Nathalie Dreyfus

Noms de domaine : prévenir et combattre les atteintes en ligne

Introduction

Les noms de domaine sont devenus bien plus que de simples adresses Internet : ils constituent des vecteurs essentiels de visibilité, d’image et de confiance pour les entreprises. En parallèle, cette importance stratégique a fait des noms de domaine une cible privilégiée pour les contrefacteurs, escrocs et usurpateurs de tous horizons.

Les atteintes aux marques par l’intermédiaire des noms de domaine, qu’il s’agisse de cybersquatting, de phishing, ou encore d’arnaques commerciales sophistiquées, prolifèrent à mesure que la technologie rend leur mise en œuvre plus simple, rapide et difficile à retracer. Ces pratiques menacent la valeur des portefeuilles de marques, la sécurité des consommateurs, ainsi que la réputation des entreprises.

Dans ce contexte, il est indispensable de bien comprendre les différentes formes d’abus, les moyens juridiques à disposition pour les combattre, et l’intérêt d’une stratégie de surveillance active des noms de domaine.

Comprendre les principales formes d’atteinte aux marques via les noms de domaine

1.1. Le cybersquatting : détourner une marque à des fins spéculatives

Le cybersquatting consiste à enregistrer un nom de domaine correspondant à une marque, avec l’intention de le revendre au titulaire légitime ou de profiter de sa notoriété. Cette pratique s’est industrialisée depuis la mise en ligne des bases de données publiques comme celles de l’EUIPO ou de l’USPTO, permettant à certains acteurs d’automatiser des enregistrements ciblés immédiatement après publication d’une nouvelle marque.

1.2. Le typosquatting : l’erreur de frappe comme outil de fraude

Le typosquatting repose sur des variantes orthographiques ou des erreurs de frappe intentionnelles, exploitant les fautes de l’internaute pour le rediriger vers un site frauduleux ou une page de publicité. Cette technique est particulièrement utilisée pour capter du trafic à des fins commerciales ou pour héberger des malwares.

Par exemple, un internaute qui tape « microsfot.com » au lieu de « microsoft.com » peut être redirigé vers un site contenant un virus ou une fausse mise à jour à télécharger.

1.3. Le phishing et spear phishing : usurpation d’identité numérique

Le phishing consiste à imiter un site officiel dans le but de soutirer des données personnelles ou bancaires. Le nom de domaine utilisé reproduit en général la marque ou une variante crédible. Cette pratique est souvent accompagnée d’emails frauduleux qui renvoient vers le faux site.

Le spear phishing, plus ciblé, vise des collaborateurs internes ou des partenaires commerciaux dans un objectif de fraude (ex. : demande de virement frauduleuse).

Par exemple, l’enregistrement d’un domaine frauduleux reprenant le nom d’une banque qui héberge un site cloné demandant à l’utilisateur de “mettre à jour” ses coordonnées bancaires.

1.4. Arnaques à l’emploi, à la commande ou fausses boutiques : des montages complexes

De nombreux montages frauduleux s’appuient désormais sur des noms de domaine pour donner une apparence de légitimité à de faux sites d’e-commerce, de fausses plateformes de recrutement ou de faux services client. Le nom de domaine devient un outil de tromperie central.

  • Sites de vente contrefaisants ou fake shops : imitation poussée d’un site officiel pour vendre des produits contrefaits ou obtenir des données bancaires.
  • Usurpation d’identité et escroqueries à la commande : des noms de domaine proches de centrales d’achat servent à soutirer de l’argent ou détourner des marchandises.

Réagir efficacement face à une usurpation ou un usage abusif d’un nom de domaine

2.1. Recourir aux procédures extrajudiciaires spécialisées

Certaines procédures administratives permettent d’obtenir la suppression ou le transfert d’un nom de domaine sans passer par les juridictions. Elles sont particulièrement utiles lorsque l’atteinte est manifeste et que le titulaire du domaine est difficile à localiser ou agit depuis l’étranger.

  • UDRP (Uniform Domain-Name Dispute-Resolution Policy)

Gérée notamment par le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI, cette procédure internationale s’applique à la plupart des extensions génériques (.com, .net, .org, etc.). Elle permet le transfert ou la suppression d’un nom de domaine lorsque trois conditions sont réunies :

  • Le nom de domaine est identique ou similaire à une marque antérieure ;
  • Le titulaire n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine ;
  • Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

conditions udrp

Cette procédure s’applique aux noms de domaine en .fr et est administrée par l’AFNIC. Elle présente l’avantage d’être entièrement dématérialisée, plus rapide qu’un procès classique, et permet une décision dans un délai de deux mois.

  • URS (Uniform Rapid Suspension System)

Alternative simplifiée à l’UDRP, elle vise les cas manifestes de cybersquatting. Elle est particulièrement adaptée pour suspendre un nom de domaine rapidement, sans en obtenir le transfert, lorsque l’atteinte est flagrante et documentée.

  • La mise en demeure : un levier à ne pas négliger

L’envoi d’une lettre de mise en demeure permet de formaliser une demande de retrait ou de transfert, en démontrant l’antériorité des droits et le caractère abusif de l’usage. Cette démarche est souvent combinée à des notifications techniques (auprès des bureaux d’enregistrement, hébergeurs ou plateformes). Dans les cas simples, elle suffit à obtenir une résolution amiable rapide, notamment lorsque le titulaire n’est pas un professionnel aguerri.

2.2. Actions judiciaires : pour les atteintes graves ou non résolues

Lorsqu’une procédure extrajudiciaire échoue ou n’est pas adaptée à la situation, il est possible d’intenter une action en justice.

Cette disposition permet, par voie de référé, d’obtenir des informations auprès du bureau d’enregistrement ou de l’hébergeur, en levant le voile sur l’identité d’un titulaire de nom de domaine ou d’un administrateur de site.

  • Action en contrefaçon ou concurrence déloyale

Si l’usage du nom de domaine porte atteinte à une marque enregistrée, l’action en contrefaçon est recevable. Si la marque n’est pas déposée, il est encore possible d’agir sur le fondement de la concurrence déloyale ou du parasitisme, en démontrant une appropriation abusive de la réputation d’autrui.

2.3. Mobiliser les bons intermédiaires

Dans l’écosystème technique des noms de domaine, les tiers impliqués jouent un rôle central pour faire cesser les atteintes.

  • Le registrar (bureau d’enregistrement)

Il gère la réservation du nom de domaine. Lorsqu’il est saisi d’une décision UDRP ou d’une injonction judiciaire, il peut procéder au blocage, à la suspension ou au transfert du domaine.

  • L’hébergeur

Il héberge le contenu visible sous le nom de domaine. En cas de diffusion de contenu illicite, il peut être mis en demeure de retirer les contenus concernés sous peine de voir sa responsabilité engagée.

2.4. Collecter les preuves : préalable indispensable à toute action

Une réaction efficace ne peut se faire sans une documentation rigoureuse des faits. Il convient de réunir et conserver les éléments suivants dès la détection de l’atteinte :

  • Données Whois : elles permettent d’identifier le titulaire ou les coordonnées techniques du nom de domaine.
  • Captures d’écran du site litigieux, en incluant l’URL complète, l’heure, la date et les éléments visuels ou textuels fautifs.
  • Courriels frauduleux ou logs techniques : en cas de phishing ou d’utilisation abusive de serveurs de messagerie configurés sur le domaine litigieux.
  • Correspondances avec les prestataires techniques : elles peuvent démontrer l’inertie d’un hébergeur ou d’un registrar, utile en cas de procédure en responsabilité.

Mettre en place une surveillance proactive pour protéger durablement ses actifs

3.1. Une veille noms de domaine pour prévenir les atteintes

Anticiper avant que le dommage ne survienne

La surveillance systématique des noms de domaine repose sur des systèmes d’alerte analysant en temps réel les nouvelles créations dans les bases WHOIS, les bases d’enregistrement DNS ou les zones de root servers. Ces outils signalent l’enregistrement de noms proches d’une marque protégée :

  • Ajout ou suppression d’un caractère
  • Inversion de lettres ou homographes
  • Enregistrement dans une extension inhabituelle (.shop, .buzz, .store, etc.)

Détecter un nom de domaine malveillant dès son enregistrement, avant qu’un site ne soit mis en ligne ou promu via les moteurs de recherche, permet une intervention préventive, souvent plus rapide et moins coûteuse.

3.2. Mettre en œuvre une stratégie défensive globale : surveiller, enregistrer, neutraliser

Enregistrer les noms stratégiques en amont

Une stratégie efficace combine surveillance et dépôts. Il ne s’agit pas d’enregistrer tous les noms de domaine possibles, mais de cibler les extensions et variantes les plus sensibles :

  • Extensions génériques à fort trafic : .com, .net, .shop, .store, .vip
  • Extensions locales des marchés clés : .fr, .de, .cn
  • Extensions sujettes à détournement : .xyz, .top, .online, .buzz

Les dépôts défensifs permettent de sécuriser les noms critiques avant qu’un tiers ne les exploite à mauvais escient. Cette approche est particulièrement utile lors de lancements de produits, d’événements majeurs ou d’extensions de marque.

Documenter pour mieux agir

Une bonne stratégie de surveillance s’accompagne d’un dispositif de preuve : chaque alerte doit être documentée par une capture d’écran, un horodatage, une extraction du code source si nécessaire, afin de servir de fondement à une action en UDRP ou judiciaire.

Conclusion : Une stratégie de marque efficace passe par une gouvernance proactive des noms de domaine

Face à la montée en puissance des atteintes numériques, il devient indispensable d’intégrer les noms de domaine au cœur de votre stratégie de protection des marques. Identifier, réagir, anticiper : telles sont les trois étapes d’une défense efficace, fondée sur des outils juridiques adaptés, une coopération avec les bons interlocuteurs techniques, et une surveillance constante.

 

Le cabinet Dreyfus & Associés accompagne depuis plus de 20 ans des entreprises de toutes tailles dans la gestion stratégique, défensive et contentieuse de leurs portefeuilles de noms de domaine.

Le cabinet Dreyfus & Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

Nathalie Dreyfus, avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus

FAQ

1. Qu’est-ce que le cybersquatting ?
C’est l’enregistrement abusif d’un nom de domaine identique ou proche d’une marque, dans le but de le revendre ou de tirer un avantage indu.

2. Quelles sont les procédures pour récupérer un nom de domaine ?
La procédure UDRP (internationale) ou Syreli (en .fr) permet d’obtenir le transfert ou la suppression du nom.

3. Comment savoir qui a enregistré un nom de domaine ?
En consultant le service Whois, bien que certaines données soient masquées. D’autres actions (judiciaires) peuvent être nécessaires.

