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Récupération d’un nom de domaine : choix entre procédure judiciaire ou extrajudiciaire ?

Le titulaire de marque qui souhaite agir contre le réservataire d’un nom de domaine peut agir par la voie judiciaire ou par le biais d’une procédure extrajudiciaire. Parmi ces voies extrajudiciaires figure la procédure UDRP.

La procédure UDRP est une procédure de règlement des litiges entre une marque et un nom de domaine. Elle est peu couteuse et rapide.

Dans le cadre de cette procédure, 3 conditions doivent être réunies pour obtenir le transfert du nom :

–          « le nom de domaine enregistré par le détenteur est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant (la personne physique ou morale qui dépose la plainte) a des droits ;

–          le détenteur du nom de domaine n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache;

–          le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi ».

La SNCF a récemment choisi le terrain judiciaire pour requérir un transfert de nom de domaine contenant sa marque.

Un ancien stagiaire de la SNCF avait enregistré, moins de quatre mois après la fin de son stage, les noms de domaine <sncfusa.com> et <eurotgv.org>. La SNCF, après tentative d’un règlement amiable, l’a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.

La SNCF demandait entre autres le transfert du nom de domaine <sncfusa.com>.

Le TGI de Paris accueille ses demandes dans un jugement du 29 octobre 2010 et ordonne le transfert du nom de domaine <sncfusa.com>. Il condamne en outre le réservataire à 20 000 euros de dommages-intérêts pour contrefaçon, pratique commerciale trompeuse et atteinte au nom de domaine.

Une procédure judiciaire permet notamment d’obtenir des dommages-intérêts, ce qui n’est pas le cas d’une procédure UDRP.

Toutefois, le choix entre procédure judiciaire ou extrajudiciaire est complexe et dépend des cas de l’espèce. Les décisions judiciaires peuvent être difficiles à mettre en œuvre, notamment pour obtenir le transfert ou l’annulation effective d’un nom.

La procédure UDRP est très utile lorsque le réservataire du nom est situé à l’étranger. Elle est plus adaptée pour des litiges internationaux.

Elle est également plus rapide qu’une procédure judiciaire.  En outre, depuis l’arrêt Sunshine de la Cour de Cassation, le transfert d’un nom ne peut plus être ordonné en référé puisque : « le transfert de l’enregistrement du nom de domaine au bénéfice de la société Sunshine ne constituait ni une mesure conservatoire, ni une mesure de remise en état » (Cour de cassation, chambre commerciale, 9 juin 2009, 08-12.904).

Dans l’affaire présentée, le demandeur et le réservataire des noms de domaine se trouvaient en France. La procédure judiciaire trouvait donc son intérêt.

Chacune des procédures possède ses avantages et ses inconvénients. Il faut donc tenir compte du contexte du litige avant de choisir l’une ou l’autre.

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Publicité comparative de produits alimentaires : attention à ce qu’elle ne soit pas trompeuse !

« En anglais on dit hard discount, en français on dit Leclerc ».

Tel était le slogan qui accompagnait la publicité diffusée par Vierzon distribution, qui vend des produits de Leclerc. La publicité comparait les prix de produits alimentaires issus de Leclerc et de Lidl. Elle présentait 2 tickets de caisse de 34 produits des concurrents. On pouvait noter une différence de prix d’environ 11% en faveur de Leclerc.

Lidl saisit le tribunal de commerce de Bourges. Lidl estimait que la publicité en cause était illicite. Elle faisait valoir qu’elle était trompeuse. Selon elle, les produits n’étaient pas identiques. Ils ne seraient donc pas comparables à cause de leurs différences qualitatives et quantitatives.

Vierzon distribution arguait qu’il est possible de comparer des biens qui ne sont pas strictement identiques, s’ils répondent aux mêmes besoins ou ont le même objectif. Il convient qu’ils présentent un degré d’interchangeabilité suffisant. Selon Vierzon distribution, la publicité comparative était licite.

