Nathalie Dreyfus

France : le droit de rétractation s’applique-t-il aux ventes réalisées sur les réseaux sociaux ?

Le 6 mars 2025, la Cour d’appel de Montpellier a rendu une décision n° 23/01999 confirmant que les ventes réalisées via les plateformes de réseaux sociaux, telles qu’Instagram, sont soumises aux mêmes règles de protection des consommateurs que les ventes à distance classiques. Cette décision met en lumière l’obligation pour les vendeurs d’informer les consommateurs de leur droit de rétractation, un élément clé des droits des consommateurs dans l’Union Européenne.

Rappel des faits 

La Cour d’appel de Montpellier a rendu une décision importante dans le cadre d’un litige opposant un consommateur à une microentrepreneure active sur Instagram. Celle-ci avait vendu un produit sans informer l’acheteur de son droit de rétractation. En l’absence de cette information préalable, le consommateur a sollicité l’annulation de la vente et le remboursement. La Cour a confirmé que la transaction constitue bien une vente à distance, dès lors qu’elle a été conclue sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur.

Comprendre le droit de rétractation

Qu’est-ce que le droit de rétractation ?

Le droit de rétractation permet au consommateur d’annuler un achat dans un délai de 14 jours, sans avoir à fournir de justification ni à supporter de frais supplémentaires, à l’exception des frais de retour des produits. Ce droit s’applique aux contrats conclus à distance ou en dehors des locaux du vendeur, y compris les ventes en ligne, par téléphone, et les ventes réalisées via les réseaux sociaux.

Le cadre juridique

En France, le droit de rétractation est régi par les articles L. 221-18 à L. 221-28 du Code de la consommation. Selon l’article L. 221-18, le consommateur dispose de 14 jours pour exercer ce droit, à compter du jour où il reçoit les biens ou conclut le contrat de service. Si le vendeur ne communique pas cette information au consommateur, le délai de rétractation est prolongé de 12 mois, comme prévu à l’article L. 221-20.

Ventes sur les réseaux sociaux et vente à distance

Les ventes sur les réseaux sociaux sont-elles considérées comme des ventes à distance ?

Dans la décision n° 23/01999, la Cour d’appel de Montpellier a reconnu que les ventes réalisées via Instagram sont des ventes à distance. Bien que les plateformes de réseaux sociaux ne soient pas exclusivement dédiées au commerce, le tribunal a souligné que l’absence de présence physique simultanée entre l’acheteur et le vendeur caractérise la transaction comme une vente à distance, conformément à l’article L. 221-1 du Code de la consommation.

L’obligation du vendeur d’informer le consommateur

Les vendeurs sur les réseaux sociaux ont l’obligation légale d’informer le consommateur de son droit de rétractation avant la conclusion du contrat. Cela inclut la fourniture d’informations claires et compréhensibles sur l’existence du droit, ses conditions et la procédure à suivre pour l’exercer. En cas de manquement à cette obligation, le délai de rétractation est prolongé et des conséquences juridiques peuvent en découler pour le vendeur.

Responsabilité des plateformes

Les plateformes de réseaux sociaux sont-elles responsables de l’information sur le droit de rétractation ?

La responsabilité principale d’informer le consommateur du droit de rétractation incombe au vendeur. Les plateformes de réseaux sociaux, en tant qu’intermédiaires, ne sont pas tenues de fournir cette information, sauf si elles sont directement impliquées dans la transaction, comme en facilitant les paiements ou en traitant les commandes. Toutefois, les plateformes peuvent soutenir les vendeurs en offrant des fonctionnalités permettant la fourniture des informations nécessaires, comme des liens vers les conditions générales ou des sections dédiées aux droits des consommateurs.

Réglementation européenne des plateformes en ligne

Que dit la législation européenne ?

La Directive 2011/83/UE sur les droits des consommateurs de l’Union Européenne harmonise les règles concernant les contrats à distance et hors établissement, y compris le droit de rétractation. Cette directive impose aux vendeurs de fournir des informations sur le droit de rétractation avant la conclusion du contrat. De plus, le Règlement européen n° 2019/1150 sur la promotion de l’équité et de la transparence pour les utilisateurs professionnels des services d’intermédiation en ligne met en avant la nécessité de transparence dans les transactions en ligne, soutenant indirectement l’application des droits des consommateurs, y compris le droit de rétractation.

Conclusion

La décision du 6 mars 2025 de la Cour d’appel de Montpellier rappelle que les ventes réalisées via les réseaux sociaux sont soumises aux mêmes règles de protection des consommateurs que les ventes classiques à distance. Les vendeurs doivent impérativement informer les consommateurs de leur droit de rétractation, conformément aux règlements nationaux et européens. Négliger cette obligation met non seulement en péril la confiance des consommateurs, mais expose également les vendeurs à des risques juridiques et à des sanctions potentielles.

Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne ses clients dans la gestion de dossiers de propriété intellectuelle complexes, en proposant des conseils personnalisés et un soutien opérationnel complet pour la protection intégrale de la propriété intellectuelle.

Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus

 FAQ

1. Qu'est-ce que le droit de rétractation ?

Le droit de rétractation permet au consommateur d'annuler son achat dans un délai de 14 jours sans justification.

2. Les ventes sur les réseaux sociaux sont-elles soumises au droit de rétractation ?

Oui, les ventes sur les réseaux sociaux sont considérées comme des ventes à distance et doivent respecter les mêmes obligations que les ventes en ligne traditionnelles.

3. Qui doit informer le consommateur sur son droit de rétractation ?

C'est au vendeur qu'incombe cette obligation, et non aux plateformes de réseaux sociaux.

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L’impact de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne sur la cession des droits voisins aux employeurs sans consentement préalable

L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’affaire C-575/23, concernant l’Orchestre National de Belgique (ONB) et l’État belge, a des conséquences majeures sur le droit à une rémunération équitable et la protection des droits voisins des artistes sous le droit de l’Union européenne. L’arrêt remet en question les mécanismes nationaux qui obligent les artistes à céder leurs droits voisins à leurs employeurs sans leur consentement préalable, soulignant un potentiel conflit avec les régulations européennes.

Cet article explore les principes juridiques établis dans cette décision emblématique, évalue son impact sur le droit de la propriété intellectuelle européen, et discute des répercussions sur les systèmes nationaux qui impliquent des cessions de droits sans consentement, en particulier dans le cadre des contrats de travail et des œuvres collectives.

Aperçu de l’arrêt de la CJUE dans l’affaire C-575/23

Dans cette affaire, la CJUE a jugé que les régulations nationales imposant la cession automatique des droits voisins par les artistes-interprètes ou exécutants sous statut administratif, notamment dans des institutions publiques telles que l’Orchestre National de Belgique, sont contraires au droit de l’Union européenne. L’arrêt précise que de tels mécanismes de cession, en l’absence de consentement préalable des artistes, violent les principes de rémunération équitable et le droit des auteurs à contrôler l’exploitation de leurs créations.

La CJUE a cité plusieurs dispositions des directives européennes, notamment la Directive 2019/790, soulignant que le consentement des artistes est une condition préalable nécessaire pour le transfert de droits, abordant en particulier la question de la rémunération équitable pour l’exploitation de ces droits.

Contexte juridique : Les régulations de l’Union et la cession des droits

La décision de la CJUE repose sur des articles clés de plusieurs directives européennes régissant le droit d’auteur et les droits voisins, notamment la Directive 2001/29/CE (concernant le droit d’auteur dans la société de l’information) et la Directive 2006/115/CE (concernant les droits de location et de prêt). Ces directives insistent sur les points suivants :

  • Les artistes détiennent des droits exclusifs sur leurs performances et droits voisins, incluant le droit de contrôler comment leurs performances sont utilisées.
  • Toute cession de ces droits nécessite leur consentement préalable et doit respecter les principes de rémunération appropriée.

La CJUE a souligné qu’une cession sans consentement est incompatible avec les normes de protection de l’Union européenne, qui visent à garantir un traitement équitable et une compensation pour les artistes.

