leur position concurrentielle.

Périmètre d’usage d’un TLD .marque

Limites géographiques et linguistiques

Il est important de noter que l’utilisation d’un TLD .marque peut être soumise à des restrictions géographiques ou linguistiques. Par exemple, une entreprise opérant principalement en France pourrait choisir d’utiliser « .fr » ou « .paris » en complément de son TLD .marque pour mieux cibler son public local.

Gestion des risques juridiques associés

Conformité aux réglementations

Les entreprises doivent s’assurer que l’utilisation de leur TLD .marque respecte les réglementations en vigueur, notamment en matière de protection des données personnelles (RGPD) et de propriété intellectuelle. Il est essentiel de définir des politiques claires concernant l’enregistrement et l’utilisation des domaines associés.

Surveillance et défense

Une surveillance continue est nécessaire pour détecter toute utilisation abusive ou non autorisée du TLD .marque. Des mécanismes de défense, tels que la mise en place de procédures de résolution de litiges (par exemple, la procédure Syreli en France ou la procédure UDRP pour les noms de domaine génériques), peuvent être envisagés pour protéger les droits de la marque. Le cabinet Dreyfus et Associés propose une surveillance de nom de domaine afin de sécuriser et protéger votre identité numérique.

Collaboration avec des prestataires spécialisés

Pour une gestion efficace, les entreprises peuvent collaborer avec des prestataires spécialisés dans la gestion de TLD .marque. Ces experts peuvent les accompagner dans le processus d’acquisition, la mise en œuvre technique et la gestion quotidienne de leur extension. Pour une gestion optimale, le cabinet Dreyfus et Associés met à votre disposition son expertise en propriété intellectuelle et en gestion de noms de domaine. Contactez-nous pour découvrir comment nous pouvons vous aider à tirer pleinement parti de cette opportunité stratégique.

 

Conclusion

Les extensions .marque offrent aux entreprises une opportunité unique de renforcer leur identité numérique, de sécuriser leur présence en ligne et d’innover dans leur communication. Cependant, cette démarche nécessite une préparation rigoureuse, une gestion proactive des risques juridiques et une collaboration avec des professionnels spécialisés. En adoptant une stratégie bien définie, les marques peuvent tirer pleinement parti des avantages offerts par les TLD .marque.

Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne ses clients dans la gestion de dossiers de propriété intellectuelle complexes, en proposant des conseils personnalisés et un soutien opérationnel complet pour la protection intégrale de la propriété intellectuelle.

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FAQ

1. Qu'est-ce qu'un TLD .marque ?

Un TLD .marque est une extension de domaine personnalisée réservée exclusivement à l'organisation qui le possède, permettant ainsi de créer une présence numérique sécurisée et associée à la marque

2. Comment un TLD . marque renforce-t-il la sécurité de la marque ?

Un TLD .marque permet aux entreprises de contrôler leurs noms de domaine, réduisant ainsi les risques de phishing et de cybersquatting. Ce contrôle facilite également la surveillance proactive des domaines, permettant de détecter rapidement toute utilisation abusive et de protéger efficacement la réputation en ligne de la marque.

3. Quelles sont les exigences juridiques pour obtenir un TLD . marque ?

Les entreprises doivent détenir des marques enregistrées dans les juridictions pertinentes et se conformer au processus de candidature de l'ICANN pour les nouveaux gTLD.

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Marques zombies : renaissance légale ou résurrection à haut risque ?

Faire renaître une marque ancienne peut s’avérer une stratégie marketing brillante… ou une erreur juridique coûteuse. Désignées sous le terme de « marques zombies », ces marques abandonnées mais encore familières évoluent dans une zone grise entre nostalgie commerciale et concurrence déloyale. Sont-elles un terrain libre pour les repreneurs ou doivent-elles être protégées par la bonne foi résiduelle de leur propriétaire initial ?

Examinons comment les systèmes juridiques internationaux traitent ces marques ressuscitées et quelles en sont les implications pour les titulaires de droits, les investisseurs et les praticiens de la propriété intellectuelle.

I – Qu’est-ce qu’une marque zombie ?

Une marque zombie est une marque juridiquement abandonnée — du fait de son expiration ou de son absence d’usage — mais qui conserve une notoriété résiduelle auprès du public. Elle est reprise par un tiers, sans lien avec le propriétaire initial, dans l’objectif d’exploiter la notoriété, la fidélité des consommateurs ou l’identité historique associées à la marque.

Pour être qualifiée de marque zombie :
• L’enregistrement initial a expiré ou a été annulé ;
• La marque n’est plus exploitée par son titulaire ;
• Le public continue d’associer le signe à son origine historique.

On pense ici à des marques automobiles emblématiques, des cosmétiques vintages ou des enseignes commerciales oubliées réactivées à travers des campagnes digitales ou physiques.

II – Approches juridiques de l’abandon et de la reprise

États-Unis (Lanham Act, §45)
Une marque est présumée abandonnée si elle n’est pas utilisée pendant trois années consécutives, sans intention de reprise. Toutefois, une activité commerciale minimale (par exemple, des ventes symboliques ou des licences) peut suffire à renverser cette présomption.

Union européenne (Règlement EUTMR, art. 58(1)(a) & 7(1)(g))
Une marque de l’UE est susceptible de déchéance après cinq ans d’inexploitation. En outre, la demande peut être refusée si elle est trompeuse ou si elle exploite de manière déloyale une renommée résiduelle susceptible d’induire le consommateur en erreur.

France (Code de la propriété intellectuelle, art. L.714-5 & L.711-3(c))
Une marque française est considérée comme abandonnée après cinq ans sans usage ni intention de reprise. Sa réactivation peut être refusée ou annulée si elle est de nature à induire en erreur ou à constituer un acte de concurrence déloyale (ex. : parasitisme au sens de l’article 1240 du Code civil).

III – Jurisprudences marquantes : de Macy’s à Nehera

Aux États-Unis, l’affaire Macy’s Inc. c. Strategic Marks LLC, n°3:2011cv06198 (2011-2016), a confirmé que même un usage limité (T-shirts comportant d’anciens logos) suffisait à maintenir les droits. De même, dans USFL c. Fox Sports, n°2:2022cv01350 (2022), le tribunal a reconnu la validité de licences ponctuelles pour empêcher l’appropriation de marques sportives historiques.

En Europe, l’affaire Nehera (T-250/21) a précisé que la simple connaissance historique d’une marque ne suffit pas. Le tribunal exige une reconnaissance contemporaine du consommateur pour établir la mauvaise foi. À l’inverse, dans Simca (T-327/12), Peugeot a réussi à faire annuler l’enregistrement en prouvant l’intention spéculative du déposant, sans intention réelle d’usage.

IV – La bonne foi résiduelle : un dilemme juridique

La bonne foi résiduelle désigne la perception persistante d’une marque dans l’esprit du public, malgré la cessation de son exploitation. La jurisprudence varie selon les juridictions :

  • Dans Ferrari c. Roberts (6th Cir. 1991), l’association persistante du public a justifié la protection juridique.
    • Dans Peter Luger c. Silver Star, n°97-273 (W.D. Pa., 1999), l’impact sur les ventes et la confusion ont prouvé l’existence d’une bonne foi active.

Mais en Europe, comme dans l’affaire Nehera, cette bonne foi n’est pas présumée. Le demandeur doit prouver une notoriété actuelle, et non une simple renommée historique.

Ce décalage révèle une tension : faut-il protéger la mémoire des consommateurs ou permettre à de nouveaux acteurs de revitaliser des marques dormantes ?

V – Enjeux stratégiques pour les professionnels de la PI

Pour les titulaires originels :
• Conserver ses droits par des usages symboliques, des licences ou une stratégie de rebranding ;
• Surveiller les dépôts pour détecter les tentatives de reprise ;
• Valoriser la bonne foi historique en le reliant à de nouveaux actifs de PI.

Pour les repreneurs de marques zombies :
Éviter toute tromperie : utiliser des avertissements ou des clauses de non-affiliation ;
• Recréer une bonne foi légitime via un usage transparent et cohérent en qualité ;
• Anticiper les litiges potentiels en matière de concurrence déloyale ou de publicité trompeuse.

Conclusion

Les marques zombies se situent au carrefour de l’opportunité économique et du flou juridique. Leur légitimité dépend du contexte de réactivation, de l’existence d’une bonne foi résiduelle et de la perception du public.

Pour les entreprises envisageant une stratégie de revival — ou la défense d’un portefeuille historique — l’accompagnement juridique est indispensable. Notre cabinet vous aide à naviguer entre risques et opportunités, tout en assurant la conformité avec les règles nationales et transfrontalières en matière de marques.