L’article 3 bis §1 de la directive du Parlement européen et du conseil 97/55/CE modifiant la directive 84/450/CEE sur la publicité  trompeuse afin d’y inclure la publicité comparative en date du 6 octobre 1997 pose 3 conditions pour que la publicité comparative soit licite :

–          Elle ne doit pas être trompeuse

–          Elle doit comparer des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif.

–          Elle doit comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des ces biens et services, dont le prix peut faire partie.

Cette disposition a été transposée en droit français à l’article L121-8 du code de la consommation.

Le tribunal de commerce de Bourges a décidé de surseoir à statuer et a saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après CJUE).

La question préjudicielle posée à la CJUE était la suivante :

«L’article 3 bis de la directive [84/450] doit-il être interprété en ce sens qu’il ne serait pas licite de procéder à une publicité comparative par les prix de produits répondant au même besoin ou ayant un même objectif, c’est-à-dire présentant entre eux un degré d’interchangeabilité suffisant, au seul motif que, s’agissant de produits alimentaires, la comestibilité de chacun de ces produits, en tout cas le plaisir qu’on a à les consommer, varie du tout au tout selon les conditions et les lieux de leur fabrication, selon les ingrédients mis en œuvre, selon l’expérience du fabricant?»

La CJUE rappelle que les conditions doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à la publicité comparative. Le législateur et le juge communautaire veulent stimuler la concurrence entre les fournisseurs de biens et de services. Ils souhaitent que la publicité comparative se développe au sein de la communauté.

La CJUE répond, dans un arrêt du 18 novembre 2010 (affaire C-159/09), qu’il est licite de comparer, sous le seul angle du prix, des produits alimentaires. Cependant, la publicité ne doit pas être trompeuse. Etait-il nécessaire de le préciser ?

D’abord, elle déclare que les produits présentent un degré d’interchangeabilité suffisant. Elle affirme, au point 39, que « la seule circonstance que les produits alimentaires diffèrent quant à leur comestibilité et quant au plaisir qu’ils procurent au consommateur, en fonction des conditions et du lieu de fabrication, de leurs ingrédients et de l’identité de leur fabricant, n’est pas de nature à exclure que la comparaison de tels produits puisse satisfaire à l’exigence édictée par ladite disposition et voulant que ceux-ci répondent aux mêmes besoins ou ayant le même objectif, c’est-à-dire qu’ils présentent entre eux un degré d’interchangeabilité suffisant ».

 

L’appréciation de l’interchangeabilité relève de la juridiction de renvoi.

Ensuite, la Cour précise que la publicité comparative sous l’angle du seul prix est possible si elle respecte certaines conditions énumérées dans la directive 97/55/CE. La publicité ne doit notamment pas être trompeuse.

On peut estimer que cette précision était inutile puisque toute publicité comparative est illicite si elle est trompeuse.

Selon l’article 2 point 2 de la directive 97/55/CE, la publicité comparative est trompeuse lorsqu’elle induit en erreur ou est susceptible d’induire en erreur son destinataire, ou lorsqu’en raison de son caractère trompeur elle est susceptible d’affecter son comportement, ou enfin lorsqu’elle porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent.

La CJUE laisse le soin au tribunal de commerce de Bourges de juger si la publicité en cause est trompeuse. Mais elle donne des pistes. Elle précise que certaines caractéristiques indiquent qu’une publicité est trompeuse.

Au point 56, elle déclare que la publicité comparative revêt un caractère trompeur lorsque « la décision d’achat d’un nombre significatif de consommateur auquel elle s’adresse est susceptible d’être prise dans la croyance erronée que la sélection de produits opérée par l’annonceur est représentative du niveau général des prix de ce dernier par rapport à celui pratiqué par son concurrent » ou « que tous les produits de l’annonceur sont moins chers que ceux de son concurrent » ou encore si les produits sélectionnés « présentent pourtant des différences de nature à conditionner de manière sensible le choix du consommateur moyen » et que ces différences ne ressortent pas de la publicité comparative.