Analyse de l’impact de l’arrêt sur les systèmes nationaux

4.1. L’applicabilité du consentement dans la cession des droits

Un des points centraux de la décision de la CJUE est l’exigence du consentement préalable. La Cour a jugé que la cession automatique des droits, notamment ceux des artistes-interprètes, n’est pas valable sans un consentement préalable. Ce principe repose sur la protection de la liberté artistique et le droit à une rémunération équitable pour l’exploitation de leurs œuvres.

En pratique, cet arrêt rend impératif que les lois nationales respectent le droit des artistes de négocier et d’accepter la cession de leurs droits, garantissant ainsi qu’ils sont rémunérés de manière appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres. La Directive 2019/790 renforce la nécessité du consentement pour la cession des droits dans les contextes d’emploi et dans le secteur des arts du spectacle.

Citation clé de l’arrêt:
«  Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 2, sous b), et l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/29 ainsi que l’article 3, paragraphe 1, sous b), l’article 7, paragraphe 1, l’article 8, paragraphe 1, et l’article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/115 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit la cession, par la voie réglementaire, aux fins d’une exploitation par l’employeur, des droits voisins d’artistes interprètes ou exécutants engagés sous statut de droit administratif, pour les prestations réalisées dans le cadre de leur mission au service de cet employeur, en l’absence de consentement préalable de ces derniers. »

4.2. Conséquences sur les contrats de travail et les droits des artistes

Cet arrêt a des implications considérables pour les contrats de travail dans les industries créatives, en particulier dans les institutions publiques ou les organisations à but non lucratif telles que les orchestres, les théâtres et autres entités des arts du spectacle. En invalidant les dispositions de cession automatique dans les contrats de travail, la CJUE préserve la liberté contractuelle des artistes, garantissant ainsi que leurs droits voisins sont protégés sous le droit de l’Union européenne.

Cette décision pourrait entraîner des révisions des contrats de travail, avec des employeurs désormais tenus de mener des négociations explicites et de garantir que les droits des artistes ne sont pas seulement reconnus mais également équitablement rémunérés.

4.3. Implications pour la législation future

Cet arrêt agit comme un catalyseur pour des modifications potentielles dans la législation européenne et nationale. Il remet en cause les mécanismes juridiques existants qui permettaient la cession forcée des droits, et pourrait inciter à des révisions dans des domaines tels que le droit du travail et le droit de la propriété intellectuelle. De plus, l’arrêt CJUE clarifie l’implémentation de la rémunération équitable, un aspect fondamental de la Directive 2019/790.

En outre, cette décision pourrait influencer la classification des œuvres collectives et la manière dont les droits des auteurs sont abordés dans les industries créatives. Le passage vers des régulations plus centrées sur les artistes pourrait signifier un contrôle accru pour les interprètes et créateurs sur l’exploitation de leur propriété intellectuelle.

Conclusion : Un tournant pour la protection des artistes dans l’UE

L’arrêt de la CJUE dans l’affaire C-575/23 marque un tournant significatif dans la protection des droits des artistes au sein de l’Union européenne. En invalidant la pratique de la cession automatique des droits voisins sans consentement préalable, la Cour réaffirme l’engagement de l’UE à garantir que les artistes et interprètes soient équitablement rémunérés et aient le contrôle de leur œuvre. Cette décision est susceptible d’avoir des répercussions profondes sur les contrats de travail, les œuvres collectives et la protection globale de la propriété intellectuelle dans l’UE.

FAQ

1. Quel est l'impact de l'arrêt de la CJUE sur la cession des droits dans les industries créatives ?

L'arrêt invalide la cession automatique des droits aux employeurs sans le consentement préalable de l'artiste, ce qui est désormais exigé par le droit de l'Union européenne.

2. Comment cet arrêt affecte-t-il les contrats de travail des artistes ?

Les employeurs doivent désormais s'assurer que toute cession de droits est négociée avec le consentement explicite de l'artiste, ce qui modifie la structure des contrats de travail dans les industries créatives.

3. Les lois nationales peuvent-elles encore imposer la cession automatique des droits aux employeurs ?

Non, l'arrêt rend ces dispositions incompatibles avec le droit de l'Union européenne, exigeant que les artistes donnent leur consentement préalable pour toute cession de droits.

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Le rôle de l’intelligence artificielle dans la valorisation des actifs immatériels

La valorisation des actifs immatériels est devenue un enjeu majeur dans les stratégies économiques des entreprises modernes. Ces actifs, qui incluent notamment les marques, les brevets, les logiciels, les dessins & modèles ou encore les bases de données, représentent désormais une part de plus en plus importante de la valeur des entreprises. Grâce aux avancées technologiques, et en particulier à l’émergence de l’intelligence artificielle (IA), de nouvelles méthodes d’évaluation sont possibles, permettant une valorisation plus précise, dynamique et efficace de ces ressources immatérielles souvent mal exploitées. Cet article explore l’impact global de l’IA dans l’évaluation et la maximisation de la valeur de ces actifs immatériels, en offrant des outils d’analyse prédictive, d’automatisation et de sécurisation juridique.

Pourquoi l’IA transforme la valorisation des actifs immatériels

L’émergence de l’intelligence artificielle bouleverse profondément les méthodes de valorisation des actifs immatériels, désormais au cœur des stratégies économiques. De simples « externalités positives », ces actifs sont devenus de véritables instruments de croissance. Grâce à l’IA, l’évaluation des actifs immatériels devient plus objective, détaillée et cohérente, en tenant compte de facteurs dynamiques qui étaient auparavant inaccessibles.

À l’heure où le capital immatériel représente une large part de la capitalisation boursière des sociétés cotées selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il est impératif d’adopter des outils à la hauteur des enjeux. L’IA s’impose désormais comme un vecteur d’automatisation, d’anticipation et de sécurisation, contribuant à l’optimisation juridique, financière et stratégique des actifs immatériels.

Nouveaux leviers de valorisation offerts par l’IA

L’IA comme catalyseur de propriété intellectuelle

Les outils d’intelligence artificielle permettent de repérer de manière proactive des inventions, créations ou signes distinctifs exploitables, facilitant ainsi leur protection par les droits de propriété intellectuelle. Ainsi, de nombreuses technologies développées par l’IA assistent l’innovation tout en traçant automatiquement la paternité des actifs.

En particulier, l’analyse sémantique, c’est-à-dire la capacité qu’a développé l’IA en matière de compréhension du sens des mots dans un texte ou une donnée. A titre d’exemple, la simple lecture d’un brevet par l’IA lui permettra de déterminer les concepts clés et leurs liens, comme une technologie spécifique ou une innovation particulière, sans avoir besoin d’être explicitement programmée pour chaque détail. L’IA facilite également la reconnaissance de patterns techniques, qui permet le repérage de motifs ou de structures récurrentes dans des données techniques, comme des dessins de produits, des schémas ou des idées techniques. Elle sera notamment en mesure de déceler automatiquement une solution technique similaire à une invention existante dans un brevet.

Ces technologies sont d’autant plus efficaces qu’elles s’inscrivent dans le cadre de modèles d’auto-apprentissage. Ces algorithmes permettent à l’IA d’apprendre et s’améliorer au fil du temps, sans être explicitement programmée pour chaque situation. De cette manière, l’IA sera de plus en plus performante pour évaluer la nouveauté d’un brevet à mesure que l’accumulation des données relatives aux brevets antérieurs enrichira ses capacités de prédiction.

Cela se traduit par une accélération des dépôts de brevets, de dessins & modèles, et de marques, mais aussi par une amélioration de la qualité des droits enregistrés, fondée sur des critères de distinctivité, d’usage ou de nouveauté objectivement qualifiés.

Analyse prédictive et notation des actifs immatériels

L’IA permet une évaluation fine des actifs immatériels à partir de milliers de variables : usage sur les réseaux sociaux, citations dans la littérature scientifique, antériorités juridiques, transactions comparables, etc. Cette analyse produit des notations dynamiques et actualisées, utiles pour les levées de fonds, les cessions de droits ou les bilans consolidés.