Zombie Trademarks

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FAQ

Qu’est-ce qu’une marque zombie ?

Une marque abandonnée qui conserve une reconnaissance publique et est réactivée par un tiers.

Peut-on légalement reprendre une marque abandonnée ?

Oui, à condition que le titulaire initial n’ait plus de droits et qu’il n’y ait pas de tromperie pour le consommateur.

La bonne foi résiduelle protège-t-elle une marque ?

Aux États-Unis, parfois. En Europe, uniquement si cette notoriété est encore active dans l’esprit du public.

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Faux avis en ligne : la France renforce son encadrement juridique

Introduction

La confiance numérique est devenue un enjeu stratégique. Pourtant, les faux avis pullulent sur les plateformes, faussant la perception des consommateurs et nuisant à la loyauté du marché. Qu’ils soient rédigés à des fins commerciales ou commandés discrètement, ces avis trompeurs ne sont plus tolérés. Aujourd’hui, les autorités européennes, à l’instar de la France, et en dehors de l’Union européenne comme le Royaume Uni, renforcent leur arsenal afin d’en finir avec ces pratiques et un nouveau standard de vigilance s’impose aux entreprises.

Manipulation de l’e-réputation : les pratiques et enjeux liés aux faux avis

Lorsque l’on évoque le terme de « faux avis » il est fait référence à une pratique commerciale déloyale englobant différents types de fraude.

  • La rédaction ou diffusion d’avis prétendument authentiques mais fondés sur des expériences fictives

 

  • Les avis incitatifs dissimulés, qui consiste en une offre de réductions ou produits gratuits en échange d’un avis positif non signalé de manière explicite.

 

  • La présentation trompeuse des avis, qui regroupe toute pratique visant à manipuler le consommateur en supprimant ou dissimulant les avis négatifs, en mettant en avant les avis exclusivement positifs, en utilisant des notes agrégées biaisées (étoiles, pouces bleus, etc.), ou encore en détournant les avis d’un produit vers un autre (« review hijacking »)

 

  • Les services de facilitation, prestataires proposant de contourner les systèmes de détection ou de générer des faux avis automatisés.

En France, la DGCCRF estime qu’environ 55% des sites contrôlés présentent des irrégularités en matière de collecte, modération ou publication des avis. Ces pratiques, en plus d’induire le consommateur en erreur, portent atteinte au bon fonctionnement du marché et à la loyauté de la concurrence.

Encadrement juridique en France et dans l’Union européenne

Depuis la transposition de la directive européenne 2019/216, dite « Omnibus », en droit français via l’ordonnance n° 2021‑1734, le cadre juridique impose aux professionnels une transparence accrue. L’article L.121-4 du Code de la consommation interdit explicitement la publication de faux avis, les assimilant à des pratiques commerciales trompeuses. L’article L.132-2 de ce même code les sanctionne de deux ans d’emprisonnement, 300 000 euros d’amende. Le montant de l’amende pouvant être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel.

Pour renforcer l’efficacité des contrôles, la DGCCRF a déployé un outil algorithmique baptisé « Polygraphe ». Capable d’analyser en temps réel des schémas de langage, de fréquence de publication ou de provenance géographique, ce dispositif permet de détecter les campagnes organisées de manipulation d’opinion.

À l’échelle européenne, la directive Omnibus a introduit une obligation d’information renforcée sur les modalités de vérification des avis en ligne. Elle s’appuie notamment sur la norme ISO 20488, qui impose des standards élevés en matière de fiabilité, de traçabilité et de modération. Le règlement 2022/2065, dit « Digital Services Act » (DSA), entré en vigueur en 2024, complète ce dispositif en imposant aux plateformes, en particulier celles des GAFAM, des obligations strictes de retrait de contenu illicite et de coopération avec les autorités.

La France a récemment illustré une position répressive à l’égard de ces pratiques dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 14 mars 2025 (n° 22/16356). Dans cette affaire, baptisée « La Loco et Le Wagon c. La Capsule », et opposant des sociétés concurrentes de formation au codage informatique, la Cour d’appel de Paris a sanctionné la publication de faux avis négatifs anonymes visant à dénigrer l’offre de formation de la société La Capsule. Ces avis avaient été publiés par des personnes n’ayant jamais suivi les services critiqués, sans identification claire de l’auteur, en véhiculant des informations erronées et sans révéler l’intention commerciale sous-jacente.

La Cour a retenu plusieurs fondements juridiques : les articles L.121-1 à L.121-3 du Code de la consommation, relatifs aux pratiques commerciales trompeuses, dont l’article L.121-2, 3°, qui qualifie de trompeuse toute pratique mise en œuvre au nom d’une personne non identifiable ; les obligations issues de la Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique (LCEN), imposant l’identification claire des éditeurs de contenus en ligne. Il a été accordé à la société victime une indemnisation du préjudice économique, et moral subi, résultant d’une perte de clientèle mesurée à hauteur de 40% et de l’atteinte à l’image et à la réputation.

Cette décision illustre la fermeté croissante des juridictions françaises face aux pratiques de dénigrement numérique, particulièrement lorsque l’anonymat est utilisé pour masquer une stratégie concurrentielle malveillante. Mais cette position n’est pas nouvelle, à l’image de l’arrêt du 19 mars 2008 (n° 07/2506) où la Cour d’appel de Paris avait lourdement sanctionné la société DDI pour dénigrement. Cette dernière avait publié sur son site internet des avis exclusivement négatifs concernant les produits de la société L&S, puis avait remplacé ces avis par un message précisant qu’ils avaient été retirés à la demande de L&S, qui les jugeait dénigrants. La Cour a estimé que tant les avis initiaux que le message de remplacement jetaient le discrédit sur la qualité des produits de L&S et constituaient donc des actes de dénigrement fautifs.

Le Royaume-Uni et la nouvelle DMCCA : un cadre encore plus contraignant

Depuis le 6 avril 2025, le Royaume-Uni a adopté un texte particulièrement ambitieux : le Digital Markets, Competition and Consumers Act (DMCCA). Cette loi interdit non seulement la publication de faux avis, mais aussi celle d’avis incitatifs non signalés ou importés depuis des fiches produit différentes. La Competition and Markets Authority (CMA) peut désormais imposer directement des amendes pouvant atteindre 300 000 livres, et possiblement portées, de la même façon qu’en France, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, proportionnellement aux avantages tirés du délit.

La DMCCA prévoit également l’obligation pour les grandes plateformes de mettre en œuvre des politiques de vérification robustes, de réaliser des audits internes réguliers, et de publier leurs procédures de modération. Elle consacre ainsi une logique de conformité proactive, plaçant la responsabilité au cœur de la stratégie digitale des entreprises.

Prévenir les risques juridiques liés aux faux avis et gérer sa e-réputation

Les entreprises sont aujourd’hui confrontées à un double impératif stratégique : d’une part, éviter toute implication dans la diffusion de faux avis, qui pourrait engager leur responsabilité pénale ou administrative ; d’autre part, se prémunir activement contre les contenus mensongers ou malveillants publiés à leur encontre, susceptible de nuire à leur réputation en ligne. Il en découle nécessairement une organisation interne structurée autour de ces deux axes.

Sur le plan de la conformité, il est indispensable de mettre en place une politique officielle de gestion des avis clients, formalisée, transparente et conforme à la norme ISO 20488. Cette politique doit notamment encadrer la collecte, la vérification, la modération et l’archivage des avis. Les avis sponsorisés ou incitatifs doivent être explicitement signalés. Toute intervention directe ou indirecte de l’entreprise dans la création ou la publication d’avis doit pouvoir être documentée et justifiée.

Parallèlement, la gestion de l’e-réputation suppose une veille active et rigoureuse. Cela implique de détecter rapidement les faux avis négatifs, les campagnes de dénigrement organisées ou les tentatives d’usurpation d’identité numérique. En cas de contenu litigieux, les entreprises doivent être prêtes à mobiliser les leviers juridiques disponibles : notifications aux plateformes, procédures de déréférencement, mises en demeure, voire actions judiciaires pour atteinte à l’image ou à la réputation.

Cette stratégie globale ne peut être efficace sans une formation ciblée des équipes concernées, notamment marketing, relation client, content management et service juridique. Ces équipes doivent être sensibilisées aux obligations réglementaires européennes (Directive Omnibus, DSA), françaises (Code de la consommation, DGCCRF) et, pour les entreprises internationales, au DMCCA britannique.

Il ne s’agit donc plus uniquement de respecter des obligations formelles, mais de développer une véritable culture interne de la transparence, de la traçabilité et de la maîtrise du risque numérique. Cette posture préventive est aujourd’hui essentielle pour préserver la crédibilité d’une marque dans un environnement en ligne de plus en plus surveillé, tant par les consommateurs que les autorités, et les concurrents.