4. Que faire si le registrar ou l’hébergeur refuse d’agir ?
Recourir à une procédure judiciaire ou administrative, selon les cas. L’article L.34-1 CPCE peut permettre d’obtenir des mesures d’instruction.

5. Comment détecter les noms de domaine frauduleux ?
Grâce à une veille automatisée, à des outils d’alerte sur l’enregistrement de noms similaires à vos marques.

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Comment apprécie-t-on l’usage d’une marque en droit français ? La question des sous-catégories autonomes

Introduction

En droit français, l’usage sérieux d’une marque est une condition essentielle pour maintenir sa validité. Selon l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, une marque peut être déchue si elle n’a pas été utilisée de manière sérieuse pour les produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée pendant une période ininterrompue de cinq ans. Cette exigence vise à éviter que des marques soient enregistrées sans intention réelle d’exploitation, libérant ainsi des signes distinctifs pour d’autres acteurs économiques.

Cependant, la question se pose : l’usage d’une marque dans une sous-catégorie spécifique suffit-il à maintenir sa protection pour l’ensemble de la catégorie ? Cette problématique soulève la notion de sous-catégories autonomes, un concept qui a été clarifié par la jurisprudence récente.

L’appréciation de l’usage d’une marque en droit français

1.1. Définition de l’usage sérieux

L’usage sérieux d’une marque implique une exploitation réelle et substantielle sur le marché, visant à maintenir ou à créer une part de marché pour les produits ou services désignés. Il ne s’agit pas d’un usage purement symbolique ou interne à l’entreprise. La jurisprudence a précisé que l’usage doit être effectif, continu et réellement destiné à l’exploitation commerciale des produits ou services concernés.

1.2. Moyens de preuve de l’usage

Le titulaire de la marque peut apporter la preuve de l’usage sérieux par tout moyen, tels que :

  • Documents commerciaux : factures, bons de commande, contrats de distribution.
  • Supports publicitaires : brochures, sites internet, publicités.
  • Témoignages : déclarations de partenaires commerciaux ou de clients.
  • Présence sur le marché : participation à des salons professionnels, présence dans les points de vente.

1.3. Conséquences de l’absence d’usage

En cas de non-usage sérieux, le titulaire risque la déchéance de ses droits sur la marque pour les produits ou services non exploités. Cette déchéance peut être totale ou partielle, selon que l’usage a été effectué pour l’ensemble ou seulement une partie des produits ou services désignés.

Les sous-catégories autonomes : Une notion jurisprudentielle

2.1. Définition et identification

Une sous-catégorie autonome est une subdivision d’une catégorie plus large de produits ou services, qui présente une cohérence interne et est perçue comme distincte par les consommateurs. Par exemple, au sein de la catégorie « vêtements », les « vêtements de sport » peuvent constituer une sous-catégorie autonome si elle est perçue comme telle par le public.

2.2. Critères de distinction

Pour qu’une sous-catégorie soit considérée comme autonome, plusieurs critères sont pris en compte :

  • Perception par le consommateur : la sous-catégorie est-elle reconnue comme distincte par le public ?
  • Caractéristiques spécifiques : la sous-catégorie présente-t-elle des caractéristiques propres (design, usage, distribution) ?
  • Autonomie commerciale : la sous-catégorie dispose-t-elle de sa propre stratégie marketing et de distribution ?

2.3. Jurisprudence pertinente

La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 mai 2025, a rappelé que lorsque le titulaire d’une marque n’apporte la preuve d’un usage que pour une activité spécifique, le juge doit vérifier si cette activité constitue une sous-catégorie autonome. Si tel est le cas, l’usage ne pourra être pris en compte que pour cette sous-catégorie, et non pour l’ensemble de la catégorie plus large.

Risques et impacts de la notion de sous-catégories autonomes

3.1. Risque de déchéance partielle

Le principal risque lié à la reconnaissance de sous-catégories autonomes est la déchéance partielle de la marque. Si le titulaire n’apporte pas la preuve d’un usage sérieux pour une sous-catégorie autonome, il risque de perdre ses droits sur cette sous-catégorie, même si la marque est utilisée pour d’autres produits ou services de la même catégorie.

3.2. Impact sur la stratégie de marque

Cette notion incite les entreprises à :

  • Définir précisément les sous-catégories lors du dépôt de la marque.
  • Assurer une exploitation effective et continue pour chaque sous-catégorie.
  • Documenter soigneusement l’usage de la marque pour chaque sous-catégorie.

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3.3. Conséquences juridiques

En cas de déchéance partielle, le titulaire perd la protection de la marque pour les produits ou services non exploités, ce qui peut permettre à des concurrents d’utiliser des signes similaires pour ces produits ou services.

Comment éviter la déchéance pour défaut d’usage sérieux d’une sous-catégorie autonome ?

4.1. Stratégies préventives

Pour éviter la déchéance, il est recommandé de :

  • Enregistrer la marque pour des sous-catégories spécifiques et non pour des catégories trop larges.
  • Exploiter activement la marque pour chaque sous-catégorie, en veillant à sa présence sur le marché.
  • Collecter et conserver des preuves d’usage pour chaque sous-catégorie (ventes, publicités, contrats).

4.2. En cas de contestation

Si une action en déchéance est engagée, le titulaire peut :

  • Fournir des preuves d’usage pour chaque sous-catégorie concernée.
  • Démontrer l’existence d’une sous-catégorie autonome et justifier de son exploitation.
  • Argumenter sur l’absence de pertinence de la subdivision en sous-catégories autonomes.

4.3. Rôle du Conseil en Propriété Industrielle

Un professionnel spécialisé peut accompagner l’entreprise dans :

  • L’analyse des risques liés à l’usage de la marque.
  • La rédaction des classes de produits et services lors du dépôt.
  • La mise en place d’une stratégie d’exploitation et de documentation de l’usage.

Conclusion

La reconnaissance des sous-catégories autonomes en droit français impose aux titulaires de marques une vigilance accrue quant à l’exploitation de leurs droits. Il est essentiel de définir précisément les sous-catégories lors du dépôt, d’assurer une exploitation effective pour chacune d’elles et de conserver des preuves d’usage. En cas de doute ou de contestation, il est fortement conseillé de consulter un professionnel spécialisé en propriété industrielle pour sécuriser ses droits et éviter les risques de déchéance.

 

Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne ses clients dans la gestion de dossiers de propriété intellectuelle complexes, en proposant des conseils personnalisés et un soutien opérationnel complet pour la protection intégrale de la propriété intellectuelle.

Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

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Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus.

 

FAQ

1. Qu'est-ce que l'usage sérieux d'une marque en droit français ?

L'usage sérieux implique une exploitation réelle et substantielle de la marque sur le marché, visant à maintenir ou créer une part de marché pour les produits ou services désignés.

2. Qu'est-ce qu'une sous-catégorie autonome ?

Une sous-catégorie autonome est une subdivision d'une catégorie plus large de produits ou services, perçue comme distincte par les consommateurs et présentant des caractéristiques propres.

3. Comment prouver l'usage sérieux pour une sous-catégorie autonome ?

Par des preuves telles que des ventes, des publicités, des contrats de distribution, des témoignages, et toute autre documentation montrant l'exploitation effective de la marque pour la sous-catégorie concernée.

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Renforcer la protection des droits de propriété intellectuelle face à la contrefaçon sur les marketplaces

L’essor des marketplaces dans l’économie numérique

Du Web 1.0 au Web 3.0 : généalogie des plateformes

Les marketplaces sont le résultat d’une évolution technologique rapide du Web. Dans les années 1990, le Web 1.0 se caractérisait par des pages statiques à visée purement informative. Le commerce en ligne y était encore naissant, avec Amazon et eBay comme pionniers dès 1995.

Avec l’avènement du Web 2.0 dans les années 2000, l’internaute devient un acteur actif. L’échange d’informations se généralise via blogs, réseaux sociaux et avis en ligne. Ce contexte donne naissance aux marketplaces, ou place de marché, qui permet à plusieurs vendeurs de proposer simultanément leurs produits ou services via une plateforme unique, généralement dirigée par un tiers.

La marketplace se distingue d’un site e-commerce classique. Elle ne vend pas en direct, mais facilite les transactions entre vendeurs et acheteurs. Elle orchestre l’ensemble de l’expérience commerciale à travers la gestion des paiements, la visibilité, la logistique, ou encore le service client. Ce modèle connaît une expansion fulgurante, d’abord en B2C avec Amazon, Cdiscount ou Fnac, puis en B2B, avec des géants comme Alibaba, et enfin en C2C, avec des plateformes comme Vinted ou Leboncoin.

Aujourd’hui, les marketplaces sont incontournables. Selon la FEVAD, en 2024, 78% des Français ont consulté chaque mois au moins un des sites ou applications du Top 20 des marketplaces. Leur rôle est central dans la distribution mondiale des biens, et leur influence dépasse le commerce. Elles fixent désormais les standards de consommation, en termes de rapidité, d’accessibilité et de confiance.

Le Web 3.0, en cours d’émergence, s’appuie quant à lui sur la décentralisation, la blockchain et l’intelligence artificielle. Il ouvre la voie à de nouvelles formes de marketplaces, notamment dans les secteurs des NFT, du gaming ou des services numériques, où les utilisateurs deviennent eux-mêmes propriétaires ou vendeurs sans passer par un opérateur central.

Poids économique des marketplaces

Les marketplaces sont devenues des acteurs structurants de l’économie numérique, en bouleversant les modèles de distribution traditionnels. En centralisant l’offre de multiples vendeurs sur une interface unique, elles ont fait du e-commerce un écosystème interconnecté.

Ce modèle séduit par sa souplesse : il permet aux commerçants de toucher un public large sans supporter les coûts d’une structure de vente propre. Pour les consommateurs, il garantit une diversité de choix et des conditions d’achat optimisées. Pour les plateformes, enfin, c’est un levier de croissance exponentielle, fondé sur la mutualisation technologique, logistique et marketing.

En France, ce système s’est imposé comme la norme. En 2023, le chiffre d’affaires du commerce en ligne a atteint 160 milliards d’euros, dont près de 70 % sont générés via des marketplaces. Leur poids est tel que le e-commerce représente aujourd’hui environ 11 % du commerce de détail. Et cette dynamique ne concerne pas uniquement les géants internationaux. Des enseignes traditionnelles comme La Redoute, Fnac-Darty, Boulanger ou Carrefour ont intégré des modèles hybrides, combinant offre directe et place de marché, afin d’améliorer leur compétitivité et capter de nouveaux revenus.

Les marketplaces se développent également dans le champ des services, qu’il s’agisse de prestations entre professionnels (B2B), de services aux particuliers, ou encore de plateformes spécialisées dans la logistique, l’intérim ou les solutions techniques. Ce marché s’annonce comme une nouvelle frontière du commerce numérique.