Enfin, la CJUE se penche sur l’exigence de vérifiabilité des prix. Au point 60, elle déclare que les biens dont les prix sont comparés doivent être « individuellement et concrètement identifiés sur la base des informations contenues dans le message publicitaire ». Elle ajoute que « toute vérifiabilité des prix des biens est en effet nécessairement subordonnée à la possibilité d’identifier lesdits biens »

Le recours à la publicité comparative a été frileux dans ses débuts, Leclerc étant en 2006 le premier à se lancer en France dans une campagne nationale. Mais la publicité comparative est de plus en plus utilisée par les sociétés de grande distribution. Les enseignes concernées devront être attentives à ces critères d’appréciation du caractère trompeur de la publicité comparative. Notamment Carrefour, qui a lancé il y a un mois sa campagne de publicité comparative de 25 « produits du quotidien ».

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L’accès aux nouveaux gTLDs : la volonté de l’ICANN d’exclure les cybersquatteurs

L’ICANN  a publié ce lundi 15 novembre la version finale du guide de candidature pour les nouveaux gTLDs http://blog.dreyfus.fr/2010/11/new-gtlds-publication-de-la-version-finale-guide-du-candidat .

Certaines conditions semblent empêcher l’accès à ces extensions.

Notamment, il ne faut pas avoir été impliqué dans plus de trois procédures UDRP (dont une dans les quatre dernières années). En effet:

“ Circumstances where ICANN may deny an otherwise qualified application include…instances where applicant : k. has been involved in a pattern of decisions indicating that the applicant or individual named in the application was engaged in cybersquatting…. Three or more such decisions with one occurring in the last four years will generally be considered to constitute a pattern” (pages 17 et 19 du module I, Introduction to the gLTD application process).

Le but premier de cette disposition est d’exclure les sociétés condamnées pour cybersquatting. Des sociétés telles que la société Tucows, GoDaddy ou encore eNom/Demand Media Form (unités d’enregistrement) pourraient être visées. Ces dernières ne pourront pas prétendre enregistrer de nouvelles extensions. Il s’agit de donner une leçon aux mauvais élèves habitués de ces pratiques frauduleuses. L’ICANN a trouvé dans cette condition un moyen efficace pour tenter de lutter contre le cybersquatting.

On pourrait croire que les titulaires de marques combattant les cybersquatteurs sont concernés. Ils agissent souvent par le biais la procédure UDRP. C’est une procédure extrajudiciaire de règlement des litiges entre une marque et un nom de domaine en cas de mauvaise foi. Le titulaire d’une marque qui considère qu’un nom de domaine porte atteinte à son droit peut utiliser cette procédure. Ces sociétés pourraient-elles être exclues si trois de leurs plaintes ont été rejetées ? Cette disposition serait alors discriminante au regard des sociétés se battant activement pour protéger leurs marques.

Mais il semble que telle n’est pas l’interprétation à adopter. L’ICANN n’a en effet pas voulu écarter les titulaires de marques actifs dans la défense de leur (s) marque(s).

La condition vise les condamnations pour cybersquatting dans le cadre de ces procédures. Elle ne vise pas les rejets de plaintes dont pourraient être objet les titulaires dans le cadre de ces procédures.

Les unités d’enregistrement condamnées devront être vigilantes aux conditions d’accès à ces nouveaux gTLDs au risque de voir leur candidature refusée.

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New gTLDs : Publication de la version finale du guide du candidat

Avec 3 jour de retard, l’Icann a mis en ligne sur son site la version finale du guide du candidat pour commentaires publics (http://www.icann.org/en/topics/new-gtlds/comments-5-en.htm). La période pour commentaires publics se terminera le 10 décembre 2010, dernier jour de la conférence Icann qui se tiendra à Cartagène (Colombie).