Conclusion

La réglementation sur les faux avis en ligne est entrée dans une phase de maturité. La France et l’Union européenne disposent aujourd’hui d’un corpus juridique solide, complété par des outils de détection avancés. Le Royaume-Uni, de son côté, a franchi un cap en introduisant une approche intégrée via la DMCCA, marquant un tournant dans la lutte contre les contenus frauduleux.

Pour les entreprises, se conformer ne relève plus du choix stratégique mais d’une nécessité opérationnelle, tant les risques pesant sur leur image, leur position concurrentielle et leur sécurité juridique sont élevés.

FAQ

Comment fonctionne l’algorithme Polygraphe ?

Développé par la DGCCRF, il repère les anomalies statistiques ou sémantiques caractéristiques des campagnes de faux avis.

Le DMCCA britannique s’applique-t-il aux entreprises françaises ?

Oui, dès lors qu’elles ciblent des consommateurs au Royaume-Uni. Cela inclut, par exemple, la présence d’un site en anglais destiné au public britannique, l’expédition de marchandises vers le Royaume Uni, ou toute offre de services à des consommateurs britanniques.

Comment se mettre en conformité ?

Mettre en place une politique d’avis transparente, former les équipes, utiliser des outils d’analyse, archiver les preuves et signaler les partenariats.

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IA et droit d’auteur : comment anticiper les risques ?

Création générée par IA : la question de l’originalité humaine

La première condition de protection par le droit d’auteur est l’originalité, entendue comme l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Or, cette exigence exclut de facto une création entièrement générée par une intelligence artificielle, qui ne possède pas la qualité de personne physique.

En France comme dans l’Union européenne, les textes sont clairs : seul un humain peut être titulaire de droits. La directive 2001/29/CE et le Code de la propriété intellectuelle (articles L111-1 et suivants) consacrent cette approche.

La première décision judiciaire européenne portant sur cette question a été rendue le 11 octobre 2023 par le tribunal municipal de Prague : celui-ci a refusé de reconnaître l’éligibilité au droit d’auteur de contenus générés par un système d’intelligence artificielle. La demande de protection visant des images créées à l’aide de DALL·E a été rejetée au motif qu’aucune contribution créative humaine n’avait été démontrée.

Il convient donc d’opérer une distinction entre, d’une part, l’usage exclusif de l’intelligence artificielle pour produire des œuvres et, d’autre part, le recours à l’IA comme simple outil d’assistance au service d’un processus créatif humain. Dans cette seconde hypothèse, la protection par le droit d’auteur demeure envisageable, pour autant qu’une contribution personnelle suffisamment substantielle puisse être démontrée, notamment par la rédaction du prompt et la sélection du résultat retenu. Tel est le rappel formulé par le U.S. Copyright Office dans son rapport à destination du Congrès et du grand public, intitulé « Copyright and Artificial Intelligence » : la première partie, « Digital Replicas », a été publiée en juillet 2024, et la seconde, « Copyrightability », en janvier 2025.

Entraînement des IA : l’exploitation des œuvres existantes

L’enjeu juridique majeur aujourd’hui concerne l’entraînement des IA génératives. Ces systèmes sont alimentés par des milliards de contenus divers (textes, images, musiques, etc.), souvent issus d’œuvres protégées. La question est donc de savoir s’il est possible de les exploiter sans autorisation.

La directive (UE) 2019/790, transposée en droit français en 2021, a instauré la seule exception spécifique en matière de contrefaçon de droits d’auteur relative à la « fouille de textes et de données » (Text and Data Mining – TDM). Cette exception autorise, sous conditions, l’extraction et l’analyse automatisées de vastes corpus de textes ou d’images protégés afin de faire ressortir tendances, corrélations ou modèles. Elle vise à stimuler la recherche et l’innovation en particulier dans le domaine de l’IA, sans qu’une autorisation préalable des titulaires de droits soit requise, hormis le cas où ceux-ci manifestent explicitement leur opposition pour des usages commerciaux.

On en retient deux régimes qui coexistent :

  • La fouille de textes et de données est obligatoire pour la recherche scientifique publique, cela signifie concrètement que les titulaires de droits d’auteur ne peuvent pas s’opposer à l’exploitation de leurs œuvres protégées lorsque celle-ci est réalisée dans le cadre d’une activité de recherche scientifique conduite par des organismes publics ou à but non lucratif (tel que des universités ou des instituts de recherche).
  • La fouille de textes et de données peut être écartée pour les usages commerciaux si les titulaires de droits exercent expressément leur droit d’ « opt-out» explicite ou si une clause contractuelle le prévoit.

regimes Text and Data Mining

Dans l’affaire LAION c/ Robert Kneschke, n°310 O 227/23 du 27 septembre 2024, devant le tribunal régional de Hambourg, cette exception de fouille de textes et de données avait notamment été reconnue pour un usage scientifique d’images du photographe Robert Kneschke dans un modèle IA. L’action de ce dernier avait été rejetée, alors qu’il accusait l’organisation LAION d’avoir utilisé une de ses photographies issues de la plateforme Bigstockphoto afin de l’intégrer dans une base de données destinée à l’entraînement d’IA génératives.

Bien que les conditions d’utilisation de la plateforme interdisaient toute utilisation automatisée, le tribunal a reconnu à LAION le bénéfice de l’exception de fouille de textes et de données à des fins de recherche scientifique, prévue à l’article 60d de la loi allemande sur le droit d’auteur et les droits voisins (transposant la directive européenne 2019/790), estimant que l’organisation agissait dans un cadre non commercial et d’intérêt public.

Encadrement juridique et transparence des systèmes IA

Face aux nombreux enjeux qui entourent l’utilisation de l’IA, les réglementations se multiplient, afin de garantir un meilleur respect des droits intellectuels. Le règlement (UE) 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle, impose notamment une transparence renforcée pour les IA génératives à usage général. Les fournisseurs devront, à compter du 1er août 2025 :

  • Publier un résumé des données d’entraînement (dans la mesure du possible, sans divulguer les secrets industriels) ;
  • Conserver une documentation technique et des journaux d’entraînement ;
  • Respecter les droits d’auteur, notamment via des mécanismes d’opt-out.

Cette nouvelle réglementation marque une avancée significative pour les titulaires de droits. Elle permettra d’identifier les œuvres exploitées sans autorisation, et d’exiger, le cas échéant, des licences.

En parallèle, les autorités françaises, telles que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ou encore le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) se sont largement saisi de cette réglementation européenne, en précisant les modalités d’application et évaluant les modèles IA au regard du RGPD, notamment sur la loyauté du traitement et la transparence des algorithmes.

Vers une rémunération équitable des ayants droit

L’usage massif des œuvres protégées pour entraîner les IA génère une valeur économique incontestable, qui soulève une question centrale quant à la rémunération des créateurs.

Face à ce constat, les éditeurs de presse français (Le Monde, AFP, Le Figaro, etc.) ont notamment engagé des actions contre les sociétés X (anciennement Twitter) et Microsoft afin de faire valoir leurs droits voisins et obtenir une juste compensation.

Pour sa part, l’ADAGP (Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques) préconise la mise en place de régimes de licences collectives sectorielles assortis de mécanismes de redistribution équitable.

Certaines entreprises avaient déjà anticipé ces demandes. C’est le cas d’Adobe, qui propose une bibliothèque d’images générées sous licence ; ou encore OpenAI qui a signé des accords de licence avec plusieurs éditeurs internationaux.

Ces pratiques illustrent une voie d’équilibre entre innovation technologique et respect des droits.

Conclusion

Le droit d’auteur reste un outil fondamental pour encadrer l’essor de l’IA générative. En combinant apport créatif humain, traçabilité des données, licences adaptées et respect des exceptions, les entreprises peuvent sécuriser leurs usages et valoriser l’innovation. Le respect de ces principes protège à la fois les titulaires de droits et les utilisateurs de technologies IA.

Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne ses clients dans la gestion de dossiers de propriété intellectuelle complexes, en proposant des conseils personnalisés et un soutien opérationnel complet pour la protection intégrale de la propriété intellectuelle.

Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

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FAQ

  1. Une œuvre générée par IA peut-elle être protégée par le droit d’auteur ?
    Non, à moins qu’un apport humain créatif soit démontré et suffisamment important
  2. Les programmes d’entrainement des IA génératives peuvent-ils être basé sur des œuvres protégées ?
    Oui, sous réserve de respecter l’exception FTD ou d’avoir obtenu une licence le permettant.
  3. Est-il possible de s’opposer à l’utilisation de ses œuvres par une IA ?
    Oui, en exerçant un opt-out ou en interdisant contractuellement leur exploitation.
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Quelles limites à la détection de la contrefaçon en ligne par l’intelligence artificielle ?