Mais ce succès n’est pas sans risques. En ouvrant massivement l’accès au commerce mondial, les marketplaces ont aussi multiplié les zones de vulnérabilité, notamment en matière de contrefaçon. Cette évolution appelle une réponse juridique et stratégique adaptée, tant pour les plateformes que pour les titulaires de droits.

 

Un terrain propice aux atteintes aux droits de propriété intellectuelle

Malgré leur légitimité commerciale, les marketplaces demeurent des vecteurs privilégiés pour les infractions aux droits de propriété intellectuelle.

Contrefaçons, usurpations et exploitation des marques

Aujourd’hui, il est possible pour n’importe qui de vendre sur une marketplace, parfois sans fournir de véritables garanties d’identité. Certains vendeurs en profitent pour imiter ou copier des marques connues : sacs à main, cosmétiques, montres ou vêtements sont souvent proposés à des prix cassés, avec des logos, des noms ou des visuels empruntés aux grandes marques.

Le groupe LVMH a signalé en 2024 une hausse de plus de 30 % des publicités frauduleuses diffusées sur les réseaux sociaux, souvent liées à des produits proposés sur des marketplaces. Ces publicités, parfois très bien réalisées, promettent des remises allant jusqu’à 80 %, surfant sur des occasions comme les soldes, pour inciter à l’achat. Une fois le clic effectué, l’internaute est redirigé vers une page qui imite un site officiel ou vers une fiche produit sur une marketplace peu regardante.

L’une des difficultés majeures tient au manque d’efficacité des signalements. Même lorsque des comptes sont fermés, d’autres, liés aux mêmes personnes, restent actifs. Ils partagent souvent un même numéro WhatsApp ou des pseudos similaires, ce qui montre la capacité des fraudeurs à contourner les règles et à se réorganiser rapidement.

Cette exploitation massive des marques sur les marketplaces ne se limite pas au luxe. Tous les secteurs sont touchés, des cosmétiques aux appareils électroniques. Et ce phénomène touche aussi bien les grandes plateformes mondiales que des sites régionaux ou spécialisés, moins bien surveillés.

Mécanismes utilisés par les contrefacteurs

Les fraudeurs utilisent de nombreuses méthodes pour vendre des produits illégaux tout en échappant aux contrôles. La plus répandue consiste à créer des profils de vendeurs éphémères, qui apparaissent le temps d’une vente, puis disparaissent aussitôt. On parle de « ghost merchants », c’est-à-dire des vendeurs qui se présentent comme étant locaux, mais qui expédient en réalité depuis l’étranger, notamment depuis la Chine, avec des identités fictives et sans aucun contrôle KYC (Know Your Customer).

Autre technique : le dropshipping. Ici, les vendeurs ne détiennent pas de stock. Lorsqu’un client passe commande, le produit est directement envoyé depuis un fournisseur tiers, souvent peu ou pas vérifié. Ce système permet de vendre vite, à grande échelle, et sans prendre de risque. Cela complique aussi les recours des marques, qui peinent à identifier les véritables auteurs des infractions.

Certains contrefacteurs vont jusqu’à créer des sites « miroirs », qui imitent à la perfection les pages des grandes marques ou de distributeurs officiels, pour donner un sentiment de légitimité.

Enfin, le phénomène prend une dimension industrielle. Des « kits prêts à l’emploi » sont vendus sur le web et contiennent tout ce qu’il faut pour lancer une boutique de contrefaçon : charte graphique, faux avis clients, photos de produits copiées…

Ces méthodes sont d’autant plus efficaces qu’elles s’appuient sur un écosystème numérique très souple, grâce aux réseaux sociaux, messageries cryptées comme WhatsApp, et plateformes de paiement internationales. Résultat, les titulaires de droits doivent lutter contre des structures opaques, mouvantes et parfois implantées hors d’Europe, ce qui rend les actions juridiques longues et coûteuses.

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Les dispositifs mis en place par les marketplaces pour lutter contre la contrefaçon

Face à l’ampleur des atteintes à la propriété intellectuelle sur leurs plateformes, les marketplaces ont dû réagir. Ces dernières années, elles ont mis en place des dispositifs spécifiques pour détecter, signaler et retirer les contenus illicites, notamment les annonces de produits contrefaisants.

Ces programmes, appelés IPP pour Intellectual Property Protection, visent à faciliter la collaboration entre titulaires de droits et plateformes. Parmi les plus notables figurent :

  • Amazon Brand Registry,
  • Alibaba IP Protection Platform,
  • Shopee IP Management System,
  • TikTok Shop IP Portal.

Grâce à ces systèmes, les marques peuvent enregistrer leurs titres de propriété intellectuelle dans un espace sécurisé, puis signaler directement les annonces litigieuses. Le traitement est en général rapide : certaines plateformes comme Alibaba ou Taobao peuvent supprimer une annonce en moins de 48 heures si le dossier est complet. Des outils de gestion permettent aussi aux titulaires d’agir par l’intermédiaire de mandataires autorisés, ce qui facilite la centralisation des procédures et le traitement simultané sur plusieurs sites.

Les marketplaces françaises ont également mis en place des mécanismes, quoique plus discrets, pour répondre aux exigences croissantes de lutte contre la contrefaçon. Des plateformes telles que Cdiscount, Fnac.com, Darty ou Rue du Commerce disposent chacune d’une procédure dédiée permettant aux titulaires de droits de signaler une annonce illicite. Si ces interfaces ne portent pas toujours la dénomination explicite d’« IPP », elles remplissent néanmoins des fonctions similaires : formulaire de notification, justification des droits, preuve de l’infraction alléguée, et demande de retrait. Fnac-Darty, par exemple, propose un formulaire en ligne accessible via son centre d’assistance juridique, tandis que Cdiscount dispose d’une cellule de contact pour les titulaires de droits, joignable à travers son site ou via son service juridique. Toutefois, ces dispositifs souffrent d’un manque de visibilité et de standardisation, et leur réactivité reste inégale. Une harmonisation de ces mécanismes à l’échelle nationale, voire européenne, permettrait d’en renforcer l’efficacité et de mieux soutenir les titulaires de droits, en particulier les PME souvent démunies face aux démarches en ligne.

Cependant, ces programmes ne suffisent pas à enrayer durablement la prolifération des contenus illicites. D’une part, ils reposent largement sur la vigilance proactive des titulaires de droits, qui doivent déployer des ressources humaines et techniques pour surveiller continuellement les plateformes. D’autre part, leur efficacité varie fortement selon les opérateurs.

Les grandes marketplaces bénéficient généralement d’interfaces fluides, professionnalisées, et d’un traitement rapide des signalements. À l’inverse, les plateformes de plus petite envergure proposent souvent des formulaires sommaires, parfois non traduits, avec des délais de traitement allongés, voire une inertie manifeste en cas de récidive. Certaines plateformes asiatiques ou régionales n’imposent aucun véritable processus de vérification d’identité (KYC), ce qui renforce l’impunité des contrefacteurs.

Enfin, les fraudeurs s’adaptent rapidement : suppression d’un compte, recréation immédiate, modification mineure des visuels ou des intitulés… La course-poursuite est permanente. Les dispositifs IPP, malgré leurs avancées, ne peuvent à eux seuls couvrir tous les cas.

Ces mécanismes représentent donc une avancée significative. Pour être pleinement efficaces, ils doivent être harmonisés, élargis aux plateformes émergentes et intégrés dans une stratégie globale mêlant action juridique, technique, et coopération internationale.

Un cadre européen renforcé : le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA)

L’Union européenne a adopté deux règlements majeurs pour encadrer les grandes plateformes numériques : le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA), tous deux entrés pleinement en vigueur en février 2024. Leur objectif est de renforcer la sécurité de l’espace numérique, mieux protéger les droits des utilisateurs et garantir une concurrence équitable.

Le DSA impose aux plateformes de retirer promptement les contenus manifestement illicites et introduit :

  • des systèmes de signalement accessibles ;
  • un droit de recours en cas de suppression abusive ;
  • un rôle privilégié pour les signaleurs de confiance ;
  • une transparence accrue sur la publicité ciblée et les algorithmes.

Les Very Large Online Platforms (VLOPs), telles qu’Amazon, Meta ou TikTok, sont soumises à des obligations renforcées : évaluation annuelle des risques systémiques, audits indépendants et coopération étroite avec les autorités nationales et européennes.

Le DMA, quant à lui, cible les gatekeepers, c’est-à-dire les plateformes dominantes comme Google ou Apple, en interdisant certaines pratiques anticoncurrentielles, telles que l’auto-préférence ou le verrouillage des écosystèmes numériques. Il vise à rétablir des conditions de marché équitables et à favoriser l’innovation.

En reconfigurant les responsabilités des acteurs numériques, ces deux textes placent les marketplaces face à leurs obligations en matière de lutte contre la contrefaçon, de protection des consommateurs et de respect de la concurrence. Ils instaurent une logique de transparence, de vigilance et de reddition de comptes, désormais centrale dans la régulation européenne du numérique.

 

Conclusion

La lutte contre la contrefaçon sur les marketplaces s’impose comme une priorité pour toute entreprise désireuse de préserver son image, son chiffre d’affaires et la confiance de ses clients. La combinaison d’outils juridiques, de systèmes internes de protection des plateformes et de stratégies adaptées à chaque canal de diffusion est la clé d’une action efficace.

Nous accompagnons quotidiennement les titulaires de droits dans la détection et la suppression de contenus illicites sur les places de marché numériques.

Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus

 

FAQ

1. Quelles sont les marketplaces les plus concernées par la contrefaçon ?

Les plus exposées sont les plateformes à fort volume comme Alibaba, Amazon, AliExpress, Shopee ou Wish, en raison du nombre élevé de vendeurs tiers.

2. Peut-on agir sans déposer plainte en justice ?

Oui. La plupart des marketplaces proposent des procédures extrajudiciaires de retrait via leurs programmes IPP, sans passer par un tribunal.

3. Quels documents faut-il pour agir contre une contrefaçon sur une marketplace chinoise ?

Un titre de propriété intellectuelle en vigueur (marque, dessin, brevet), une preuve de contrefaçon, et souvent une procuration signée si l’action est menée via un agent.