Les algorithmes utilisent également des données pour créer des scénarios prédictifs sur la valeur future d’un actif, tenant compte des tendances du marché et des comportements réglementaires, un outil essentiel en contexte de fusion-acquisition ou de litige.

Vers une normalisation des méthodes de valorisation fondées sur l’IA

Exemples concrets : brevets, bases de données, logiciels

Dans le secteur des technologies, de la santé ou des télécoms, la valorisation des brevets via l’IA repose sur la durée de vie estimée des titres, leur potentiel d’exploitation commerciale ou encore sur une cartographie de citations croisées. En effet, l’IA peut examiner les brevets et identifier ceux qui ont été cités dans d’autres brevets ou publications. Ces citations mettent en lumière des connexions d’idées, des technologies similaires, permettant une meilleure compréhension de l’évolution de l’innovation dans un domaine spécifique. La croisée de ces informations donne matière à l’IA pour la création d’une « carte » répertoriant les différentes inventions et leur rapport dans un réseau, ce qui facilite l’évaluation de la nouveauté, l’importance ou l’influence d’une invention par rapport au développement technologique global.

De même, les bases de données et logiciels peuvent être évalués à partir de leur architecture fonctionnelle, taux de réutilisation, et exposition concurrentielle.

L’enjeu de la traçabilité des algorithmes

L’utilisation d’IA dans ce contexte suppose une traçabilité des processus de valorisation, tant pour des raisons de sécurité juridique que de conformité réglementaire, au regard notamment du Règlement général européen sur la protection des données (RGPD), et du Règlement européen sur les services numériques (DSA). Il convient en ce sens de garantir l’auditabilité des algorithmes et de documenter leurs biais éventuels, notamment en matière de prédictions financières ou de décisions d’investissement.

Cadre juridique et prudentiel : vigilance et opportunités

La Commission européenne, l’OCDE et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) encouragent le recours à l’intelligence artificielle dans l’analyse des actifs incorporels, tout en insistant sur la nécessité de normes ouvertes, interopérables et auditables. Les entreprises doivent concilier exigences de transparence, efficacité économique et sécurité juridique, en s’appuyant sur des partenaires spécialisés en propriété intellectuelle, IA et évaluation d’actifs.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) souligne également que l’utilisation de données personnelles dans les modèles prédictifs doit faire l’objet d’un traitement licite, proportionné et conforme aux principes de minimisation et de finalité.

Conclusion : une approche stratégique renforcée par l’intelligence artificielle

En intégrant l’IA dans leur stratégie de valorisation des actifs immatériels, les entreprises se dotent d’un avantage concurrentiel structurel. L’enjeu n’est pas uniquement technologique : il est juridique, économique et organisationnel. Il s’agit de transformer l’immatériel en capital activable, mesurable, transférable et défendable.

Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne les entreprises du secteur alimentaire en offrant des conseils spécialisés en propriété intellectuelle et en réglementation, afin de garantir leur conformité avec les législations nationales et européennes.

Nous collaborons avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle.

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Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus.

FAQ

1. Qu’est-ce qu’un actif immatériel ?

Il s’agit d’un bien non physique ayant une valeur pour l’entreprise : marque, brevet, logiciel, base de données, savoir-faire…

2. Peut-on valoriser une marque à l’aide de l’IA et quels en sont les risques ?

Oui, en combinant des données sur sa notoriété, son usage numérique, sa protection juridique et ses performances commerciales. Les risques concernent principalement la transparence des algorithmes, la protection des données et la traçabilité des décisions.

3. L’IA est-elle utilisée dans les litiges sur la PI ?

Oui, notamment pour estimer des préjudices économiques, analyser la similarité ou rechercher des antériorités. Des juristes spécialisés se chargent d’identifier les bons outils, sécuriser les usages et anticiper les enjeux contractuels.

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Nouvelle étude sur la contrefaçon publiée le 6 mai 2025 : Analyse juridique et cadre européen de lutte contre la contrefaçon

La contrefaçon demeure une menace majeure à l’intégrité des droits de propriété intellectuelle, affectant non seulement les titulaires de marques mais aussi la sécurité des consommateurs et la confiance du marché. La publication de la nouvelle étude sur la contrefaçon par l’EUIPO et l’OCDE, impliquant notamment des secteurs complexes comme la pharmacie et les cosmétiques, met en lumière les défis évolutifs. Ces secteurs illustrent les complexités juridiques et pratiques où la catégorisation des produits, la perception des consommateurs et les cadres réglementaires convergent pour façonner les résultats d’exécution.

Cet article propose une analyse détaillée et professionnelle des tendances récentes en matière de contrefaçon, en se concentrant sur le régime juridique européen, les enseignements jurisprudentiels récents et les stratégies pragmatiques d’application. L’objectif est d’offrir aux clients une compréhension approfondie et des outils efficaces pour anticiper et contrer ces infractions sophistiquées.

 

I – Cadre juridique régissant la contrefaçon dans l’Union européenne

Réglementation européenne sur les marques et mesures anti-contrefaçon

La pierre angulaire du droit anti-contrefaçon au sein de l’UE est le Règlement sur la marque de l’Union européenne (RMUE). L’article 8(1)(b) interdit explicitement l’enregistrement d’une marque lorsque les produits ou services sont suffisamment similaires pour créer un risque de confusion chez les consommateurs, y compris la confusion par association. Ce principe constitue la base juridique pour contester les marques contrefaisantes soutenant des produits contrefaits.

Outre le RMUE, la Directive 2001/83/CE et le Règlement (CE) n°1223/2009 définissent respectivement les domaines des produits pharmaceutiques et cosmétiques, influençant ainsi la classification et le traitement juridique des produits contrefaits dans ces secteurs. Ce chevauchement juridique nécessite une analyse nuancée, notamment lorsque les produits relèvent des deux classifications.

Instruments juridiques complémentaires contre la contrefaçon

Au-delà du droit des marques, l’UE adopte une approche multidimensionnelle incluant l’application des mesures douanières (Règlement (UE) n°608/2013), les sanctions pénales et les recours civils. Ces instruments juridiques agissent de concert pour prévenir l’importation, la distribution et la vente de produits contrefaits, garantissant ainsi la protection des marques et la sécurité des consommateurs.

II – Enjeux et spécificités de la contrefaçon dans les secteurs pharmaceutique et cosmétique

Similarités et conflits entre produits pharmaceutiques et cosmétiques en droit des marques

La jurisprudence récente et les rapports des Chambres de recours insistent sur la confusion croissante entre produits pharmaceutiques et cosmétiques, en particulier pour les soins de la peau et des cheveux. Le degré de similarité entre ces catégories impacte l’évaluation des conflits de marques et des réclamations de contrefaçon.

  • Pharmaceutiques : Produits médicinaux destinés à traiter ou prévenir des maladies, régulés par la Directive 2001/83/CE.
  • Cosmétiques : Produits principalement destinés au nettoyage, parfumage, protection ou modification de l’apparence du corps humain, tels que définis par le Règlement (CE) n°1223/2009.

La jurisprudence relève systématiquement un degré de similarité allant de faible à moyen selon la nature précise des produits, les canaux de distribution et les finalités, complexifiant ainsi la lutte contre la contrefaçon lorsque les catégories de produits se recoupent.

Évolutions jurisprudentielles relatives à la contrefaçon dans les secteurs qui se chevauchent

Des arrêts notables illustrent les canaux de distribution communs (pharmacies, boutiques spécialisées) et le chevauchement des consommateurs cibles, conditions favorisant la confusion et la contrefaçon potentielle. Les tribunaux reconnaissent la nature évolutive des produits, tels que les cosmétopharmaceutiques, combinant attributs pharmaceutiques et cosmétiques, intensifiant les défis d’application.