La contrefaçon en ligne est une menace persistante pour les marques et les entreprises du monde entier. Face à cette problématique, les technologies reposant sur l’intelligence artificielle (IA) se présentent comme une solution innovante et efficace, permettant de détecter les produits contrefaits avec une rapidité et une précision accrue. Toutefois, bien que les capacités de l’IA soient indéniables, ces technologies ne sont pas sans limites. Il est crucial de comprendre ces contraintes afin de mieux exploiter leur potentiel tout en anticipant leurs failles.

L’intelligence artificielle : une solution innovante pour la détection de la contrefaçon en ligne

Des outils plus performants pour identifier les contrefaçons

L’IA a radicalement transformé la manière dont les entreprises peuvent surveiller leurs droits de propriété intellectuelle. Grâce à des algorithmes d’apprentissage automatique, l’IA permet d’analyser d’énormes quantités de données provenant de différentes plateformes en ligne, à la recherche de produits contrefaits. Ces outils peuvent être programmés pour rechercher des similitudes dans les logos, les marques, les noms de produits ou encore les descriptions, de manière plus efficace que les méthodes manuelles.

Une amélioration de la réactivité et de la précision dans l’identification des infractions

L’IA, grâce à sa capacité à analyser les données en temps réel, permet une réactivité accrue pour identifier rapidement les violations. Des milliers de pages web, des réseaux sociaux, des marketplaces en ligne, et même des applications mobiles sont passées au peigne fin dans un temps record. Ces systèmes peuvent identifier des produits contrefaits presque instantanément, ce qui permet aux entreprises d’agir rapidement pour les faire retirer.

L’IA a également démontré sa capacité à détecter des contrefaçons subtiles, souvent invisibles à l’œil humain.  Elle peut identifier des variations minimes dans la présentation visuelle ou des erreurs typographiques avec une grande précision, renforçant ainsi l’efficacité des systèmes de protection.

Une automatisation des actions légales

Il est également possible d’envisager, dans une certaine mesure, l’automatisation des processus juridiques. Une fois qu’une contrefaçon a été détectée, une IA peut générer des lettres de mise en demeure, des demandes de retrait de contenu et même initier des procédures auprès de certaines plateformes concernées. Cela réduit considérablement le temps et les coûts associés à ces démarches et permet aux entreprises de protéger plus efficacement leurs droits.

Les défis et limites de l’intelligence artificielle dans la lutte contre la contrefaçon

Un manque de compréhension contextuelle

L’IA, bien que puissante, reste limitée lorsqu’il s’agit de comprendre le contexte d’une situation. L’IA peut détecter une similitude visuelle dans un produit sans être en mesure de déterminer s’il s’agit réellement d’une contrefaçon ou d’un produit authentique vendu en dehors des canaux de distribution officiels, comme dans le cadre du marché parallèle, où les produits sont commercialisés sans l’accord du fabricant.  L’absence de compréhension réelle du marché et des pratiques commerciales complique l’analyse correcte des données.

La complexité des produits contrefaits

Les produits contrefaits deviennent de plus en plus difficiles à identifier, les contrefacteurs utilisant des techniques avancées pour imiter des articles authentiques. Dans le secteur de la mode, certaines contrefaçons sont fabriquées avec des matériaux proches de ceux des originaux, compliquant leur détection. Par ailleurs, les faux sites web et marketplaces ajustent leur contenu pour échapper aux moteurs de recherche, rendant ainsi la tâche plus complexe pour l’IA, qui repose essentiellement sur des comparaisons visuelles.

Des défis éthiques et juridiques

L’utilisation de l’IA pour détecter la contrefaçon soulève des questions éthiques et juridiques, notamment en termes de protection des données personnelles. En effet, ces systèmes nécessitent une collecte massive d’informations, en conflit avec des régulations comme le Règlement général sur la protection des données (RGPD). De plus, les biais algorithmiques peuvent fausser les résultats, en favorisant certaines marques.

Ces défis nécessitent une supervision humaine et une transparence accrue pour garantir la justesse et le respect des droits des utilisateurs. Il convient de noter que la responsabilité juridique des actions de l’IA est difficile à établir, en particulier en cas de fausse détection.

detection contrefacon avec IA

L’avenir de l’intelligence artificielle : vers une amélioration continue des systèmes de détection

L’évolution des technologies

Les technologies d’IA évoluent rapidement, notamment grâce à l’apprentissage profond (« deep learning »), une technique qui permet à l’IA de simuler des processus cognitifs humains pour reconnaître des motifs complexes et améliorer la détection des contrefaçons. Cette méthode, associée à la reconnaissance d’images, permet de réduire les erreurs, même pour des produits légèrement modifiés. L’intégration de l’analyse sémantique, qui consiste à analyser la signification des mots et des phrases, et de la compréhension du langage naturel, permet à l’IA de mieux analyser le contenu textuel des produits. Cela lui permet de déceler des incohérences dans les descriptions en ligne, affinant ainsi la détection des contrefaçons.

L’importance de la collaboration entre l’IA et les humains

Malgré les progrès de l’IA, l’expertise humaine demeure indispensable. Ces systèmes sont particulièrement performants dans le traitement de vastes volumes de données et l’identification de motifs visuels, mais ils peinent fréquemment à saisir le contexte, un élément crucial pour différencier une contrefaçon d’une reproduction légitime ou d’un produit commercialisé sur le marché parallèle. Les experts humains, avec leur compréhension du contexte juridique et commercial, apportent une valeur ajoutée indispensable à l’évaluation des résultats de l’IA, et garantissent ainsi des décisions plus précises et éthiques.

Conclusion

Nous pensons aujourd’hui que l’intelligence artificielle offre des solutions très prometteuses pour la détection de la contrefaçon en ligne et nous l’utilisons au quotidien. Toutefois, bien qu’elle permette de détecter rapidement et avec précision un grand nombre de produits contrefaits, elle reste soumise à certaines limites technologiques et éthiques. Pour surmonter ces obstacles, il est donc crucial d’améliorer en permanence les technologies d’IA tout en associant les experts humains à son utilisation.

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FAQ

  1. Quelles sont les limites de l’IA dans la détection de la contrefaçon ?
    L’IA manque de compréhension contextuelle, pouvant confondre des produits authentiques avec des copies légales ou parallèles. Elle peut aussi générer des faux positifs ou faux négatifs.
  2. Quels sont les défis éthiques liés à l’utilisation de l’IA pour la détection des contrefaçons ?
    Les défis incluent la protection des données personnelles (RGPD), la responsabilité juridique des actions de l’IA, et les risques de biais algorithmiques dans les décisions.
  3. Les systèmes d’IA peuvent-ils remplacer les experts humains dans la détection des contrefaçons ?
    Non, l’IA est efficace pour l’analyse, mais les experts humains sont nécessaires pour interpréter les résultats et prendre des décisions contextuelles.
  4. L’IA peut-elle améliorer la réactivité face à la contrefaçon en ligne ?
    Oui, l’IA permet de détecter rapidement des contrefaçons et de réagir en temps réel, ce qui accélère le processus de protection des marques.
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Y a-t-il des droits d’auteur sur la revente de jeux vidéo en ligne ?

La revente de jeux vidéo numériques pose des problèmes juridiques importants, principalement liés aux contrats de licence et aux droits d’auteur. Contrairement aux jeux physiques, ils sont soumis à des règles strictes qui interdisent leur revente, une pratique que les consommateurs pourraient naturellement espérer étant donné la nature dématérialisée de ces produits. Cet article analyse les raisons juridiques expliquant cette interdiction et les conséquences pour les consommateurs et les acteurs du marché.

Les enjeux juridiques autour de la revente des jeux vidéo dématérialisés

La nature des jeux vidéo dématérialisés

Les jeux vidéo numériques sont achetés et téléchargés par le biais de plateformes en ligne. L’une des principales distinctions par rapport aux jeux physiques est que les consommateurs n’achètent pas réellement le jeu, mais obtiennent une licence d’utilisation qui leur en donne le droit d’usage pour une durée déterminée, sans devenir propriétaires du jeu, ni de son contenu.

Ces licences revêtent un caractère personnel, non transférable. Les conditions étant notamment spécifiées expressément dans les contrats que les utilisateurs acceptent lors de leur achat. C’est en raison de cette absence de propriété qu’il est juridiquement impossible de revendre un jeu vidéo en ligne.

Les contrats de licence et la protection des droits d’auteur

Les jeux vidéo sont protégés par le droit d’auteur, qui confère à l’éditeur les droits exclusifs de distribution et d’utilisation selon le Code de la propriété intellectuelle, ce qui explique les restrictions strictes qui leurs sont attachées.