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Attention aux libellés de marque trop larges : la validité de vos marques est enjeu ! L’exemple du Royaume-Uni

Introduction

L’arrêt SkyKick UK Ltd v. Sky Ltd (UKSC/2021/0181) rendu par la Cour suprême du Royaume-Uni le 13 novembre 2024 a clarifié la notion de « mauvaise foi » en matière d’enregistrement de marque. Cette affaire a soulevé la question de savoir si des marques enregistrées pour des produits et services trop larges, sans lien avec l’activité réelle de l’entreprise, peuvent être considérées comme invalides pour mauvaise foi. L’affaire a abouti à une décision historique concernant les critères d’évaluation de la mauvaise foi dans l’enregistrement des marques, ce qui a conduit l’UKIPO à réviser ses lignes directrices.

En réponse à cette décision, l’UKIPO a publié un amendement à ses pratiques le 27 juin 2025, établissant des critères plus stricts pour l’examen des demandes d’enregistrement, notamment en ce qui concerne les spécifications jugées trop larges. Cet article examine les nouvelles orientations de l’UKIPO et leur impact sur le processus d’enregistrement des marques.

 

1. Les critères d’examen des spécifications par l’UKIPO

1.1 Définition d’une spécification trop large

L’UKIPO considère qu’une spécification est trop large lorsqu’elle inclut une liste excessive de produits ou services, qui ne sont pas directement liés à l’activité réelle ou projetée du déposant. Par exemple, l’UKIPO jugera une demande trop large si elle couvre l’intégralité des 45 classes de Nice, ou des termes vagues tels que « logiciels« , « vêtements », ou « produits alimentaires » sans préciser les sous-catégories ou les détails des produits ou services visés.

Cette approche vise à éviter que des marques soient enregistrées de manière défensive ou abusivement pour des produits ou services qui ne seront jamais réellement exploités par le déposant.

1.2 Conséquences d’une spécification trop large

Lorsque l’UKIPO identifie une spécification trop large, plusieurs actions peuvent être prises :

  • Rejet de la demande : Lorsque la spécification est jugée trop large et si l’intention d’utilisation réelle ne peut pas être prouvée.
  • Restriction de la spécification : S’il est estimé que la spécification est trop vaste mais qu’une réduction pourrait la rendre acceptable, il peut demander au déposant de restreindre les produits ou services revendiqués.
  • Vérification de l’intention d’utilisation : Il peut être demandé au déposant de fournir des preuves concrètes de son intention réelle d’utiliser la marque pour les produits et services spécifiés.

Cette approche permet à l’UKIPO de garantir que les demandes d’enregistrement sont basées sur des intentions commerciales réelles, et non sur un objectif de monopoliser des termes généraux.

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2. Prouver une intention réelle d’utilisation

2.1 Preuves acceptées par l’UKIPO

L’UKIPO exige que le déposant prouve son intention réelle d’utiliser la marque pour les produits et services spécifiés. Cela peut être réalisé par la fourniture de documents commerciaux, tels que :

  • Des plans d’affaires détaillant l’utilisation projetée de la marque.
  • Des contrats commerciaux ou des accords avec des partenaires commerciaux.
  • Des preuves de vente ou des campagnes publicitaires qui montrent l’intention d’utiliser la marque pour les produits ou services revendiqués.

2.2 Rôle de la documentation commerciale

La documentation commerciale joue un rôle crucial pour justifier l’utilisation de la marque. Si un déposant ne peut fournir des preuves de l’utilisation prévue ou d’un projet commercial viable, l’office pourrait estimer que la demande a été faite de mauvaise foi. Par conséquent, une documentation insuffisante pourrait entraîner le rejet de la demande.

 

3. L’annulation partielle d’une marque pour mauvaise foi

3.1 Processus d’annulation partielle

Si une partie de la spécification est jugée déposée de mauvaise foi, l’office peut annuler uniquement cette partie de l’enregistrement tout en maintenant la protection de la marque pour les autres produits ou services où l’intention d’utilisation est prouvée. Cette annulation partielle permet de garantir que seules les portions de la demande qui sont fondées sur une intention réelle d’utilisation restent valides.

3.2 Exemples d’annulation partielle

Si une marque est enregistrée pour des « produits pharmaceutiques » et des « vêtements », mais que le déposant ne prévoit d’utiliser la marque que pour les produits pharmaceutiques, l’UKIPO pourrait annuler la partie des « vêtements » pour mauvaise foi, tout en conservant la protection pour les produits pharmaceutiques.

 

4. Application des lignes directrices aux marques déjà enregistrées

4.1 Impact sur les marques existantes

Les nouvelles lignes directrices s’appliquent également aux marques déjà enregistrées. Les titulaires de marques doivent donc veiller à ce que leurs enregistrements soient conformes aux critères d’intention d’utilisation réelle définis par l’UKIPO. Si une marque déjà enregistrée est jugée avoir été déposée de mauvaise foi, elle peut être annulée, en tout ou en partie.

4.2 Révision des enregistrements existants

Les titulaires de marques existantes doivent envisager de procéder à un audit de leurs enregistrements pour vérifier leur conformité avec les nouvelles lignes directrices. Cela implique de réévaluer les spécifications de leurs marques et de s’assurer qu’elles reflètent une véritable intention commerciale.

 

5. La mauvaise foi soulevée par l’UKIPO sans intervention d’un tiers

5.1 Examen proactif de la mauvaise foi

L’office peut soulever la question de la mauvaise foi de manière proactive lors de l’examen d’une demande d’enregistrement. Cela signifie qu’il peut identifier des demandes manifestement abusives et les rejeter, même sans qu’un tiers (comme un concurrent) dépose une opposition. L’office peut désormais agir de manière plus stricte dès le départ, évitant ainsi les abus.

5.2 Conséquences d’une objection d’office

Si l’UKIPO soulève une objection pour mauvaise foi, le déposant devra fournir des justifications concernant son intention réelle d’utilisation de la marque pour les produits ou services spécifiés. Si aucune justification satisfaisante n’est fournie, l’office peut rejeter la demande d’enregistrement.

 

Conclusion

Les nouvelles lignes directrices de l’UKIPO, suite à l’arrêt SkyKick, apportent des exigences plus strictes en matière d’enregistrement des marques. Les déposants doivent prouver une intention réelle d’utiliser leur marque pour les produits et services désignés, en particulier lorsque les spécifications sont jugées trop larges. Les titulaires de marques existantes doivent également revoir leurs enregistrements pour garantir qu’ils respectent ces exigences révisées. Ces révisions visent à renforcer l’intégrité du système des marques et à prévenir les abus.

 

FAQ

1. Qu'est-ce qu'une spécification trop large pour l'UKIPO ?

Une spécification est trop large lorsqu'elle inclut des termes vagues ou couvre une trop grande variété de produits et services sans lien avec l'activité réelle du déposant.

2. Comment prouver une intention réelle d'utilisation ?

L’intention réelle d’utilisation peut être prouvée par des documents commerciaux tels que des contrats, des ventes réalisées ou des plans d'affaires.

3. Une marque peut-elle être annulée partiellement pour mauvaise foi ?

Oui, une marque peut être annulée partiellement si une partie de la spécification est jugée déposée de mauvaise foi, mais la marque peut être conservée pour les autres produits ou services.

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Jeux vidéo : la Chine sanctionne sévèrement le reskinning sur le fondement de la concurrence déloyale

Qu’est-ce que le reskinning de jeux vidéo ?

Le reskinning consiste à reproduire la structure, la logique, le gameplay, les algorithmes et les mécanismes d’un jeu, tout en modifiant simplement son apparence (design graphique, personnages, interface sonore) pour donner l’illusion d’un nouveau jeu.

Ce procédé, fréquent en Chine, vise à réutiliser un gameplay à succès sans en supporter le coût de développement, ni la prise de risque créative. Il en résulte des copies “déguisées” qui nuisent gravement aux ayants droit.

 

Gameplay désigne l’ensemble des mécaniques et dynamiques de jeu qui définissent l’interaction entre le joueur et le jeu. Cela inclut les règles, les objectifs, les contrôles, la progression du joueur, ainsi que les défis et récompenses présents dans le jeu. C’est l’élément fondamental qui détermine l’expérience de jeu et l’engagement des utilisateurs.

Pourquoi le reskinning est-il problématique ?

  • Confusion du public : les joueurs ne distinguent pas toujours l’original de la copie.
  • Atteinte à l’investissement : les clones exploitent indûment le travail de recherche et développement (R&D) d’autrui.
  • Perte de revenus : les clones détournent les téléchargements et l’engagement.
  • Frein à l’innovation : en réduisant la valeur des créations originales, le reskinning nuit au progrès technologique.

 

La réaction des juridictions chinoises

3.1 Une jurisprudence structurante

Dans l’affaire Rise of Kingdoms c. Commander (2024), la Haute Cour populaire du Guangdong a condamné la société Jiujiu à plus de 10 millions de yuans (1,6 million USD) pour avoir copié les mécaniques de jeu d’un concurrent tout en reprenant également les graphismes d’Age of Empires.

Le tribunal a estimé que la combinaison de copier les “os” (mécaniques) et la “peau” (visuels) de deux jeux relevait d’un comportement parasitaire contraire à l’article 2 de la Loi chinoise contre la concurrence déloyale (AUCL).

Trois critères ont été posés pour l’apprécier :

  1. L’originalité et l’importance concurrentielle des éléments copiés ;
  2. L’ampleur de la reprise par rapport aux pratiques du secteur ;
  3. La mauvaise foi ou la violation des usages honnêtes en affaires.

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3.2 Un cadre juridique en mutation

Les juridictions chinoises ont évolué : d’abord protectrices via le droit d’auteur (œuvres logicielles ou audiovisuelles), elles s’orientent désormais vers une application plus pragmatique basée sur la concurrence déloyale pour sanctionner les usages abusifs de gameplay.

La Cour suprême a d’ailleurs publié en décembre 2024 une note sur la protection judiciaire de l’innovation technologique, recommandant de mobiliser largement les clauses de principe de l’AUCL pour lutter contre le “free riding” (gain sans effort) dans les secteurs innovants.

 

Que peuvent faire les développeurs et titulaires de droits?

  • Tracer les étapes de création : documents de design, versions de code, choix esthétiques.
  • Déposer les éléments protégeables : marques, dessins et modèles, interfaces.
  • Mettre en place une surveillance proactive : détection des clones sur les app stores.
  • Constituer un dossier de preuve : comparatifs visuels, tests de confusion, données économiques.
  • Cumuler les fondements juridiques : droit d’auteur, concurrence déloyale, secrets d’affaires.

 Conclusion

Les tribunaux chinois marquent un tournant dans la lutte contre le reskinning de jeux vidéo, en s’appuyant non plus sur le seul droit d’auteur, mais sur une interprétation dynamique du droit de la concurrence déloyale. Une stratégie efficace, désormais appuyée par des sanctions financières lourdes et dissuasives.

Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne ses clients dans la gestion de dossiers de propriété intellectuelle complexes, en proposant des conseils personnalisés et un soutien opérationnel complet pour la protection intégrale de la propriété intellectuelle.

Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

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Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus.

 

FAQ

  1. Qu’est-ce que le reskinning de jeux vidéo ?

    C’est le fait de copier le gameplay d’un jeu en changeant uniquement son apparence.

  2. Pourquoi les tribunaux chinois prononcent-ils des dommages élevés ?

    Pour compenser la perte concurrentielle et sanctionner les pratiques déloyales.

  3. Les mécaniques de jeu sont-elles protégées par le droit d’auteur ?

    Non, elles sont considérées comme des idées, mais peuvent être protégées via le droit de la concurrence déloyale.

  4. Cette jurisprudence s’applique-t-elle aux jeux étrangers ?

    Oui, dès lors qu’ils sont exploités sur le marché chinois.

  5. Quelles preuves faut-il réunir ?

    Captures d’écran, comparatifs vidéo, analyses fonctionnelles, données de perte d’audience ou de revenus.

 

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Cessation d’entreprise, mandataire et droits de propriété intellectuelle

Introduction

Lorsqu’une entreprise met fin à son activité, la question du sort de ses droits de propriété intellectuelle devient un enjeu central. Brevets, marques, logiciels, droits d’auteur ou noms de domaine ne s’éteignent pas avec la personne morale qui les détient : ces actifs immatériels conservent une valeur patrimoniale propre. Ils peuvent être transmis dans le cadre d’une cession volontaire, cédés judiciairement en procédure collective, ou encore revenir à leurs auteurs lorsque la loi le permet.

La gestion de ces droits soulève des problématiques juridiques, économiques et opérationnelles majeures. En cas de procédure collective, l’intervention d’un mandataire ou d’un liquidateur judiciaire complexifie encore les opérations de transfert, d’évaluation ou d’exploitation. À cela s’ajoutent les contraintes liées aux contrats en cours (licences, accords d’exploitation, partenariats technologiques) et aux garanties prises par les créanciers sur ces actifs.

Mal anticipée, cette situation peut entraîner des pertes de valeur importantes : droits abandonnés, titres non renouvelés, actifs mal désignés, ou encore litiges postérieurs à la cession. Il est donc essentiel de maîtriser le régime juridique applicable pour sécuriser, valoriser et, le cas échéant, contester les opérations portant sur les actifs immatériels d’une entreprise en difficulté.

La titularité des droits de propriété intellectuelle en cas de cessation d’activité

1.1 La qualification des droits de propriété intellectuelle comme actifs cessibles

Les droits de propriété intellectuelle sont juridiquement qualifiés de biens meubles incorporels. À ce titre, ils figurent parmi les actifs cessibles de l’entreprise. Qu’ils soient inscrits à l’actif du bilan ou non, ils peuvent être transmis à un tiers, exploités sous licence, apportés en société ou donnés en nantissement. Cette qualification leur confère une valeur patrimoniale autonome qui peut être valorisée à des fins comptables, fiscales ou stratégiques. Dans le cadre d’un projet de reprise ou d’une restructuration, ces droits peuvent constituer des éléments déterminants pour maintenir la compétitivité ou garantir la continuité d’exploitation de l’activité.

1.2 Les modalités de transfert ou d’abandon

Avant toute procédure collective, l’entreprise peut organiser la cession de ses droits par acte sous seing privé ou authentique, à condition que cette cession soit enregistrée (INPI, EUIPO, OEB). Cette formalité d’inscription conditionne l’opposabilité aux tiers et doit être effectuée dans les plus brefs délais. En cours de liquidation, seule l’autorité du liquidateur, sous contrôle du juge-commissaire, permet de céder les droits de propriété intellectuelle. En cas d’inaction ou de défaut de paiement des taxes officielles, les droits peuvent être abandonnés par le non renouvellement et la déchéance ou revenir aux auteurs dans certaines conditions.

Le rôle du mandataire judiciaire dans la gestion des droits

2.1 En redressement : poursuite ou résiliation des contrats

Dans un contexte de redressement judiciaire, le mandataire judiciaire peut choisir de maintenir ou de résilier les contrats liés aux droits de propriété intellectuelle, notamment les licences ou accords de distribution. Cette décision se fonde sur l’intérêt de la procédure, il s’agit de préserver la valeur économique des actifs, d’éviter l’aggravation du passif et de permettre une reprise de l’activité dans de bonnes conditions. En pratique, les contrats qui génèrent une exploitation active sont généralement maintenus, tandis que les engagements non rentables peuvent être résiliés judiciairement.

2.2 En liquidation : identification, valorisation, cession

Lorsqu’une liquidation est prononcée, le liquidateur doit inventorier l’ensemble des actifs immatériels, les valoriser, puis organiser leur cession. L’objectif est double, désintéresser les créanciers et éviter une perte sèche de valeur. Cette opération peut être réalisée de manière isolée par la cession d’un brevet ou d’un nom de domaine ou via une cession globale du fonds. La réussite de cette cession repose sur une désignation claire des titres, une évaluation économique réaliste et leur opposabilité juridique, grâce à l’inscription régulière aux registres officiels.

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La contestation des cessions réalisées pendant la procédure collective

3.1 Les cas de nullité ou d’opposabilité insuffisante

Une cession de droit de propriété intellectuelle non inscrite aux registres est inopposable aux tiers. Cette omission peut être lourdement sanctionnée si un litige survient entre l’acquéreur et un tiers prétendant. Par ailleurs, un acte imprécis peut être contesté pour défaut de consentement éclairé ou d’objet déterminé. La jurisprudence considère que la cession doit porter sur des droits précisément identifiés pour être valable.

3.2 La jurisprudence en matière de droits de propriété intellectuelle non listés

Plusieurs décisions ont invalidé des cessions de droits non expressément mentionnés dans les actes ou les ordonnances de cession. À titre d’exemple, des juges ont écarté de la cession un brevet ou un nom de domaine au motif qu’il n’avait pas été désigné individuellement, même si l’activité qu’il soutenait avait été transférée. Il est donc essentiel de vérifier que tous les droits à transmettre soient listés clairement, accompagnés de leurs numéros d’enregistrement et de leur statut juridique. À défaut, le repreneur s’expose à des contentieux postérieurs.

Les droits des créanciers sur les actifs de propriété intellectuelle

4.1 Le recours au nantissement et aux sûretés

Les droits de propriété intellectuelle peuvent faire l’objet de nantissements au profit des créanciers. Lorsqu’une telle sûreté est enregistrée avant l’ouverture de la procédure collective, le créancier bénéficie d’un droit de préférence sur le produit de la cession. Ces garanties doivent être publiées dans les formes légales, au registre national des brevets, marques ou dessins pour produire leur plein effet. En revanche, les créanciers chirographaires ne disposent d’aucune priorité spécifique et doivent se contenter d’une répartition selon le rang de leur déclaration de créance.

4.2 Le statut particulier des auteurs

Les auteurs disposent d’un droit de récupération automatique de leurs droits en cas de défaillance de leur cocontractant précise l’article L. 132-15 du Code de la propriété intellectuelle. Cette disposition protège leur droit moral et patrimonial, leur permettant d’exploiter à nouveau leur œuvre ou de conclure de nouveaux contrats. Dans certains secteurs culturels comme l’audiovisuel ou l’édition, des mécanismes de préemption ou de rachat prioritaire peuvent être activés par l’auteur, pour éviter que l’œuvre ne soit transférée à un tiers sans son accord.

La continuité d’exploitation des droits de propriété intellectuelle pendant la procédure

5.1 Le maintien des titres et paiements des redevances

Pour éviter la déchéance, les titres de propriété intellectuelle doivent être maintenus via le paiement des taxes, renouvellements, réponses aux offices. Le mandataire peut choisir de les conserver si leur valeur potentielle est avérée, notamment s’ils sont liés à une activité en cours, à un portefeuille client actif ou à un projet de reprise. Ce maintien suppose également d’assurer les relations avec les mandataires locaux dans les pays étrangers.

5.2 La conservation des outils techniques et valeur commerciale

La valeur des droits de propriété intellectuelle repose également sur leur exploitabilité. Sans code source, charte graphique, base de données ou savoir-faire attaché, un droit peut perdre toute valeur commerciale. Par exemple, un nom de domaine sans site internet actif ou sans fichier client peut perdre son attractivité. L’identification, la sécurisation et la préservation de ces éléments sont essentielles, notamment via un inventaire numérique et une externalisation temporaire de l’hébergement ou des serveurs.

Conclusion

La gestion des droits de propriété intellectuelle en situation de cessation d’activité exige une vigilance juridique et une stratégie rigoureuse. L’encadrement par le mandataire judiciaire, la sécurisation des actes de cession, et la collaboration avec les auteurs et les créanciers permettent de protéger au mieux ces actifs immatériels, qui peuvent représenter une véritable valeur de rebond.

Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne les entreprises dans la sécurisation et la valorisation de leurs droits de propriété intellectuelle, y compris dans les phases sensibles de restructuration ou de cessation d’activité. Grâce à une approche stratégique et préventive, nous aidons nos clients à anticiper les risques liés à leurs marques, brevets ou créations, et à préserver la continuité juridique et économique de leurs actifs immatériels, même en contexte de procédure collective.

Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus

 

FAQ

1. Que deviennent les droits de propriété intellectuelle en cas de cessation d’activité ?

Les brevets, marques, logiciels ou droits d’auteur ne disparaissent pas avec la fermeture d’une entreprise. Ils peuvent être cédés, transmis ou abandonnés selon le contexte juridique. En cas de cessation volontaire, l’entreprise peut organiser la transmission de ses actifs immatériels avant sa radiation. En procédure collective (redressement ou liquidation), ces droits deviennent des éléments du patrimoine soumis à l’intervention du mandataire ou du liquidateur. Leur bonne gestion permet d’en préserver la valeur économique et juridique.

2. Le mandataire judiciaire peut-il vendre une marque ou un brevet ?

Oui, dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire agit comme liquidateur et peut céder les droits de propriété intellectuelle de l’entreprise, notamment les marques, brevets ou logiciels. Cette cession est soumise au contrôle du juge-commissaire. Elle doit faire l’objet d’un acte précis et être inscrite aux registres compétents (INPI, EUIPO, OEB) pour être opposable aux tiers. Une cession mal formalisée ou non enregistrée peut être juridiquement inopérante.

3. Peut-on contester une cession de droits de propriété intellectuelle ?

Oui. Une cession d’actifs immatériels peut être remise en cause si elle présente un vice de forme, une absence d’inscription officielle ou une imprécision dans la désignation des titres. La jurisprudence rappelle que seuls les droits mentionnés explicitement et enregistrés peuvent être valablement transférés. À défaut, un tiers, notamment un ancien titulaire ou un créancier, peut engager une action en revendication ou en nullité.