Exemples jurisprudentiels :

III – Mécanismes d’exécution et réponses pratiques à la contrefaçon

Mesures douanières et aux frontières

La réglementation douanière européenne habilite les autorités frontalières à saisir les marchandises contrefaites à l’importation ou à l’exportation. Cette mesure préventive est essentielle pour intercepter les produits pharmaceutiques et cosmétiques contrefaits qui présentent de graves risques sanitaires.

Recours judiciaires et réparations

Les titulaires de droits peuvent engager des procédures civiles et pénales contre les contrefacteurs, sollicitant des injonctions, des dommages-intérêts et des ordonnances de destruction. La jurisprudence récente souligne l’importance d’apporter des preuves solides concernant la similarité, la confusion du public et l’origine commerciale pour garantir le succès des litiges.

Conclusion : Protection stratégique de la propriété intellectuelle face aux nouvelles menaces de contrefaçon

À la lumière de la nouvelle étude publiée sur la contrefaçon, il est impératif que les titulaires de droits adoptent des stratégies proactives, comprenant des dépôts de marques exhaustifs dans les classes pertinentes, une surveillance attentive du marché, et des actions d’application rapides. La reconnaissance des subtilités entre pharmaceutique et cosmétique peut considérablement renforcer l’efficacité des actions anti-contrefaçon.

Le cabinet Dreyfus et Associés est prêt à accompagner ses clients dans la gestion de ces complexités, en proposant des conseils personnalisés et un soutien opérationnel complet pour la protection intégrale de la propriété intellectuelle.

Le cabinet Dreyfus et Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

Nathalie Dreyfus avec l’aide de toute l’équipe du cabinet Dreyfus

FAQ

1. Qu’est-ce qu’un produit contrefait selon le droit de l’UE ?

Un produit contrefait porte illégalement une marque identique ou similaire à une marque enregistrée, induisant en erreur les consommateurs sur l’origine du produit.

2. Comment l’UE distingue-t-elle les produits pharmaceutiques et cosmétiques ?

Les produits pharmaceutiques sont des médicaments réglementés pour le traitement ou la prévention des maladies, tandis que les cosmétiques servent principalement à des fins esthétiques ou d’hygiène, selon des définitions légales précises.

3. Les produits pharmaceutiques et cosmétiques peuvent-ils être considérés comme similaires dans les litiges de marques ?

Oui, selon la nature, la finalité et les canaux de distribution, les tribunaux reconnaissent souvent une similarité faible à moyenne qui peut influencer la probabilité de confusion.

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Boissons alcoolisées et bières sans alcool : analyse des risques de confusion en droit des marques

Le marché des boissons évolue rapidement, avec une forte montée en puissance des alternatives sans alcool, telles que les bières sans alcool, souvent proposées comme substituts des boissons alcoolisées traditionnelles comme le gin ou la vodka. Cette évolution soulève des questions importantes en droit des marques : une marque enregistrée pour une boisson alcoolisée peut-elle faire obstacle à l’enregistrement d’une marque similaire couvrant une boisson sans alcool ? Plus simplement, existe-t-il un risque de confusion entre ces catégories de produits ?

La réponse est affirmative, comme l’a récemment confirmé la Cinquième Chambre d’appel de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) dans une affaire emblématique dite KINGSMAN, du 24 janvier 2025. Cette décision met en lumière les critères que les autorités prennent en compte pour évaluer ce risque de confusion, au-delà de la simple nature alcoolique du produit.

 

Comment la jurisprudence et notamment l’EUIPO analyse la similarité entre des produits différents en droit des marques

2.1 La classification des produits

Les boissons alcoolisées (telles que le gin, le vin ou le champagne) sont généralement enregistrées dans la classe 33 de la classification de Nice, alors que les boissons non alcoolisées (comme la bière sans alcool) sont rattachées à la classe 32. Traditionnellement, ces classes distinctes pouvaient limiter le risque de confusion, car les produits étaient perçus comme différents.

2.2 Une appréciation globale au-delà des classes

Pourtant, la réalité du marché pousse à une analyse plus large. L’EUIPO évalue la similarité des produits en tenant compte non seulement de leur nature, mais aussi de leur usage, des canaux de distribution, des points de vente, et de la perception que peut en avoir le consommateur moyen.

Ainsi, la simple différence liée à la présence ou non d’alcool ne suffit pas à exclure un risque de confusion si les produits sont proposés dans des contextes proches, voire identiques, et s’adressent à un même public.

 

L’arrêt KINGSMAN : un tournant clé

3.1 Présentation de l’affaire

Dans l’affaire KINGSMAN (R 1426/2024-5), le requérant cherchait à enregistrer une marque pour des bières non alcoolisées en classe 32, alors qu’une marque antérieure identique existait pour des boissons alcoolisées (classe 33) telles que du whisky, de la vodka ou du gin.

3.2 Analyse des risques de confusion

La Cinquième Chambre d’appel (BoA) de l’EUIPO a confirmé qu’un risque de confusion existe entre boissons alcoolisées (comme le gin) et les bières sans alcool.

Plusieurs facteurs expliquent cette décision :

  • Ces produits s’adressent souvent au même consommateur, dans des situations sociales similaires (bars, restaurants, supermarchés).
  • Ils circulent dans des canaux de distribution et points de vente communs.
  • Le consommateur perçoit avant tout une « boisson », indépendamment du taux d’alcool, ce qui peut mener à une confusion sur l’origine ou la provenance commerciale.

3.3 Conséquences pratiques

Cette décision impose une vigilance renforcée pour les marques dans ce secteur :

  • Une marque pour une boisson non alcoolisée peut être contestée en raison d’une marque pour une boisson alcoolisée proche, et vice versa.
  • Les boissons désalcoolisées (comme les vins désalcoolisés) sont également considérées comme proches des boissons alcoolisées dans cette analyse.

Comprendre la perception du consommateur et le contexte commercial

4.1 Points de vente et modes de consommation

Les boissons alcoolisées et non alcoolisées sont souvent vendues côte à côte dans les mêmes lieux : supermarchés, bars, restaurants, et sur des canaux identiques, ce qui accentue le risque que le consommateur puisse confondre des marques proches.

4.2 Le rôle de l’alcool dans la perception

Même si le consommateur sait reconnaître la différence d’alcool, l’interprétation du droit des marques prend en compte l’impression globale et le contexte commercial, qui peuvent facilement atténuer cette distinction. Le consommateur moyen n’a pas nécessairement une expertise pointue et s’appuie sur la ressemblance visuelle et sonore des marques ainsi que le contexte d’achat.

 

Conseils pratiques pour protéger efficacement votre marque

5.1 Dépôt et choix des classes

Pour sécuriser une marque dans le secteur des boissons, il est recommandé de déposer la marque dans les classes 32 et 33. Cette double protection est essentielle pour couvrir à la fois les boissons alcoolisées et non alcoolisées, notamment dans un marché où les gammes de produits évoluent souvent.

5.2 Surveillance et actions de renforcement

Une surveillance active est indispensable pour détecter rapidement tout dépôt ou usage de marques similaires dans des classes connexes. Cela permet d’agir efficacement en cas de risque de confusion ou d’atteinte aux droits.

 

Conclusion : anticiper et maîtriser les risques de confusion

L’évolution du marché des boissons, avec la popularité croissante des alternatives sans alcool, modifie profondément les critères d’appréciation du risque de confusion en droit des marques. La décision KINGSMAN marque un tournant en reconnaissant un risque réel entre marques couvrant boissons alcoolisées et non alcoolisées.

Pour les titulaires et demandeurs de marques, une approche stratégique, anticipative et globale est la clé pour protéger efficacement leur image et leurs droits.

 

FAQ

Une marque pour bière sans alcool peut-elle être contestée par une marque de vin ?

Oui, la jurisprudence récente confirme un risque de confusion, en particulier si les marques sont proches et les produits vendus dans des contextes similaires.

La différence d’alcoolémie suffit-elle à éviter la confusion ?