Les contrats de licence ont notamment pour but de protéger ces droits et de restreindre l’utilisation des jeux dans le cadre défini par leur éditeur. Il s’agit pour ce dernier, d’un moyen efficace de contrôle de la diffusion de leurs œuvres et de préservation de leur modèle économique.

L’absence de marché de l’occasion pour les jeux vidéo en ligne : une conséquence des droits d’auteur

L’épuisement des droits et ses limites dans le domaine des jeux vidéo numériques

Le principe d’épuisement du droit de distribution permet à un bien matériel d’être revendu librement après sa première vente, sous réserve que cette vente ait eu lieu dans l’Union européenne. Cependant, ce principe ne s’applique pas aux biens immatériels, comme les jeux vidéo numériques.

En effet, selon l’article 4 de la directive 2001/29/CE sur le droit d’auteur, l’épuisement des droits ne concerne que les objets tangibles, et non les services ou produits dématérialisés, comme les jeux vidéo. Cette règle vise à protéger les intérêts des éditeurs et à éviter la circulation non contrôlée des produits numériques.

biens materiels biens numeriques

La jurisprudence et l’absence de droit à la revente

La Cour de cassation a récemment clarifié cette question de l’épuisement du droit de distribution d’un jeu vidéo fourni en ligne dans son arrêt du 23 octobre 2024 (n° 23-13.738), rejetant le pourvoi de l’association UFC-Que Choisir contre la société Valve Corporation concernant la revente de jeux vidéo numériques sur la plateforme Steam, dont les conditions générales interdisaient la revente et le transfert des comptes ou des souscriptions acquises sur la plateforme.

Cette dernière a confirmé que les jeux vidéo sont des œuvres complexes comprenant des éléments graphiques, sonores et narratifs, protégés par la directive 2001/29/CE sur le droit d’auteur, et non par la directive 2009/24/CE relative aux programmes d’ordinateur. Cette distinction est conforme aux décisions antérieures de la CJUE, qui ont, elles aussi, précisé que le droit d’épuisement ne s’applique qu’aux objets tangibles et non aux produits numériques.

Plusieurs décisions confirment cette tendance, dont notamment :

  • L’arrêt « Nintendo» (23 janvier 2014) : dans cette affaire, la société Nintendo a poursuivi PC Box, une plateforme qui vendait des jeux vidéo sous forme de téléchargement en ligne. Nintendo contestait la revente de copies de ses jeux vidéo numériques sans son autorisation, après que les consommateurs aient téléchargé les jeux via un code de téléchargement.
  • L’arrêt « Tom Kabinet» (19 décembre 2019) : dans cette affaire, Tom Kabinet, un site néerlandais, avait mis en place un marché permettant la revente de copies numériques de livres électroniques, la légalité de ce marché était contesté.

L’avenir de la revente des jeux vidéo en ligne

Les évolutions possibles de la législation

Dans l’optique de réformer la législation européenne, certains préconisent un assouplissement des règles concernant la revente des jeux vidéo numériques. En 2021, la Commission européenne a lancé une consultation publique pour examiner les options de réformes législatives sur le marché numérique. Toutefois, le modèle économique des éditeurs et la protection des droits d’auteur restent des enjeux clés qui retardent une réforme en profondeur.

Certaines initiatives en faveur des consommateurs, comme la création de licences plus flexibles, voire transférables, pourraient permettre de réconcilier les intérêts des éditeurs et des utilisateurs, instaurant un système de revente contrôlée sur des plateformes agréées.

Le rôle des plateformes de distribution

Les plateformes de distribution de jeux vidéo en ligne, telles que Steam ou PlayStation Store, jouent un rôle fondamental dans la régulation du marché des jeux vidéo numériques. Si ces plateformes offrent parfois des systèmes de partage ou d’échange, elles limitent néanmoins la revente libre des jeux. Leurs politiques sont dictées par les contrats de licence, qui sont négociés avec les éditeurs et les studios de développement.

Conclusion

La question de la revente des jeux vidéo en ligne soulève des enjeux juridiques importants qui sont principalement liés aux contrats de licence et aux droits d’auteur. Si certaines évolutions législatives pourraient permettre d’assouplir ces restrictions, la situation actuelle reste complexe, et les éditeurs de jeux vidéo continuent de contrôler strictement la distribution de leurs produits. Le marché secondaire des jeux vidéo numériques reste pour l’heure inexistant, du moins dans le cadre des pratiques légales.

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FAQ

  1. Pourquoi les jeux vidéo en ligne ne peuvent-ils pas être revendus ?
    Les jeux vidéo numériques sont régis par des contrats de licence qui interdisent leur revente, du fait de leur protection par le droit d’auteur.
  2. Qu’est-ce qu’une licence de jeu vidéo ?
    Une licence de jeu vidéo est un contrat entre le consommateur et l’éditeur du jeu, qui lui permet de jouer au jeu sous certaines conditions, sans en devenir propriétaire.
  3. Existe-t-il des exceptions à l’interdiction de revente des jeux vidéo numériques ?
    Dans certains cas, une licence perpétuelle peut permettre le transfert de droits d’utilisation, mais ces situations restent exceptionnelles et les autorisations doivent être expressément stipulées.
  4. Quels sont les risques juridiques de la revente de jeux vidéo en ligne ?
    La revente non autorisée peut entraîner des poursuites judiciaires pour violation des droits d’auteur et des contrats de licence.
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L’importance de défendre activement sa marque : comprendre la forclusion par tolérance

Dans l’univers en constante évolution de la propriété intellectuelle, les marques constituent des actifs stratégiques permettant de distinguer les produits et services sur le marché. Toutefois, leur valeur ne réside pas uniquement dans leur enregistrement, mais également dans la vigilance dont fait preuve leur titulaire pour prévenir toute utilisation non autorisée. L’un des écueils juridiques majeurs à cet égard est la forclusion par tolérance, un mécanisme susceptible de priver le titulaire de ses droits s’il n’agit pas dans les délais impartis.

La forclusion par tolérance ne peut être assimilée à la prescription. En effet, la forclusion repose sur l’inaction volontaire du titulaire de la marque, alors que la prescription est une règle de droit commun liée au temps. La forclusion empêche toute action en nullité ou en contrefaçon, même si les faits sont récents.

I – Comprendre la forclusion par tolérance en droit des marques

Définition et cadre juridique

La forclusion par tolérance désigne une situation dans laquelle le titulaire d’une marque antérieure tolère sciemment, pendant une période continue de cinq ans, l’usage d’une marque postérieure enregistrée sans exercer de recours. En droit européen, l’article 61 du Règlement sur la marque de l’Union européenne (RMUE) codifie ce mécanisme :

« 1. Le titulaire d’une marque de l’Union européenne qui a toléré pendant cinq années consécutives l’usage d’une marque de l’Union européenne postérieure dans l’Union en connaissance de cet usage ne peut plus demander la nullité de la marque postérieure sur la base de la marque antérieure pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que l’enregistrement de la marque de l’Union européenne postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi.

  1. Le titulaire d’une marque nationale antérieure visée à l’article 8, paragraphe 2, ou d’un autre signe antérieur visé à l’article 8, paragraphe 4, qui a toléré pendant cinq années consécutives l’usage d’une marque de l’Union européenne postérieure dans l’État membre où cette marque antérieure ou l’autre signe antérieur est protégé, en connaissance de cet usage, ne peut plus demander la nullité de la marque postérieure sur la base de la marque antérieure ou de l’autre signe antérieur pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que l’enregistrement de la marque de l’Union européenne postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi.
  2. Dans les cas visés au paragraphe 1 ou 2, le titulaire de la marque de l’Union européenne postérieure ne peut pas s’opposer à l’usage du droit antérieur bien que ce droit ne puisse plus être invoqué contre la marque de l’Union européenne postérieure. »

Lorsque les conditions sont réunies, la personne ayant toléré l’usage ne peut plus contester la validité, ni interdire l’usage de la marque postérieure.

Conditions essentielles de la forclusion

Pour qu’il y ait forclusion par tolérance, quatre conditions cumulatives doivent être réunies :

  1. Connaissance : le titulaire de la marque antérieure doit avoir eu connaissance de l’usage de la marque postérieure.
  2. Usage continu : la marque postérieure doit avoir été utilisée sans interruption pendant cinq ans.
  3. Bonne foi : la marque postérieure doit avoir été enregistrée et utilisée de bonne foi.
  4. Absence de recours : aucune action juridique ne doit avoir été intentée pendant cette période.