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Brevet unitaire : l’adhésion de la Bulgarie et ses enjeux en 2025

INTRODUCTION

L’adhésion de la Bulgarie au brevet unitaire marque une avancée décisive dans l’unification de la protection des innovations en Europe. Ce nouveau territoire intégré renforce la couverture géographique du système, tout en consolidant la cohérence juridique offerte par la Juridiction unifiée du brevet (JUB).

Derrière cette évolution discrète se cache un signal fort : le brevet unitaire s’impose comme un levier stratégique pour les entreprises innovantes, en particulier dans les secteurs technologiques. Décryptage des enjeux, des chiffres-clés 2025 et des perspectives concrètes pour les titulaires de droits.

 

Enjeux stratégiques de l’adhésion de la Bulgarie au brevet unitaire

1.1. Une avancée européenne pour l’harmonisation des brevets

Depuis le 1er juin 2023, la Bulgarie fait officiellement partie des États membres participant au brevet européen à effet unitaire et à la Juridiction unifiée du brevet. Cette adhésion marque une étape importante dans le renforcement du système de protection des innovations à l’échelle européenne.

1.2. Une extension territoriale de la protection unitaire

L’intégration de la Bulgarie au système du brevet unitaire permet désormais aux titulaires de bénéficier d’une protection juridique uniforme dans 18 États membres de l’Union européenne, sans nécessiter de démarches de validation nationale dans ce pays. Pour rappel, le brevet unitaire est un titre unique délivré par l’Office européen des brevets (OEB), qui produit les mêmes effets dans tous les États participant au régime. Ce système s’accompagne d’une compétence juridictionnelle exclusive de la Juridiction unifiée du brevet (JUB), une instance spécialisée chargée de trancher les litiges en matière de contrefaçon et de nullité, de manière centralisée et cohérente à l’échelle européenne. L’adhésion de la Bulgarie renforce ainsi l’attractivité et l’efficacité de ce dispositif paneuropéen.1.3. Avantages économiques et administratifs pour les déposants

Les entreprises et inventeurs bulgares profitent d’une procédure moins coûteuse, sans traduction obligatoire, ni taxes de validation multiples. Le dépôt unique, la gestion centralisée des annuités et l’accès à une juridiction spécialisée contribuent à démocratiser la protection industrielle.

 

État des lieux en 2025 : croissance du système et adhésion active

 2.1 Chiffres-clés au 1er semestre 2025 d’après la Commission Européenne

  • Plus de 48 000 brevets unitaires délivrés.
  • 700+ litiges enregistrés devant la JUB, incluant des actions liées à la Bulgarie
  • 57 % des demandes d’effet unitaire émanent de PME ou d’universités

Ces données soulignent une montée en puissance rapide du système.

2.2 Montée en compétence des acteurs nationaux

L’Office bulgare des brevets a renforcé sa coopération avec l’OEB et a formé des magistrats spécialisés. Plusieurs contentieux impliquant des entreprises bulgares ont été traités devant les chambres locales ou centrales de la JUB, ce qui témoigne d’une appropriation rapide du mécanisme.

Ce que démontre l’adhésion de la Bulgarie sur l’efficacité du brevet unitaire

L’adhésion de la Bulgarie confirme que le brevet unitaire fonctionne et répond aux attentes des États membres.

  • Efficacité du contentieux centralisé : Moins de fragmentation, décisions applicables immédiatement dans 18 États.

 

  • Attractivité économique : Le système est adopté par les secteurs innovants, notamment dans les biotechnologies, l’IA et les dispositifs médicaux.

 

  • Simplification administrative réelle : Les simplifications sur les traductions et les redevances favorisent la compétitivité des structures plus modestes.

 

En clair, la dynamique enclenchée par l’adhésion bulgare renforce la légitimité du brevet unitaire comme outil stratégique pour les titulaires de droits.

 

article 15 juillet

 

Perspectives d’évolution du système unitaire à l’horizon 2026–2030

L’adhésion de la Bulgarie peut être interprétée comme un signal encourageant pour une extension future du système à d’autres États membres de l’Union européenne qui ne participent pas encore au brevet unitaire (notamment l’Espagne, la Croatie ou l’Irlande). L’expérience bulgare pourrait servir de modèle pour lever certaines réticences, en démontrant les bénéfices tangibles d’une intégration : sécurité juridique accrue, simplification des démarches pour les déposants, et meilleure lisibilité du droit applicable.

Par ailleurs, l’extension de la compétence de la Juridiction unifiée du brevet aux contentieux de licences ou de copropriété pourrait faire l’objet de discussions futures, afin de renforcer la centralisation des litiges et l’unification du droit matériel.

 Conclusion

L’entrée de la Bulgarie dans le système du brevet unitaire constitue donc une confirmation du succès de cette réforme européenne. Elle renforce la portée territoriale, la sécurité juridique et la cohérence du contentieux pour les entreprises européennes et étrangères.

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Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus.

 

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Souveraineté numérique : Nathalie Dreyfus citée par TF1info dans l’enquête sur le contrat Talkwalker

Une experte judiciaire française sollicitée par TF1info pour éclairer les enjeux juridiques

Le 16 juin 2025, le site d’information TF1info, rattaché au groupe TF1, a publié une enquête approfondie sur la polémique suscitée par l’attribution d’un marché public de veille numérique (« social listening ») à l’entreprise Talkwalker. À cette occasion, Nathalie Dreyfus, experte judiciaire près la Cour de cassation, fondatrice du cabinet Dreyfus, a été citée en tant qu’autorité juridique sur les enjeux liés à la souveraineté des données et au CLOUD Act américain.

L’intervention de Nathalie Dreyfus dans cet article souligne l’importance de disposer d’une analyse juridique précise face à la complexité des réglementations internationales en matière de données. Elle éclaire les implications réelles – et souvent mal comprises – de l’extraterritorialité des lois américaines lorsqu’un prestataire étranger opère sur le territoire européen.

Social listening : comprendre la mission confiée à Talkwalker

Le “social listening” consiste à analyser les publications publiques postées sur les réseaux sociaux afin d’identifier des tendances, des signaux faibles ou des sujets de préoccupation collective. Cette pratique est aujourd’hui utilisée aussi bien par les entreprises que par les institutions publiques, notamment pour ajuster leur communication ou leur stratégie d’action publique.

Dans son article, TF1info précise que cette veille ne concerne en aucun cas les contenus privés (mails, messages directs, comptes privés), mais uniquement des contenus publics librement accessibles.

Le Service d’information du gouvernement (SIG), rattaché à Matignon, explique que ces analyses visent à mieux comprendre les préoccupations des Français afin d’adapter les messages gouvernementaux.

Pourquoi la nationalité du prestataire a-t-elle provoqué un tollé ?

La polémique vient du fait que la société Talkwalker, initialement luxembourgeoise, a été rachetée en 2024 par Hootsuite, un groupe canadien dont certains actionnaires sont américains. Cette information a fait craindre que les données collectées puissent tomber sous le coup du CLOUD Act, une loi américaine controversée.

Un internaute affirmait sur X (ex-Twitter) que « toute entreprise ayant son siège aux États-Unis a l’obligation de coopérer avec la communauté du renseignement ». Bien que cette affirmation soit partiellement inexacte, elle a contribué à semer la confusion.

C’est dans ce contexte que l’expertise de Nathalie Dreyfus a été sollicitée par TF1info, afin de clarifier la portée réelle du CLOUD Act et ses conséquences sur la protection des données collectées par Talkwalker.

Ce qu’explique Nathalie Dreyfus dans l’article de TF1info

Nathalie Dreyfus rappelle que le CLOUD Act permet bien aux autorités judiciaires américaines d’accéder à des données, y compris stockées hors des États-Unis, à condition qu’il existe un cadre juridique strict : procédure pénale, mandat judiciaire, et justification liée à des affaires graves (criminalité, terrorisme, etc.).

« Ce texte ne donne accès à des données stockées hors des États-Unis que dans certains cas très spécifiques, dans le cadre de procédures pénales, liées à des affaires criminelles ou terroristes, avec le mandat d’un tribunal », explique-t-elle.

Elle souligne également que la situation juridique de Talkwalker — désormais entreprise canadienne — ne permet pas de la soumettre directement au CLOUD Act. Le Canada n’ayant pas d’équivalent strictement comparable à cette loi américaine, la probabilité que des données françaises soient transmises aux autorités étrangères est donc extrêmement faible.

La question de la souveraineté technologique

Plus que la protection des données personnelles (garantie par le RGPD et le DSA), la véritable question soulevée par ce dossier est celle de la souveraineté numérique européenne.

Comme l’expliquent plusieurs experts cités dans l’article, dont Suzanne Vergnolles (CNAM), ce qui pourrait intéresser d’éventuels acteurs étrangers ne sont pas les données des citoyens mais les tendances stratégiques que l’État français cherche à comprendre ou surveiller.

Nathalie Dreyfus précise que ces préoccupations relèvent du secret des affaires, voire de la sécurité nationale, et méritent une attention particulière dans les appels d’offres publics.

Une reconnaissance médiatique du rôle du droit dans la transformation numérique

La citation de Nathalie Dreyfus dans cette enquête publiée par TF1info atteste de la place centrale que les juristes spécialisés occupent aujourd’hui dans les débats sur l’éthique des technologies, la souveraineté numérique et la régulation internationale des données.

Cette visibilité renforce l’autorité du cabinet Dreyfus dans les domaines du droit numérique, du droit des données, et de la gestion des risques juridiques liés à l’innovation technologique.


Ce qu’il faut retenir

Fait Impact
Talkwalker a remporté un marché de veille numérique pour le gouvernement Inquiétudes sur la nationalité du prestataire
La société appartient désormais à un groupe canadien Ne relève pas du CLOUD Act américain de manière automatique
Nathalie Dreyfus citée par TF1info Apporte un éclairage juridique essentiel sur le risque réel
Risques pour la vie privée ? Très faibles : seules les publications publiques sont analysées
Enjeu principal Souveraineté technologique, dépendance aux acteurs non-européens

 


FAQ – Social listening, CLOUD Act et souveraineté numérique

Qu’est-ce que le “social listening” ?
Le social listening est une méthode de veille numérique qui consiste à analyser les publications publiques sur les réseaux sociaux afin de détecter des tendances, des signaux faibles ou des sujets d’intérêt collectif. Il ne s’agit en aucun cas de surveiller les messages privés ou les communications confidentielles. Cette pratique est encadrée par le RGPD et s’inscrit dans une logique d’analyse d’opinion publique.