Les principaux changements par rapport à la version 4 du guide sont les suivants :

–       Fin de la règle de séparation entre registre et unité d’enregistrement ;

–       Précisions sur les modalités pratiques de soumission des dossiers de candidature et des différentes étapes que suivra le dossier lors de son examen ;

–       Recentrage des critères d’évaluation des candidats en termes de « comportement » : seront examinés le comportement dans la vie des affaires, le passé criminel et l’implication dans des cas de cybersquatting ;

–       Mise à jour des critères d’éligibilité d’une extension candidate comportant des chiffres ;

–       Ajout de la liste de l’Unesco comme référence pour les noms géographiques de continents/régions ;

–       Ajout des organisations intergouvernementales établies par traité aux organismes autorisés à déposer une objection sur la base de droits ;

–       Modification des critères d’objections sur une base communautaire ;

–       Ajout de plusieurs recommandations du groupe de travail sur la question « moralité et ordre public » ;

–       Description du rôle du conseil d’administration de l’Icann dans le projet des new gTLDs.

Ce guide incorpore le travail de plusieurs mois ainsi que les récentes décisions du conseil d’administration de l’Icann. Pour les titulaires de droits, 2 éléments sont à retenir :

–       La suppression de la séparation registre/unité d’enregistrement facilitera les projets .marque pour lesquels le nombre de noms de domaine envisagé serait réduit ;

–       Une description de la Trademark Clearinghouse (base centralisée de marques) tant en ce qui concerne les marques qui seront prises en compte que l’utilisation qui sera faite de cette base pour défendre les droits des titulaires de marques.

Comme prévu début novembre, l’Icann avance à grands pas vers la version définitive du guide du candidat, préalable à la mise en place du calendrier définitif et au lancement officiel du programme new gTLDs. Les modalités de candidature ainsi que le cadre technique à respecter sont clairement décrits dans ce guide et devraient fournir à tout candidat potentiel des bases solides pour lancer son projet dans les meilleures conditions.

Le signal du départ est désormais proche.

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La procédure aeDRP s’applique au امارات. (dotEmarat)

Entrée en vigueur le 22 septembre 2010,  la nouvelle politique de résolution des litiges en matière de noms de domaine des Emirats Arabes Unis étend à la nouvelle extension en caractères IDN امارات. les règles déjà applicables au .ae.

Basée sur la procédure UDRP, la procédure aeDRP s’en distingue par des conditions de démonstration de la mauvaise foi du réservataire moins contraignantes ; en effet, il suffira de démontrer que l’enregistrement ou l’usage du nom de domaine a été fait de mauvaise foi, alors que la procédure UDRP impose de démontrer les deux éléments.

La procédure aeDRP sera administrée par le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI, la langue de procédure par défaut étant l’anglais.

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New gTLDs : le calendrier se précise

Le bureau de l’Icann a approuvé lors de sa dernière réunion du 28 octobre un calendrier de lancement des nouvelles extensions génériques. Les première candidatures pourraient alors être déposées dès le 30 mai 2011 !

Le calendrier s’organiserait de la manière suivante :

–       9 novembre 2010 : publication de la version finale du guide de candidature (pour commentaires publics)

–       9 décembre 2010 : fin de la période des commentaires

–       10 décembre 2010 : réunion de l’Icann à Cartagène, approbation de la version définitive du guide de candidature par le bureau de l’Icann

–       10 décembre 2010 – 10 janvier 2011 : mise à jour du guide de candidature selon les instructions données par le bureau de l’Icann

–       10 janvier 2011 : publication de la version définitive du guide de candidature

–       30 mai 2011 : acceptation des dossiers de candidature

L’Icann a donc accéléré le mouvement, estimant sans-doute que le projet s’enlisait et que les discussions sur les points d’achoppement n’aboutissaient à aucun résultat. Les points bloquants demeurent les mêmes depuis le début du projet, à savoir :

–       La protection des marques ; l’Icann semble vouloir désormais imposer 2 conditions pour accepter des marques dans la base centralisée qui sera utilisée lors des périodes de Sunrise ou lors des procédures URS : examen substantiel de la part de l’office d’enregistrement et usage. Ces critères pourraient exclure de fait de nombreuses marques.