Non, la distinction de teneur en alcool n’exclut pas automatiquement le risque.

Comment le consommateur perçoit-il les différences entre boissons alcoolisées et non alcoolisées dans le cadre d’une appréciation de risque de confusion ?

Le consommateur moyen est souvent influencé par l’impression globale, qui inclut la ressemblance visuelle, phonétique des marques et le contexte commercial. Même s’il est conscient de la différence entre boissons alcoolisées et sans alcool, cette distinction peut être atténuée dans un environnement de vente où ces produits coexistent, ce qui augmente le risque de confusion.

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Peut-on protéger juridiquement une intelligence artificielle en tant que logiciel ?

L’intelligence artificielle (IA) constitue une révolution industrielle et juridique. Utilisée comme moteur d’innovation dans les logiciels, elle soulève une interrogation centrale : peut-on protéger une IA en tant que logiciel au sens du droit positif ? Pour y répondre, il convient d’examiner les régimes applicables, notamment en droit d’auteur, droit des brevets, et les protections complémentaires, à la lumière de la législation actuelle, notamment le Règlement (UE) 2024/1689 sur l’intelligence artificielle, dit IA Act.

Protection par le droit d’auteur

Conditions d’éligibilité

En droit français, les logiciels sont protégés par le droit d’auteur en vertu de l’article L.112-2 13° du Code de la propriété intellectuelle (CPI). Cette protection s’applique aux programmes originaux, définis comme ceux qui portent « l’empreinte de la personnalité de leur auteur » (CJUE, C-5/08, Infopaq). La protection s’applique dès la création, sans dépôt, sous réserve de preuve.

Limites de la protection

Les algorithmes, méthodes de calcul et modèles mathématiques, en tant que tels, sont exclus du champ du droit d’auteur selon l’article L.611-10 CPI. En outre, une IA générant une œuvre sans intervention humaine ne peut, à ce jour, être considérée comme titulaire de droits, faute de personnalité juridique.

Protection par le droit des brevets

Critères de brevetabilité

En application de l’article L.611-10 CPI et de l’article 52 de la Convention sur le brevet européen (CBE), les logiciels « en tant que tels » ne sont pas brevetables. Toutefois, si le programme d’IA produit un effet technique supplémentaire, il peut faire l’objet d’un brevet d’invention, à condition de respecter les critères de nouveauté, d’activité inventive et d’applicabilité industrielle.

Spécificités des IA génératives

Les IA dites « génératives » (par ex. : générateurs d’images, de code ou de textes) posent des difficultés accrues. Elles peuvent être brevetées si elles résolvent un problème technique concret (décision G 1/19 de l’OEB). En revanche, les modèles abstraits ou purement algorithmiques sont exclus de la protection.

Autres formes de protection

Secret des affaires

La loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 sur la protection du secret des affaires, protège les informations confidentielles présentant une valeur économique. Cela inclut notamment les datasets d’entraînement, les paramètres de modèle, ou les architectures propriétaires, dès lors que des mesures raisonnables de protection sont mises en place (clause de confidentialité, restriction d’accès, etc.).

Protection des bases de données

Conformément à l’article L.341-1 CPI, une base de données est protégée par un droit sui generis si sa constitution représente un investissement substantiel. Cela peut inclure les bases d’entraînement de l’IA. Toutefois, les données individuelles non originales restent en dehors du champ de protection.

Risques juridiques liés à l’utilisation de l’IA

Le recours à une IA dans le développement logiciel peut générer des violations de licences open source, des reprises involontaires d’œuvres protégées, ou des atteintes aux droits moraux. Le code généré doit être vérifié pour s’assurer qu’il ne constitue pas une œuvre dérivée non autorisée. Le non-respect des obligations du fournisseur définies aux articles 16 à 29 de l’IA Act peut également engager sa responsabilité civile et administrative.

Conclusion

La protection juridique d’une intelligence artificielle comme logiciel repose sur plusieurs régimes : droit d’auteur (avec création humaine), brevets (pour l’innovation technique), secret des affaires et bases de données. Le règlement AI Act encadre l’usage des IA sans leur reconnaître de droits propres, imposant la responsabilité aux opérateurs humains. La protection dépend donc de la contribution humaine dans la création et l’exploitation.

FAQ

1. Les algorithmes d'IA sont-ils brevetables ?

Non pas en tant que tels. Oui s’ils produisent un effet technique.

2. Comment protéger les données d'entraînement d'une IA ?

Par le secret des affaires et éventuellement par le droit sui generis sur les bases de données.

3. Le code généré par une IA est-il protégé ?

Oui, si une intervention humaine originale est démontrée. Sinon, il n’est pas protégé.

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Mesures d’instruction et accès aux données d’identification sur Internet : cadre juridique et obstacles pratiques

L’essor des plateformes numériques a renforcé le rôle central des données d’identification dans l’exercice des droits. Pourtant, l’accès à ces données demeure sévèrement restreint par un cadre juridique fragmenté, souvent défavorable aux victimes. En pratique, les personnes lésées par des délits civils sont privées de tout recours effectif, tandis que seules les infractions pénales graves peuvent justifier une levée de l’anonymat.

I – Mécanismes juridiques d’accès aux données d’identification

Les mesures d’instruction en matière civile (article 145 CPC)

Avant toute action en justice, les victimes peuvent solliciter la communication de données en s’appuyant sur l’article 145 du Code de procédure civile. Le juge peut alors ordonner toute mesure d’instruction légalement admissible, y compris l’identification de l’auteur d’agissements anonymes en ligne. Toutefois, cet accès est limité par l’article L. 34-1 du Code des postes et des communications électroniques (CPCE), qui interdit la communication de données de connexion (comme les adresses IP) en dehors d’une procédure pénale.

Ce verrouillage a instauré un régime d’impunité civile de facto pour les délits en ligne, même dans les cas documentés d’usurpation d’identité ou d’atteinte à la réputation.

Les mesures pénales et le critère de gravité

À l’inverse, le CPCE autorise la conservation et la communication de données d’identification dans le cadre d’enquêtes pénales. Il s’agit notamment :

  • des informations relatives à l’abonné,
  • des données d’inscription au service,
  • des informations liées aux moyens de paiement.

Cependant, l’accès aux données techniques (adresse IP et port source) n’est possible que pour les infractions pénales qualifiées de “graves”, conformément à l’article L. 34-1, II bis, 3° du CPCE. Ce critère subjectif engendre des incertitudes d’interprétation majeures, comme en atteste la jurisprudence récente.

II – Typologie des stratégies d’anonymisation en ligne

L’identification des auteurs d’infractions numériques repose sur une gradation de complexité :

  1. Usage de l’identité réelle : facilement traçable, mais rare.
  2. Pseudonyme avec vraies données déclarées : suppose la coopération de la plateforme.
  3. Pseudonyme et fausses données : nécessite l’adresse IP pour croiser les données avec celles du fournisseur d’accès.
  4. Anonymisation avancée (VPN, TOR) : rend l’identification techniquement improbable sans surveillance en temps réel ou collecte du port source.

L’adresse IP est souvent le seul levier technique disponible pour remonter à l’auteur. Or, c’est précisément cette donnée qui est la moins accessible dans le cadre civil.

III – Analyse jurisprudentielle : l’affaire Meta et l’affaire Telegram

L’affaire Meta : usurpation d’identité d’un maire (CA Paris, 10 sept. 2024, n° 23/16504)

Un maire victime d’usurpation sur Facebook a saisi le juge civil pour obtenir l’identité des administrateurs des faux comptes. La cour d’appel a partiellement fait droit à sa demande, refusant toutefois la communication des adresses IP, au motif que l’infraction ne présentait pas un degré de gravité suffisant.

Meta a soutenu ne pas détenir certaines données, s’appuyant sur l’article 8 du décret de 2021, ce qui met en évidence la faiblesse des obligations de conservation. L’arrêt illustre l’inefficacité des mesures d’instruction civiles, en particulier quand les données déclaratives sont inexactes et les IP inaccessibles.