En savoir plus sur la conformité RGPD en matière de données personnelles

Le gouvernement peut-il légalement surveiller les internautes français ?
Non. Le gouvernement n’a pas le droit de collecter des données privées sans base légale stricte. Les actions de veille comme celle confiée à Talkwalker portent uniquement sur des contenus publics. La législation française et européenne (RGPD, DSA, loi Informatique et Libertés) interdit toute collecte abusive ou traitement non autorisé de données personnelles sensibles, comme les opinions politiques ou religieuses.

Qu’est-ce que le CLOUD Act américain ?
Le CLOUD Act est une loi adoptée aux États-Unis en 2018. Elle permet aux autorités judiciaires américaines de demander à certaines entreprises, notamment celles ayant leur siège aux États-Unis, de fournir des données électroniques, même si elles sont stockées à l’étranger. Cependant, cette procédure ne peut s’appliquer que dans des cas spécifiques (enquêtes pénales, criminalité grave) et avec le mandat d’un juge.

Le CLOUD Act s’applique-t-il à Talkwalker ?
Selon Nathalie Dreyfus, experte judiciaire en droit numérique, la réponse est non :

« Le fait que Hootsuite, qui compte parmi ses actionnaires des Américains, ne suffit pas, en soi, à la rendre juridiquement soumise au CLOUD Act. »

La probabilité que des données françaises publiques collectées par Talkwalker soient transmises aux États-Unis est quasiment nulle, d’autant plus que le Canada (où se trouve Hootsuite) ne dispose pas d’un équivalent exact du CLOUD Act.

Pourquoi parle-t-on de souveraineté numérique ?
La souveraineté numérique désigne la capacité d’un État ou d’une organisation à contrôler ses infrastructures, ses données et ses technologies stratégiques. Lorsque l’État confie des missions de collecte de données ou d’analyse à des entreprises étrangères, cela peut poser des problèmes de dépendance technologique, de sécurité nationale ou de fuite de données sensibles.

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Comment une entreprise peut-elle se protéger dans ce contexte ?
Pour les entreprises qui utilisent des solutions cloud ou de traitement de données, il est essentiel de :

  • Vérifier la nationalité et la localisation des prestataires
  • S’assurer que les données sont hébergées en Europe
  • Inclure des clauses de conformité RGPD dans les contrats
  • Mettre en place une gouvernance juridique des données

Le cabinet Dreyfus accompagne ses clients dans l’évaluation de ces risques et la mise en conformité de leurs solutions numériques.

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Évolution de la protection des dessins et modèles : Impacts sur les pièces de rechange et le marché

Aperçu et cadre juridique

Définition des pièces de rechange dans le droit européen des dessins et modèles

Les pièces de rechange sont des composants qui remplacent ou restaurent l’apparence de produits complexes, tels que les véhicules, les appareils électroniques ou les appareils électroménagers. Si l’apparence d’une pièce de rechange est « nouvelle » et présente un « caractère individuel », elle peut bénéficier d’une protection au titre du règlement européen sur les dessins et modèles (articles 4 à 7 du règlement EUDR), des lois nationales sur les dessins et modèles et même du droit d’auteur.

Monopoles historiques

Historiquement, les fabricants d’équipements d’origine (OEM), c’est-à-dire les constructeurs automobiles et les producteurs d’origine de composants de véhicules, se sont appuyés sur les droits de conception et le droit d’auteur pour exercer leur contrôle sur le marché des pièces de rechange. Bien que le marché indépendant des pièces de rechange automobiles (IAM) opère en dehors des réseaux des OEM, il reste étroitement lié à ces derniers d’un point de vue économique, car il fournit des pièces compatibles ou équivalentes pour la réparation et l’entretien des véhicules fabriqués par les OEM. En 2023, le marché indépendant représentait environ 62 % du marché européen des pièces détachées, soit 73 milliards d’euros sur un total de 118 milliards, tandis que les équipementiers conservaient les 38 % restants (Roland Berger – Panorama européen du marché indépendant de l’automobile – 2024).

Évolution – Réformes législatives

Libéralisation du marché français (2021-2023)

Avec la loi Climat et Resilience du 22 août 2021, la France a modifié son Code de la propriété intellectuelle afin de faciliter le retrait des logos par les équipementiers et d’ouvrir à la concurrence les pièces détachées visibles des véhicules.

Avant cette réforme, les droits de conception accordaient aux équipementiers l’exclusivité sur la fabrication et la commercialisation de ces pièces pendant une période de 25 ans, ce qui limitait fortement l’accès des producteurs indépendants. La modification législative a réduit cette exclusivité au profit d’une concurrence accrue, avec un régime transitoire prenant fin le 1er janvier 2023, date à partir de laquelle les fournisseurs indépendants ont été autorisés à fabriquer et à vendre des pièces (telles que des phares, des capots et des pare-chocs) sans enfreindre les dessins et modèles enregistrés, à condition qu’aucun logo ou signe protégé ne reste apposé.

Paquet de réformes de l’UE en matière de dessins et modèles (2024-2027)

L’UE a adopté une réforme globale par le biais :

  • du règlement EUDR 2024/2822 (applicable à partir du 1er mai 2025, certaines dispositions à partir du 1er juillet 2026),
  • de la directive 2024/2823 (à transposer avant le 9 décembre 2027).

Modernisation et extension du champ d’application

  • Modernisation de la terminologie : le « dessin ou modèle communautaire » devient le « dessin ou modèle de l’UE » (symbole Ⓓ).
  • Les définitions sont élargies pour inclure les interfaces numériques, les éléments animés et les dépôts multiples (jusqu’à 50 par demande), avec des règles harmonisées en matière de report.

Clause de réparation et pièces de rechange essentielles

  • Une clause de réparation exempte certaines « pièces de rechange essentielles » de la protection des dessins ou modèles afin de favoriser la concurrence et de soutenir les objectifs de l’économie circulaire.
  • Exemple : dans l’affaire historique Volkswagen c. W + S Autoteile GmbH (affaire I‑20 U 291/22), la Cour d’appel régionale de Düsseldorf a examiné si un boîtier de clé de voiture pouvait être considéré comme un « composant d’un produit complexe » au sens de la clause de réparation du droit communautaire des dessins ou modèles (article 110, paragraphe 1, du RDC).

o Faits : Volkswagen détenait un dessin ou modèle communautaire enregistré pour son boîtier de clé n° 001342174-0001 :

W + S commercialisait un boîtier de clé de voiture visuellement similaire, considéré comme portant atteinte à l’enregistrement du dessin ou modèle :

W + S a formé une demande reconventionnelle, invoquant la nullité et arguant que la clause de réparation exemptait la pièce.

o Motifs de la Cour : La Cour a confirmé que le boîtier de clé est un produit complexe à part entière, et non un composant physiquement fixé à la voiture. L’utilisateur averti ne le perçoit pas comme une partie fonctionnelle du véhicule. De plus, W + S n’a pas démontré que son produit serait uniquement utilisé à des fins de réparation, une exigence stricte prévue à l’article 110, paragraphe 1.

o Résultat juridique : La clause de réparation n’était pas applicable. Le boîtier de clé est un accessoire et non un « composant » de la voiture, il est donc entièrement soumis à la protection des dessins et modèles. Cette décision précise que pour bénéficier de la clause de réparation, une pièce de rechange doit :

a) être physiquement intégrable dans le produit complexe ;

b) être utilisée uniquement à des fins de réparation ;

c) être perçue par un « utilisateur averti » comme faisant partie du produit complexe.

Elle souligne l’interprétation restrictive de la notion de « composant », limitant la clause aux pièces physiquement assemblées, contrairement aux accessoires ou aux dispositifs électroniques.

Les fabricants d’accessoires doivent désormais évaluer avec soin si leurs produits relèvent véritablement de la clause de réparation ou s’ils restent exposés à des actions en contrefaçon de dessin ou modèle.

Impact sur les fabricants, les réparateurs et les consommateurs

Concurrence sur le marché et droits à la réparation

La libéralisation progressive du marché des pièces de rechange a supprimé des obstacles juridiques et économiques de longue date pour les réparateurs indépendants et les fournisseurs du marché secondaire. En limitant la portée de la protection des dessins et modèles pour les pièces de rechange visibles, les réformes nationales et européennes ont favorisé une plus grande concurrence sur le marché, permettant à d’autres acteurs d’offrir des composants compatibles sans craindre de porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle.

La « clause de réparation » de l’UE joue un rôle central dans cet équilibre. Elle vise à concilier l’intérêt légitime des titulaires de droits de propriété intellectuelle à protéger la valeur esthétique de leurs produits et la nécessité de garantir la disponibilité des pièces de rechange essentielles. Cette disposition contribue à protéger le droit des consommateurs à la réparation, soutient l’économie circulaire et lutte contre les pratiques anticoncurrentielles en limitant la capacité des équipementiers à revendiquer l’exclusivité sur les pièces nécessaires pour restaurer l’apparence d’origine d’un produit.

Qualité, litiges et application

L’ouverture du marché des pièces de rechange a également des implications importantes pour la qualité des produits et la responsabilité juridique. Les équipementiers ont exprimé leurs préoccupations quant à la prolifération de pièces non conformes, ce qui les a incités à renforcer leurs régimes d’octroi de licences, à imposer des spécifications techniques et à exiger des clauses d’indemnisation dans leurs accords avec les fournisseurs tiers. Cela est particulièrement important dans les applications critiques pour la sécurité, telles que les systèmes d’éclairage, les rétroviseurs ou les composants de carrosserie soumis à des réglementations en matière de collision.

Du point de vue de l’application de la loi, les outils de propriété intellectuelle restent essentiels pour permettre aux équipementiers de surveiller et de lutter contre l’utilisation non autorisée :

  • les saisies douanières au titre du règlement (UE) n° 608/2013 continuent de constituer un mécanisme de première ligne pour intercepter les marchandises contrefaites aux frontières.
  • Des injonctions provisoires et des procédures accélérées sont régulièrement demandées devant les tribunaux nationaux, en particulier dans les cas où les pièces sont mal étiquetées ou ne relèvent pas de l’exception restrictive de la clause de réparation.

Les réparateurs indépendants et les producteurs du marché secondaire doivent donc évaluer avec soin si une pièce peut être considérée comme « essentielle » au titre de la clause de réparation et si sa reproduction est limitée à ce qui est strictement nécessaire pour restaurer l’apparence d’origine. En cas d’incertitude juridique, ils s’appuient de plus en plus sur les mécanismes de clarification et de recours introduits par le paquet « dessins et modèles » de l’UE de 2024, notamment l’amélioration des procédures de nullité, des orientations plus claires sur les composants et une interprétation harmonisée entre les États membres.