–       La séparation registre / unité d’enregistrement : cette séparation doit-elle rester stricte comme aujourd’hui ou des participations entre registres et unité d’enregistrement peuvent-elles être acceptées, et si oui dans quelles proportions ?

–       Les critères déterminant les motifs de refus d’une extensions sur la base de la moralité et de l’ordre public.

–       La protection des noms géographiques (divergences entre le bureau de l’Icann et le GAC – Governmental Advisory Commitee)

De nombreuses questions se posent donc encore, mais le bureau de l’Icann semble désormais décidé à faire avancer le projet et à le mener à son terme rapidement.

Pour les titulaires de droits, au-delà des questions pratiques en termes de protection et de défense, se pose désormais la question d’être candidat ou non à une extensions .marque. Cette décision stratégique devra être prise avant la fin de l’année 2010 en raison des délais nécessaires à la préparation du dossier de candidature.

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Extensions pays IDN : la zone de nommage s’agrandit !

La demande de délégation du Quatar pour son extension pays en caractères arabes, طر. , a été acceptée lors de la dernière réunion du bureau de l’Icann. Cette délégation porte à 16 le nombre d’extensions déléguées, représentant 13 pays différents.

A ce jour, l’Icann a reçu 33 demandes d’extensions représentant 22 langues différentes. Les extensions déléguées à ce jour comportent de nombreux pays arabes – 10 pays sur les 19 demandes ayant satisfait les conditions administratives d’attribution d’une extension.

Le nombre d’extensions approuvées commence à devenir conséquent et devrait permettre à des internautes toujours plus nombreux d’accéder à ce moyen de communication. Nul doute que ce changement majeur aura des conséquences importantes pour les sociétés dont l’activité de e-commerce est importante.

La liste des extensions par pays est disponible sur le site de l’Icann (en anglais !) : http://www.icann.org/en/topics/idn/fast-track/string-evaluation-completion-en.htm

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La suprématie des termes de l’ordonnance du juge dans le cadre des constats d’huissier

Le jugement rendu le 10 juin 2010 est l’occasion pour le Tribunal de Grande Instance de Paris de faire certains rappels quant à la dynamique existant entre un huissier procédant à des procès-verbaux et l’ordonnance du juge l’en autorisant.

En l’espèce, la société demanderesse Neuf exerçant sous le nom commercial « Maison Martin Margiela SAS » avait intenté une action à l’encontre de la société défenderesse SARL H&M Hennes & Maurit au titre de la contrefaçon d’un blouson ayant la particularité de posséder 5 zips, et au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. La société H&M contestait notamment la validité des actes d’huissier effectués par la société Neuf et réclamait d’annulation des procès-verbaux effectués. Ce sont ces contestations qui nous intéresseront surtout, car elles donnent l’occasion au TGI de faire certains rappels quant à ces types de procès-verbaux.

La dynamique entre l’ordonnance du juge et les actes de l’huissier

En annulant les procès-verbaux de saisie-contrefaçon au motif que les huissiers instrumentaires avaient excédé les limites de leur mission,  le TGI rappelle la suprématie des termes l’ordonnance du juge, dont le contenu doit être respecté à la lettre par l’huissier.