L’affaire Telegram : tentative de chantage numérique (TJ Paris, 12 nov. 2024, n° 24/57625)

Dans cette affaire, un escroc a exigé 10 millions d’euros en échange de données volées. Le juge a ordonné la communication intégrale des données d’identification, y compris les adresses IP, sans même caractériser expressément la gravité de l’infraction.

Le tribunal a ainsi rappelé que les opérateurs sont tenus par la LCEN de conserver les données techniques, rejetant la lecture permissive du décret de 2021. Cette décision met en lumière la disparité des approches judiciaires, source d’insécurité juridique pour les victimes.

IV – Insécurité juridique et difficultés d’exécution

Tandis que la LCEN (article 6, V) impose clairement la conservation des données aux hébergeurs et FAI, certaines plateformes comme Meta interprètent le décret de 2021 comme rendant cette obligation facultative. Cette lecture affaiblit les mécanismes de recours et fait reposer la charge de la preuve sur les victimes, souvent privées d’accès aux informations essentielles.

En l’état actuel du droit, une victime ne peut même pas prouver l’usage frauduleux de ses propres données si elle ne peut obtenir l’adresse IP ayant permis l’accès ou la manipulation.

Conclusion et recommandations stratégiques

L’accès aux données d’identification en ligne est structurellement déséquilibré, privilégiant l’anonymat des auteurs au détriment des droits des victimes. Le cadre actuel, fragmenté et imprécis, compromet le droit fondamental à un recours effectif.

Une clarification législative est indispensable, notamment sur :

  • le renforcement des obligations de collecte pour les plateformes,
  • l’harmonisation entre le CPCE, la LCEN et le décret de 2021,
  • la reconnaissance explicite du droit des victimes à obtenir des données techniques en cas d’atteinte démontrée.

Le cabinet Dreyfus assiste ses clients dans les procédures d’accès aux données d’identification, les signalements pénaux et les actions contentieuses contre les intermédiaires numériques.

Le cabinet Dreyfus est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

Nathalie Dreyfus

 

FAQ

1. Puis-je obtenir l’identité d’un utilisateur pseudonyme qui m’a diffamé ?

Uniquement dans le cadre d’une procédure pénale portant sur une infraction grave. Une action civile ne suffit pas.

2. Une adresse IP suffit-elle à identifier un auteur ?

Souvent oui, sauf si elle est masquée par des outils comme un VPN ou TOR.

3. Les plateformes ont-elles une obligation légale de conserver les données ?

Oui, selon la LCEN. Mais l’application de cette obligation reste aléatoire et controversée.

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Les brevets et la question de l’inventeur IA : quelles perspectives après les décisions récentes ?

L’essor fulgurant de l’intelligence artificielle (IA) transforme profondément le paysage de l’innovation. Des systèmes d’IA sont désormais capables de générer des inventions originales, posant ainsi la question cruciale : une IA peut-elle être reconnue comme inventeur au sens du droit des brevets ? Les récentes décisions judiciaires et les débats en cours mettent en lumière les tensions entre les avancées technologiques et les cadres juridiques existants.

Cadre juridique actuel : l’inventeur ou l’auteur doit-il être humain ?

  1. L’affaire DABUS : quand l’intelligence artificielle réclame un droit d’inventer

L’affaire DABUS est bien plus qu’un simple litige juridique : elle cristallise les tensions entre innovation technologique et droit positif. Pour rappel, DABUS (acronyme de Device for the Autonomous Bootstrapping of Unified Sentience) est un système d’intelligence artificielle mis au point par le Dr Stephen Thaler. Ce dernier a soutenu que deux inventions, un récipient alimentaire à structure fractale et un dispositif de signalisation lumineux, avaient été créées sans aucune intervention humaine inventive. Il a donc demandé à ce que DABUS soit désigné comme inventeur unique dans ses dépôts de brevets à travers le monde.

Les offices de brevets concernés au Royaume-Uni, aux États-Unis, à l’Office européen des brevets (OEB), en Australie et en Allemagne ont opposé une fin de non-recevoir. Dans tous ces systèmes juridiques, seul un être humain peut être légalement reconnu comme inventeur.

La Cour suprême britannique s’est appuyée sur le Patents Act 1977, qui exige expressément que l’inventeur soit une « personne naturelle ».

L’OEB s’est prononcé dans les affaires J 0008/20 et J 0009/20 (décisions du 21 décembre 2021). Si l’article 81 CBE impose bien de désigner un inventeur, la lecture combinée de cet article avec l’article 60(1) CBE a conduit l’OEB à conclure que seule une personne physique peut être désignée comme telle. L’Office a notamment souligné qu’une IA ne peut ni détenir de droits, ni les transmettre, condition pourtant essentielle à l’attribution d’un droit de brevet. En somme, l’IA n’a pas la capacité juridique pour être investie de la qualité d’inventeur au sens de la Convention sur le brevet européen.

Enfin, la Cour d’appel fédérale américaine, dans l’arrêt Thaler v. Vidal (2022), a jugé que le terme « individual » employé dans le droit américain ne peut concerner qu’une personne physique.

Un seul pays a, à ce jour, fait exception : l’Afrique du Sud. En 2021, son autorité compétente, la Companies and Intellectual Property Commission (CIPC), a accepté un brevet désignant l’IA comme inventeur. Cependant ce cas reste marginal car le système sud-africain repose sur un modèle purement déclaratif, sans examen de fond des conditions de brevetabilité. En d’autres termes, cette reconnaissance ne fait pas autorité au niveau international.

  1. L’auteur d’une œuvre peut-il être une IA ? La justice américaine tranche sans détour

La question de la paternité humaine se pose aussi en droit d’auteur, notamment depuis que le Dr Thaler a tenté d’enregistrer une œuvre générée par sa machine, intitulée A Recent Entrance to Paradise. Une fois de plus, il désignait l’IA comme auteur exclusif.

La Cour d’appel du District of Columbia a tranché en mars 2025 dans l’arrêt Thaler v. Perlmutter. La réponse est sans ambiguïté : une machine ne peut pas être titulaire de droits d’auteur.

Selon la Cour, le Copyright Act ne définit pas le terme « auteur », mais tout dans son esprit indique qu’il s’agit d’une personne humaine : capable d’intention, de choix, de relations familiales, et dotée de droits exclusifs dès la création.

Elle souligne aussi que l’IA est un outil, non un sujet de droit. Ce n’est pas la machine qui crée, mais l’humain qui la programme ou l’utilise.

Par ailleurs, le Copyright Office américain maintient depuis toujours une exigence de paternité humaine pour l’enregistrement des œuvres. Cette position est cohérente avec toute l’histoire du droit d’auteur moderne.

  1. Et en France ? Une approche fondée sur l’originalité humaine

En droit français comme en droit européen, la protection d’une œuvre repose sur son originalité, entendue comme l’expression de la personnalité de son auteur.
Selon la jurisprudence constante de la CJUE (Infopaq, Painer, Funke Medien), une œuvre ne peut être protégée que si son auteur a effectué des choix libres et créatifs, révélant sa sensibilité.

Or, une IA n’a ni personnalité juridique, ni esprit créatif, ni intention. Elle ne fait qu’exécuter des algorithmes, aussi sophistiqués soient-ils.

Par conséquent, ni en France, ni dans l’Union européenne, une œuvre entièrement générée par une IA ne peut aujourd’hui bénéficier de la protection par le droit d’auteur.

  1. Vers une évolution du droit ?

Cette affaire montre que le principe de paternité humaine reste un pilier du droit de la propriété intellectuelle. Bien que certains appellent à une réforme pour reconnaître un rôle autonome de l’IA dans le processus créatif, la plupart des systèmes juridiques préfèrent maintenir une vision personnaliste de la création.