Conclusion

En résumé, le contrôle historique des équipementiers sur les pièces de rechange par le biais du droit des dessins et modèles a été fortement remis en cause par les réformes françaises et européennes. La clause de réparation, la modification des cadres de propriété intellectuelle et la clarification des procédures font pencher la balance en faveur de la concurrence et de la protection des consommateurs, tout en préservant les incitations à la propriété intellectuelle.

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Dreyfus Law Firm est partenaire d’un réseau mondial d’experts en propriété intellectuelle.

Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe Dreyfus

FAQ

1. Qu’est-ce qui est considéré comme une pièce de rechange « essentielle » au sens de la clause de réparation ?

Les pièces essentielles sont celles qui restaurent l’apparence du produit ; les couvercles fonctionnels non essentiels restent protégés.

2. La clause de réparation s’applique-t-elle automatiquement dans toute l’UE ?

Oui, à compter du 1er mai 2025 en vertu du règlement EUDR, harmonisé dans les législations nationales d’ici décembre 2027.

3. Que se passe-t-il si un réparateur indépendant supprime les logos OEM ?

En France, la suppression des logos est autorisée depuis janvier 2023 en vertu du CPI modifié, à condition que l’intégrité fonctionnelle soit préservée.

4. Les frais de renouvellement sont-ils plus élevés dans le cadre de la réforme européenne ?

Oui, les frais de renouvellement augmentent considérablement : par exemple, de 150 € (1er) à 700 € (4e) par dessin ou modèle.

5. Comment une entreprise peut-elle vérifier si une pièce enfreint un dessin ou modèle enregistré ?

Effectuez des recherches sur l’état de la technique, évaluez le dessin ou modèle par rapport à son caractère essentiel et tenez compte des normes de qualité afin de réduire les risques de contrefaçon.

 

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Le précontentieux en droit des marques : anticiper pour éviter les litiges coûteux

Introduction

Dans le domaine de la propriété intellectuelle, la protection des marques est un enjeu majeur pour les entreprises. Au-delà de l’enregistrement d’une marque, il existe des stratégies permettant d’anticiper les conflits et d’éviter les litiges coûteux. Le précontentieux en droit des marques est une phase cruciale où les actions préventives permettent de résoudre les différends avant qu’ils ne prennent des proportions judiciaires. Ce processus est indispensable pour sécuriser les droits d’une entreprise et préserver sa réputation tout en évitant des dépenses juridiques inutiles.

Cet article explore le rôle du précontentieux en droit des marques, la manière dont il aide à éviter les conflits et les moyens à mettre en place pour en tirer parti efficacement.

Protéger sa marque : un enjeu stratégique incontournable

La protection d’une marque est essentielle pour garantir à une entreprise l’exclusivité de son signe distinctif. Cette protection, par l’enregistrement auprès de l’INPI en France et l’EUIPO pour l’Union européenne, permet d’éviter toute usurpation de l’identité de l’entreprise et de conserver l’unicité de son image.

1.1 Se distinguer efficacement sur un marché concurrentiel

Une marque déposée est un symbole de reconnaissance et de fidélité des consommateurs. Elle garantit à l’entreprise que son signe est protégé contre l’utilisation non autorisée, ce qui permet de distinguer ses produits et services de ceux de ses concurrents.

1.2 Une marque, un actif valorisable pour l’entreprise

La marque n’est pas seulement un signe, c’est également un actif précieux. Une marque protégée permet à l’entreprise de renforcer sa position sur le marché, de valoriser son image, et même de générer des revenus à travers son exploitation, sa cession ou sa licence d’exploitation.

Le précontentieux en droit des marques : une réponse stratégique avant le procès

Le précontentieux désigne les démarches engagées avant toute procédure judiciaire dans le but de résoudre un différend de façon amiable ou préventive. L’objectif est de régler un conflit potentiel de marque sans passer par des procédures longues et coûteuses.

2.1 Détecter les risques avant qu’ils ne deviennent des litiges

Un des moyens principaux du précontentieux est la surveillance. En détectant rapidement toute violation de marque, l’entreprise peut réagir efficacement pour protéger ses droits avant que la situation ne se complique. La surveillance peut concerner à la fois les marques déposées et les utilisations non autorisées de signes distinctifs sur des plateformes en ligne, telles que les réseaux sociaux, où des tiers pourraient utiliser des marques similaires ou identiques à des fins commerciales, ainsi que sur les sites de commerce électronique.

2.2 Réagir tôt : la mise en demeure et la négociation comme outils-clés

Lorsqu’un conflit est détecté, la première action précontentieuse est souvent l’envoi d’une lettre de mise en demeure. Celle-ci consiste à demander à l’autre partie de cesser l’utilisation de la marque litigieuse. Si cette démarche échoue, une négociation de type accord de coexistence peut être envisagée.

Le précontentieux : un levier pour éviter l’escalade judiciaire

3.1 Maîtriser les coûts et éviter les procédures longues

Les procédures judiciaires peuvent s’avérer extrêmement coûteuses, aussi bien en termes de frais juridiques que de temps. Le précontentieux permet d’identifier les problèmes dès leur apparition et de les résoudre avant qu’ils ne dégénèrent en litiges. Cela permet d’éviter des frais importants liés aux procédures judiciaires.

3.2 Protéger son image de marque en toute discrétion

Les contentieux peuvent être perçus négativement par les consommateurs. Un procès public, même gagné, peut ternir l’image de la marque. Le précontentieux permet de maintenir une réputation positive en résolvant les conflits discrètement et rapidement.

3.3 Optimiser ses ressources : temps, énergie, finances

Un conflit juridique nécessite des ressources humaines et financières importantes. Le recours au précontentieux permet à l’entreprise de rester concentrée sur son cœur de métier et d’éviter que des énergies ne soient détournées vers un conflit prolongé.

Litiges de marque : des coûts invisibles mais redoutables

Les litiges coûteux ne se limitent pas aux seuls frais juridiques, ils peuvent également avoir des conséquences sur la stratégie de l’entreprise. En voici les principales :

  • Frais juridiques et d’expertise : Les honoraires des avocats, les frais de justice et les coûts des expertises peuvent atteindre des montants conséquents.
  • Perturbation des activités commerciales : L’entreprise passe un temps considérable à se défendre, au lieu de se concentrer sur son développement.
  • Perte d’opportunités : L’engagement dans un conflit peut bloquer des partenariats, nuire à l’image et faire perdre des opportunités économiques.

 

article 09.07.2025

L’anticipation permet d’éviter que l’entreprise se retrouve dans une situation où elle doit faire face à une longue procédure judiciaire qui pourrait bien lui coûter beaucoup plus que la solution préventive.

Construire une stratégie efficace pour éviter les litiges coûteux

5.1 Organiser une surveillance rigoureuse des marques

Mettre en place un système de surveillance des marques est essentiel. Cela inclut la vérification régulière des nouveaux dépôts de marques et des activités en ligne. Cela permet d’identifier toute possible atteinte aux droits de marque avant qu’elle ne devienne un problème majeur.

5.2 Négocier intelligemment avec les marques similaires

Dans certains cas, il peut être utile de négocier des accords de coexistence avec d’autres entreprises ayant des marques similaires. Cela permet d’établir des limites claires concernant l’utilisation des marques, évitant ainsi les conflits.

5.3 Agir sans procès : la voie amiable comme premier réflexe

Si un conflit survient, il est souvent judicieux d’envoyer une lettre de mise en demeure. Si cette démarche ne suffit pas, une médiation ou une négociation peuvent permettre de résoudre le problème sans passer par les tribunaux. Ces démarches amiables sont généralement moins coûteuses et plus rapides.

5.4 Être bien conseillé : l’importance d’un accompagnement juridique précoce

Il est recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit des marques pour obtenir des conseils juridiques précis et adaptés. Une analyse détaillée permet de déterminer les meilleures démarches précontentieuses à adopter.

6. Les outils du précontentieux : anticiper pour mieux protéger

Les outils suivants peuvent être utilisés pour éviter des litiges coûteux en droit des marques :

  • Veille juridique et commerciale : Surveillance des bases de données de marques et des sites en ligne.
  • Opposition à l’enregistrement d’une marque : S’opposer à l’enregistrement de marques similaires lors de leur dépôt.
  • Médiation et résolution amiable : Utiliser des services de médiation pour parvenir à un accord sans passer par la voie judiciaire.

Conclusion : Prévenir, c’est protéger sa marque durablement

Le précontentieux en droit des marques est un outil indispensable pour toute entreprise souhaitant protéger son identité sans avoir recours à des litiges coûteux. Grâce à des actions proactives, il est possible de minimiser les risques juridiques, préserver la réputation de la marque et optimiser les ressources de l’entreprise.

Le cabinet Dreyfus et Associés dispose d’une expertise reconnue en matière de précontentieux et de gestion des conflits de marques. Nous accompagnons nos clients dans l’élaboration de stratégies préventives pour anticiper les risques et protéger efficacement leurs actifs immatériels.

Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus.

FAQ :

1. Qu'est-ce que le précontentieux en droit des marques ?

Le précontentieux désigne l'ensemble des démarches amiables engagées avant tout recours judiciaire pour résoudre un conflit lié à l’usage d’une marque. Il comprend notamment la surveillance, l’analyse des risques, l’envoi de mises en demeure et la négociation d’accords. Cette phase permet souvent de résoudre le différend sans engager de procédure judiciaire, allégeant les coûts et préservant les relations commerciales.

2. Pourquoi surveiller les marques concurrentes ?

Surveiller les marques concurrentes est une démarche essentielle pour toute entreprise souhaitant protéger efficacement son identité. La mise en place d’une veille permet de repérer rapidement les nouveaux dépôts de marques qui pourraient prêter à confusion avec la sienne, et ainsi d’agir à temps pour éviter tout conflit. Elle permet également de détecter les usages non autorisés de la marque sur Internet, sur les réseaux sociaux ou en point de vente, qu’il s’agisse d’imitation ou d’exploitation abusive. Enfin, cette surveillance régulière constitue un outil de détection précoce des contrefaçons, qui peuvent nuire gravement à la réputation et aux revenus de l’entreprise si elles ne sont pas traitées rapidement.

3. Comment éviter les conflits liés aux marques ?

Il est essentiel de vérifier, avant tout dépôt, que la marque choisie ne porte pas atteinte à des droits antérieurs. Le dépôt doit ensuite être clair quant aux produits, services et territoires visés. Une surveillance régulière permet de détecter rapidement tout usage ou dépôt similaire. En cas de risque, il faut réagir sans tarder, notamment par une opposition ou une mise en demeure. Enfin, être accompagné dès le départ par un avocat spécialisé permet de sécuriser l’ensemble de la stratégie de protection.

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