La décision du 10 juin 2010 est un nouvel exemple d’un huissier outrepassant les limites de l’autorisation qui lui a été donnée par l’ordonnance. En effet, dans un premier temps, la société Neuf avait fait concomitamment procéder à deux saisies-contrefaçon par deux huissiers différents ; or, la simultanéité des opérations de saisie « empêchait l’un des huissiers instrumentaires d’être porteur de la minute ou de l’expédition revêtue de la formule exécutoire de l’Ordonnance et ce en contravention avec les articles 495 et 503 du Code de la procédure civile ». En outre, il ressortait des procès-verbaux que les huissiers n’avaient découvert sur les lieux des saisies aucun article argué de contrefaçon, mais qu’ils avaient recueilli des déclarations des personnes présentes sur les objets argués de contrefaçon en décrivant le blouson en cause ou en présentant le modèle argué de contrefaçon. Or, l’ordonnance n’autorisait pas l’huissier, en l’absence de découverte préalable sur les lieux de la saisie, de recueillir les déclarations spontanées des personnes présentes quant aux actes argués de contrefaçon. Le TGI a donc déclaré que les huissiers avaient excédé les limites de leur mission.

Cependant, une telle décision face aux comportements des huissiers n’est pas une révolution jurisprudentielle. La Cour d’appel de Paris avait statué similairement dans un arrêt du 7 juillet 2009  dont les faits étaient voisins. L’apport du jugement du 10 juin 2010 tient donc dans les précisions qu’il apporte sur la saisie-contrefaçon. Le TGI rappelle tout d’abord que la saisie-contrefaçon est « un moyen de preuve de la contrefaçon », avant de se tourner vers les conséquences de sa nullité.

Les conséquences de la nullité d’une saisie-contrefaçon

La jurisprudence française n’est pas unanime quant aux conséquences de la nullité d’une saisie-contrefaçon. Certains juges énoncent que la saisie-contrefaçon d’un huissier dépassant la limite de l’autorisation donnée par l’ordonnance ne constitue qu’une nullité de forme, en retenant néanmoins que l’irrégularité cause un grief (CA Paris, 7 oct. 1998 : RD prop. intell. 1999, n° 97, p. 44, 48 et 49). C’est notamment ce que la société demanderesse avançait. D’autres juges, cependant, ont déclaré que « la violation d’une des conditions définies à l’ordonnance constitue une irrégularité de fond affectant la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon, indépendamment de tout grief » (CA Paris, 7 mai 1996 : PIBD 617/1996, III, p. 454, 455). Dans la décision du 10 juin 2010, le TGI se place du côté de cette deuxième interprétation des conséquences de la nullité d’une saisie-contrefaçon, en déclarant que la contestation de sa validité « constitue non une exception de procédure […] mais un moyen de défense au fond » et que sa nullité « n’entraine pas l’extinction de la procédure ni ne la rend irrégulière mais a pour effet le rejet des prétentions du demandeur si aucun autre moyen de preuve n’est fourni aux débats ».

Le constat déguisant une saisie-descriptive

Les saisies-contrefaçon ne sont pas les seuls procès-verbaux à être annulés par le TGI, un autre acte, que le TGI redéfinit, l’est aussi.

Dans le jugement du 10 juin 2010, la société Neuf avait désiré faire procéder au constat d’achat de l’objet litigieux pour la défense de ses droits et actions. L’usage des procès-verbaux de constat répond aux nécessités de la pratique en permettant de fixer un état de fait susceptible de se modifier ou de disparaitre. Il s’agit d’un mode de preuve particulièrement courant puisque les huissiers peuvent, sans l’autorisation d’un juge, procéder à des constats d’achat. Une limite est néanmoins prévue par la loi : les huissiers doivent demeurer sur la voie publique.