Clarification de la notion de « connaissance »

La condition de connaissance effective par le titulaire de la marque antérieure est un critère central de la forclusion par tolérance, mais également l’un des plus débattus.

Selon la jurisprudence constante du Tribunal de l’Union européenne (aff. T-150/17) et de la Cour de justice de l’Union européenne (aff. C-381/12 P), la connaissance doit être effective, et non simplement présumée. Autrement dit, une connaissance implicite ou déduite du comportement du titulaire ne suffit pas. La preuve d’une connaissance réelle de l’usage de la marque postérieure est exigée.

En particulier, la Cour de justice a rappelé dans l’arrêt C-381/12 P que :

« Le titulaire d’une marque antérieure ne peut être considéré comme ayant eu connaissance de l’usage d’une marque postérieure que s’il a effectivement eu connaissance de cet usage, et non simplement une connaissance implicite ou une connaissance déduite du comportement du titulaire de la marque. »

De même, le Tribunal de l’Union européenne dans l’affaire T-150/17 a précisé :

« Par conséquent, le titulaire d’une marque contestée par le biais d’une demande de nullité ne peut pas se contenter de prouver une connaissance potentielle de l’usage de sa marque par le titulaire d’une marque antérieure, ni établir des éléments de preuve cohérents susceptibles de faire présumer l’existence d’une telle connaissance. »

Il ne suffit donc pas que la marque postérieure soit visible sur le marché ou qu’il y ait des procédures en contrefaçon dans d’autres juridictions. Par exemple, la simple présence de la marque litigieuse dans les résultats d’une veille automatisée ne constitue pas une preuve suffisante, à défaut d’autres éléments concrets.

Des indices de connaissance effective peuvent toutefois résulter :

  • de correspondances entre les parties évoquant l’usage de la marque ;
  • d’une présence conjointe lors de salons professionnels, où les marques sont utilisés ;
  • ou encore de la signature d’un accord de coexistence préalable (aff. 3971 C).

Dans l’affaire R 1299/2007-2  , l’EUIPO a clarifié un point important concernant la condition de connaissance dans le cadre de la forclusion par tolérance. Il a en effet jugé que le titulaire de la marque antérieure n’a pas besoin d’avoir connaissance de l’enregistrement de la marque postérieure, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire qu’il sache formellement que la marque postérieure a été déposée ou enregistrée auprès de l’office compétent. En revanche, il est indispensable que le titulaire de la marque antérieure ait une connaissance effective de l’usage de la marque postérieure pendant la période pertinente, c’est-à-dire qu’il sache que cette marque est utilisée sur le marché, et ce, en dépit de son enregistrement.

Ainsi, la période de tolérance commence à courir uniquement à partir du moment où le titulaire de la marque antérieure a connaissance réelle et objective de l’usage de la marque postérieure, et non simplement de son existence en tant que dépôt ou enregistrement administratif, pendant cinq années consécutives. La Chambre de recours a notamment jugé :

« Ce qui importe dans ce contexte, c’est la circonstance objective que le signe (dont l’usage a été sciemment toléré par le demandeur en annulation) doit avoir existé, pendant au moins cinq ans, en tant que marque communautaire (CTM) ».

II – Risques liés à l’absence de défense des droits de marque

Conséquences juridiques

Le défaut d’action en temps utile face à l’usage non autorisé d’une marque identique ou similaire peut entraîner une perte définitive des droits. Une fois la forclusion par tolérance acquise, le titulaire antérieur ne pourra plus agir en nullité ou en contrefaçon contre la marque postérieure pour les produits ou services concernés. Ce verrou juridique impose une réactivité absolue pour conserver la force exécutoire de ses droits.

Conséquences économiques

Les effets économiques d’une absence de défense sont tout aussi préjudiciables :

  • Affaiblissement de la marque : La coexistence de marques similaires fragilise la singularité et la valeur symbolique de la marque antérieure. La force d’une marque réside en grande partie dans sa capacité à se distinguer clairement des autres signes utilisés par des concurrents. Lorsqu’une marque similaire est tolérée ou laissée sans opposition, cette différenciation se dilue progressivement. La marque antérieure perd alors une part de son exclusivité, ce qui peut altérer sa valeur symbolique auprès des consommateurs et des partenaires commerciaux. Cette dégradation affecte non seulement la perception qualitative de la marque, mais aussi sa puissance commerciale et sa capacité à incarner l’identité et les valeurs de l’entreprise.
  • Confusion du consommateur : Des marques proches peuvent désorienter le public, nuire à la confiance et détourner des ventes. Le consommateur, confronté à une offre fragmentée de signes similaires, peut éprouver des difficultés à identifier clairement l’origine des produits ou services. Cette incertitude porte atteinte à la confiance des consommateurs, qui peut se traduire par une hésitation à l’achat, voire un rejet du marché. Par ailleurs, la confusion peut favoriser l’utilisation abusive de la notoriété et de la réputation de la marque antérieure par les titulaires de marques postérieures, au détriment de la loyauté du consommateur envers la marque d’origine.
  • Perte de parts de marché : Des concurrents profitant de la similarité peuvent capter une part de la clientèle, en tirant indûment avantage de la notoriété de la marque originelle. Cette captation de clientèle repose souvent sur une appropriation illégitime de la renommée et des efforts marketing déployés par le titulaire originel. L’impact se traduit par une diminution du chiffre d’affaires et, à terme, par une érosion de la position concurrentielle de la marque originelle. Dans un contexte de marché concurrentiel, cette perte peut fragiliser durablement la pérennité économique et stratégique de l’entreprise.

III – Stratégies pour une protection active des marques

Surveillance et détection proactive

Une surveillance rigoureuse du marché est indispensable. La mise en place de systèmes de veille permet de détecter rapidement les dépôts ou les usages litigieux. Les audits réguliers et l’analyse des bases de données nationales et internationales sont également des outils cruciaux pour anticiper les contentieux.

Actions juridiques et réactions en temps utile

Dès qu’un usage non autorisé est identifié, il est conseillé d’agir sans délai. Cela peut prendre la forme :

  • de mises en demeure (voir limites ci-dessous),
  • d’oppositions à l’enregistrement de marques conflictuelles,
  • ou d’actions judiciaires si nécessaire.

Ces mesures ne servent pas seulement à éviter la forclusion, mais renforcent également la légitimité et l’exclusivité de la marque.

Interruption de la période de forclusion

Le point de départ et la suspension de la période de tolérance font également l’objet d’une jurisprudence abondante.

L’arrêt C-482/09 de la CJUE a établi que le simple envoi d’une mise en demeure ne suffit pas à interrompre la période de forclusion, sauf si cette lettre aboutit à un résultat concret (par exemple : un retrait volontaire, un accord de coexistence ou l’engagement d’un recours).

Seules les actions administratives ou judiciaires engagées – comme une action en nullité par exemple devant l’INPI ou l’Office de l’Union européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) ou encore une action devant les juridictions nationales, comme une action en contrefaçon – permettent d’interrompre utilement la période de cinq ans.

Un arrêt récent (aff. C-466/20) a confirmé que l’envoi d’un avertissement infructueux, même s’il prouve une opposition claire, ne suffit pas à empêcher la forclusion si aucune action formelle ne suit. La Cour précise que :

« Toute interprétation de l’article 9 de la directive 2008/95 ainsi que des articles 54, 110 et 111 du règlement no 207/2009 selon laquelle l’envoi d’une mise en demeure suffit, en tant que tel, pour interrompre le délai de forclusion permettrait au titulaire de la marque antérieure ou d’un autre droit antérieur de contourner le régime de forclusion par tolérance en envoyant itérativement, à des intervalles de près de cinq ans, une lettre de mise en demeure. Or, une telle situation porterait atteinte aux objectifs du régime de forclusion par tolérance, rappelés aux points 46 à 48 du présent arrêt, et priverait ce régime de son effet utile ».

Cette décision souligne l’importance d’une vigilance active et d’une réactivité juridique face à l’usage non autorisé d’une marque antérieure.

De même, la signature d’un accord de coexistence interrompt la période de forclusion par tolérance, suspendant ainsi le délai pendant lequel le titulaire de la marque antérieure pourrait perdre ses droits en raison de sa tolérance. Cependant, si cet accord est ultérieurement violé ou cesse d’avoir effet, une nouvelle période de cinq ans commence à courir, à condition que le titulaire de la marque antérieure ait de nouveau connaissance effective de l’usage de la marque postérieure. Cette règle a été précisée par la décision R 267/2014-2.