Cela ne signifie pas que les exploitants d’œuvres générées par IA sont sans recours. Le droit de la concurrence déloyale, la protection contractuelle, voire certaines formes de responsabilité civile, peuvent offrir une sécurité juridique. Il faudra une initiative législative claire, et non une interprétation judiciaire, pour faire évoluer le cadre actuel.

Enjeux juridiques et économiques

Défis pour la protection des innovations générées par l’IA

L’incapacité à reconnaître l’IA comme inventeur soulève des défis majeurs pour la protection des innovations. Les entreprises investissant massivement dans des systèmes d’IA capables de générer des inventions originales se retrouvent confrontées à un vide juridique. Sans possibilité de brevet, ces innovations risquent de ne pas être protégées efficacement, exposant les entreprises à des risques de copie et de perte d’avantage concurrentiel.

Cette situation pourrait également freiner les investissements dans la recherche et le développement de l’IA, les entreprises étant réticentes à investir dans des technologies dont les résultats ne peuvent être protégés par des droits de propriété intellectuelle.

Conséquences pour les entreprises et les investisseurs

L’incertitude juridique entourant la reconnaissance de l’IA comme inventeur peut avoir des répercussions économiques significatives. Les entreprises pourraient être dissuadées de commercialiser des produits issus d’inventions générées par l’IA, craignant des litiges ou une absence de protection juridique. De plus, les investisseurs pourraient hésiter à financer des projets d’IA innovants en raison du manque de clarté sur la protection des résultats.

Perspectives d’évolution du droit des brevets

Vers une reconnaissance de l’IA comme co-inventeur ?

Face à ces défis, certains experts suggèrent une évolution du droit des brevets pour permettre la reconnaissance de l’IA comme co-inventeur, aux côtés d’un inventeur humain. Cette approche reconnaîtrait le rôle actif de l’IA dans le processus inventif tout en maintenant une responsabilité humaine. Une telle évolution nécessiterait une révision des textes législatifs et une harmonisation internationale des pratiques.

Adaptation des systèmes juridiques et pratiques professionnelles

Les systèmes juridiques pourraient également s’adapter en développant des mécanismes spécifiques pour les inventions générées par l’IA. Par exemple, des régimes de protection sui generis pourraient être envisagés, offrant une protection adaptée aux caractéristiques uniques de ces inventions. Parallèlement, les professionnels de la propriété intellectuelle devront adapter leurs pratiques pour évaluer et protéger efficacement les innovations issues de l’IA.

Conclusion

La question de la reconnaissance de l’IA comme inventeur dans le droit des brevets demeure complexe et sujette à débat. Les décisions récentes confirment la nécessité d’une personne humaine en tant qu’inventeur, mais les avancées technologiques pressent les législateurs à reconsidérer cette position. Une adaptation du cadre juridique semble inévitable pour accompagner l’évolution de l’innovation et garantir une protection adéquate des inventions générées par l’IA.

Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne les entreprises du secteur alimentaire en offrant des conseils spécialisés en propriété intellectuelle et en réglementation, afin de garantir leur conformité avec les législations nationales et européennes.

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FAQ

1. Une IA peut-elle être reconnue comme inventeur dans une demande de brevet ?

Actuellement, la majorité des juridictions exigent qu’un inventeur soit une personne humaine.

2. Quelles sont les implications pour les entreprises utilisant l’IA pour innover ?

Les entreprises peuvent rencontrer des difficultés à protéger juridiquement les inventions générées par l’IA, ce qui peut affecter leur stratégie d’innovation et d’investissement.

3. Existe-t-il des exceptions à cette règle ?

À ce jour, seule l’Afrique du Sud a accepté une demande de brevet désignant une IA comme inventeur, mais cette décision reste isolée et sans examen substantiel.

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Preuves d’usage et motivation des décisions de l’EUIPO : les apports de l’arrêt TUE T-118/24 du 5 mars 2025

L’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne constitue une exigence fondamentale pour le maintien des droits conférés par son enregistrement. À travers l’arrêt rendu le 5 mars 2025 dans l’affaire T-118/24, le Tribunal de l’Union européenne (TUE) précise à nouveau les contours de cette notion ainsi que la portée de l’obligation de motivation pesant sur l’EUIPO. Cet article expose les fondements juridiques et les implications pratiques de cette décision pour les titulaires de marques et les professionnels du droit des marques.

L’usage sérieux d’une marque de l’Union : cadre et enjeux

Le droit sur une marque de l’Union européenne (MUE), prévu par le règlement (UE) 2017/1001, repose sur un principe fondamental : l’usage. Passé un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, une marque qui n’a pas été utilisée de manière sérieuse pour les produits ou services enregistrés peut faire l’objet d’une déchéance (art. 58, §1, a)).

Un usage est considéré comme sérieux lorsqu’il est effectif, réel, et conforme aux pratiques du marché. Il ne doit pas être purement symbolique ou destiné uniquement à contourner les règles. Même un usage limité peut être jugé sérieux s’il est cohérent avec la nature du marché d’après la jurisprudence Sunrider/OHMI (CJUE, C-416/04).

Les preuves admissibles sont variées :

  • Factures et bons de commande,
  • Supports publicitaires,
  • Captures de réseaux sociaux ou sites web,
  • Documents montrant l’apposition de la marque sur les produits ou leur conditionnement.

L’usage doit intervenir dans l’Union et concerner les produits et services effectivement enregistrés.

 

  1. L’obligation de motivation des décisions de l’EUIPO

Selon l’article 94 du règlement (UE) 2017/1001, l’EUIPO doit motiver ses décisions de manière claire, complète et compréhensible. Cette exigence vise à :

  • Permettre aux parties de comprendre la décision,
  • Garantir au juge de l’Union un contrôle effectif de la légalité de l’acte.

Un défaut de motivation peut entraîner l’annulation d’une décision, notamment si la chambre des recours omet d’analyser un argument pertinent ou de justifier ses conclusions sur les preuves versées au dossier.

 

L’arrêt TUE 5 mars 2025, aff. T-118/24 : faits et portée

Dans cette affaire, une demande en déchéance est formée contre une MUE enregistrée en classe 14 (bijoux). L’EUIPO rejette la demande en partie, considérant que l’usage sérieux est démontré pour certains produits. La requérante forme alors un recours devant le TUE, invoquant deux griefs :

  • L’absence d’usage sérieux (qualité des preuves contestée),
  • Le défaut de motivation de la décision de l’EUIPO.

La preuve de l’usage

Le TUE confirme la position de l’EUIPO. L’usage sérieux est démontré par :

  • 112 factures, dont 64 portant sur des bijoux,
  • Des captures d’écran de publicités sur Facebook, YouTube et Twitter,
  • Une présentation commerciale sur le site web de la titulaire.

Même en l’absence d’apposition physique de la marque sur les produits, ces éléments sont jugés suffisants pour établir un lien entre la marque et la commercialisation.

Le Tribunal rappelle aussi que le volume de ventes doit être apprécié dans son contexte économique. La faible quantité peut être justifiée si les produits sont coûteux ou de niche.

L’usage à l’export

S’agissant des ventes hors UE, le TUE rappelle que l’article 18, §1, b) impose une exigence stricte. En effet, la marque doit apparaître sur les produits ou leur conditionnement pour valider un usage uniquement à des fins d’exportation.

Toutefois, en l’espèce, la majorité des preuves concernait le territoire de l’Union. Le défaut d’examen de cette exigence par l’EUIPO n’a donc pas entaché la légalité de la décision.

Le défaut de motivation

La requérante reprochait à l’EUIPO de ne pas avoir motivé :

  • L’interprétation des preuves relatives à l’exportation,
  • Le rejet implicite de son argument sur les services de vente au détail, prétendument visés par l’usage.

Le TUE écarte ces griefs :

  • L’argument relatif à la classe 35 n’a pas été soulevé devant l’EUIPO, et ne peut donc être invoqué pour contester la motivation.
  • Même à supposer une insuffisance de motivation sur certains aspects, celle-ci serait sans incidence, dès lors que l’usage sur le territoire de l’Union est amplement démontré.