En l’espèce, un employé du Conseil en Propriété Industrielle de la société Neuf s’était rendue dans un des magasins de la société H&M et en était ressortie contenant son achat, qu’elle avait remis à l’huissier qui se tenait devait le magasin. De retour à son étude, l’huissier avait effectué une description du blouson, y avait apposé un scellé et avait annexé à son procès-verbal une photographie du blouson ainsi qu’une copie du ticket de casse. Le TGI considéra que les opérations précédemment décrites avaient été effectuées aux fins d’établir l’existence d’une contrefaçon et qu’elles avaient abouti à la description détaillée du blouson litigieux. L’huissier avait par conséquent réalisé une saisie-descriptive telle que prévue par l’article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle au lieu d’un constat, mais sans respecter les règles énoncées par ledit article et surtout sans que la société Neuf n’ait obtenu l’autorisation préalable du juge. Cette requalification de l’acte effectué par l’huissier constitue une nouvelle occasion pour le TGI de réitérer la suprématie du juge et des termes de son ordonnance dans le cadre de procédures réalisées par huissier.

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Deux sénateurs américains s’attaquent à la contrefaçon sur l’Internet

Le 20 septembre 2010, les sénateurs Patrick Leahy et Orin Hatch ont déposé une proposition de loi visant à combattre les atteintes aux droits et les contrefaçons en ligne via l’Internet (« The Combating Online Infringement and Counterfeits Act »), offrant ainsi au Département de la Justice un outil de taille pour lutter contre les infractions sur l’Internet.

Comme l’explique le sénateur Leahy, « peu de choses sont plus importantes pour l’avenir de l’économie américaine que la protection des droits de la propriété intellectuelle ». Ainsi, pour tenter d’enrayer la perte de milliards de dollars et de milliers d’emplois, la proposition de loi permettrait de sanctionner des sites hébergés à la fois sur le territoire américain et à l’étranger.

–         Pour tout site hébergé aux Etats-Unis, le Département de la Justice pourra intenter une action civile à l’encontre d’un nom de domaine, en vue d’obtenir une décision judiciaire déclarant que ce dernier enfreint les droits de la propriété intellectuelle. Une fois une telle décision rendue, le Procureur Général pourra ordonner au bureau d’enregistrement le gel du nom de domaine litigieux. Parallèlement, une procédure contre le propriétaire lui-même du nom de domaine pourra être engagée.

–         Pour tout site hébergé à l’étranger, le Procureur Général pourra, à sa discrétion, s’attaquer aux tiers partenaires du site poursuivi, tels que les fournisseurs d’accès, les fournisseurs de solutions de paiement en ligne ou encore les réseaux publicitaires y diffusant leurs publicités. Ces derniers constituent des structures essentielles à la viabilité financière du site déclaré illégal. Le Procureur pourra non seulement exiger que ces tiers cessent tout contact commercial avec le site déclaré illégal, mais il pourra aussi réclamer un filtrage auprès des fournisseurs d’accès.

Rod Beckstrom, le président de l’ICANN, organisation de droit privé à but non lucratif chargée de la gestion des noms de domaine, pourrait émettre certaines réserves face à la proposition de loi. Dans son discours d’ouverture du Forum sur la gouvernance de l’Internet à Vilnius, il avait déjà mentionné les conséquences d’une telle législation en déclarant que « [s]i la gouvernance devait devenir le territoire privé d’États-nations, ou être capturée par d’autres intérêts quels qu’ils soient, nous perdrions les fondations du potentiel à long terme et de la valeur transformative d’Internet ». Considérant l’ICANN comme étant « un organisateur essentiel de l’avenir d’Internet », M. Beckstrom loue sa « forme unique de gouvernance basée sur le consensus : une perspective mondiale ; une prise de décision ascendante ; un contrôle décentralisé ; des processus transparents et inclusifs ; et une attention portée aux voix de la communauté à tous les niveaux ». Le pouvoir qu’octroierait la proposition de loi aux autorités américaines irait à l’encontre d’une telle idéologie et, par conséquent, de l’institution même de l’ICANN.

Cependant, à ce jour, la proposition de loi visant à ordonner le gel de noms de domaine est elle-même … gelée ! En raison des élections américaines de mi-mandat, son examen a été différé et ne pourra revenir devant le Congrès qu’après les élections de novembre. Une affaire qui reste donc à suivre.

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