Dans cette affaire, la Chambre de recours a notamment jugé :

« Par conséquent, comme la demande de déclaration de nullité a été déposée le 11 juillet 2012, la décision contestée a correctement conclu que moins de cinq années consécutives s’étaient écoulées entre la fin de l’accord verbal, c’est-à-dire à partir du moment où le demandeur en nullité a eu la possibilité de ne pas tolérer l’usage de la marque communautaire contestée, et la demande de déclaration de nullité. En revanche, même si l’on considérait que l’accord verbal entre les parties n’avait pas été violé et avait pris fin lorsque le titulaire de la marque communautaire a formé opposition contre la demande de marque communautaire « BONASYSTEMS », le 16 février 2010, cet accord verbal devrait, en l’absence de preuve contraire, être considéré comme toujours valide. Par conséquent, le titulaire de la marque antérieure n’a toujours pas la possibilité de ne pas tolérer l’usage de cette dernière marque communautaire au Royaume-Uni. Il s’ensuit que la demande d’acquiescement doit être rejetée ».

Ainsi, la reprise de la période de forclusion ne peut intervenir que si deux conditions sont remplies simultanément : la cessation effective de l’accord de coexistence et la prise de conscience par le titulaire antérieur de l’usage continu de la marque postérieure.

Conclusion

Défendre activement sa marque n’est pas qu’une obligation juridique : c’est un impératif stratégique. La connaissance et l’anticipation des effets de la forclusion par tolérance sont essentielles pour préserver la valeur, l’exclusivité et l’intégrité d’un portefeuille de marques. Une politique de vigilance systématique, combinée à des réactions ciblées et rapides, constitue la meilleure garantie pour assurer la pérennité d’un actif aussi sensible que la marque.

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Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus.

Cet article a été publié sur le site de Village Justice.

FAQ

1. Qu’est-ce que la forclusion par tolérance en droit des marques ?

La forclusion par tolérance est un mécanisme juridique qui survient lorsqu'un titulaire de marque antérieure tolère sciemment pendant cinq ans l’usage d’une marque postérieure sans contester cet usage. Après cette période, il perd le droit de demander l'annulation de la marque postérieure pour les produits ou services concernés, sauf en cas de mauvaise foi de l’enregistrement de cette dernière.

2. Quelles sont les conséquences de la forclusion pour un titulaire de marque ?

Lorsqu'une forclusion par tolérance intervient, le titulaire de la marque antérieure perd la possibilité de demander l’annulation de la marque postérieure, même si l’utilisation de cette dernière est contraire à ses droits. Cela peut affecter la force et la valeur de la marque antérieure, particulièrement dans un contexte où la distinction entre les marques est floue pour les consommateurs.

3. Quelles sont les conditions nécessaires pour qu’une forclusion par tolérance se produise ?

Pour qu’une forclusion par tolérance se produise, il faut que quatre conditions soient réunies : la connaissance de l’usage de la marque postérieure, l’usage continu de la marque postérieure pendant cinq ans, l’enregistrement et l’usage de la marque postérieure de bonne foi, et l’absence de toute action juridique pendant cette période.

 

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Déchéance de marque pour non-usage : encadrement de l’abus de procédure et recevabilité de preuves tardives par le Tribunal de l’Union Européenne

Dans un contexte où les entreprises doivent constamment défendre la pérennité de leurs droits de marque, les procédures de déchéance pour non-usage suscitent un contentieux croissant devant les juridictions de l’Union européenne.

Deux arrêts rendus le 7 mai 2025 par le Tribunal de l’Union européenne (T-1088/23 et T-1089/23) apportent une clarification sur deux points clés : l’absence de contrôle de l’intérêt à agir dans les demandes de déchéance et les conditions d’admission des preuves produites tardivement. Ces décisions illustrent à la fois la rigueur attendue des titulaires de marque et l’exigence de diligence imposée à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

L’encadrement juridique et procédural des demandes de déchéance

Le droit des marques de l’Union européenne, tel que prévu à l’article 58 du règlement (UE) 2017/1001, permet à tout tiers de demander la déchéance d’une marque qui n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans. Ces procédures visent à garantir la sincérité du registre et l’efficacité économique du droit des marques. Toutefois, leur instrumentalisation à des fins dilatoires ou stratégiques soulève la question d’un éventuel abus de procédure, en particulier lorsqu’elles sont introduites sans intérêt légitime apparent ou en réaction à une opposition.

Dans deux affaires rendues le 7 mai 2025 (T-1088/23 et T-1089/23), le Tribunal de l’Union européenne était saisi de demandes d’annulation des décisions de l’EUIPO ayant partiellement révoqué des marques du groupe RTL sur requête d’une tierce partie. Deux enjeux fondamentaux ont été discutés : la recevabilité d’une demande de déchéance prétendument abusive et la prise en compte d’éléments de preuve produits tardivement en appel.

Deux affaires parallèles pour une clarification majeure

Les affaires T-1088/23 et T-1089/23 opposent RTL Group Markenverwaltungs GmbH à l’EUIPO et portent sur la déchéance partielle de deux marques figuratives « RTL » enregistrées dans l’Union européenne pour plus de vingt classes de produits et services.

En 2016, RTL Group Markenverwaltungs GmbH a obtenu l’enregistrement de deux marques figuratives de l’Union européenne comportant l’élément verbal « RTL », couvrant une vaste gamme de produits et services répartis sur 22 classes. En 2021, une tierce personne a introduit deux demandes de déchéance pour non-usage fondées sur l’article 58, paragraphe 1, point a), du règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l’Union européenne.

Pour contester ces demandes, RTL a présenté divers éléments de preuve visant à démontrer l’usage sérieux des marques en cause, parmi lesquels figuraient des captures d’écran de sites internet, des supports publicitaires, des extraits de programmes audiovisuels ainsi que des données d’audience. L’EUIPO a toutefois estimé que ces preuves n’étaient suffisantes que pour certains des produits et services désignés, et a prononcé la déchéance partielle des marques pour les autres.

RTL a formé un recours devant la chambre de recours de l’EUIPO, sollicitant l’annulation de la décision partielle de déchéance et la prise en compte de nouvelles preuves soumises pour la première fois en appel, notamment des documents financiers, des attestations de diffusion numérique et des éléments supplémentaires attestant d’une communication commerciale effective. La chambre de recours a rejeté ces nouvelles pièces, estimant qu’elles avaient été produites tardivement sans justification suffisante, et a confirmé la décision de déchéance partielle.

Dans ses recours, RTL soulevait deux moyens principaux : d’une part, l’irrecevabilité des demandes pour abus de droit, et d’autre part, le refus par la chambre de recours d’examiner des preuves d’usage produites tardivement. Le Tribunal a tranché ces deux questions en rejetant successivement l’exception pour abus de droit puis en sanctionnant l’EUIPO pour avoir refusé d’examiner des preuves tardivement.

Le rejet d’une exception pour abus de droit : une position de principe

RTL soutenait que la demande de déchéance s’inscrivait dans un schéma d’intimidation procédurale, inspiré de l’affaire « Sandra Pabst » rendue par la Grande chambre de recours de l’EUIPO le 1er février 2020 (R 2445-2017-G).. Dans cette affaire de 2020, la Grande chambre de recours avait reconnu un abus de procédure manifeste, fondé sur un faisceau d’indices concordants : la demanderesse, une société spécialement constituée pour déposer des demandes de déchéance, avait engagé plus de 800 procédures en moins de deux ans, dont 37 à l’encontre du même titulaire. Certaines de ces actions étaient manifestement infondées et utilisées comme levier de pression dans un objectif stratégique, notamment pour tenter d’obtenir la cession des marques visées. Ce comportement systémique, conjugué à l’absence d’activité économique propre et à la répétition des démarches litigieuses, traduisait une instrumentalisation manifeste de la procédure de déchéance à des fins autres que celles prévues par le règlement. Ce précédent constituait ainsi, aux yeux de RTL, un cadre de référence pour démontrer le caractère abusif des demandes dirigées contre ses marques.

 

Le Tribunal rappelle toutefois, en application de l’article 63(1)(a) du règlement 2017/1001, que toute personne physique ou morale peut introduire une telle demande, sans avoir à justifier d’un intérêt à agir. La finalité de cette disposition est de servir l’intérêt général du registre, et non la protection d’intérêts privés.  L’objectif est notamment de désengorger les registres de marques des signes qui ne sont plus exploités, dans un contexte où les marques disponibles se font rares, et ainsi de libérer l’accès aux registres pour les opérateurs économiques actifs. L’absence d’usage reste un motif objectif, indépendant de la qualité du demandeur.

Il précise également, qu’aucune des circonstances exceptionnelles de l’affaire Sandra Pabst n’était ici réunie : absence de société écran, nombre limité de procédures, absence de preuve d’un objectif stratégique illicite. En conséquence, le grief d’abus de droit est rejeté.