 

Enseignements pratiques pour les titulaires de marques

L’arrêt T-118/24 illustre parfaitement les exigences actuelles en matière d’usage de marque au sein de l’Union :

  • Documenter en amont toute activité commerciale : des factures, des publicités, des captures d’écrans peuvent constituer un faisceau probant.
  • Penser à la portée géographique : l’usage dans l’UE doit être identifiable et localisable.
  • Adapter la stratégie probatoire à la nature du marché : pour des produits de luxe ou à forte valeur unitaire, un volume de ventes limité peut suffire à démontrer un usage sérieux.

Par ailleurs, l’arrêt est un signal fort adressé à l’EUIPO. Effectivement, chaque décision doit être rigoureusement motivée, notamment sur l’appréciation des preuves.

Conclusion

L’affaire T-118/24 renforce la jurisprudence européenne sur deux axes essentiels : l’interprétation exigeante de l’usage sérieux, et la nécessité d’une motivation transparente des décisions de l’EUIPO. Pour les titulaires de marques, cet arrêt rappelle l’importance d’anticiper les actions en déchéance par une gestion rigoureuse des preuves d’usage. Pour les praticiens, il souligne la valeur contentieuse d’un défaut de motivation, même si celui-ci ne suffit pas toujours à renverser une décision.

 

À retenir : Pour préserver ses droits, un titulaire de MUE doit démontrer un usage sérieux conforme à la réalité économique. En parallèle, toute décision de l’EUIPO doit être suffisamment motivée pour satisfaire aux exigences du droit à un recours effectif.

 

Le cabinet Dreyfus & associés assiste ses clients dans la préparation de preuves d’usage pertinentes, ainsi que dans la gestion des procédures devant l’EUIPO et les juridictions européennes. Fort d’une pratique approfondie du droit des marques, le cabinet intervient à chaque étape pour sécuriser les droits de propriété industrielle et anticiper les risques contentieux.

Le cabinet Dreyfus & Associés est en partenariat avec un réseau mondial d’avocats spécialisés en Propriété Intellectuelle.

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FAQ

1. Qu’est-ce qu’un usage sérieux d’une marque de l’Union européenne ?

Il s’agit d’un usage réel, effectif et régulier de la marque, en cohérence avec les pratiques du marché concerné. L’usage doit viser à créer ou maintenir une part de marché pour les produits ou services enregistrés.

2. Quels types de preuves sont recevables devant l’EUIPO ?

Les preuves peuvent inclure des factures, des bons de commande, des campagnes publicitaires, des captures de sites web ou de réseaux sociaux, ainsi que toute documentation établissant un lien entre la marque et sa commercialisation dans l’Union européenne.

3. Faut-il prouver l’usage dans plusieurs pays de l’Union ?

Non. L’usage dans un seul État membre peut suffire, à condition qu’il ne soit pas purement symbolique ou marginal au regard des marchés visés.

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Cession de parts en copropriété de brevet ou de marque : l’accord de l’autre copropriétaire est-il nécessaire ?

La copropriété d’un brevet ou d’une marque est fréquente en cas de collaboration entre inventeurs, partenaires industriels ou associés d’une start-up. Cette configuration juridique demeure particulièrement délicate, en particulier lorsque l’un des titulaires procède à la cession de sa quote-part sans notification préalable à l’autre copropriétaire.

La jurisprudence récente rendue par le tribunal judiciaire de Paris le 7 février 2025 éclaire les obligations qui pèsent sur les copropriétaires en matière de cession de droits, en rappelant l’importance du formalisme et du respect des règles de notification. Cet article en expose les implications pratiques et stratégiques pour les titulaires de droits.

Cadre juridique de la copropriété en propriété intellectuelle

La copropriété de brevet : règles de cession strictes

L’article L. 613-29 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) dispose qu’un copropriétaire de brevet peut céder sa quote-part à tout moment. Toutefois, les autres copropriétaires disposent d’un droit de préemption de trois mois, qui ne peut être exercé qu’à condition d’avoir été préalablement notifiés par acte extrajudiciaire.

Cette obligation, reprise à l’article 815-14 du Code civil, impose de transmettre les informations essentielles : prix, conditions de cession, et identité de l’acquéreur.

La copropriété de marque : un régime moins explicite mais contraignant

Bien que la copropriété de marque soit moins formellement encadrée, elle est reconnue par l’article L. 712-1 CPI. En l’absence d’accord entre copropriétaires, la cession d’une part sans notification ou accord préalable est considérée comme fautive, surtout si elle prive l’autre copropriétaire de ses droits patrimoniaux ou d’une chance d’en tirer revenu.

L’affaire « Ares Trailer » (TJ Paris, 7 février 2025)

Contexte et faits principaux

Dans l’affaire jugée le 7 février 2025 (TJ Paris, RG n° 21/07225), deux inventeurs étaient copropriétaires d’un brevet, d’un modèle et d’une marque (« Ares Trailer »). L’un d’eux a cédé l’ensemble des droits à une société tierce, sans notifier son co-titulaire. En outre, les actes de cession en cause étaient affectés d’une irrégularité substantielle, en l’occurrence une falsification de signature.

Enseignements tirés de la décision

Le tribunal a annulé les cessions pour défaut de consentement et rappelé que même une cession de quote-part licite ne pouvait intervenir sans notification préalable. Toutefois, la société cessionnaire a été protégée en raison de sa bonne foi, sur le fondement de la théorie de l’apparence. En revanche, le cédant fautif a été condamné à verser 17 500 € de dommages-intérêts à son co-inventeur pour préjudice moral et économique.

Les risques d’une cession unilatérale sans notification

Le non-respect des obligations de notification dans le cadre d’une copropriété de brevet ou de marque peut entraîner :

  • L’annulation de la cession (en cas de défaut de consentement ou de faux)
  • Une action en responsabilité du copropriétaire lésé
  • Une perte de revenus ou d’opportunités économiques
  • Des litiges longs, coûteux et publics

Bien que l’acquéreur puisse bénéficier d’une protection en raison de sa bonne foi, le cédant n’en demeure pas moins juridiquement responsable.

Bonnes pratiques pour gérer la copropriété de droits IP

Nous recommandons aux copropriétaires d’adopter les mesures suivantes :

  • Notifier formellement tout projet de cession ou de licence à l’autre copropriétaire
  • Rédiger une convention de copropriété définissant les règles de gestion, d’exploitation et de cession
  • Vérifier la continuité des transmissions de droits en cas d’acquisition d’un titre détenu en copropriété
  • Solliciter un accompagnement juridique dès qu’un changement de situation est envisagé

Conclusion

La copropriété d’un brevet ou d’une marque exige une vigilance constante. En l’absence de notification ou d’accord entre co-titulaires, la cession d’une part, même partielle, peut entraîner la nullité de l’opération et des condamnations pour le cédant. L’affaire « Ares Trailer » rappelle avec force l’importance d’une gestion rigoureuse, transparente et anticipée des droits de propriété intellectuelle partagés.

Le cabinet Dreyfus et Associés accompagne les entreprises du secteur alimentaire en offrant des conseils spécialisés en propriété intellectuelle et en réglementation, afin de garantir leur conformité avec les législations nationales et européennes.

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FAQ

1. Qu’est-ce qu’une quote-part dans un brevet ou une marque ?

La quote-part correspond à la part de propriété que détient un titulaire sur un droit de propriété intellectuelle lorsqu’il est partagé avec d’autres personnes. Chaque copropriétaire possède un pourcentage du droit (par exemple 50 %), qui lui confère certains droits et obligations, notamment en matière d’exploitation ou de cession.

2. Peut-on céder sa quote-part d’un brevet sans l’accord de l’autre copropriétaire ?

Non. Il faut notifier formellement l’autre copropriétaire, qui dispose d’un droit de préemption.

3. Que risque-t-on en cas de cession sans notification ?

L’annulation de la cession, la condamnation à des dommages-intérêts et un contentieux coûteux.

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