La preuve d’usage tardive : un rappel des obligations procédurales de l’EUIPO

La seconde branche du litige portait sur le refus, par la chambre de recours de l’EUIPO, d’examiner des preuves et observations transmises par RTL le 15 septembre 2023, soit après les délais réglementaires. L’EUIPO s’était appuyé sur les articles 95(2) du règlement 2017/1001 et 27(4) du règlement délégué 2018/625 pour écarter ces éléments sans analyse approfondie.

Le Tribunal a fermement sanctionné cette position. Il rappelle que l’EUIPO dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour accepter des éléments de preuve hors délai, sous réserve qu’ils soient pertinents à première vue et accompagnés de justifications valables. Le rejet automatique de pièces sous prétexte de leur présentation tardive constitue une erreur de droit.

En l’espèce, l’EUIPO n’a pas exercé ce pouvoir discrétionnaire de manière motivée, violant ainsi ses obligations procédurales. Le Tribunal annule donc partiellement la décision de l’EUIPO.

Conclusion

En définitive, les arrêts du 7 mai 2025 viennent préciser deux points fondamentaux du droit des marques de l’Union : d’une part, la recevabilité des demandes de déchéance indépendamment de tout intérêt à agir, y compris en l’absence de lien concurrentiel ou d’usage personnel du signe par le demandeur ; et d’autre part, l’obligation pour l’EUIPO de motiver, de manière circonstanciée, son refus d’examiner des preuves produites hors délai.

Le Tribunal rappelle ainsi que la procédure de déchéance poursuit un objectif d’intérêt général : assainir le registre en éliminant les marques qui ne sont plus exploitées, libérant ainsi de l’espace juridique dans un environnement où la disponibilité des signes est de plus en plus restreinte pour les opérateurs économiques.

Ces décisions soulignent enfin que les titulaires doivent adopter une gestion active, préventive et rigoureuse de leurs portefeuilles, en conservant des preuves d’usage sérieuses, exploitables et actualisées, pour pouvoir justifier à tout moment du maintien de leurs droits.

Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne ses clients dans la gestion de dossiers de propriété intellectuelle complexes, en proposant des conseils personnalisés et un soutien opérationnel complet pour la protection intégrale de la propriété intellectuelle.

Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus.

FAQ

1. Qu’est-ce qu’une demande de déchéance pour non-usage ?

Il s’agit d’une procédure permettant à toute personne de demander la radiation d’une marque de l’UE si elle n’a pas été utilisée sérieusement pendant cinq ans.

2. Faut-il un intérêt à agir pour demander la déchéance d’une marque de l’UE ?

Non. Selon l’article 63(1)(a) du règlement 2017/1001, aucune justification d’intérêt n’est requise.

3. L’EUIPO peut-il rejeter automatiquement des preuves produites tardivement ?

Non. Il doit exercer un pouvoir d’appréciation, en vérifiant leur pertinence et les raisons du retard.

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Constat d’achat : la Cour de cassation met fin à l’exigence stricte d’indépendance du tiers acheteur

Le constat d’achat, instrument de preuve central dans les litiges de propriété intellectuelle, a longtemps été fragilisé par l’exigence d’indépendance absolue du tiers acheteur. Dans son arrêt rendu en chambre mixte du 12 mai 2025 (n° 22-20.739), la Cour de cassation opère un revirement attendu : elle pose les bases d’une appréciation plus pragmatique, centrée sur la transparence et l’équité procédurale. Dès lors, l’absence d’indépendance ne suffit plus, à elle seule, à invalider un constat.

Le cadre juridique du constat d’achat

1.1 Un outil essentiel en matière de preuve

Le constat d’achat est une pratique probatoire incontournable dans les litiges de propriété intellectuelle. Il permet à un titulaire de droits de démontrer la commercialisation illicite d’un produit, généralement en ligne, en mandatant un huissier pour réaliser un achat et en dresser procès-verbal.

1.2 Une jurisprudence antérieure rigide

Depuis un arrêt du 25 janvier 2017 (Civ. 1re, n° 15-25.210), la Cour de cassation considérait que la seule participation d’un tiers lié au cabinet d’avocats du demandeur (stagiaire ou collaborateur) suffisait à entraîner la nullité du constat, au nom du droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette position a suscité de vives critiques dans les milieux spécialisés, tant elle compliquait inutilement l’administration de la preuve.

 

Faits et déroulement de l’affaire

2.1 Une opération de constat jugée irrégulière

En 2016, la société Rimowa, titulaire de la marque « Limbo », constate la vente en ligne de contrefaçons sur un site exploitant la marque « Bill Tornade ». Pour constituer une preuve de ces actes, elle mandate un huissier afin de procéder à un constat d’achat. L’opération a lieu le 4 mai 2016, sous la supervision de l’huissier, et l’achat est réalisé par un stagiaire du cabinet d’avocats représentant Rimowa, dont le statut est mentionné dans le procès-verbal.

Estimant que la participation de ce tiers acheteur remettait en cause la neutralité de la preuve, le tribunal de commerce de Paris déclare le constat irrégulier et l’annule. La cour d’appel de Paris infirme cette décision et considère que l’indépendance imparfaite du tiers acheteur n’est pas suffisante pour entacher la régularité du constat, car il a été effectué de manière transparente et sous contrôle d’huissier. Le constat est donc jugé valable, et les sociétés HP Design et Intersod sont condamnées pour contrefaçon.

2.2 Un pourvoi formé par les défendeurs

Les sociétés condamnées forment un pourvoi en cassation, invoquant une violation du principe de loyauté de la preuve, du droit au procès équitable et de l’exigence d’indépendance du tiers acheteur.

L’apport de l’arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 2025

3.1 L’absence d’indépendance ne suffit plus

La chambre mixte de la Cour de cassation opère un revirement majeur. Elle considère que le seul fait que le tiers acheteur soit un stagiaire du cabinet d’avocat du demandeur ne suffit pas à entraîner la nullité du constat.

La Haute juridiction refuse ainsi une nullité de principe fondée uniquement sur le lien entre l’acheteur et la partie demanderesse. Ce qui compte désormais, c’est l’examen in concreto des circonstances.

3.2 Trois critères de validité du constat

La Cour fixe une grille d’analyse fondée sur :

  • La transparence : le lien avec la partie est indiqué dans le constat ;
  • Le contrôle effectif par l’huissier : l’opération est encadrée sans manipulation ;
  • L’absence de stratagème : il n’existe pas d’élément de dissimulation ou de mauvaise foi.

3.3 Une distinction nette avec la saisie-contrefaçon

Le constat d’achat n’est ni intrusif, ni coercitif. Il ne doit pas être soumis aux mêmes exigences que la saisie-contrefaçon, qui implique l’intervention directe dans les locaux de la partie adverse. La Cour rappelle que la directive 2004/48/CE impose des moyens de preuve proportionnés, efficaces et respectueux du contradictoire, sans rigidité excessive.

Avantage pour les titulaires de droits

Cet arrêt :

  • Redonne de la souplesse procédurale aux titulaires de droits ;
  • Réduit les risques de nullité automatique souvent invoqués en défense ;
  • Renforce la valeur probatoire des constats en ligne, notamment contre les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale.

 

Conclusion : vers une appréciation concrète et équitable

La Cour de cassation opère un changement de paradigme. L’absence d’indépendance du tiers acheteur ne constitue plus une cause de nullité automatique du constat d’achat. Cette position assure un équilibre entre loyauté de la preuve et efficacité des moyens probatoires, dans un esprit conforme à la directive 2004/48/CE.

En résumé, ce revirement jurisprudentiel rétablit une lecture pragmatique du droit de la preuve en matière de propriété intellectuelle.

 

Le cabinet Dreyfus & Associés est prêt à accompagner ses clients dans la gestion de ces complexités, en proposant des conseils personnalisés et un soutien opérationnel complet pour la protection intégrale de la propriété intellectuelle.

Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus

 

FAQ

1. Un stagiaire peut-il être tiers acheteur dans un constat d’achat ?

Oui, un stagiaire peut être désigné comme tiers acheteur, à condition que son statut soit explicitement mentionné dans le procès-verbal et qu’il agisse sous le contrôle d’un huissier.

2. Le lien avec le cabinet d’avocats doit-il être mentionné ?

Oui, il est impératif de mentionner le lien avec le cabinet d’avocats. Si ce lien n’est pas précisé, le constat pourrait être perçu comme manquant de transparence et être rejeté.

3. Comment maximiser la valeur probatoire d’un constat d’achat ?

Pour maximiser la valeur probatoire, il est essentiel d'assurer une transparence totale, de garantir un encadrement strict de l’opération par l’huissier, et de veiller à l’absence de tout stratagème ou de mauvaise foi.

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